Le Fleuve Sauvage (Elia Kazan - 1960)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tuck pendleton
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Le Fleuve Sauvage (Elia Kazan - 1960)

Message par Tuck pendleton »

Cette semaine Carlotta sort Le fleuve sauvage en copie neuve au Grand Action.

Dans le Tennessee, l'ingénieur Chuck Glover, représentant la Tennessee Valley Authority, est chargé de construire un barrage dans la région pour prévenir les crues dévastatrices du fleuve. Bien vite, il se heurte à l'opposition de la vieille Ella Garth, propriétaire terrien qui n'entend pas vendre son bien, le fût-elle obligée par le gouvernement. Le reste de la population, qui refuse le recours à la main-d'oeuvre noire, n'est pas moins hostile.

Le film est souvent mis en rapport avec La fièvre dans le sang qui le suit immédiatement mais entre également dans une trilogie de l'histoire américaine contée à rebours et se cloturant par America, America (1963) où Kazan met en scène l'histoire du périple de son grand-père pour arriver aux états-unis. Splendor of the grass décrit quant à lui un renversement des valeurs d'une société bourgeoise initié par les frustrations sexuelles d'un couple d'adolescents au moment de la crise de 29.
Wild River se passe en plein New Deal, où Mongomery Clift joue le rôle d'un emissaire de la nouvelle politique de Roosevelt, chargé ici d'expulser les habitants d'une petite ville avant son engloutissement par les eaux d'un barrage.
5 ans après East of Eden, Kazan revient au technicolor et au scope pour un film plus convaincant et maitrisé formellement, détonnant par sa lenteur et son calme relatif. Les éléments décrivant le contexte social sont exposés dès l'ouverture du film, d'abord par le témoignage réel d'un homme ayant perdu femme et enfants lors de crues, puis par l'entrée dans l'état du Tenesses du personnage de Mongomery Clift qui découvrira sur sa route, pauvreté et racisme(L'état du Tenessee a vu la naissance du KKK). Face à cela, le ton est moins propice à la révolte qu'à la mélancolie, Chuck Glover étant presque à l'opposé des héros habituellement rencontrés chez Kazan, passant parfois pour faible et effrayé à l'idée de prendre des resposabilité ou de changer de vie lorsque l'amour frappe à la porte. Le jeu de Clift est d'ailleurs plutot contenu, loin des exces exagerations chers au cinéaste. Pour autant, le lyrisme tient de manière évidente une place importante dans le film. Au détour de certains paysages saisissant (champs de coton, rivière) et plus simplement par le jeu très travaillé sur les couleurs où l'on a l'impression que les hommes, leur habitations et la nature font partie d'une même unité: les yeux bleus de Lee Remick, les teintes vertes ou rouges dans les interieurs, la couleur ocre dominante renvoyant à la terre.
Les passions restent egalement plus diffuses renforçant encore cette sensation de douceur et de tristesse, reflets d'un monde condamné au déclin. L'érotisme est ainsi plus discret dans le couple Clift/Remick même si Kazan le fait éclore subitement au détour de certaines scènes (très belle scène dans la voiture) et la notion d'urgence qu'on s'attendrait à voir apparaitre dans cette histoire est pratiquement nié, par le recentrage sur les questionnements du personnage principal.

Film emouvant pour qui se laissera porter par sa musique singulière rappelant par instant quelques passages de Delivrance , et traitement jamais lourd, d'une histoire a priori simple mais porteuses d'éléments complexes.

Profitez en, la copie est belle et la salle Langlois du grand Action a un écran plutot grand.

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Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

Lee Remick, une actrice que je n'ai vu dans les deux Kazan où elle a joué (Wild River, un homme dans la foule) et le preminger Anatomy of murder, est décédée en 1991. Son regard est...

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Rockatansky
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Message par Rockatansky »

J'ai bien envie de voir ce film.
Lee Remick était formidable dans Un homme dans la foule
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Message par Fatalitas »

Lee Remick :oops:

je vais attendre que ça passe à Lyon :D
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-Kaonashi-
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Message par -Kaonashi- »

Mouaif... ce film m'a déçu. D'abord parce que je trouve, à ma grande déception, Lee Remick pas très bonne ici (alors que dans Le Jour du vin et des roses, par exemple, elle est inoubliable).
Et puis, je n'ai pas retrouvé grand chose de Kazan dans la réalisation de ce film. C'est soignée, mais presque impersonnel. Le gros problème vient du scénario, je trouve, qui se perd dès qu'il s'agit de la relation entre Clift et Remick. Et puis le scénario aborde plusieurs sujets, sans les aborder complétement.
C'est dommage, parce que jusqu'à ce que Remick revienne dans son ancienne maison, je trouvais le film très bien. Mais à partir de ce moment, ça se perd.
Une déception, donc. Mais à voir quand même.
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Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

