Buster Keaton (1895-1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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someone1600
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

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Bon, il va définitivement falloir que je m'achete les kino lol. Ceci dit vu que j'ai l'intention d'acheter les blu-ray bientot. :?
allen john
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

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MY WIFE'S RELATIONS (Keaton & Cline, 1922)

Après avoir donné sa vision du calvaire d'un homme, son ami, en proie à une fantastique machination judiciaire et morale qui allait le détruire avec Cops, Keaton est, en apparence du moins, revenu à des choses plus traditionnelles, avec ce nouveau film. Jouant toujours le chaud et le froid, et passant d'un extrême à l'autre, Keaton donne avec ce court métrage l'illusion d'une unité (lieu, histoire, enjeux) et de banalité rare dans son oeuvre. Pourtant, il y a bien plus à voir dans ce petit film qu'il n'y parait, même si il faut admettre que ce n'est pas l'un de ses meilleurs films, loin s'en faut.

Dans un quartier 'ethnique', un juge Polonais s'apprête à célébrer un mariage, lorsque deux personnes entrent en collision: Buster lui même, et une jeune (?) femme volumineuse et un brin disgracieuse, jouée par Kate Price: il se défendait contre un facteur qui lui en voulait, suite à un petit quiproquo; en tout cas, au moment de la collision, ils étaient juste à hauteur du tribunal, et Buster avait sur lui une lettre qui ne lui était pas adressée. Entrée, avec Buster qu'lle avait pris par le col, dans le tribunal, afin de dénoncer les agissements du voyou, Price s'est donc retrouvée mariée par erreur, et par un juge qui ne maitrisait pas l'Anglais, à Buster Keaton. Et comme sa famille, entièrement composée de gaillards de la carrure de Joe Roberts, et dans laquelle on est assez tolérants (il y a un malfrat et un policier), est accueillante, on rajouta donc un couvert.

Après, le film découle entièrement de cette scène. Buster ne cherche pas à fuir tout de suite, il semble étrangement accepeter son lot, et ne se pose pas de questions lorsque la famille déménage vers une suite luxueuse: les frères de la jeune femme ont en effet découvert sur les vêtements de Buster la lettre (qui ne lui appartient donc pas) dans laquelle on annonce un héritage fabuleux... Lorsque le pot-aux-roses sera découvert, bien sur, Keaton passera un sale quart d'heure.

L'histoire se suit aimablement, mais il faut reconnaitre que Buster Keaton a pris un malin laisir, peut-être un brin masochiste, à représenter son personnage aux prises avec des grosses brutes qui ont tous une carrure imposante, et qui l'examinent sous toutes les coutures comme un jouet... de plus, le jeu sans concessions de la pas vraiment tendre Kate Price ne le ménage pas non plus; y aurait-il un rapport avec le mariage pas simple de Keaton avec la jolie Natalie Talmadge, dont les deux soeurs Norma et Constance, le frère Richard et le beau-frère Joe Schenck (Propre producteur de Keaton, au passage) sont tous des sommités du cinéma? Cette scène, qui voit Keaton privé de viande alors que tous les néanderthaliens qui l'entourent se sont copieusement servis, est-elle une métaphore de la propre situation de Keaton dans sa propre famille? et l'appat du gain, qui pousse la famille de Kate à choyer momentanment Buster, est-il une vision de ce qu'on souhaitait faire de Keaton dans cette famille? On sait que Keaton n'a jamais souhaité être plus que confortable, et s'accomodera de toutes les galères, sa vie durant. peut-être Natalie n'était-elle pas aussi détéerminée. Oh, bien sur, ce ne sont là que spéculations...

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allen john
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The blacksmith (Buster Keaton & Mal St-Clair, 1922)
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Alors que le complice Eddie Cline est de nouveau remplacé par Mal St-Clair, keaton après avoir donné sa vision de l'affaire Arbuckle (Cops) et sa vision du mariage (My wife's relations), semble revenir au slapstick pur. Et de fait, jusquà la dix-neuvième minute, ce film est un concentré de gag classique, sur un thème typiquement Américain, dans lequel on dénote avec intérêt l'appartenance de Buster Keaton à un cinéma presque lyrique, qui fait de lui l'héritier d'un Griffith (Ce qu'il revendiquera) et l'égal d'un Ford, qui lui aussi quittait déja son univers westernien en cette année 1922 pour s'intéresser à des sujets sur l'Amérique profonde (The village blacksmith, justement, chez Fox). Le maréchal ferrant de ce film est comique, source de gags, oui, mais il est si typiquement Américain... L'introduction-gag basée sur des intertitres imités de poésie populaire va dans ce sens, même si elle est pour rire.

