Luchino Visconti (1906-1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Rick Blaine
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Rick Blaine »

Le Notti Bianche (Nuits Blanches - 1957)

Étrange sensation pour le premier film de Visconti que je découvre. Convaincu évidement par la plastique extraordinaire du film, le décor est splendide, certains effet bluffants (dont le brouillard dont les bonus Carlotta nous détaillent la genèse), quant à la mise en scène et la photographie, elles tutoient la perfection.
Grand film romantique, il y a quelques réserves à emmètre sur la narration du film, certaines scènes sont un peu trop étirées à mon goût (le bal) et certains éléments m'ont parus superflu, comme la conclusion de l'intrigue de la prostitué, intrigue elle même un peu à côté, comme si Visconti avait voulu casser le rythme de son film un peu maladroitement (c'est en tout cas ce que j'ai ressenti) alors que l'autre tentative du genre (les scènes à la pension) est plus savoureuse. Enfin, j'aurai préféré une fin légèrement différente, plus distante du personnage de Jean Marais (pour ne pas spoiler plus avant, je suis assez d'accord sur ce point avec ce que déclare Piero Tosi dans son interview).
Pourtant, ces défauts si ils sont perceptibles, sont emportés par l'histoire, magnifique, par les images et par la performance du trio d'acteur principal.
Commençons par Jean Marais, acteur dont je ne suis pas un grand fan, et qui s'avère absolument parfait pour le rôle. Il est le rêve, rigide distant, inaccessible, il permet de légitimer entièrement l'attitude de Natalia. Maria Schell, quant à elle en rajoute beaucoup. C'est perturbant au début, mais c'est finalement bon pour le film, c'est ce que voulait le rôle, et cela permet une identification plus grande avec les réactions de Mario.
Et puis il y a Marcello Mastroianni, l'immense, l'unique. Il trône très haut au panthéon de mes acteurs, et c'est surtout l'acteur que je "comprends" le mieux, l'interprète parfait pour le spectateur que je suis, émotionnellement, il parle mon langage. J'ai grâce à lui compris des films qui m'auraient largement échappé sinon, comme 8 1/2 (je suis d'ailleurs toujours incapable de mettre le moindre mot sur le film, sinon que j'ai compris ce que Mastroianni me disait) et j'ai grâce à lui vécu un moment bouleversant devant Le Notti Bianche. Le rôle de Mario est très beau, très réel, très terre-à-terre devant Natalia, plus rêveuse, on entre immédiatement en empathie avec lui, partageant ses joies et ses doutes, avec, au ventre, la douloureuse boule d'un épilogue inévitable. Même son final m'a convaincu, j'étais avec lui, c'était déjà gagné.

Film imparfait, mais bouleversant, voilà un choc émotionnel très fort. Peut-être un film du mois.
homerwell
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par homerwell »

J'ai vu il y a peu ce film de Visconti. Je suis d'accord avec ce que tu en dis.
Ce qui reste après quelques jours (puisque tu te poses la question sur un autre topic :wink: ), C'est ce que tu écris juste au dessus mais poussé au maximum. Ce film fonctionne non pas avec plusieurs personnages principaux, mais avec un personnage central (Mastroianni) autour duquel gravite un monde (le sien ?) magnifique mais en carton pâte. D'où l'extrême caractérisation des autres personnages qui peuvent paraître pour l'un dans l'emphase et l'autre l'austérité mais qui sont en parfaite adéquation avec les faux décors, l'histoire très romantique, l'ambiance surréelle...
Finalement, les défauts du films participent à son unité et au final, on a un grand film très agréable.
Amarcord
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Amarcord »

À paraître à la fin du mois de novembre (normalement...), ça :

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Très bel objet apparemment... 3 DVD + 1 livre. Mais c'est un peu cher quand même... (autour de 90€, sur Amazon) :?
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Akrocine
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Akrocine »

90€ :shock: :shock:

http://video.fnac.com/a3087872/Coffret- ... DVD-Zone-2

Le Livre de 320 pages : La bible sur Visconti cinéaste - Textes et interviews du maître et analyse de chacun des films

Il s'agit de se livre alors le prix est correcte
http://livre.fnac.com/a3099750/Marianne ... r-Visconti

Aucune info. sur la durée de la version pour Ludwig, qui d'ailleur aurait largement mérité une sortie Blu-Ray!! :x
Et pourquoi faire un coffret avec Senso en DvD alors qu'il est sortie en Blu-Ray :roll:

N'importe quoi SudioCanal! Je suis dégoûté!
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-Kaonashi-
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par -Kaonashi- »

Akrocine a écrit :Et pourquoi faire un coffret avec Senso en DvD alors qu'il est sortie en Blu-Ray :roll:
Hmmm, peut-être parce que justement c'est un coffret DVD. :idea:
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Amarcord
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Amarcord »

