Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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allen john
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par allen john »

The wind (Victor Sjöström, 1928)

Ne soyons pas timides: The wind est le couronnement de la carrière de Lillian Gish, actrice de premier plan dont la longévité force presque autant le respect que son génie. C'est aussi une grande date pour le réalisateur Victor Sjöström, tout en étant hélas son chant du cygne, et tant qu'à faire, rangeons-le par la même occasion dans la catégorie des meilleurs films de 1928, oui, oui, l'année de The circus, Steamboat Bill Junior, Street Angel ou The last Command: ça en impose...

Et comme de bien entendu, cet admirable film n'a pas eu le succès escompté, sorti en novembre 1928 à l'issue d'un montage qui n'a pas été de tout repos, le film a du subir les interférences de distributeurs qui espéraient ne pas avoir de nouveau un film de Lillian Gish qui se termine en tragédie, et surtout en cette fin d'année on aurait été voir n'importe quel film à condition qu'on y parle un peu... The wind était glorieusement muet, se contentant d'utiliser la bande-son pour fournir un accompagnement muisical sans aucun relief.

Le carton de titre, qui clame "A Victor Seastrom production" (Seastrom était l'américanisation de Sjöström), ne doit pas nous tromper: à la base du film, on trouve Lillian Gish, actrice de renom, dont l'aventure en indépendante entre 1922 et 1924 n'avait produit que deux films, The white sister et Romola, tous deux de Henry King; cela l'avait amenée en 1925 à accepter une proposition de Irving Thalberg de venir s'installer à la toute nouvelle MGM, afin de grossir les rangs des acteurs sous contrat du studio. Le prestige de l'actrice était son principal atout, étant assimilée dans l'esprit du public comme de la critique à son ancien mentor David Wark Griffith... Ce n'était pas faute d'avoir tout fait pour se dégager de son influence, jusqu'à avoir réalisé un film, aujourd'hui perdu, Remodeling her husband (1920), avec sa soeur Dorothy dans le rôle principal, et quand même sous la supervision de Griffith. A la MGM, Lillian Gish a la plupart du temps choisi ses scripts, ses partenaires, ses réalisateurs... et a relativement peu travaillé: The wind n'est que son cinquième film, après La bohême (King Vidor, 1926), The scarlet letter (Victor Sjöström, 1926), Annie Laurie (John S. robertson, 1927) et The enemy (Fred niblo, 1927). Les deux premiers étaient des oeuvres artsitiquement ambitieuses, menées par l'actrice, mais les deux suivants représentaient un compromis entre elle et le studio. Pas The wind: du moins, pour le film, Lillian Gish, Victor Sjöström et Irving Thalberg parlaient semble-t-il d'une seule voix, et le choix du metteur en scène incombait à Lillian Gish seule.

Non que le tournage ait été facile... comment en aurait-il été autrement avec un tel sujet? Un film, quasi western, mais privé des morceaux de bravoure qu'après Stagecoach on assimillerait systématiquement au genre, tourné en plein désert avec un vent à décorner les boeufs, qui souffle en permanence de la poussière... L'actrice, en perte de vitesse au box-office, a par ailleurs besoin d'un matériau adulte, et de ne pas trop se reposer sur son image éthérée de vierge éternelle... Elle a donc sélectionné elle-même le roman de Dorothy Scarborough, dont l'adaptation a été confiée à la scénariste Frances Marion: le film, en 75 minutes, nous détaille de façon hallucinante la transformation d'une femme déçue, une Bovary sudiste (Elle vient de Virginie!) qui doit affronter la crudité du monde, symbolisée par la tourmente incessante d'un vent et de tempêtes de sable, et s'éveiller aux sens, à son corps défendant d'ailleurs. Letty Mason arrive au Texas pour vivre chez son cousin, persuadée qu'elle va trouver un endroit plaisant à vivre, mais se retrouve chez des paysans qui vivent dans des cabanes délabrées, en plein désert, en plein vent... Et la femme de son cousin ne voit pas arriver une rivale potentielle avec la plus grande bienveillance. Au bout de quelques jours, Letty se voit contrainte de choisir un mari pour quitter les lieux. Trois choix possibles: Wirt Roddy, un séduisant voyageur de commerce, Lige Hightower et Sourdough, deux cow-boys amis de la famille...