L'assistant (Buster Keaton) d'un maréchal-ferrant (Joe Roberts) suscite la colère de ce dernier par son inefficacité; alors que la police maitriseet enferme la grosse brute, l'assistant est donc laissé à charge de l'échoppe, et doit assumer seul toutes les tâches: ferrer un cheval difficile (On lui fait choisir les fers comme dans un magasin de chaussures), aider une dame dont les dons en matière d'équitation sont limités (Keaton lui installe un siège avec suspension hydraulique afin de limiter les mouvement sur son pauvre dos), et réparer une voiture magnifique dont le blanc virginal va bientôt se parer de toutes les taches de graisse possibles.

Ce dernier gag est redondant: le premier cheval est lui aussi blanc, et lui aussi souillé en deux minutes... Keaton se laisserait-il aller? Disons que le film n'est pas son meilleur, mais se laisse de toute façon voir. A l'exception du début et de la fin, c'est un film très classique, et qui aurait pu être tourné chez Roach, avec Laurel par exemple. Sauf que... J'ai déja parlé du début, avec ses intertitres lyriques démentis par des gags visuels; mais la fin rejoint le film précédent dans le torpillage du mariage. Cette fois, et sans raison valable, Keaton se marie avec Virginia Fox, mais les dernières images nous montrent un Buster marié qui baille de tout son être...

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THE FROZEN NORTH (Keaton, Cline, 1922)

Dans le grand nord, l'arrivée de Buster Keaton ne passe pas inaperçue: mu par la collère et la vengeance, il laisse libre cours à ses passions, lâche sa femme, court après une autre, et tue tout ce qui passe à sa portée. Je sais, ce résumé n'est pas tout à fait fidèle au film, mais celui-ci est tellement absurde qu'il est inracontable. Comme tout ceci n'est qu'un rêve, en prime, on sera pour une fois pardonné de qualifier cet étrange court métrage de "surréaliste": fonctionnant avec la logique du rêve, il sied plutôt bien à cet adjectif, pour une fois...

Keaton aimait particulièrement ses films les plus étranges, en commençant par Hard Luck, bien sur. C'ets que Roscoe Arbuckle et lui partageait cet humour étrange qui les faisait parfois commettre des films qui s'auto-détruisaient dès la première minute. On appréciera ici la tentative ratée de faire un hold-up, les diverses tentatvives du héros pour séduire une femme, et la scène durant laquelle il est à la maison avec son épouse (Sybil Seely), et celle-ci est assommée par sa faute. Pour déjouer l'attention d'un policier qui passait par là, Keaton impassible danse avec sa femme inconsciente... les inventions miteuses sont au rendez-vous, comme l'automobile-traineau, tirée par des chiens qui n'ont rien du huski. A ce propos, Keaton en tournant ce film s'est livré à des cascades spectaculaires dans la neige, le spectaculaire étant assuré par les efforts qu'il a sans doute fallu faire pour tenir dans ce froid.

Pour finir sur un film qui n'apporte ni ne retranche rien à la carière de Keaton, on notera deux allusions marrantes qui font définitivement de ce film une parodie parfaitement assumée: le personnage de Keaton est un décalque de William S. Hart, jusqu'au chapeau; et lorsqu'il apparait face à la femme qu'il convoite, elle le voit déguisé en Sergius Karamzin, le héros de Foolish Wives, de Stroheim, probablement l'un des films les plus commentés de cette année 1922. Superbe gag pour un film somme toute assez dispensable.
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DAYDREAMS (Keaton & Cline, 1922)

Voilà encore un film de Keaton qui souffre d'une construction un peu lâche... Typiquement, Keaton en fait d'ailleurs le sujet même de son film, en nous montrant son personnage obligé, afin de conquérir auprès du père (Joe Keaton) de sa fiancée (Renée Adorée, mais oui!!) le droit de l'épouser, de devenir quelqu'un. le film est donc divisé, après le prologue qui établit cette situation de base, en quatre parties, toutes introduites par une lettre de Keaton qui arrange un peu la vérité afin de se mettre en valeur et d'exagérer ses progrès dans la vie: il travaille dans un hôpital vétérinaire (Il laisse entendre dans la lettre qu'il est devenu un chirurgien célèbre), devient ensuite "white wing" (nettoyeur de rues) et nettoie Wall Street (Typiquement, Renée croit qu'il est un grand financier), il est figurant dans un théâtre (elle l'imagine en Hamlet), et à la suite de toutes les expériences désastreuses, il est poursuivi par une horde de policiers (il lui fait croire qu'il monte les échelons de la police). L'épilogue voit Buster revenir et se suicider, conformément à l'accord avec le père. mais il est trop nul pour réussir son suicide...

