Guerre et paix (Sergei Bondarchuk - 1965)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Beule
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Guerre et paix (Sergei Bondarchuk - 1965)

Message par Beule »

Je viens de m'attaquer au film fleuve de Sergei Bondarchuk.
A l'issue du visionnage des deux premières époques, je suis pour le moins perplexe :?
Ah dieu que c'est beau plastiquement, et j'ai rarement vu quelque chose d'aussi impressionnant par sa démesure sur un écran :shock:
Mais j'ai rarement vu une adaptation aussi foutoire aussi: mégalomane elle semble mettre un point d'honneur à restituer chaque épisode du pavé de Tolstoi, à reprendre chaque ligne de dialogue. Peu de dialogues réels d'ailleurs, mais un recours au commentaire off, déclamatoire, qui associé à la musique obsédante et parfois barbare d'Ovchinikov, contribue à tirer l'oeuvre vers le poème opératique.
La réalisation, par son recours abusif au grand angle, ses surimpressions constantes, est à la fois irritante de maniérisme (on sent Bondarchouk obsédé par l'idée d'échapper à l'académisme -il est loin King Vidor) et malgré tout captivante.

Qu'en pensez vous?
Palplathune
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Message par Palplathune »

Argh ça fait quelques temps qu'il me fait de l'oeil celui là !
Sans vouloir détourner ton topic peux tu faire un petit commentaire sur la qualité des dvds et dire ou tu l'as acheté (sur le site Rusico je suppose, si c'est le cas est ce que tout s'est passé sans probleme ?) ?
Merci d'avance.
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Beule
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Message par Beule »

Palplathune a écrit :Argh ça fait quelques temps qu'il me fait de l'oeil celui là !
Sans vouloir détourner ton topic peux tu faire un petit commentaire sur la qualité des dvds et dire ou tu l'as acheté (sur le site Rusico je suppose, si c'est le cas est ce que tout s'est passé sans probleme ?) ?
Merci d'avance.
Non, désolé :? , acheté en boutique d'import à Paris. Il s'agit du coffret 5 DVD édité par Image en zone all (précision à tout hasard, je ne sais si ce titre est édité ailleurs).

Le travail de restauration effectué par la RUSICO sur l'image est en tout point digne d'éloge: la copie proposée est magnifique. Il n'y a pratiquement aucune saleté ou défaut de pellicule décelable, les couleurs sont belles, ni trop agressives ni fânées. Les contrastes audacieux de la photo irréelle de Petritski sont ausi bien rendus dans l'ensemble.
En revanche, l'encodage des disques Image est perfectible. A date de ce matin je n'ai visionné que les 3 premières époques, soit les deux premiers DVD du coffret. La définition du premier DVD m'était apparue parfois discutable, et surtout le DVD ne brillait pas par sa compression, l'image rendue manifestant une tendance assez désagréable au scintillements, particulièrement dans les séquences diurnes les plus surexposées, mais cela se ressent aussi lors des séquences nocturnes. De même durant les impressionnantes scènes de la bataille d'Austerlitz, l'image du DVD peine à afficher de façon satisfaisante les nombreux effets de surimpression et les images troublées et obscurcies par les fumées éparses. J'avais d'abord mis cela sur le compte de la durée de cette première partie (avec 3 bandes sons 5.1, moult sous-titres + qqs suppléments, ce DVD est copieusement garni), mais le visionnage du second disque infirme ce présage. Les mêmes défauts s'y retrouvent alors qu'ici le métrage est assez court (93' contre 140 pour le 1er).

Côté son c'est impressionnant. Les versions mono d'origine ne sont pas proposées, mais le 5.1 Russe qui nous est offert n'est pas ici un mixage gadget. La musique d'Ovchinnikov se fait réellement enveloppante, et lors des batailles, les basses sont mises à l'épreuve et les effets sonores générés par les surround sont réellement stupéfiants.
Deux autres versions DD5.1 sont proposées: VF et version anglaise.
Sous-titres français optionnels.

