Yves Montand (1921-1991)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Jeremy Fox »

Sinon après avoir regardé Z hier soir, j'ai trouvé que le montage de scènes plutôt courtes, incluant des flash-back "points de vue" différents est assez efficace pour nous faire sentir le menace et son aboutissement
Finalement c'est au contraire ce qui m'a gêné le plus que cette écriture et cette construction vives et hachées. Je trouve qu'Oliver Stone maîtrise bien mieux ce "style" dans JFK par exemple (puisqu'on le cite avant)
Julien Guiomar est un colonel grotesque à souhait
Voilà ; et en fait cette volonté de caricaturer les 'méchants' est ce qui fait que selon moi le film n'a en fin de compte sur moi pas la puissance escomptée. C'est ce que je disais déjà par rapport à Section spéciale. J'en parle d'ailleurs dans mon rapide avis sur le topic Costa Gavras.

Pour ce genre de brûlot, la sobriété me touche en fin de compte bien plus (l'exemple de Spotlight dernièrement)
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moonfleet
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par moonfleet »

Jeremy Fox a écrit :
Sinon après avoir regardé Z hier soir, j'ai trouvé que le montage de scènes plutôt courtes, incluant des flash-back "points de vue" différents est assez efficace pour nous faire sentir le menace et son aboutissement
Finalement c'est au contraire ce qui m'a gêné le plus que cette écriture et cette construction vives et hachées. Je trouve qu'Oliver Stone maîtrise bien mieux ce "style" dans JFK par exemple (puisqu'on le cite avant)
Julien Guiomar est un colonel grotesque à souhait
Voilà ; et en fait cette volonté de caricaturer les 'méchants' est ce qui fait que selon moi le film n'a en fin de compte sur moi pas la puissance escomptée. C'est ce que je disais déjà par rapport à Section spéciale. J'en parle d'ailleurs dans mon rapide avis sur le topic Costa Gavras.

Pour ce genre de brûlot, la sobriété me touche en fin de compte bien plus (l'exemple de Spotlight dernièrement)
En ce qui me concerne, je ressens le filtre du grotesque comme un catalyseur, c'est une caricature, une amplification qui me font accéder à la compréhension ...enfin je crois (concernant la compréhension) :mrgreen:
Après je pense aussi que dans la réalité, on peut aussi penser qu'il existe des guignols aussi sinistres et grotesques, dans un régime comme la dictature militaire en Argentine par exemple il y a quelques années...donc c'est à peine caricatural.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Jeremy Fox »

moonfleet a écrit : En ce qui me concerne, je ressens le filtre du grotesque comme un catalyseur, c'est une caricature, une amplification qui me font accéder à la compréhension ...enfin je crois (concernant la compréhension) :mrgreen:
Après je pense aussi que dans la réalité, on peut aussi penser qu'il existe des guignols aussi sinistres et grotesques, dans un régime comme la dictature militaire en Argentine par exemple il y a quelques années...donc c'est à peine caricatural.
Tout à fait. Sauf que chez moi, dans ce domaine, la caricature fonctionne moins bien que le plus grand sérieux.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Julien Léonard »

Rick Blaine a écrit :Certains critiques ont parfois la dent dure sur le cinéma engagé de Costa-Gavras (je pense à Thoret)
Oui, Thoret n'y va pas avec le dos de la cuillère. Mais d'une certaine manière, je comprends ce qu'il veut dire. Je risque de balader un peu le débat, mais bon...

