Nicholas Ray (1911-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Joe Wilson
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Joe Wilson »

Ray montre en effet la violence comme incontrôlable et insaissable...produit de la solitude de l'homme ("In a lonely place") et de sa sensibilité exacerbée. Bogart l'enchaîne à une démarche affective et offre une cohésion bouleversante à son personnage.
Le regard des autres, impuissant mais toujours à l'écoute dans le témoignage d'un apaisement, achève d'enrichir une perspective. Tout est recentré autour de la vision d'un drame intime.
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Joe Wilson
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Joe Wilson »

Johnny Guitar

Un film plastiquement exceptionnel...par la densité des contrastes, la violence des couleurs, contenant toute l'intensité et les excès du récit.
Johnny Guitar marque par son outrance, sa concision et sa sécheresse : la mise en scène de Ray révèle avec force les tourments des protagonistes, jusqu'à atteindre une plénitude dans l'expression.
Pourtant, il m'a manqué quelque chose pour être emporté et saisi par les drames en jeu. J'ai trop souvent perçu les personnages comme des archétypes, avec une certaine froideur.
L'impression provient sans doute d'une interprétation inégale : Joan Crawford est mémorable, elle porte le western de bout en bout...mais c'est parfois au détriment de ses parternaires. Certes, Sterling Hayden, dans un rôle délicat...à la fois passif et omniprésent, tire son épingle du jeu.
J'ai par contre été beaucoup moins convaincu par Mercedes McCambridge. Son personnage m'a semblé forcé, caricatural, sans nuances et sans personnalité. Ainsi, je n'ai pas pu être sensible à la haine viscérale qui lie son personnage à celui de Crawford.
D'où un regard admiratif, mais distant.
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Nestor Almendros
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Nestor Almendros »

L'ARDENTE GITANE (1956)

C'est un film assez curieux qui lorgne ouvertement vers la comédie musicale sans jamais totalement s'affirmer comme tel. Pourtant la musique est très présente, les chansons ne sont pas si mal que ça, il y a de la danse, des chorégraphies et même une histoire d'amour. Le projet semble très inspiré du théâtre (comédie musicale de Broadway?), cela se sent malheureusement beaucoup: peu de lieux, impression assez statique, scénario minimal, etc.
Si cette immersion dans l'univers tzigane finit par devenir presque attachante (les nombreux détails typiques de cette culture), ça commençe pourtant très mal: allusions plus que douteuses à une population de voleurs et de truands, pour simplifier. Pas certain que ce genre de clichés fasse l'unanimité...
Reste un scénario assez poussif, sans réelle inspiration, qui trouve surtout un certain équilibre quand il est associé aux gitans. L'alchimie fonctionne à peu près mais ne provoque pas non plus une réussite.
Content d'avoir revu Jane Russel (ça faisait bien longtemps). Curieux d'avoir choisi Cornel Wilde, acteur à la gueule de l'emploi mais qui ne sait pas danser: le film aurait certainement gagné à proposer quelques numéros de danse où l'on aurait senti les vrais acteurs en action et pas leurs doublures comme c'est le cas ici (filmées, bien sûr, en plan très large).

Par contre, pour un titre aussi mineur, Sony fait du beau boulot: format 2.55 respecté, belles couleurs, définition correcte.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
George Kaplan
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par George Kaplan »

Je partage ton avis. C'est un film étrange, à la fois bourré de défauts et passionnant.
http://www.dvdclassik.com/Critiques/ard ... ay-dvd.htm
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit :J'ai oublié : même si beaucoup le détestent, je recommande vivement Le roi des rois le plus beau film à mon avis sur la vie de Jésus avec un excellent Jeffrey Hunter :oops:
Revu ce soir ; on aura beau dénigrer ce film, je le trouve d'une beauté plastique absolument éblouissante et je continue à le considérer comme l'un des plus beaux péplums après Spartacus, Cléopâtre et Ben Hur. Et du coup, l'une des plus belles réussites du réalisateur :oops:
joe-ernst
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par joe-ernst »

Secret de femme (A Woman's Secret, 1949).