Le coffret se compose de 2 beaux digipacks recelant l'un et l'autre 2 DVD. En revanche le cinquième disque, dédié aux suppléments (interviews de l'équipe technique et du président de la Mosfilm + doc vidéo consacré à Bondarchouk+making of+gallerie photos+doc sur Tolstoi) est glissé dans une simple pochette de carton, à la manière des bonus du z1 Cleopatra par exemple; cheap et décevant.
:wink:
Palplathune
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Message par Palplathune »

Merci beaucoup pour toutes ces précisions Beule :D
Maintenant il ne me reste plus qu'a économiser sauvagement, me l'offrir et pouvoir te répondre sur le film :wink: [quote][/quote]
Palplathune
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Message par Palplathune »

Bon ben je me suis forcé et je me suis moi aussi acheté le(s) film(s) et l'ai donc visionné.
Je suis un peu mitigé au final.
J'ai l'impression de moments absolument superbes et d'autres assez "raides" qui s'enchainent contamment. Visuellement c'est sur que c'est magnifique, la photo est riche et travaillé, les costumes et décors hallucinants (j'ai cru qu'ils avaient tournés à l'ermitage même, c'est dire !) et la réalisation audacieuse. Mais il y a quand même pas mal de moments trop explicatifs ou qui n'apportent pas vraiment grand chose à l'histoire (je précise n'avoir jamais lu le livre de Tolstoi, peut être que mon opinion serait différente si je le connaissais). J'ai quand même l'impression qu'il aurait été assez facile de resserrer le rythme. Mais d'une certaine façon ça participe à la fascination et au coté ambitieux que peut procurer le film.
Par contre je ne peux pas cacher que je suis assez déçu par les batailles. Vu tout les éléments qu'il y avait de réuni je m'attendais à de vrais bonnes grosses batailles où on comprendrait les stratégies des guerres Napoléoniennes. Malheureusement Bondarchuk ne nous donne quasiment jamais de vue d'ensemble de la situation ou des stratégies mises en place, préférant passer d'une situation à une autre, d'un personnage à l'autre sans structure par rapport a la bataille. Il picore par ci par là. Pour moi c'est une déception même s'il reste de bonnes choses quand même.
Aspect intéressant, le coté non manichéen des personnages (même les français) et le respect des langues mais de la part du cinéma Russe je m'y attendais un peu. Par contre Napoléon s'en prend plein la tête à un moment :lol: Le film ne dégage pas de propagande Soviétique mais exalte l'âme Russe, parfois de maniere un peu trop pompeuse mais ça passe quand même bien dans l'ensemble.
En tout cas je ne regrette pas cet achat et garde en tête les magnifiques images que représentent la séquence de bal (2e film) et la destruction de Moscou (4e film).
NUTELLA

Message par NUTELLA »

content qure Beule avoue qu'un 5.1 digne de ce nom vaut vraiment le coup 8)

sinon si c'est pas indiscret vous l'avez acheté combien.je l'ai vu dans un virgin à 850 fr ca calme :shock: :shock:
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Message par Fatalitas »

NUTELLA a écrit :content qure Beule avoue qu'un 5.1 digne de ce nom vaut vraiment le coup 8)

sinon si c'est pas indiscret vous l'avez acheté combien.je l'ai vu dans un virgin à 850 fr ca calme :shock: :shock:
il me semble l'avoir vu à la FNAC aux environs de 600 francs (90 euros) :wink:
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NUTELLA

Message par NUTELLA »

fatalitas a écrit :
NUTELLA a écrit :content qure Beule avoue qu'un 5.1 digne de ce nom vaut vraiment le coup 8)

sinon si c'est pas indiscret vous l'avez acheté combien.je l'ai vu dans un virgin à 850 fr ca calme :shock: :shock:
il me semble l'avoir vu à la FNAC aux environs de 600 francs (90 euros) :wink:
c'est dejà moins cher 8) mais beaucoup trop pour moi,je ne mettrais jamais une telle somme pour un DVD.je vais attendre les soldes :mrgreen:
Palplathune
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Message par Palplathune »

NUTELLA a écrit :sinon si c'est pas indiscret vous l'avez acheté combien.je l'ai vu dans un virgin à 850 fr ca calme :shock: :shock:
Je l'ai acheté beaucoup trop cher mais c'était du craquage :oops: 85 Euros sont partis dedans.
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Message par Alex Blackwell »