Il compare le cinéaste aux travaux d'un Cimino, d'un Friedkin, d'un Pakula... Thoret aime particulièrement (et honnêtement, je partage totalement ce point de vue avec lui) les cinéastes dont les films ne sont pas "herméneutiques", c'est à dire bornés par une tradition de la démonstration ou bien par une lecture universitaire un peu rigide. Il préfère un cinéma plus ambivalent, davantage façonné par les paradoxes. L'être humain est un être de paradoxes, il ne sert à rien de le nier (même dans nos vies quotidiennes, nous ne sommes pas toujours d'une cohérence à toute épreuve face à nos choix et nos opinions, et c'est normal), or le cinéma de Costa-Gavras est un cinéma "engagé" d'un côté, assez mécanique, profondément en lutte avec des facettes très déterminées, très définies, d'un régime totalitaire. Dans le fond, c'est un cinéma coup de poing très intéressant et impressionnant, mais aussi assez limité par ce qu'il tente de faire. C'est un cinéma qui va dans un seul sens, qui tape, qui cogne, mais qui questionne peu.

C'est la raison pour laquelle j'aime profondément (quitte à en éprouver une réelle fascination) des films tels que Mort d'un pourri, Sorcerer, L'année du dragon (si si, le lien avec Costa-Gavras peut-être fait à l'occasion...) ou encore Cadavres exquis (et plus généralement tout ce cinéma italien enragé des années 1970... mais les français et les américains étaient très forts également). Car ce sont des films très sensibles, instables, organiques, très discutables et potentiellement bourrés de questions laissées en suspend. L'Homme a toujours aimé qu'on lui explique les choses clairement, avec d'un côté le bien et de l'autre le mal. Des notions simples, pour des raisonnements qui laissent forcément peu de place au débat de fond. De temps à autres, un élément va de l'un à l'autre (du bien au mal), mais sans écart énorme. De fait, si l'on songe à Mort d'un pourri ou à Cadavres exquis, ce sont des films sur lesquels plane beaucoup de questionnements, d'interrogations parfois très intimes et dérangeantes... Ces films ne se limitent pas à démontrer l'horreur d'une situation, ils s’intéressent aux causes qui la génèrent et en exploitent un véritable filon d'ambiguïtés.

Chez Costa-Gavras (cinéaste que j'aime vraiment, attention hein), c'est plus simple, plus dichotomique, plus frontal. Voici une situation, horrible et hideuse, et voici l'homme qui va la traverser et en faire ressortir les parallèles avec des sociétés existantes dont le fonctionnement s'avère détestable. C'est la lutte contre le mal, identifié et clair. Alors que dans Mort d'un pourri ou Cadavres exquis (je prends ici continuellement ces exemples afin de simplifier, mais beaucoup d'autres pourraient servir cette discussion), c'est la lutte contre quelque-chose qui nous dépasse et nous ronge. Le plus fort, c'est qu'il s'agit de films où l'on n'épargne pas nos propres régimes dits "démocratiques" et où l'on interroge même nos propres institutions pourtant "très propres sur elles". Avec cette sensation de suspend en vol que laissent généralement ces films-là. D'où la frustration de certains spectateurs, qui voudraient que l'on "termine" le récit, que l'on aille à un point B identifié et stable. Or, ni Mort d'un pourri ni Cadavres exquis ne mènent à une résolution d'un problème. Ce sont des films qui effleurent un nombre considérables de choses dérangeantes, mais reviennent à une sorte d'état initial (prouvant par-là la véritable horreur d'une situation qui en réalité fonctionne en circuit fermé, sans issue possible) et surtout à l'impossibilité d'agir/réagir vis-à-vis d'une situation sur laquelle l'inaction et le sommeil planent en permanence. Pour moi, ces deux films sont infiniment plus violents et plus mortifères, plus frustratoires et plus audacieux que les grands classiques de Costa-Gavras, ne serait-ce que parce qu'ils ne choisissent jamais la facilité et ne font que traverser un espace dément, que nous connaissons bien, tout en ne cherchant jamais ni à nous caresser dans le sens du poil (puisqu'il nous met face à nos contradictions et notre lâcheté morale) ni à nous "expliquer" par le menu une situation donnée. Ils offrent un panorama effroyable de nos sociétés civilisées et politiquement correctes, glissent dans l'averse et reviennent enfin dans la nuit. Finalement "dormez bien, tout est tranquille" (dixit le film de Lautner), et c'est bien cela le plus affreux.