Il faut voir ce film pour le croire, mais si certains gags sont très réussis, tout cela manque à la fois de sérieux et d'unité. Chaque segment possède au moins son moment intéressant, avec un gag splendide, fait de non-dits calmement exposés, bien que lié à un putois dans le premier segment; une sérioe de cascades magnifiques et réglées avec précision dans le deuxième, un Biuster laché en pleine rue déguisé en soldat romain dans le troisième, et les meilleurs moments du film dans le quatrième. Si on applaudira à la mésaventure de Buster coincé dans une roue à aubes qui se met en route, offrant un spectacle symbolique (Buster, le hamster?), il faut bien dire que le reste du final vient en droite ligne de Cops.

Mais une fois de plus, il nous faut peut-être cherchre le sens de ce film en dehors, d'une part dans la vie, dont on sait qu'elle n'est pas rose si on a lu My wife's relations entre les lignes, mais plus encore dans la carrière de Keaton: il lui faut fournir, Joe Schenck attend des courts métrages, et qu'importe que les aspirations de Keaton aillent vers le long métrage, le contrat est là. Contrairement à Chaplin, qui lui peut choisir ce qu'il tourne, mais aussi ce qu'il sort, Keaton lui sort tous ses films, réussis ou ratés. Ici, l'accent mis de façon systématique sur l'échec et l'ineptitude ressemble à un commentaire sarcastuique sur la panne d'inspiration... A tel point qu'à la fin du film, il est envoyé en piteux état chez sa petite amie par la poste... Il n'ira sans doute jamais plus bas.
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THE ELECTRIC HOUSE (Buster Keaton & Eddie Cline, 1922)

Ce film mineur(Que certaines filmographies placent avant Daydreams) possède un atout de poids: il est, pour la première fois, entièrement consacré à ce goût pour l'ingénierie délirante, typique de Keaton, et qui avait déjà marqué le film The scarecrow (les cinq premières minutes), et qu'on voyait ça et à ressurgir. mais pour cette fois, c'est non seulement le sujet du film, mais aussi la source principale de gags...

Fin de l'année à l'université: un groupe d'étudiant ont reçu leurs diplômes, mais trois d'entre eux mélangent les leurs: une jeune femme, une grosse brute et Buster. A la fin de son discours, le doyen (Joe Roberts) demande à un diplômé en électricité de venir pour refaire l'installation électrique de sa maison. La grosse brute est volontaire, mais il porte sur lui le diplôme de manucure de la jeune femme. Celle-ci a le diplôme de Botanique de Buster, qui lui a hérité du diplôme d'électricité, il est donc engagé, et va pouvoir faire ce qu'on lui demande afin d'impressionner le fille de la maison, interprétée par Virginia Fox.

Bien sur, le film est divisé en trois parties à partir de là: d'abord, le jeune homme s'exécute et construit tout un écheveau de circuits électriques délirants, qu'il présente; puis la famille du doyen commence à vivre et à réaliser tous les aspects du problème, enfin la brute du début revient se venger, et intervertit tous les circuits, conduisant la famille-et Buster- à la catastrophe inévitable... Forcément, le film est comme chaque invention: pas forcément, drôle, mais l'effet qu'il produit est de nous étonner, un reste de l'enfant qu'est resté Keaton toute sa vie, qui ménagera toujours dans ses films un petit coté acrobate de cirque. On retiendra bien sur les gags affligeants liés au billard, à la table avec son train qui sert les convives du repas, et bien sur la piscine qui se remplit et se vide d'un coup de manettes...

la fin du film est emblématique de cette période d'auto-dépréciation de la part de Buster Keaton (Voir à ce sujet Daydreams): congédié par le doyen, il s'attache une pierre au cou afin de se jeter dans la piscine. Virginia vide la piscine, et on aperçoit Buster au fond. Le père revient, remplit la piscine de nouveau, et s'en va. une fois qu'il est parti, la jeune femme re-vide la piscine et constate avec horreur que Buster n'y est plus. Le dernier plan le voit rejeté par un égout...

Le film est célèbre pour être le seul de ses films a avoir du être mis de coté pendant un an: Buster a, en effet, raté une cascade, se prenant la chaussure dans l'escalator de sa maison maudite. Après un an de purgatoire, le metteur en scène a tenu à revenir à son film. Contrairement à son personnage auquel il faisait subir les pires avanies, Buster Keaton ne s'avouait jamais vaincu...

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THE BALLOONATIC (Buster Keaton & Eddie Cline, 1923)

Ce film est une exception dans l'oeuvre de Keaton, un court métrage qui voit Keaton ouvertement partager la vedette avec l'actrice qui joue en sa compagnie. De fait, l'essentiel du film les voit seuls à l'écran, si on excepte quelques poissons, des ours, et quelques lapins... Pour l'accompagner, Keaton a donc choisi l'ancienne Bathing Beauty Phyllis Haver, qui tente de se reconvertir, mais a quand même droit à une séquence Keatonienne de démonstration de maillot de bain, ou comment Keaton rencontre Mack Sennett...