Palplathune a écrit : Vu tout les éléments qu'il y avait de réuni je m'attendais à de vrais bonnes grosses batailles où on comprendrait les stratégies des guerres Napoléoniennes. Malheureusement Bondarchuk ne nous donne quasiment jamais de vue d'ensemble de la situation ou des stratégies mises en place, préférant passer d'une situation à une autre, d'un personnage à l'autre sans structure par rapport a la bataille. Il picore par ci par là. Pour moi c'est une déception même s'il reste de bonnes choses quand même.
Embêtant en effet de ne pas comprendre la mise en place stratégique des batailles: c'est assez génial chez Tolstoï et on est facilement saisi devant l'ampleur du génie de Napoléon, quasiment invulnérable par sa hauteur de vue jusqu'à...
Ne pas comprendre le déroulement d'une bataille n'est pas forcément gênant en soi, cependant: le duel final de My darling Clementine n'est pas extrêmement clair de par son montage par exemple alors que les deux gangs ne se sont pas tirés dessus en avançant dans l'artère principale de la ville (ce n'est en tout cas pas cette version que veut montrer Ford) mais la dimension cosmique que donne Ford à cet instant fait que l'explication de texte est négligeable. Le cinéaste russe peut-il se permettre une telle approche? Je n'en sais encore rien.

Je vais donc tâcher de voir ce film, le Vidor n'ayant d'autre d'intérêt que de donner un aperçu de l'histoire à ceux qui n'auraient pas lu le livre.
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Night of the hunter forever


Caramba, encore raté.
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Message par Personne »

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Message par Beule »

Personne a écrit :http://www.playusa.com/playusa.asp?page ... tle=119954

- de 60 euros chez play! :wink:
Le genre d'infos qui rétrospectivement me désolent et m'accablent :cry:
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Kurtz

Message par Kurtz »

il dure combien de temps ?
Palplathune
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Message par Palplathune »

Beule a écrit :
Personne a écrit :http://www.playusa.com/playusa.asp?page ... tle=119954

- de 60 euros chez play! :wink:
Le genre d'infos qui rétrospectivement me désolent et m'accablent :cry:
C'est clair que je me sens tout bete de pas avoir vérifié sur Play :(
Enfin on va dire que comme ça je l'ai en bon état alors qu'avec Play y aurait pu avoir un peu de dégats :roll:

Y en a pour un peu plus de 6 heures divisés en 4 films (le premier de 2h30, les 3 autres d'un peu moins de 1h30).
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Demi-Lune
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Re: Guerre et paix (Sergei Bondarchuk, 1965-1967)

Message par Demi-Lune »

Ça faisait quelques temps que le coffret dormait sur mes étagères ; la découverte de Waterloo m'a incité à me décider. Je précise tout de suite que je n'ai jamais eu le temps de lire Tolstoï, ni vu aucune de ses adaptations cinématographiques : je ne connais donc pas l'histoire au-delà de son contexte historique. La durée fleuve du film de Bondartchouk (un peu moins de 7 heures au total) rend difficile un visionnage intégral en un seul coup, alors ce sera du commentaire au fur et à mesure, en accord avec son découpage quadripartite.
ImageImageImage
Andreï Bolkonski