Dans le fond, je dirais que c'est un peu comme la problématique soulevée par deux romans distincts tels que 1984 de Orwell et Le meilleur des mondes de Huxley. De prime abord, le roman d'Orwell est plus fort, plus frappant, plus violent. Il nous explique par le menu comment une société retire à l'Homme toutes ses libertés, à commencer par sa liberté intellectuelle. Mais avec un peu de recul et de raisonnement, c'est Huxley qui tape le plus fort. Son roman est plus subtil encore, plus dramatique et sans aucun doute plus perspicace. Car lui ne présente pas l'Homme au centre d'une société qui lui retire sa liberté... Il présente l'Homme comme une créature abdiquant sans broncher face à la bêtise et finalement presque ravi (puisque inconscient) de se voir retirer sa propre liberté de penser. Le Big Brother de 1984 n'est rien comparé au désarmement mental progressif et pernicieux dont sont victimes les êtres humains dans Le meilleur des mondes. Ils sont abreuvés de tout, tout le temps, et laissent de côté leur faculté de penser, de remettre en cause, de combattre. Ils sont eux-mêmes les artisans de leur propre chute.

C'est aussi pour cela, peut-être, que Thoret n'aime guère Costa-Gavras. Car il s'agit d'un cinéma de gauche classique et bien-pensant (perso, je ne suis d'aucune obédience politique -je me fiche d'appartenir à une chapelle en particulier-, voire carrément anarchiste concernant certains points... ça c'est pour que l'on ne mette pas d'étiquette sur le dos en écrivant cela), destiné à permettre au spectateur de comprendre la dictature et la politique d’extrême droite sans y concéder trop d'efforts. C'est intéressant et remarquable, techniquement parlant, mais ce n'est pas un cinéma très "courageux" au sens où l'on pourrait l'entendre habituellement. Comme tout cinéma engagé, il connait ses forces (la démonstration, étonnante de vigueur et d’intelligence) et ses limites (refus de l'ambiguïté, absence de l'ambivalence de nos contrastes politiques et moraux, simplification et réduction des enjeux du registre politique qui, pourtant, ne se limite jamais à une seule idéologie, mais bien à des notions de pouvoir et d'économie qui nous dépassent). Bref, selon Thoret, c'est du cinéma fait par quelqu'un qui est "ravi de penser comme tout le monde". Seulement, passé la démonstration, parfaitement huilée, c'est un peu vain. Un peu comme le I comme Icare de Verneuil, ou bien son Mille milliards de dollars. Des films excellents, que j'aime beaucoup, mais dont la démonstration implacable tue quelque-peu le pouvoir de séduction. C'est justement quand ces films lâchent prise qu'ils sont les plus pertinents (l'expérience Milgram pour l'un, la prise de conscience que la politique n'est que pantin en bourse dans l'autre). Car c'est à ce moment-là qu'ils débouchent sur des impasses desquelles nos réflexions peinent à s'extraire, puisque confrontées à l'impossibilité pour nous d'y trouver des réponses claires et objectives. "Objectivement" est d'ailleurs une "locution foireuse dont je n'ai que foutre", comme le souligne brillamment le personnage principal de Mort d'un pourri. Car il n'y a pas d’objectivité, cela n'existe pas. L'objectivité, c'est une façon terminale de signifier la pensée de la masse. Or, c'est bien la masse (l'objectivité comme objet argumentatif) que fustige le cinéma italien (Damiano Damiani, Elio Petri, Francesco Rosi... etc etc...), mais aussi les anti-héros français et américains des années 1970 (Marc Ferrot, Xavier Maréchal, Arthur Bishop... des personnages solitaires, discutables, voire carrément infréquentables, mais dont la pensée libre et désenchantée s'inscrit dans une optique de résistance face à un ordre établi). Ce sont des films qui vont chercher querelle jusque dans nos sociétés bien installées (et pas simplement dans des dictatures en devenir, ce qui constitue la menace principale dans Z), qui les fustigent dans leurs comportements médiocres, et n'hésitent pas non plus à remettre en cause la défense "papier mâché" de leurs valeurs déchues.