Akrocine a écrit : Aucune info. sur la durée de la version pour Ludwig, qui d'ailleur aurait largement mérité une sortie Blu-Ray!! :x
Et pourquoi faire un coffret avec Senso en DvD alors qu'il est sortie en Blu-Ray :roll:
N'importe quoi SudioCanal! Je suis dégoûté!
Sur la durée de Ludwig, vu que c'est un coffret StudioCanal, inutile d'aller chercher bien loin : je suppose qu'ils ont recyclé les éditions DVD de Senso, Ludwig et L'Innocent déjà existantes à l'unité. C'est donc très vraisemblablement la version de 3H de Ludwig qu'on retrouvera ici.
Sur le livre, c'est peut-être effectivement une référence, mais je ne suis pas assez fan de Visconti pour payer 90€ un coffret qui contient 2 DVD que j'ai déjà, malgré un livre de qualité. J'ai trouvé cet été en Italie une bio de Visconti (en italien, donc) qui me suffit amplement, pour l'heure... Mais il n'empêche : je trouvais le coffret (l'objet en lui-même, je veux dire) suffisamment joli pour me laisser éventuellement tenter malgré tout... Mais à 90€, ça sera très vraisemblablement sans moi.
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Roy Neary
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Roy Neary »

DVDClassik propose aujourd'hui sa chronique des superbes éditions DVD et Blu-ray Pathé du Guépard. :D
Notre collaborateur Frédéric Mercier est l'auteur de la partie analyse.

:arrow: Le Guépard
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Strum
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Strum »

Très belle chronique sur un de mes films préférés et l'un des plus beaux au monde, l'un de ceux qui ont pour moi fixé pour l'éternité une certaine forme de beauté au cinéma. Le sommet de la carrière de Visconti, qu'il n'atteindra plus jamais. Que ceux qui n'ont jamais vu ce film courent le voir !

Je voudrais aussi :

- Insister sur l'extraordinaire musique de Nino Rota (inspirée d'une symphonie qu'il avait précédemment composée), sa plus belle partition, prodigieuse fusion de thèmes d'inspiration neo-romantique mêlés au soleil de la Sicile, où le thème principal monte lentement, déroule les tremolos de ses violons, pour finir par mourir, comme le monde du Prince Salina. A-t-on jamais composé plus belle musique de film que celle du Guépard ? Je me pose souvent la question.

- Et réagir à cette phrase de la chronique:
Son plus grand écart se situe au niveau de l’histoire d’amour, de la romance fiévreuse entre Angelica et Tancrède. Et c’est elle qui va donner son ton au film, lui permettant d’être plus vivant et surtout moins froid, cynique et nostalgique que le roman dont il s’inspire.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette affirmation. J'aime beaucoup le livre de Lampedusa. C'est un livre que je trouve pour ma part souvent plus vivant et en tout cas plus drôle que le film. Il intériorise davantage les pensées du Prince et celui-ci a parfois la dent dure, qui livre aux lecteurs plusieurs aphorismes ironiques sur son temps. Mais, ce n'est pas un livre cynique. C'est simplement le livre d'un homme sans illusions (Lampedusa), qui met en scène un héros extra-lucide (le Prince Salina) qui voit tout et comprend tout mais décide de vivre la dernière partie de sa vie par procuration au travers de son neveu qu'il aime tant (Tancrède). La grande différence à mon avis entre le livre et le film se situe donc moins dans les idées et leur traitement (de ce point de vue, Visconti est très fidèle à Lampedusa, y compris sur un plan politique) ou dans l'histoire d'amour entre Tancrède et Angelica que dans quelque chose d'impondérable mais d'inestimable : la beauté. Visconti insuffle à tous les niveaux de son film une extraordinaire beauté visuelle, en magnifiant les paysages, les palais siciliens, les couleurs, les groupes de personnages priant en grappes à côté d'un rideau ondulant dans une blanche lumière ou déjeunant sur l'herbe éparpillés en essaim. Et bien sûr, il magnifie Angelica. Aucune des descriptions du livre (et il y en a de très belles), ne rejoignent en beauté les images somptueuses de Visconti. C'est à mon avis à cause de cette beauté, et non pas à cause de ses thèmes, que certains prétendent parfois que Le Guépard a des allures de film proustien ; Visconti réussit à rendre ce passé de la Sicile si beau que l'on pourrait presque s'en éprendre et croire qu'il s'agit d'un "temps retrouvé" (alors qu'en fait il ne s'agit que d'un temps du passé recréé, transfiguré même, par l'art). Les premières images du film sont à cet égard très révélatrices de ce que Visconti a essayé de faire. Il nous montre en une succession de plans le jardin d'un palais, qui semble presque abandonné. Ainsi, temporellement, on ne sait pas si l'on se situe dans le temps présent d'un documentaire au moment où l'on voit ce jardin (comme si Visconti nous montrait ce qu'il reste des vestiges d'un domaine, soit quelques statues ébrechées et une demeure ocre au fond d'une allée), ou si l'on se trouve déjà en 1860, à l'époque où commence le film. Je ne serais pas surpris d'apprendre que Visconti a tenu à cette incertitude temporelle, ou mieux encore, qu'il a voulu filmer ces premières images comme s'il s'agissait d'images de 1960, pour mieux déployer ensuite toutes les fastes du passé afin de démontrer combien elles supplantaient en beauté les vestiges du présent. Le travelling vers le palais du générique de début serait alors une sorte de voyage vers le passé.