Qui peut nous émouvoir aussi bien que Lillian Gish lorsque, sommée de choisir un mari pour survivre elle trouve comme par hasard rapidement la perle rare dans la personne de l'élégant voyageur de commerce (Montagu Love) qui la fréquente avec une certaine assiduité depuis le début du film? Elle réussit à maintenir la naiveté de son personnage sans pour autant se priver de lui faire exprimer ses désirs (En écho au personnage d'Hester Prynne dans Scarlet Letter, qui conduit effectivement le pasteur vers des rapports charnels, sans hésitation aucune, et sans apparaître pour autant une femme de mauvaise vie...). Mais l'homme est déja marié, et Letty devra faire un autre choix. Et la scène de séduction finale, lorsque l'homme s'introduit dans la cabane de Letty Mason, toujours virginale, n'en prend que plus de poids: on peut dire que c'est un viol, mais le fait est que le personnage de Letty Mason consent et accepte son destin: elle choisit, entre la fuite et l'errance dans le vent ou le quasi-viol par un homme qui par ailleurs la séduit, le moins pire des deux, et scellera son choix en tuant l'homme. Elle le tuera dans un geste ô combien ironique, puisque le révolver est l'objet que Sjöström choisit de cadrer, dépassant de son holster, pour suggérer le rapport sexuel (On hésite à parler de nuit d'amour...) qui vient de se produire: après l'inévitable ellipse, on revient dans la cabane. L'homme se rhabille, ses armes sont sur la table. Letty les regarde, puis regarde l'homme au moment ou celui-ci se rhabille. Le regard qu'elle lui porte au moment ou il la presse de partir avec lui est sans ambiguité: la nuit n'a pas été pour elle la révélation d'un amour... Elle est prête à le tuer pour l'empêcher de la prendre avec lui.

On est loin des bluettes Griffithiennes... Le forte de Sjöström, l'utilisation des éléments du décor et des éléments tout courts, dans le but d'exprimer les passions humaines, trouve un écho formidable dans une Lillian Gish magnifiée par l'approche de la quarantaine(Il faut voir la scène, célèbre du reste, dans laquelle la jeune oie blanche se transforme d'un coup en créature plus charnelle, mais sans en avoir conscience, en se coiffant, révélant de façon troublante sa chevelure jusqu'ici contenue, qu'elle coiffe avec énergie... La répression des pulsions est au coeur de cette scène et de ce film...) et sa collaboration fantastique avec Lars Hanson, qui donne une impressionante consistance à son personnage de bouseux frustré: Lui qui croit que Letty le choisit par amour, il découvre à la faveur d'une scène magistrale de lune de miel maladroite (Sjöström ne cadre que les pieds des acteurs, exprimant leur désir, leur hésitation, leurs impulsions et leurs déplacements; une idée qui pourrait être attribuée à Lillian Gish, qui aimait les scènes d'amour les moins explicites possibles) qu'elle ne l'épouse que pour avoir un toit. Le personnage, jusqu'ici bouffon, va acquérir une véritable dimension tragique par le sacrifice auquel il consent: il va permettre à sa femme de partir et économise dans ce but. Du reste, Sjöström a beaucoup utilisé la fragmentation des corps dans son film, de multiples façons: les pieds qui jouent à la place des visages dans la scène évoquée plus haut; les mains des personnages, soit cadrées en gros plans, soit seuls "accessoires" utilisés par le metteur en scène et les acteurs (La scène ou Cora, l'épouse, regarde Letty sans bouger, sauf sa main qui tient un énorme couteau de boucher et en essuie le sang sur son tablier...); les yeux de Wirt Roddy (Montagu love) quand il regarde successivement la photo de Letty telle qu'elle était à son arrivée, puis la jeune femme aussi délabrée que la cabane dans laquelle elle vit, rendue folle par le vent... De même qu'il sait mettre en valeur n'importe quelle partie du corps pour pour lui faire exprimer des émotions, Sjöström a de toute façon un grand sens du détail, comme on l'a vu avec le fameux holster dont dépasse une arme qui va symboliser autant le viol que le meurtre qui suit.