Souvent considéré comme un film noir, on aurait plutôt tendance à le considérer comme un mélodrame. L'histoire est d'une monumentale stupidité mais heureusement que les dialogues spirituels de Herman Mankiewicz viennent relever un peu le niveau et que cela soit interprété par des comédiens en très grande forme, de Melvyn Douglas, génial, à Gloria Grahame, en passant par Victor Jory, Jay C. Flippen ou Mary Philips. Seule Maureen O'Hara paraît un peu décalée parfois.

Cela dit, on peut prendre beaucoup de plaisir à voir ce film, pour autant qu'on ne le regarde pas au premier degré. Tout d'abord ce sont les femmes qui sont aux commandes et par qui tout arrive, les hommes étant très en retrait et les laissant faire, comme si on les avait symboliquement émasculés, à l'exception certes de Melvyn Douglas. Cependant Ray s'amuse avec son personnage en le faisant être l'objet d'un gloussement de plaisir de deux vieilles tantes (mais ouf, la scène se passe à Alger) avant qu'elles ne glapissent de dégoût quand elles le voient embrasser avec effusion Gloria Grahame ! Même la police, en la personne de l'inspecteur, se voit retirer son autorité par la femme même de l'inspecteur qui va mener sa propre enquête et va en quelque sorte résoudre toute l'affaire. Tout ceci est donc très amusant et mérite peut-être qu'on s'y intéresse.
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Sybille
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Sybille »

joe-ernst a écrit :Secret de femme (A Woman's Secret, 1949).
Tout ceci est donc très amusant et mérite peut-être qu'on s'y intéresse.
C'est vrai que ce film est assez spécial, il est difficile à cerner. Comme toi, j'aime bien Gloria Grahame et Melvyn Douglas dedans, bien que Maureen O'Hara ne me semble pas tellement démériter (même si je n'ai que peu d'affinité avec cette actrice).
Le passage que je préfère, c'est vers le début, lorsque Susan a fait son malaise et se retrouve dans l'appartement de Marian. Toutes ses petites explications de pourquoi elle est parti de chez elle, son travail, son manque d'argent à cause de son rendez-vous chez le (la) voyant(e), c'est excellent. :uhuh:
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par joe-ernst »

Sybille a écrit :Le passage que je préfère, c'est vers le début, lorsque Susan a fait son malaise et se retrouve dans l'appartement de Marian. Toutes ses petites explications de pourquoi elle est parti de chez elle, son travail, son manque d'argent à cause de son rendez-vous chez le (la) voyant(e), c'est excellent. :uhuh:
Et qu'elle vienne d'Azusa... :lol:
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par joe-ernst »

La femme aux maléfices (Born to Be Bad, 1950).

Une jeune arriviste, Christabel (Joan Fontaine), tombe amoureuse d'un écrivain prometteur mais sans le sou (Robert Ryan) tout en décidant de piquer le futur mari très riche (Zachary Scott) de la secrétaire (Joan Leslie) de son oncle (vous suivez ?).

Le moins que l'on puisse dire c'est que ce film n'est pas un modèle de subtilité. Tout d'abord, il y a Miss Fontaine, qui affiche tellement sur son joli minoi son service de bouche que personne n'est dupe, sauf ce benêt de Zachary Scott. Le scénario est ultra-prévisible et le fait que Howard Hughes s'en soit mêlé alourdit encore plus la chose, notamment avec cette ridicule scène de réconciliation à l'aérodrome. Restent quelques bons moments, notamment les échanges avec Mel Ferrer, très bon dans le rôle d'un jeune peintre mondain et cynique, et un Robert Ryan assez touchant. La mise en scène de Ray est de très bonne facture.
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Re: Notez les films Naphtas-Mars 2009

Message par beb »

...
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cinephage
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par cinephage »

La maison dans l'ombre (On dangerous ground, Nicholas Ray, 1952)