Buster Keaton dans une maison hantée: on a déja vu ça, et on se croit vaguement revenus à Haunted house... mais non, on est dans une baraque de foire. Keaton aime tant commencer ses films en trompe l'oeil. Ici, il ne pouvait pas mieux faire: on ne fait pas plus éloigné du coeur du film que cet étrange début... A la foire, Keaton essaie vaguement de draguer une jeune femme, ce qui donne lieu à une splendide ellipse: ils se trouvent tous deux dans un petit bateau, en partance pour un tunnel. au dessus de l'entrée, un panneau avertit les messieurs de respecter la décence: gardez vos mains de votre coté... Au sortir du tunnel, les deux acteurs sont toujours aussi impassibles, mais l'état de Buster montre qu'il a pris une sacrée raclée. Le fait de le montrer (ou de le suggérer) aussi entreprenant avec les dames est étonnant, mais ni Keaton ni Cline ne pouvaient sans doute résister au gag.

Désireux sans doute de se retirer du monde, Buster Keaton prend un ballon, et va camper en pleine nature. là, il s'apercevra bien vite qu'il n'est pas seul: Phyllis Haver est là aussi, prète à résister à ses avances. Mais, aussi inepte soit-il (Voir sa méthode de pêche, qui consiste à construire un barrage pour ensuite ramasser les poissons à la main, voir aussi son impressionant canoë démontable, etc), qui peut décemment résister à Buster Keaton?

Bon, il semblerait qu'une grande part de la partie 'camping' de ce film ait été improvisée, mais ne boudons pas notre plaisir, après tout, le film se laise voir, par sa décontraction, et le fait que buster ait laissé quelqu'un partager intelligemment l'acran avec lui rend le film bien différent. C'est tout au plus un changement intéressant. A la fin, on croit que Buster Keaton a totalement repris la situation en main, lorsque le couple, en canoë, enlacés, file vers une chute d'eau... mais non: voyez le film.

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THE LOVE NEST (Buster Keaton, eddie Cline, 1923)
Donc, Keaton et Cline, et toute leur troupe, s'apprêtent à dire adieu au court métrage... Joe Schenck allait dans ce sens, il savait que pour promouvoir Keaton, il était nécessaire de changer de classe, et c'était clairement le sens dans lequel la comédie burlesque se devait d'aller; non que ce soit évident our tout le monde, d'ailleurs: à cette époque, seuls Chaplin, Larry Semon et Lloyd se sont lancés, Arbuckle a tourné quelques comédies légères, éloignées de son style d'avant, et est empêtré dans les suites du scandale, Langdon n'est pas encore là, et les productions Hal roach, à l'exception de la "vitrine" représentée par Harold Lloyd, ne veulent pas s'aventurer sur ce terrain. Bref, pour tout le monde, la comédie burlesque se doit de rester confinée au format court, et d'ailleurs en cette année 1923, Chaplin prépare un film d'un tout autre genre.

Avec The love nest, on est en terrain connu, et le film bénéficie grandement de tout ce qui a précédé: le personnage de Keaton, lunaire et décalé, est bien le même petit homme rejeté qu'il a mis au point, et beaucoup malmené dans ses derniers films, le scénario est très cohérent, comme si Keaton soignait sa sortie, et comme par hasard, l'intégralité du film se situe sur l'eau, dans un certain nombre de bateaux: parce que sa fiancée a rompu, une jeune homme décide de se couper du monde, et s'installe sur un bateau, seul avec des vivres, pour dériver. Il croise, après plusieurs jours, un baleinier, dont les marins le recueillent; ils sont gouvernés par un capitaine ultra-brutal (Joe Roberts) qui se débarrasse de ses coéquipiers en les jetant à la mer, ajoutant, touche personnelle, une couronne mortuaire à chaque fois. Bien sur, Keaton va souffrir...

Le ton est résolument loufoque, dans la mesure ou dans son esprit, on le verra bientôt, Keaton ne pouvait pas traiter ses longs métrages de la même manière que ses courts, cet adieu à la brièveté regorge de gags idiots, petites touches visuelles, raccourcis et ellipses qui ont tout du cartoon. mais comme toujours, avec Buster, la thématique du rejet est troublante, et on est un peu choqué de voir, dans ce film, le sort qu'il réserve une fois de plus à son personnage... mais c'est une fausse fin. En attendant, le film apporte, c'est le cas de le dire, de l'eau au moulin des supporters d'un thème aquatique: Buster se frotte à l'eau, symbole de vie et de mort, parfaite menace dans ses films; ici, on est servis. Et Buster Keaton y reviendra bientôt avec un long métrage.

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THREE AGES (Buster Keaton & Eddie Cline, 1923)

Donc, Keaton est passé au long métrage avec cet étrange film, toujours drôle, mais dont il faut bien dire qu'il est une parodie d'Intolerance: un rappel de l'influence de Griffith sur Keaton, qui s'en souviendra de nouveau avec son film suivant. en attendant, il réalise avec ce film une passerelle adéquate entre ses années de formation, marquées par ses 19 courts métrages, et ses années classiques, qui comptabiliseront 12 longs métrages jusqu'à la victoire finale du parlant.