Oui, car si on a beaucoup reproché au système Hollywoodien d'avoit imposé un happy-ending à Sjöström et Lillian Gish pour ce film par ailleurs structuré en cinq actes en dépit de sa brièveté, il n'en reste pas moins que Lillian Gish se rend coupable d'un meurtre, même si comme le dit son mari, il a été comis de bon droit. Et ces deux amants poussés l'un contre l'autre par le vent et le sort plus que par l'amour, doivent désormais vivre dans la prudence, car ils ont un lourd secret à dissimuler.. On peut rêver plus heureux, non?

Quoi qu'il en soit, The wind est un admirable chef d'oeuvre, un film dont le visionnage s'impose... si on peut le voir, puisque Warner qui détient les droits du film, se refuse pour l'instant à l'éditer, ni dans un DVD ou Blu-ray digne de ce nom, ni dans la collection de VOD Warner archives. le film est juste régulièrement programmé sur TCM. Un jour, peut-être...

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Dutch
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par Dutch »

Image

Incroyable long métrage qu'est le vent,qui à l'instar des plus grands films du cinéma muet,repose sur une base scénaristique d'une simplicité confondante et arrive cependant à captiver, à sublimer chaque petit instants.La grande originalité de ce film est, comme son nom l'indique, le vent: à la fois élément dramatique( qui représente évidemment le danger, mais aussi l'isolement et donc la solitude) mais également élément surréaliste et onirique( tout le film baigne dans une atmosphère incroyable) renforcée en celà par un autre atout du film,et pas des moindres: la musique,puisqu'il s'agit tout bonnement d'une des plus belles B.O de l'histoire du cinéma.Lilian Gish est comme à son habitude extraordinaire et fait bien ressentir tout les états par lesquels passe son personnage,permettant au film d'atteindre une intensité émotionnelle folle.Bref, le film exerce un pouvoir de fascination hallucinant et j'étais scotché sur chaque image du film.C'est peut-être celà qu'on appelle un chef -d'oeuvre
feb
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par feb »

Dutch a écrit :C'est peut-être celà qu'on appelle un chef-d'oeuvre
Oui :wink:
allen john
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par allen john »

feb a écrit :
Dutch a écrit :C'est peut-être celà qu'on appelle un chef-d'oeuvre
Oui :wink:
C'est.
Abronsius
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par Abronsius »

allen john a écrit :
feb a écrit : Oui :wink:
C'est.
Pas encore en Blu Ray.
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par allen john »

Abronsius a écrit :
allen john a écrit :
C'est.
Pas encore en Blu Ray.
Ni en DVD, voire DVD-R (Du moins ceux de Warner archives...)
feb
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par feb »

allen john a écrit :Ni en DVD, voire DVD-R (Du moins ceux de Warner archives...)
Oui c'est d'ailleurs étonnant que ce "classique" du catalogue muet de la MGM ne soit pas disponible dans cette collection :? Je n'arrive pas à comprendre les choix qui poussent Warner à proposer des films comme La Boheme, The Patsy, The Merry Widow, Le Prisonnier de Zenda ou Show People mais pas The Wind ou The Crowd.
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Ann Harding
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1927)

Message par Ann Harding »

feb a écrit :
allen john a écrit :Ni en DVD, voire DVD-R (Du moins ceux de Warner archives...)
Oui c'est d'ailleurs étonnant que ce "classique" du catalogue muet de la MGM ne soit pas disponible dans cette collection :? Je n'arrive pas à comprendre les choix qui poussent Warner à proposer des films comme La Boheme, The Patsy, The Merry Widow, Le Prisonnier de Zenda ou Show People mais pas The Wind ou The Crowd.
En fait, c'est simplement une question de musique. The Crowd, The Wind, The Big Parade, The Student Prince, etc. ont tous une partition signée Carl Davis. Cela signifie que TCM doit payer des droits. Donc ils réservaient ces films pour des éditions plus luxueuses. Mais en fait, elles ne se sont jamais matérialisées...
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Kishizo
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par Kishizo »

Tous les goûts sont dans la nature et particulièrement en matière d'accompagnement de films silencieux mais je tiens à signaler que j'ai trouvé une proposition intéressante pour The Wind.
La plupart du temps je coupe le son rapidement mais ce groupe d'improvisation de Newcastle répondant au nom d'Helictite m'a accompagné tout au long du visionnage.
Chez eux il n'est jamais question de surligner idiotement une action portée à l'image mais de se laisser porter par le vent traversant le film de manière très naturelle et sensuelle. Au début du film j'ai hésité à leur couper le sifflet mais j'ai persévéré et grand bien m'en a pris. Je suis même tenté de dire qu'ils m'ont apporté un plaisir supplémentaire alors que je suis plutôt réfractaire habituellement aux apprentis sorciers du son. Leur manière d'opérer est très économe de moyens et convient merveilleusement bien à la rudesse apparente du film, une voix proche de l'incantation lors des scènes paroxystiques du film, un vieil indien psalmodiant dans le désert mojave. A l'inverse, un orchestre symphonique me paraîtrait par exemple complètement à côté de la plaque de l'image.



