Casanova (Federico Fellini - 1976)
Illustration de Manara à son vieil et regretté ami Fellini.
Après Amarcord, on revient sur un film difficile consacré au libertin à travers la vision personnelle de Fellini sur le personnage. 'Paraît que Fellini n'aimait pas Casanova qu'il appelait le
stronzo, le couillon. Ou pour reprendre clairement les termes du réalisateur au journaliste Costanzo Costantini ("
Conversations avec Fellini" - 1995, editions Denoël), Casanova est "
un grand personnage en cire plein de sperme avec les yeux d'un masturbateur" (*). Au moins comme ça, on est fixés. Il faut dire que le réalisateur n'est clairement pas tendre avec le personnage qu'il réduit logiquement à une machine de sexe, un homme-objet, un automate-godillot qui dès lors qu'il tente d'afficher d'autres prétentions que celles, sexuelles, à laquelle on le contraint, est immédiatement l'objet de moquerie ou d'oubli. Pourtant, au délà de l'animal à performance parfois goguenard ou vantard perce sous la carapace une réelle sensibilité (il faut voir quand, ému par Henriette, le personnage s'isole pour pleurer dans les buissons, comprenant sa chance d'être avec une femme qui n'est dès lors plus seulement un corps à ses yeux mais aussi un esprit, une âme). Casanova aimerait se prouver qu'il n'est pas que bon à forniquer. Malheuresement, le moindre moment où il peut le faire lui est repris juste après : sa Henriette disparaît après un court moment de bonheur, l'ambassadeur n'a que cure de ses talents intellectuels et même sa mère se contrefout de lui. Finalement, appuyé par l'immense prestation de Donald Sutherland (méconnaissable et transfiguré
), le film est surtout, au délà du sexe, le portrait d'un homme seul, un automate de copulation au devenir machine, qui deviendra réellement une mécanique au creux des bras d'une petite ballerine dans une Venise glacée de mort sur une des plus belles partitions de Nino Rota. Un film difficile donc mais qui mérite d'être vu. 4/6.
(*)
repris du "Federico Fellini" de Chris Wiegand, editions Taschen.