Three ages a la réputation fausse d'avoir été décidé comme un film à sketches afin de permettre le découpage en 3 courts métrages en cas de flop, ce qui ne tient pas une seconde... Si il présente en effet trois fois vingt minutes de trois histoires différentes, elles ne sont différentes que par les données temporelles, sinon, ce sont les mêmes acteurs (Keaton, Margaret Leahy, Wallace Beery et Joe Roberts), et la même histoire à chaque fois: Beery et Keaton convoitent tous les deux Leahy, qui en pince pour Buster, mais les parents (Dont Joe Roberts) préfèrent l'autre. ils tentent de se départager par divers moyens, sous forme d'affrontement, sportif ou autre, et bien sur Beery triche, et bien sur Buster gagne. la pemière histoire est située dans une préhistoire idiote, avec dinosaures et peaux de bêtes, la deuxième dans une Rome luxueuse, et la troisième en 1923. enfin, comme dans Intolerance, Keaton mélange tout et lie avec des intertitres. il se paie même le luxe d'introduire en faisant une déclaration d'intention assez ronflante (Voyons comment l'amour a progressé à travers les ages), et utilise une figure symbolique qui lit un livre pour lancer le sujet. Mais ce n'est pas Lillian Gish, juste un vieillard anonyme avec une faux. Bref, on ne voit pas tellement comment il aurait pu être question de sortir ces trois histoires indépendamment les unes des autres, et comment imaginer que le public ne puisse pas s'apercevoir de leur similarité...

Bien sur, le décalque d'Intolerance n'est pas à prendre au sérieux, mais d'une part il empêche paradoxalement la redondance, permettant même la comparaison entre les différentes histoires, et la juxtaposition sert vraiment le film, qui est de fait plus intéressant que la somme de ses parties. Mais de la façon dont Keaton conclut sur la partie moderne, on devine aisément qu'il en a fait son histoire centrale, et de fait c'est la plus soignée, avec à la fin es cascades spectaculaires. de fait, si on se concentre sur cette partie du film, on constate qu'il semble s'éloigner du coté cartoon de ses courts, et qu'à part les digressions temporelles inhérentes au projet, et qui sont annoncées sans surprise au début, le film est privé de ces ruptures étonnantes, de ces trompe l'oeil et de ces changements brutauix de ton qui ont fait le style de Keaton jusqu'à présent. Les autres longs métrages confirmeront cette impression.

Sinon, Keaton contrairement à Arbuckle n'a pas renié totalement le style de comédie qui est le sien, et s'amuse beaucoup dans les deux autres histoires, bourrées d'anachronismes joyeux. Il met l'accent sur le sport, aussi, sa grande passion, et assume une part importante des cascades. Il est à noter que l'équipe technique reste très proche de celle de la plupart de ses courts métrages, avec pour commencer le co-auteur de ce film, Eddie Cline, qui partira ensuite pour assumer une petite carrière de spécialiste de la comédie (sans jamais retrouver la plénitude de ses années avec Keaton... Tiens donc, c'est exactement le cas de Sedgwick, Reisner, Bruckman et Crisp. Bref, aucun d'eux n'était Keaton!), mais on retrouve aussi Elgin Lessley, chef-opérateur atitré des courts, et le décorateur Fred Gabourie, qui profite ici de décors d'un autre film pour l'épisode Romain. Les gagmen, Jean Havez ou Clyde Bruckman, sont toujours là... Ce ne sera pas toujours le cas, mais pour l'instant on sent bien que Buster Keaton a les mains libres. Son premier long métrage n'a pas le raffinement de The Kid, ou la classe des premiers Lloyd (Rien qu'en 1923, celui-ci a déja produit Why worry? et Safety Last!), mais le succès de cette pochade très bien ficelée va permettre à Keaton de faire ce qu'il veut, et le second film Our hospitality sera splendide.

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Dernière modification par allen john le 18 mars 11, 17:18, modifié 1 fois.
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Je l'ai bien aimé celui-la, meme si certains gags (je me souviens plus lesquels par contre ) sont un peu ridicule... mais je crois un ridicule assumé. Un premier coup dans le long métrage, bien orchestré, mais deja le film suivant sera meilleur. :wink:
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

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OUR HOSPITALITY (Buster Keaton, John Blystone, 1923)