J'ai vu ce film associé aux oiseaux d'Hitchcock chez certains, je pense également qu'il préfigure le Shining de Kubrick.
Mais une question me taraude, celle de la ressemblance de la scène finale de The wind avec la scène culte de Cameron dans Titanic :?:
On pourrait même reprendre les intertitres de The wind et ils conviendraient à la scène de Cameron.

ImageImage

Le gif ne reprend pas toute la scène, dans laquelle elle écarte également les bras au vent et regarde devant elle.
Au lieu d'être à la proue du bateau, Lilian est dans l'embrasure de sa porte :mrgreen:
L'une contemple l'océan, l'autre le désert mais les deux symboliques sont identiques, ces femmes ont trouvé ou retrouvé le grand appétit de la vie et rien ne peut plus leur faire peur.
La composition du plan est la même, l'homme est derrière en remorque et soutien, il regarde vers sa belle, qui elle même regarde l'horizon, s'ouvre au monde, le vent etc...
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par B. »

The Wind existe en dvd zone 2 chez nous depuis quelques temps déjà :
http://www.priceminister.com/offer/buy/ ... strom.html
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Sybille
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par Sybille »

Kishizo a écrit :Tous les goûts sont dans la nature et particulièrement en matière d'accompagnement de films silencieux mais je tiens à signaler que j'ai trouvé une proposition intéressante pour The Wind.
La plupart du temps je coupe le son rapidement mais ce groupe d'improvisation de Newcastle répondant au nom d'Helictite m'a accompagné tout au long du visionnage.
J'ai juste écouté de ci de là mais je ne suis pas très convaincue. Il pourrait y avoir des exceptions (par exemple j'ai souvenir que j'aimais bien un accompagnement chanté de L'aurore présent sur le premier dvd Carlotta :lol: mais c'était à l'époque de mes débuts en visionnage de muets donc qui sait ce que j'en penserai aujourd'hui ?). Maintenant a priori, je suis contre la présence de "voix humaines" dans les accompagnements de films muets, ça me semble hors de propos, comme si la ou les personnes qui "chantent, déclament, etc" voulaient prendre la vedette sur le film et ses personnages.

Sinon je lis les "Cahiers de jeunesse" de Simone de Beauvoir, et c'est amusant, à la date du 1e avril 1928, elle note ceci : "On donne Le Vent qui est un assez bon film avec comme seul héros la rafale sur la prairie déserte."
Rien de plus mais j'aime bien le "assez bon film" :uhuh:

Enfin j'aurais rêvé qu'un éditeur comme BFI (par exemple avec leur doublé BluRay/DVD) sorte une vraiment belle édition de ce film...
The Eye Of Doom
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par The Eye Of Doom »

Sybille a écrit :
Enfin j'aurais rêvé qu'un éditeur comme BFI (par exemple avec leur doublé BluRay/DVD) sorte une vraiment belle édition de ce film...
+1
Rashomon
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par Rashomon »

B. a écrit :The Wind existe en dvd zone 2 chez nous depuis quelques temps déjà :
http://www.priceminister.com/offer/buy/ ... strom.html
Une horreur. Je l'ai revendu aussitôt visionné (enfin visionné - j'ai tenu dix minutes)
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Jeremy Fox
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par Jeremy Fox »

Rashomon a écrit :
B. a écrit :The Wind existe en dvd zone 2 chez nous depuis quelques temps déjà :
http://www.priceminister.com/offer/buy/ ... strom.html
Une horreur. Je l'ai revendu aussitôt visionné (enfin visionné - j'ai tenu dix minutes)

J'avais fait pareil avec le sublime The Greed. Une fournée honteuse ! :evil:
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Kishizo
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Re: Le Vent (Victor Sjöström - 1928)