Regardez Un papillon sur l'épaule, l'un des films les plus effrayants jamais construits à ce propos. Parce qu'il n’explique rien, parce qu'il laisse tout en suspend, parce que dans sa quête acharnée de la connaissance, il ne finit que par s'engouffrer dans la mort. Un papillon sur l'épaule, c'est l'inconcevable découverte du néant qui nous étouffe, mais nous interroge. Et c'est cela qui est le plus fort. Si le film nous expliquait tout de A à Z, je serais, pour ma part, assez déçu.

Bref, Z (Costa-Gavras par ailleurs, et je pense aussi à L'aveu, État de siège...), c'est vraiment très bien. Mais justement, c'est très bien. Pas beaucoup plus loin. Or, nous savons bien qu'au-delà d'une démocratie pouvant facilement basculer dans la dictature (risque clairement identifié par le film, certes, mais aussi par nos propres élites politiques), c'est bien cette démocratie elle-même qui est menacée en son centre par ceux qui en agitent parfois l'étendard. Aucun régime n'est parfait, et le notre n'y fait pas exception. Et j'aime le cinéma qui met un bon coup de pieds là-dedans, au risque de déplaire, voire d'agiter des questions douloureuses.
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Père Jules
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Père Jules »

Je signe des deux mains la démonstration de JL.
C'est vrai que quand on pense aux films de Rosi (Cadavres exquis quoi !) ou des cinéastes américains que tu cites, Costa-Gavras fait vraiment pâle figure. En tant que spectateur, ça ne m'apporte pas grand-chose de s'avoir que je suis confronté à des salauds et d'en ressortir dans le même état d'esprit.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Rick Blaine »

Je comprends parfaitement la démonstration, il va sans dire qu'on sort plus intelligent d'un film de Petri que d'un Costa-gavras.
Je ne réfute pas ce point de vue et les démonstrations qui l'accompagnent, ce qui me gêne c'est la hiérarchie qualitative qu'on en déduit. Pour moi les deux approches peuvent donner des oeuvres formidables. Et politiquement les deux me semblent nécessaires.
Je pense à un film comme Timbuktu par exemple, c'est un film qui aurait du être beaucoup plus démonstratif plutôt que de rester en retrait. C'est un sujet qui aurait mérité un Costa-gavras.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par moonfleet »

Julien Léonard a écrit : C'est aussi pour cela, peut-être, que Thoret n'aime guère Costa-Gavras. Car il s'agit d'un cinéma de gauche classique et bien-pensant (perso, je ne suis d'aucune obédience politique -je me fiche d'appartenir à une chapelle en particulier-, voire carrément anarchiste concernant certains points... ça c'est pour que l'on ne mette pas d'étiquette sur le dos en écrivant cela), destiné à permettre au spectateur de comprendre la dictature et la politique d’extrême droite sans y concéder trop d'efforts.
Il n'y a de toute façon aucun effort à faire pour comprendre une politique d'extrême droite :mrgreen: Seules les formes varient.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit : Je pense à un film comme Timbuktu par exemple, c'est un film qui aurait du être beaucoup plus démonstratif plutôt que de rester en retrait. C'est un sujet qui aurait mérité un Costa-gavras.
Pas faux.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Julien Léonard »