-Kaonashi Yupa- a écrit : Et puis, je n'ai pas retrouvé grand chose de Kazan dans la réalisation de ce film. C'est soignée, mais presque impersonnel.
ah merci de venir poser ton avis :)
C'est vrai que le ton est plus contemplatif qu'à l'accoutumé et que son style est moins bouillonant que sur d'autres films (à part le dernier nabab c'est un des kazan les plus "lents" que j'ai vu) mais j'y retrouve toujours une manière particulière de composer ses plans, certains choix de mise en perspectives et de point de vue. L'emploi de couleurs surréalistes remplaçant l'aspect tranchant de son noir et blanc. Le scope donne aussi une tout autre dimension au style de Kazan.

Je trouve que c'est un de ses plus beaux et j'aime également la seconde partie avec la scène de l'hotel ou celle de l'attaque de la maison (qui préfigure un peu celle de Chiens de paille de Peckinpah).
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Geoffrey Firmin
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Message par Geoffrey Firmin »

J'ai tres envie de le découvrir, mais j'attendrai le dvd Carlotta.
Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

Geoffrey Firmin a écrit :J'ai tres envie de le découvrir, mais j'attendrai le dvd Carlotta.
une date de prévue?
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Geoffrey Firmin
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Message par Geoffrey Firmin »

Tuck pendleton a écrit :
Geoffrey Firmin a écrit :J'ai tres envie de le découvrir, mais j'attendrai le dvd Carlotta.
une date de prévue?
Pour l'instant pas de date, début 2005 sans doute.
Margo

Message par Margo »

Très belle copie aux Actions, malgré une bobine bizzarrement un peu amochée...

Le film m'a énormément plu, ce qui n'était pas gagné sachant que je ne suis pas un grand Kazanphile. Le sens du cadre, magnifié par un superbe cinemascope, la palette des couleurs, le jeu de Clift et Remick... tout m'a bouleversé. Là encore, le pari n'était pas gagné d'avance car cette histoire de construction de barrage est à priori aussi engageante que le pitch d'Advise & Consent, autre grand film politique et sociétal pas forcément engageant sur le papier. Mais quel résultat !

Jamais la mise en scène de Kazan ne m'avait parue si soignée, et certains cadrages sont tout bonnement extraordinaires. Enfin, la psychologie des personnages, extrémement fouillée, ne laisse aucun personnage sur le carreau, chacun dévoilant ses forces, ses faiblesses et ses failles au fil d'un scénario vraiment parfait.

Je signe tout ce qu'a écrit Tuck par ailleurs !

Superbe, une de mes très belles découvertes naphta de l'année.
Simone Choule
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Message par Simone Choule »

EPIQUE

Je le range à côté des grands Kazan : Sur les Quais, America America, A l'Est d'Eden, La Fievre dans le Sang et Les Visiteurs.
Margo, tu n'aimes pas ces films ?????
Fatalitas
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Message par Fatalitas »

Simone Choule a écrit :EPIQUE

Je le range à côté des grands Kazan : Sur les Quais, America America, A l'Est d'Eden, La Fievre dans le Sang et Les Visiteurs.
Margo, tu n'aimes pas ces films ?????
vivement que ça passe à Lyon :P
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Margo

Message par Margo »

Simone Choule a écrit :Je le range à côté des grands Kazan : Sur les Quais, America America, A l'Est d'Eden, La Fievre dans le Sang et Les Visiteurs.
Margo, tu n'aimes pas ces films ?????
Bin...

(je regarde vite fait autour de moi si Roy n'est pas dans les parages)

... je n'aime pas trop Un tramway nommé désir, Baby Doll et l'Arrangement. Je m'endors à America America (toujours pas là le Roy ? :mrgreen:) et j'aime beaucoup Un homme dans la foule. Il faut que je revoie le reste... :?
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Si, il est là le Roy ! :mrgreen: :twisted:
Et il n'est pas content... Image
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Bob Harris

Message par Bob Harris »

Bon, si un non-Kazanphile a adoré, alors je vais me déplacer aussi... :mrgreen:

(je précise que je n'ai rien à reprocher aux films de Kazan, c'est juste qu'ils me touchent peu en général)
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