La première époque est la plus longue (2h20) de cette fresque. Comme pour Waterloo, on peut estimer que la monumentalité du projet n'est pas complètement synonyme de perfection. Il y a plusieurs points, en effet, sur lesquels je suis réservé. Si la multiplicité des scènes, leur durée, dénotent à n'en pas douter une volonté de s'approcher au plus près du texte original, de le retranscrire dans la plus grande fidélité, on peut néanmoins s'interroger sur cette toute-transposition qui se traduit épisodiquement par quelques marginales longueurs. Sans doute est-ce un point qui sera balayé par une vue d'ensemble de la fresque, en vertu du principe du tout plus fort que la somme de ses parties. Peut-être y a-t-il des sous-intrigues (comme les rumeurs d'adultère sur la femme de Pierre) qui se révèleront déterminantes par la suite, selon une progression romanesque voire feuilletonesque assez devinable. Et cette richesse narrative (profusion de personnages, d'entrelacs) participe complètement de cette monumentalité, quitte à ce qu'on soit quand même un peu largué au départ. Le film aurait-il été ce qu'il est s'il avait fait le choix de la concision ? Sans doute que non. Si à chaud, j'aurais pour le moment plus tendance à tiquer sur cette démarche, c'est aussi parce que les personnages principaux m'ont paru diablement antipathiques. Fidélité à Tolstoï ou vision de Bondartchouk ? Je l'ignore. Mais entre la raideur hautaine d'un Andreï insensible au monde et la faloterie insignifiante de Pierre, entre la famille d'intrigants Bezoukhov et la sévérité acariâtre des Bolkonski, entre un Dolokhov hargneux et un Nicolas Rostov naïf, il y a là une galerie de protagonistes envers lesquels il m'a été assez malaisé d'apporter mon empathie. J'imagine que cette froideur est indissociablement liée à l'âme russe qui traverse l'épopée, mais les acteurs masculins appuient tous cette gravité austère un peu déstabilisante pour un non initié.
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Grave, cette première partie l'est indubitablement. Malgré les bals et les soirées mondaines de l'aristocratie pétersbourgeoise, il règne sur les évènements une mélancolie crépusculaire, presque mortifère (la photo du film met le paquet là-dessus, avec ses teintes tristes et vaporeuses). Symbolique est la scène d'extrême-onction du comte Bezoukhov, montée en alternance avec la danse à laquelle il se livrait lors d'un bal. Mourir au combat, mourir en couches, mourir à un duel : le poids de la mort est perpétuel et obsède la plupart des personnages. Cette éphémérité imprègne l'esprit du film. Les discussions solitaires entre Pierre et Andreï ont des allures de respirations fugaces et désenchantées. Parc de statues filmées à la Resnais, berges moroses et forêts fantomatiques accompagnent leurs pas. Épouses esseulées et chagrinées vivent dans leur attente (très singulière scène entre Pierre et Hélène Kouraguine, que la bonne société a déjà choisie pour lui et qui guette patiemment une déclaration d'amour : isolés dans un salon où seules résonnent les gouttes obsédantes d'une fontaine, le couple, incapable de communiquer, reste interdit, dans un silence interminable et gênant, dans un très long plan-séquence). La bande sonore, toute en grondements sourds et sifflements venteux aigus, renforce discrètement l'oppression quand ce n'est pas la musique, parfois un peu hard dans ses dissonances. Tout cet étouffement soigneusement orchestré doit justement conduire à la prise de conscience, chez un Andreï revenu des morts, de la saveur d'une vie qu'il avait jusque là toisé. La fin de cette première partie prend d'ailleurs le chemin d'un poème pré-malickien, où la sensation de s'inscrire dans le monde se traduit par une contemplation de la nature, entre réflexions sur un chêne centenaire, délicats plans forestiers et instant magique (Natacha qui s'imagine voler).
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Reste enfin la question de la mise en scène. C'est d'une démesure totale. Bal ou bataille, Bondartchouk va filmer ça comme un morceau de bravoure à l'aide de mouvements de grue insensés et d'effets modernes "Nouvelle Vague" (qui ont maintenant un peu vieillis). C'est le refus absolu de l'académisme. J'ai pensé au Guépard pour l'ampleur de la reconstitution et la chorégraphie des travellings, mais un Guépard qui se serait ouvert aux dernières expérimentations visuelles (beaucoup, beaucoup d'idées et d'audaces de mise en scène). On va de surprises en surprises et c'est réjouissant. Concernant les batailles (et contrairement à Waterloo), le réalisateur ne recherche pas une présentation tactique des évènements mais une série de tableaux spectaculaires, fulgurants, où les milliers de figurants, les moyens techniques infinis et les touches picturales accouchent d'images guerrières crépusculaires, de celles des plus grands peintres. Comme pour Waterloo, l'ambition colossale et la virtuosité générale balaient les quelques réserves que l'on peut éventuellement avoir. Les 2h20 passent finalement sans ennui et donnent franchement envie de continuer l'aventure.
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Dernière modification par Demi-Lune le 20 mai 12, 13:15, modifié 1 fois.
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