Rick Blaine a écrit :Je comprends parfaitement la démonstration, il va sans dire qu'on sort plus intelligent d'un film de Petri que d'un Costa-gavras.
Je ne réfute pas ce point de vue et les démonstrations qui l'accompagnent, ce qui me gêne c'est la hiérarchie qualitative qu'on en déduit. Pour moi les deux approches peuvent donner des oeuvres formidables. Et politiquement les deux me semblent nécessaires.
Je pense à un film comme Timbuktu par exemple, c'est un film qui aurait du être beaucoup plus démonstratif plutôt que de rester en retrait. C'est un sujet qui aurait mérité un Costa-gavras.
Je souscris à ça, notamment sur le plan de la nécessité. Y compris pour Timbuktu d'ailleurs... :wink: J'ai tenté de le souligner d'une certaine façon, mais il est fort possible que mon approche ne soit pas suffisamment compréhensible à ce niveau-là. J'ai parfois du mal à exprimer la nuance.

Par contre, pour le coup, je ne parle pas de hiérarchie en ce qui me concerne. A l'inverse, il est certain que je me retrouve plus dans un "format" que dans l'autre (c'est une histoire de sensibilité).
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit : Par contre, pour le coup, je ne parle pas de hiérarchie en ce qui me concerne. A l'inverse, il est certain que je me retrouve plus dans un "format" que dans l'autre (c'est une histoire de sensibilité).
Idem me concernant ; ce mois-ci par exemple je me suis senti bien plus indigné par le pourtant très sobre et très classique Spotlight de Tom McCarthy que par le rentre-dedans Z. Question de style.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Rick Blaine »

Et je précise que je dit cela tout en ayant une préférence nette pour le cinéma plus ambigüe - celui des des cinéastes italiens et américains que tu cites, de Lumet,... - par rapport au cinéma de la "certitude".
Simplement il me semble qu'il ne faut pas balayer unilatéralement le second, qui comprend aussi son lot de grand films et qui véhicule autre chose (une émotion, une révolte). Je n'ai pas envie non plus de dire, par exemple, que Z est un moins bon film que Mort d'un Pourri. Oui, le second ouvre plus de pistes de réflexions que le premier mais ce n'est forcément ce qui en fait un plus grand film, le courage intellectuel n'étant pas le seul critère qui rentre en compte dans l'appréciation d'un film. Il y a quelques grand cinéastes qui ont su magnifier le cinéma engagé par la force qu'ils donnent à leur propos, Costa-Gavras en fait parti. C'est même remarquable de donner tant de force à des sujets qui sont, justement, bornés et rigides.
Encore une fois, je vais trouver 10 fois plus de grands films ambigüs que de grands films engagés (en tout cas dans mes goûts), et je comprends très bien la position de PJ, de Julien et de Thoret, d'autant plus que je la partage à 99%. Je pense juste qu'il est excessif de dire qu'un film est plus faible qu'un autre sur ce simple critère.
En bref, je trouve la thèse qui consiste à rejeter en bloc le film à thèse un peu expéditive et simpliste. :mrgreen:
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Père Jules »

Je ne rejette pas les films en question. Je ne suis juste pas passionné par leur point de vue.
Et d'ailleurs, tout est relatif, j'ai beaucoup apprécié Section Spéciale tout en n'arrivant pas à m'affranchir des limites qui me semblent être celles du cinéma de Costa-Gavras à ce niveau.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Julien Léonard »

Rick Blaine a écrit :En bref, je trouve la thèse qui consiste à rejeter en bloc le film à thèse un peu expéditive et simpliste. :mrgreen:
C'est très bon ça ! :lol:

Blague à part, je me concentrais là-dessus, mais y compris techniquement (photo, musique, déroulement du scénario, appartenance au genre, bref, plaisir pur), je préfère cent fois me refaire Mort d'un pourri. Ce n'est pas juste pour la qualité de ce que j'exprimais ci-avant. Mais ceci est un autre débat, plus centré sur nos appréciations cinéphiles divergentes et convergentes.