Film découpé en deux parties, d'intérêt inégal. La première nous fait découvrir un personnage violent, dévoré par ses démons intérieurs, une figure du policier d'une modernité saisissante. La seconde partie nous le fera presque oublier. Et pourtant, tout n'est pas à jeter dans cette seconde partie, notamment une remarquable chasse à l'homme dans la neige, conduite sous la bande sonore somptueuse de Bernard Herrmann.
La faiblesse du film vient du personnage d'Ida Lupino, qui s'insère mal dans l'économie globale du film. Reste que celui-ci se regarde avec plaisir, regorge de très bons moments, et donne une nouvelle fois à Robert Ryan de faire la preuve de son immense talent.
8/10
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Sybille »

Pour ma part, j'aime beaucoup le personnage d'Ida Lupino dans le film. Il est peut-être mal amené ou utilisé (certains pourront ainsi reprocher la toute fin), sa présence peut paraître dès l'abord incongrue, mais sans elle, le film me semblerait beaucoup plus banal. J'aime bien la 1e partie, que je trouve effectivement très réussie, avec un bon 'climat noir' , mais ça me semble toujours un long prélude à ce qui va suivre après. :)
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Alligator »

The True Story of Jesse James (Le Brigand bien-aimé) (Nicholas Ray, 1957) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... james.html

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Mes deux dernières expériences avec Nicholas Ray aboutissent à un très désagréable sentiment de lassitude. Après m'être épuisé à suivre les jérémiades de "Bigger than life", la direction d'acteurs sur ce "Jesse James" m'a encore une fois été des plus pénibles. Le fait que les comédiens soient figés dans des postures et des attitudes sans relief et que le ton et le rythme des dialogues persistent à garder une allure théâtrale et monocorde donne à ce film une teinte grisâtre et surtout le laisse finalement paraitre comme un tableau plat, inerte dont les enjeux restent totalement factices. Bien entendu les thèmes (essentiellement mis en relief dans la toute dernière partie du film) de la vengeance, de la rédemption, l'espèce de sort, de prédestination qui accompagne le malheur, le goût morbide de Jesse James à creuser sa propre tombe sont abordés avec plus ou moins de clarté.

A mon avis, les piètres prestations des comédiens -avec un Robert Wagner caricatural et pesant en tête- altèrent en grande partie la lecture et la portée de ces problématiques.

Dans un premier temps j'avoue avoir été irrité par l'inefficacité de la structure narrative avec des flash-backs trop longs à mettre en place tous les éléments de compréhension. Et puis on finit par s'y habituer mais jamais cela ne donne pleine satisfaction. Le récit s'écoule doucement, inexorablement et je m'ennuie du début jusqu'à la fin.

Quelques sourires devant les faciès de faux durs des frères James ponctuent mon visionnage et finissent de ternir l'image que je me fais du film.

Décidément, "In lonely place" que j'ai vu assez récemment et qui m'avait bien plu parait bien lointain, à cause sans doute de l'emphase et de la rigidité que met Nicholas Ray dans la mise en scène de ses acteurs.
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monk
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Re: Notez les films naphtas : Septembre 2010

Message par monk »

récement vu la fureur de vivre, pour la prmière fois...Inutil de revenir sur le film je pense, mais malgré tout deux questions:
* pourquoi toute cette îconographie avec Dean dans une veste noire alors qu'elle est rouge dans le film ?
* et surtout, pour une fois, le titre français m'est apparu beaucoup plus justifié et approprié que le titre original "rebel without a cause", puisque justement, la rebellion décrite A une cause, les actes et desespoirs ne sont pas gratuits. Ce sont même de grands romantiques.
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Rick Blaine
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Re: Notez les films naphtas : Septembre 2010

Message par Rick Blaine »

monk a écrit : * et surtout, pour une fois, le titre français m'est apparu beaucoup plus justifié et approprié que le titre original "rebel without a cause", puisque justement, la rebellion décrite A une cause, les actes et desespoirs ne sont pas gratuits. Ce sont même de grands romantiques.
'cause' n'est pas employé au sens de l'origine, d'un rapport causal (je crois que ça ne s'emploie jamais dans ce sens d'ailleurs en anglais, mais je ne préfère jurer de rien :D ), mais au sens d'une cause à défendre. Et effectivement, dans le film, il y a une raison à la rébellion, mais elle ne défends rien de précis, c'est, comme tu le dis, purement romantique.
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