L'Angelica de Claudi Cardinale est le symbole de la beauté du film. Dans le livre, lorsqu'elle apparait, tous les hommes sont pétrifiés. Mais Lampedusa insiste ensuite surtout sur l'attirance physique qu'elle exerce. Alors que chez Visconti, en particulier grâce à la musique de Rota, au visage soudain frappé de tristesse de Lancaster qui se découvre vieux et à la grâce de Cardinale, l'apparition d'Angelica est véritablement comme l'apparition d'une incarnation humaine de la beauté, qui par sa seule présence rachèterait le monde, lui donnerait comme une raison supplémentaire d'exister pour quelques temps. La scène de son apparition est miraculeuse (et n'a comme équivalent au cinéma s'agissant du choc esthétique causé par l'apparition d'une femme que certains plans de Grace Kelly ou Kim Novak chez Hitchcock) ; soudain tout s'arrête, les conversations s'interrompent, les visagent se figent : hommes et femmes, tous s'inclinent devant cette beauté et cette jeunesse, la reconnaissent comme telles. La beauté d'Angelica, d'une pureté qui confine à la douleur, diminue presque l'importance des évènements historiques du film et aux yeux du Prince rachète sur le plan des idées le mariage de Tancrède avec un paysan comme Sedara pour en faire autre chose qu'un simple mariage d'intérêt. Cette idée d'un rachat par la beauté d'Angélique est déjà présente dans le livre, mais Visconti lui donne toute sa plénitude. Cette beauté fragile qui traverse tout le film lui confère son caractère lyrique et pathétique, car si ce monde est voué à disparaitre alors sa beauté aussi. Même la beauté et la jeunesse d'Angelica sont périssables. Dans le livre, au contraire, l'aspect pathétique du récit est surtout concentré sur la personne du Prince, jusqu'à mettre en scène sa propre mort (ce que Visconti avec ce génie de la condensation propre aux grands cinéastes s'est refusé à faire, notamment pour élargir encore la dimension lyrique de son film ; et puis, le Prince, étranger à la nouvelle ère qui commence, est déjà mort au monde...).
homerwell
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par homerwell »

Strum parle toujours avec une telle ferveur de ses films préférés qu'ils atterrissent tous immanquablement dans mon top 100 ! :wink:
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Strum »

homerwell a écrit :Strum parle toujours avec une telle ferveur de ses films préférés qu'ils atterrissent tous immanquablement dans mon top 100 ! :wink:
C'est une chance que nous ayons des goûts communs ! :wink:
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Watkinssien
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Watkinssien »

C'est au moins un de mes dix films préférés, donc je rejoins sans ambages les écrits de Strum !
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Mother, I miss you :(
makaveli
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par makaveli »

le guépard c'est tout simplement ma plus belle découverte de l'année 2010 .
très belle chronique et je rejoins strum aussi sur la musique qui transcende véritablement le film.
ce film est dans mon top 20 .
Strum
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par Strum »

makaveli a écrit :le guépard c'est tout simplement ma plus belle découverte de l'année 2010 .
très belle chronique et je rejoins strum aussi sur la musique qui transcende véritablement le film.
ce film est dans mon top 20 .
Juste pour le plaisir (à écouter avec le son à fond):

makaveli
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par makaveli »

merci strum pour la vidéo ,cette musique me donne des frissons.
someone1600
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Re: Luchino Visconti (1906-1976)

Message par someone1600 »

Je découvre ce réalisateur avec Le guépard. Un film qui attérie directement dans mon top 100. D'une beauté a couper le souffle, un film qui s'étend sur plus de 3h sans créer d'ennuis alors qu'il s'étire sans cesse pour nous éblouir. Servi par un casting magnifique, de Burt Lancaster, incroyable dans le rôle du Prince de Salina, a Alain Delon sans oublier la sublime Claudia Cardinale, d'une beauté incomparable, par un décor qui n'en fini plus d'être superbe, on y découvre la fin d'un monde aristocratique. La scène du bal qui clos le film sur presque une heure entière est incroyable.

J'imagine que je suis peut-etre tomber sur le plus beau film de ce réalisateur, mais sinon y a t'il d'autres films que je doive voir ? :?
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