Spectaculaire: le deuxième long métrage de Buster Keaton, tout en permettant à Buster d'utiliser la même équipe technique, les mêmes gagmen, et de se reposer sur l'amitié de Joe Roberts, dont ce sera le dernier film, tout en faisant jouer son père Joe, son épouse Natalie Talmadge, et leur fils James, reste un nouveau départ, un coup de poker phénoménal. Les avis sont d'ailleurs partagés sur la place du film dans l'oeuvre, voire sa qualité, mais personne ne doute d'une part des ambitions de Buster Keaton en réalisant ce film qui doit beaucoup à Griffith, entre autres, et du fait que, réussi ou non, le soin extrême apporté à ce film a porté ses fruits d'un point de vue esthétique. Pour ma part, je pense que c'est l'un des meilleurs films de Buster Keaton, et l'un des joyaux du muet, comme The General du reste. Avec Three ages, Buster Keaton a prouvé qu'il pouvait soutenir une durée trois fois plus grande que ses courts métrages, et maintenir le ton résolument burlesque et badin de ses films, tout en offrant à la fin du film une conclusion plus directe, positive, et surtout moins sardonique qu'à l'habitude. Il a décidé désormais de s'interesser à l'histoire de ses films, et ce nouveau long métrage est différent justement parce que tout en offrant comme de juste des gags, et non des moindres, il raconte aussi une intrigue, aussi simple soit-elle, qui foncctionne bien toute seule. Keaton a d'ailleurs testé Our hospitality en public sous la forme d'un moyen métrage dramatique, afin de voir si cela marchait. Le résultat était probablment bien inférieur à ce film, tel qu'il est dans son intégralité, mais peu importe: l'idée était d'étayer la comédie, le résultat s'en ressent.

En 1830, Willie McKay (Keaton) retourne dans son Kentucky natal, afin de prendre prossession de la demeure familiale. 20 ans auparavant, sa mère était partie, en portant le jeune Willie encore bébé, suite à un duel entre son mari John et son voisin Canfield. Les deux hommes étaient morts à l'issue de la confrontation, et le frère de Canfield (Joe Roberts) a juré de continuer la lutte à mort avec tous les McKay qui se présenteraient. dans le train qui l'emmènent, Willie rencontre une jeune femme (Natalie Talmadge), dont il tombe amoureux, sans savoir qu'il s'agit de Virginia, la propre fille de Canfield...

Venons-en tout de suite à l'inévitable controverse: la séquence d'ouverture est totalement privée de comédie. Il s'agit d'exposer, et ce durant 7 minutes, la brouille haineuse initiale entre les Canfield et les McKay (Basée sur une histoire vraie, celle des Hatfield et des McCoys, qui sera à l'origine d'un autre chef d'oeuvre, Les rivaux de Painful Gulch, de Morris et Goscinny.). Donc il n'y a pas un gag dans cette séquence, mais elle est réhaussée d'une mise en scène à la sureté diabolique, jouant sur les clichés parfaitement assumés: tout ou presque y est vu du point de vue de Mrs McKay, dans sa cabane, et la nuit d'orage donne une dimension mythologique à la scène, qui fonctionne très bien dramatiquement, et est d'une beauté picturale très impressionnante. Et c'est là que l'on est en droit de se demander si la présence d'un nouveau co-réalisateur aux cotés de Buster y serait pour quelque chose... Mais John G. Blystone n'est pas un réalisateur que je soupçonnerais de pouvoir supplanter Keaton sur un film. Du reste, ses seuls autre titres de gloire sont les films réalisés pour Laurel et Hardy (Blockheads, par exemple), autant dire qu'il y était assistant de Laurel. Il est temps d'ailleurs de faire uine digression qui s'impose: s'il n'a signé que cinq films durant sa carrière de réalisateur (soit 1920-1929), Keaton a aussi beaucoup été secondé par des co-réalisateurs: Blystone, mais aussi et surtout Cline, et ça et là Mal St-Clair, Clyde Bruckman, Donald Crisp. Il ya eu sur Sherlock Jr une tentative de collaboration avec Roscoe "William Goodrich" Arbuckle, qui s'est soldée par un échec; puis à la fin de la période tous les films ont été signés par d'autres, dont Charles Reisner ou Edward Sedgwick. Mais tous ces films portent une marque et une seule: celle de Keaton. Je pense que Keaton travaillait comme Chaplin, dont on oublie souvent les "réalisateurs associés" (Charles Reisner sur The pilgrim et The gold rush, Henri d'Abbadie d'Arrast sur The gold rush encore, Monta Bell sur A woman of Paris, ou encore Robert Florey sur M. Verdoux): Personne ne conteste à Chaplin son crédit unique sur ses films, mais la situation est la même: l'un comme l'autre, les deux comédiens avaint besoin aussi souvent que possible d'un assistant qui puisse conduire les manoeuvres quand ils étaient occupés en tant qu'acteurs... Donc si le film est ce qu'il est, il l'est grâce à la mise en scène de Keaton, et ce sera la même chose jusqu'en 1929, bien que Keaton ne soit même plus crédité sur ses films à partir de 1927.