Message par Kishizo »

Sybille a écrit : J'ai juste écouté de ci de là mais je ne suis pas très convaincue. Il pourrait y avoir des exceptions (par exemple j'ai souvenir que j'aimais bien un accompagnement chanté de L'aurore présent sur le premier dvd Carlotta :lol: mais c'était à l'époque de mes débuts en visionnage de muets donc qui sait ce que j'en penserai aujourd'hui ?). Maintenant a priori, je suis contre la présence de "voix humaines" dans les accompagnements de films muets, ça me semble hors de propos, comme si la ou les personnes qui "chantent, déclament, etc" voulaient prendre la vedette sur le film et ses personnages.
Je suis comme toi, j'aime bien chercher à rationaliser mes goûts même si en matière culturelle la mission est délicate.
La distinction entre les accompagnements instrumentaux et les voix ne me paraît pas évidente et tu relèves déjà des exceptions.
En le reliant à ton idée de "voulaient prendre la vedette sur le film et ses personnages", cela ne peut marcher car une musique instrumentale peut être beaucoup plus expressive qu'un simple chant.

Le plus sûr est sans doute de visionner sans aucune musique, cela permet de se rendre compte par exemple de la magie d'un cinéaste comme Borzage qui arrive à rendre toute l'effervescence d'un village italien au début de Street Angel. Mais à d'autres moments, je peux avoir besoin du réconfort d'un son d'accompagnement. Plutôt que celui proposé, je pioche le plus souvent dans mes disques, l'un de ceux qui me semble posséder une ambiance compatible avec le film. Ce disque je le connais parfaitement et il peut m'accompagner sans voler la vedette n'appelant pas de moi la concentration liée à une nouveauté, mon cerveau se concentre facilement sur l'image. L'autre avantage déterminant est de ne pas avoir été crée pour le film et éviter les fautes de compréhension de l'accompagnateur qui veut faire sens.
L'orchestre dans la partie ville de L'aurore, la tentation serait grande de le mettre en relief, c'est le plus facile à faire pour une musique que de représenter de la musique :lol: ce qui est bien dommage car cela rend la scène lourde et appuyée alors que Murnau la fait déjà sonner par ses effets de réalisation.

Sur le vent, j'étais à deux doigts de couper le son. Le plus logique dans l'accompagnement d'un tel film serait d'enregistrer le vent dans toutes ses variations de son et d'intensité. Au début on s'adapte et on ne l'entend pas encore réellement, puis à force, il devient insupportable, de celui qu'on dit qui rend fou. Je trouve que le groupe d'impro parvient à rendre cet effet, la voix n'est qu'un instrument à vent, jamais ils ne chantent des paroles intelligibles, c'est purement sensuel. A certains moments la monotonie s'empare de nous se transformant ensuite en souffrance et pour moi cela a correspondu aux états d'âme du personnage de Lillian Gish à l'écran. Dans le style cela m'a fait penser à la musique balinaise, le Gamelan, les percussions et leur répétition font qu'il faut s'accrocher au début pour savourer un certain état second ensuite.
Sybille a écrit :Sinon je lis les "Cahiers de jeunesse" de Simone de Beauvoir, et c'est amusant, à la date du 1e avril 1928, elle note ceci : "On donne Le Vent qui est un assez bon film avec comme seul héros la rafale sur la prairie déserte."
Rien de plus mais j'aime bien le "assez bon film" :uhuh:

Enfin j'aurais rêvé qu'un éditeur comme BFI (par exemple avec leur doublé BluRay/DVD) sorte une vraiment belle édition de ce film...
Simone de Beauvoir se revendiquait intellectuelle, le vent est plutôt sensuel. Elle n'était peut-être pas non plus très attentive à la réalisation mais plutôt à l'histoire.
Sur la réalisation cela me semble un chef d'oeuvre évident.
Elle était également féministe et ma curiosité aurait été de connaître son sentiment sur la fin du film.
Il me semble avoir lu qu'une fin différente et plus conforme au roman aurait été tournée à l'origine dans une conception plus victorienne de la femme.
L'absence de sacrifice et de remords de la fin autorisée me plaît bien. Le maquignon, s'il y est réellement passé, le méritait bien, pourquoi faudrait il en faire tout un plat et en perdre la raison ? :twisted:
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