Cela étant, je ne rejette pas en bloc le film à thèse, hein (je le trouve plus limité, c'est tout). :oops: La preuve, je dis que Costa-Gavras, c'est très bien. :mrgreen: Mais là où veut en venir Thoret au bout du compte, c'est qu'il s'agit d'un cinéma où l'on t'amène à penser quelque-chose de précis, bref, d'un cinéma qui pense et agit à notre place. Il préfère incontestablement les films qui laissent fuser des réflexions inattendues, parfois contradictoires, en lieu et place d'un récit qui te mène d'un point A à un point B en se positionnant de façon à être certain que le public réagisse d'une façon et pas d'une autre. Des films "couloirs" en fait. D'où le terme "herméneutique" qu'il aime bien utiliser, enfin je pense. Dans le cas de Costa-Gavras, cela fonctionne bien, car nous avons le sentiment (et il n'est pas vain) d'être du bon côté de la barrière. Mais situé à l'inverse, ce pourrait être catastrophique. Quoiqu'il en soit, bien ou mal, et en capacité d'éveiller les consciences ou non, cela reste un cinéma qui impose sa pensée théorique. Il suffit de regarder Perché si uccide un magistrato de Damiani pour se rendre compte de l'écart énorme qui existe entre ces films : l'un convainc par sa démonstration, l'autre interroge et taraude nos doutes en faisant pulluler les questions indigestes (la fin du Damiani est tout de même d'une amertume...), le tout sur des sujets finalement assez similaires. A savoir une doctrine fonctionnant sur la destruction systémique de l'idéal démocratique. Je me méfie toujours un peu du procédé qui consiste à me faire penser ce que l'on veut absolument m'assener. Je préfère là encore y réfléchir par moi-même. Et la qualité du film s'en ressent tout au moins à ce niveau-là : il permet une plus grande liberté de ton et entame un dialogue plus intime avec soi. Le dialogue que notre sensibilité personnelle, notre identité unique, ouvre nécessairement avec le film. Sa richesse est alors de parler à tous, mais sur plusieurs niveaux de tonalités selon les sensibilités et les expériences.

Mais c'est passionnant à discuter, car je ne conteste absolument pas les qualités d'un bon Costa-Gavras (Amen, c'était bien aussi !) qui fonctionne toujours comme un solide électrochoc.

D'ailleurs, tu cites Lumet et me vient à l'esprit Network... parmi d'autres. Et paf, ça y est, j'ai envie d'en revoir.

Pour en revenir à Montand, je le trouve formidable, comme toujours. C'est une force supplémentaire dans le cinéma de Costa-Gavras (même s'il m'a plus impressionné -forcément- dans L'aveu).
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Rick Blaine »

Père Jules a écrit :Je ne rejette pas les films en question. Je ne suis juste pas passionné par leur point de vue.
Et d'ailleurs, tout est relatif, j'ai beaucoup apprécié Section Spéciale tout en n'arrivant pas à m'affranchir des limites qui me semblent être celles du cinéma de Costa-Gavras à ce niveau.
J'avais bien compris que tu ne les rejetais pas, je parlais plutôt de manière générale.
Je suis d'accord avec toi pour dire qu'a priori, cela offre un point de vue moins passionnant, mais pour moi cela ne constitue pas une limite en soi.
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Re: Yves Montand (1921-1991)

Message par Rick Blaine »

Julien Léonard a écrit : D'ailleurs, tu cites Lumet et me vient à l'esprit Network... parmi d'autres. Et paf, ça y est, j'ai envie d'en revoir.
Oui, et encore, Network pourrait presque passer pour l'un des films les plus engagés de Lumet (avec 12 Hommes en colère). Ca va encore bien plus loin quand on pense à des films comme Le prince de New-York. Cette richesse du propos chez Lumet, cette capacité à ne pas prendre parti est une immense force (voilà, je préfère parler de force d'un côté que de limite de l'autre en fait). C'est ce qui en fait l'une des filmo les plus passionnante qui soient.
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