En plus de la séquence d'ouverture, ce qui frappe dans le film c'est que même lorsque les gags font leur apparition, la beauté de l'ensemble, la composition, et le soin maniaque apporté à la reconstitution d'une époque peu représentée dans les années 20 étonnent: le seul vrai anachronisme flagrant, c'est le chapeau mou de Keaton, dont la présence est expliquée par un gag parfaitement logique. De même, le choix de la région de Truckee, avec ses montagnes, ses vallées, son eau omniprésente donnent au film un aspect plus spectaculaire encore. le film est encadré par deux séquences longues qui méritent qu'on parle d'elles: d'une part, une promenade en train de près de vingt minutes qui justifie à elle toute seule le fait que le film soit plus long que ne le seront la plupart des longs métrages muets de Keaton, à deux exceptions près (The general, et Spite marriage): cette séquence qui repose sur l'utilisation d'une locomotive et d'un train qui sont présentés comme des répliques d'authentiques machines de 1830 pemettent une série de gags finement observés, qui certes ne font pas trop progresser l'action, mais qui sont un hommage appuyé du technophile Keaton à l'évolution de la machinerie (Tout comme sa promenade en proto-cycle!!). On y remarque Keaton père en mécanicien irascible, et de plus le train revient lors des séquences de la fin. et ces séquences de la fin, justement, permettent à Keaton de faire montre de tout son talent en matière de cascades, mais permettent d'aller aussi plus loin; si le cinéaste Keaton pour ce film appelle une référence à Griffith, il est dans un premier temps aisé de tenter de comparer Keaton à Fairbanks (on sait que le rôle de Bertie, dans The saphead, est un héritage direct de Doug) mais la construction du personnage dans cette séquence renvoie Fairbanks à ses chères études: le personnage de Buster, dans cet épisode du film entièrement consacré à sa fuite pour éviter d'être éliminé par la famille Canfield, le voit progressivement faire des efforts physiques de plus en plus impressionnants, sans qu'il y ait cette aisance de Fairbanks, qui renvoie un peu au cirque. Keaton se retrouve attaché à un train en marche, ballotté au gré des rapides, puis accroché à un rondin qui menace de se précipiter dans le vide, et la difficulté se voit, elle confère à son personnage, comme d'habitude emmené par une eau menaçante, une humanité et une justesse qui vont au-delà du cinéma. ces séquences ne sont pas drôles: elles sont à couper le souffle, et donc aussi bien l'acteur que le réalisateur ont fait un grand pas avec ce film. Du reste, les occasions de se casser le cou ont été multiples ici, en particulier lors de la séquence durant laquelle Buster a vraiment été emporté par les rapides!

Donc, on savait que Keaton pouvait payer de sa personne, mais ce film est le premier dans lequel le développement de l'histoire fait jeu égal avec la comédie d'une part, et sa reconstitution d'une époque d'autre part. Le résultat est un film hors-normes, qui gêne un peu de nombreux spécialistes qui accusent sa lenteur, qui lui reprochent ses longs intermèdes non burlesques. Mais l'ensemble est selon moi un grand film justement à cause de cette répartition égale entre intrigue pure et comédie. Buster Keaton ne fera rien d'autre dans son chef d'oeuvre, The general... Il est intéressant de voir comment Keaton aussi fait intervenir une ethétique de la comédie sentimentale qui doit certes beaucoup à Griffith, mais qui débouchera aussi sur une imagerie personnelle, comme en témoignent ce plan de Keaton et Natalie, d'une part et d'autre d'une barrière. une composition simple, mais qui renvoie à une image d'Epinal, comme certaines toiles de Rockwell sur le même sujet. Keaton, comme Ford ou Griffith, était un cinéaste Américain avant tout; Et en plus, ce type de composition reviendra dans d'autres films, Seven chances en particulier...

Une note triste au passage, pour finir: Joe Roberts décèdera un mois après la fin du tournage de ce film, d'un arrêt cardiaque, rappelant la curieuse destinée d'eric Campbell, le génial acteur ecossais dont Chaplin avait fait son parfait "méchant". Roberts avait 21 ans, mais contrairement à Campbell, avait tourné dans deux autres films, en dehors de ses apparitions pour Keaton. C'est la fin d'une époque, et il ne sera jamais remplacé.

