bruce randylan a écrit :
Lydia ( 1942 )
2ème réalisation aux Etats-Unis mais 1er vrai film de l'exil à Hollywood de Duvivier qui livre une variation de son carnet de bal. On retrouve ainsi une dame âgée qui se rappelle ses histoires d'amour passées depuis son premier bal. Adieu la structure en sketch et bonjour une narration en flash-backs très classique.
Les scènes contemporaines du début sonnent très faux avec des maquillages ratés, des acteurs cabotinant et une situation à la limite du ridicule ( ce sont les anciens amoureux de Lydia qui font la surprise de la retrouver tous ensemble des décennies après ).
Les premiers flash-backs font leur apparition et relève fort heureusement le niveau ( le ralenti magnifique dans l'arrivée dans la salle de bal fantasmé ) avec un certaine ironie bienvenue mais sans se montrer très original sur la longueur. Il faut attendre près de 30-40 minutes pour que le film décolle quand l'héroïne décide de se consacrer aux aveugles et qu'un musicien lui aussi non-voyant les inities aux couleurs en utilisant le piano. On y trouve alors des séquences magnifiques où Duvivier utilise à merveille la musique pour traduire des sensation visuelles. C'est très poétique, très fort et prenant avec un sens romanesque dans la relation entre les personnages qui permet enfin aux scènes contemporaines de fonctionner en étant filmer dans un contre-jour fantomatiques presque irréelle. Le segment suivant où Lydia se retrouve dans une demeure en bord de mer avec un amant marin est tout aussi sublime. Le décor, la photographie, les mouvements de caméra et l'esthétisme studio très raffiné traduit la aussi avec une sacrée virtuosité plastique la tension entre Lydia et sa rivale : l'océan.
On obtient ainsi près de 30 minutes somptueuses où l'ont sent enfin la présence de Duvivier à la réalisation avec le lyrisme tragique qu'il manie si bien. Puis le film retombe dans ses travers de mélodrame sans grande finesse que la censure à surement fait modifier ( puisque l'héroïne a connu un amant avant le mariage, elle sera condamné au célibat pour le reste de sa vie ). C'est rageant car on retrouvait tout de même au scénario Ben Hecht, Samuel Hoffenstein et André De Toth.
Bref, une demi-heure à sauver de ce mélo lourdingue qu'il ne vaut mieux pas comparer à Carnet de Bal.
Lydia (1942)
Au soir de sa vie, à l'occasion d'un hommage public, une femme se retrouve face à ses prétendants de jeunesse. C'est l'occasion d'un bilan amical mais douloureux.
C'est donc un remake de
Carnet de Bal mais sous une forme et dans un sens différent. A l'exception des scènes d'évocation du Bal lui meme au début qui suivent le meme schéma que dans le film initial (confrontation entre le souvenir phantasmé et la réalité ), le film va s'attacher à nous compter la vie de Lydia et non dresser un etat dramatique de celles de ses prétendants.
Dans Carnet de Bal, c'est elle qui cherche à retrouver trace de ses amoureux, ici par un retournement habile ce sont eux qui viennent à elle. L'objet et la construction du film change alors naturellement.
Disons le tout net, contrairement à Bruce Randylan j'ai trouvé Lydia beaucoup plus réussi que Carnet de Bal.
Ce dernier souffre d'une construction en sketchs, certes réussis pour la plupart mais qui sont autant de courtes nouvelles rassemblés autour d'un vague fil rouge.
La construction de Lydia ne souffre pas de ces défauts : il y a une progression dramatique qui nous saisie pour ne nous lâcher qu'à la dernière image.
Le film n'est pas parfait et démarre assez mal. On a droit à une confrontation sans grande subtilité du souvenir versus la réalité des faits. Et un défilé de maquillages peu crédible (enfin c'est pas pire que dans Edgar J. d'Eastwood) Bref on redoute un mauvais remake grillant ses cartouches sans finesse et un produit sans surprise. Mais le film decole dés que l'on sort justement de ce schéma simpliste pour s'attacher à la psychologie des personnages. Pour moi, c'est à partir de la séquence au cabaret. Duvivier toujours à l'aise à restituer ces ambiances (voir mes commentaires ci dessus de la charrette fantôme à Allo Berlin) commence à cerner les âmes. Puis le vrai basculement s'opère avec l'enfant aveugle et la visite des taudis. C'est parti.
Les passages avec les groupes d'enfants écoutant la musique jusqu'à celui de la fillette qui vient chercher sa poupée sont remarquables. Duvivier capte les visages immobiles dans un geste mêlant étrangeté, respect et et compassion.
Le simple fait de plonger les scènes dans le noir nous interpelle quasi physiquement sur l'altérité de la situation des aveugles.
L'ensemble du passage où l'héroïne se retrouve sur une île isolée, pour vivre avec son amant son amour fou et total constitue le sommet du film. Alors que Lydia était dépeinte soit comme une jeune fille immature soit comme une aristocrate un brin engoncée, on assiste ici à une libération du corps et de l'âme. Il y a dans les courtes scènes autour du lit un abandon, une liberté, remarquablement rendu par Duvivier.
Il faut dire ici un mot de Merle Obenon. Je ne connaissais pas cette actrice. Je l'ai trouvé excellente. Que ce soit dans le rôle de la jeune fille, de l'amoureuse éperdue, de la femme brossée, de la vieille femme qui livre ses secrets.
Alors que les premières scènes de retrouvailles portent le poids dès maquillages un peu lourds, toutes celles de la fin sont très émouvantes , filmées la nuit tombée, portées par des dialogues simples mais qui sonnent justes. Apparaît alors le vrai portrait de cette femme qui aura été d'un bloc et qui aura payé d'une vie de solitude le choix de ne pas faire le deuil de son premier amour. L'ensemble du film est remarquablement dialogué.
A noter la prestation de Edma May Oliver dans le personnage l'incroyable grand mère bostonienne. Que du bonheur. Elle a une tirade sur les homme qui ne sont plus ce qu'ils étaient, qui rappelle celle de Gloria Swanson sur les films devenus trop petits. J'adore le passage où une amie aristocrate s'étonnant qu'elle accepte que sa petite fille épouse un roturier, elle réponds qu'elle vendait des harengs quand elle a rencontré son futur mari.
Duvivier est souvent à son meilleur. A plusieurs moments, j'ai penser à Mankievicz.
Je termine par l'évocation de deux séquences. Le curieux plan qui ouvre le film ou l'on voit Joseph Cotten vieux et assoupi se réveiller dans son fauteuil: quel curieux début. La scène du mariage manqué où Lydia attends seule à minuit dans l'église déserte et ouverts à tout les vents de l'hiver : un plan digne des chefs d'œuvre muets
On l'aura compris , une fois passer le début bancal j'ai été emporté par ce portrait de femme. Ma femme et mon fils de 13 ans aussi.
Plus j'avance dans cette revisite de la filmo de Duvivier plus je trouve incompréhensible qu'il n'ai pas aujourd'hui une notoriété supérieure. C'est clairement l'égal des plus grands.