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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par someone1600 »

Excellent ce film en effet... faudrais que je le revois mais je ne trouve plus mon enregistrement TCM... surement que je vais acheter le blu-ray de Kino malgré que dvdbeaver parle d'un transfert 1080i au lieu de 1080p et un master qui semble bien usé par rapport au 3 premieres editions blu-ray des films de Keaton.
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par allen john »

someone1600 a écrit :Excellent ce film en effet... faudrais que je le revois mais je ne trouve plus mon enregistrement TCM... surement que je vais acheter le blu-ray de Kino malgré que dvdbeaver parle d'un transfert 1080i au lieu de 1080p et un master qui semble bien usé par rapport au 3 premieres editions blu-ray des films de Keaton.
C'est l'avis général, mais je pense que le film n'a peut-être pas survécu dans des copies très bien conservées...
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par allen john »

SHERLOCK JR (Keaton, 1924)

On ne parlera pas d'un retour en arrière, après un film à la fois drôle et dramatiquement solide, avec ce Sherlock Junior en apparence dédié à l'absurde, le léger, qui ressemble beaucoup au style qui était celui des courts métrages de Keaton, les ruptures de ton brutales en moins. Le film aurait du être, on en a déjà parlé, une collaboration entre Keaton et Roscoe Arbuckle, qui tentait alors de faire redémarrer sa carrière de réalisateur sous le pseudonyme de William Goodrich; le bruit insistant et agaçant court sur Sherlock Junior, dont Keaton aurait en fait volé la place de réalisateur, qui serait en réalité Arbuckle. ca ne tient absolument pas debout: Keaton a toujours dit l'importance de son ami dans sa vie, a toujours crédité ses collaborateurs, y compris lorsque ceux-ci ont très peu de matériel présent sur l'écran (Ce serait le cas de Donald Crisp sur The navigator). Si Arbuckle n'est pas mentionné, c'est tout simplement que les deux hommes ne son pas parvenus à un accord, et que Keaton s'est chargé du tournage entièrement seul.

L'histoire est connue, mais pas autant que le moment le plus poétique du film. Un jeune homme, projectionniste dans un cinéma miteux, rêve de devenir détective. Lorsque la montre du père de sa petite amie a disparu, il voit l'occasion de se faire la main, mais finit par voir l'accusation se retourner contre lui. Banni de la maison (C'est son rival qui a fait le coup), il retourne à son travail, et rêve qu'il entre dans le film qu'il projette, et rêgle une autre affaire avec les mêmes protagonistes... Keaton est le projectionniste, Kathryn McGuire sa fiancée, Ward Crane le rival et Joe Keaton le père de la fille. A noter, le fait que Kathryn McGuire reviendra sur le film suivant, contrairement à toutes les actrices qui travailleront avec lui sur ses longs métrages.

L'arrivée de Buster sur l'écran, c'est bien sur un motif magique, qui va ensuite donner lieu à une intrigue qui aurait pu être celle d'un court métrage (Elle dure sensiblement le temps de deux bobines), et qui possède suffisamment de rigueur pour être suivie avec intérêt, mais aussi un grain de folie particulier, avec des digressions, et une tendance à l'illusionnisme qui est la preuve que le saltimbanque Keaton, comme au temps de The playhouse, continue à regarder vers son passé avec une certaine nostalgie. Mais plus encore que les gags liés à la magie ou à l'absurde (Et Keaton, libéré par le fait que c'est un rêve, aussi rigoureux soit-il, s'en donne à coeur joie: billard explosif, voiture qui flotte, etc), c'est bien sur principalement une déclaration d'amour au cinéma, à travers ce petit projectionniste influençable, qui ne se sépare pas de son manuel 'How to be a detective'... Même si c'est sa fiancée qui découvrira le pot-aux roses. Ainsi, seul face à un film, la rêverie poétique qui le mène à investir l'écran, passant d'abord par une série de gags liés au montage (Son personnage entre dans l'écran, mais subit des déboires, en restant dans le cadre de l'écran alors que les plan changent. Il amorce un mouvement en plein désert, et le finit dans l'eau...). De plus, comme toujours, Keaton élargit l'espace cinématographique en utilisant des images fortes, comme celle durant laquelle le détective du rêve ouvre un coffre-fort, dont la porte donne sur la rue... Et bien sur, après un final au rêve en forme de poursuite spectaculaire, il laisse le cinéma avoir le dernier mot. le projectionniste ne sait pas comment déclarer son affection à sa petite amie, il prend donc exemple sur ce qui se passe sur l'écran.

Keaton aimait le cinéma, bien sur, et son film verra le rêve de film donner une version sensiblement plus sophistiquée de chacun des êtres de sa vie, y compris lui-même. Son affection du cinéma pase aussi par une glorification du rêve, il faut dire que le personnage vit dans un environnement très modeste, et pas forcément passionnant. le film est décidément en demi-teintes, souvent drôle, mais plus spectaculaire que comique. L'illusionisme déployé par Keaton ici est du même ordre que ses gags mécaniques, ou ses cascades visant à surprendre son auditoire. Peut-être y-a t-il plus à prendre chez le Buster sentimental, ou dans The general. mais son amour du cinéma, à mon sens, résonne encore aujourd'hui et est, pour nous autres amoureux du cinéma, un message qu'il est bon de rappeler.
someone1600
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Re: Buster Keaton (1895-1966)

Message par someone1600 »

Tiens pourtant personnelement j'ai trouvé qu'il etait tout aussi bon que les suivants... :?
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