Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Gounou
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Gounou »

AtCloseRange a écrit :Comme s'il avait le moindre mobile de le tuer entre le fromage et le dessert...
Mais on s'en fout du mobile. Le fait est qu'il est à ce moment du film acculé et sous pression, et ce surgissement de violence enfonce le clou du cercueil. Que ce soit dans sa tête suffit à justifier sa fuite.
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AtCloseRange
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
AtCloseRange a écrit :Comme s'il avait le moindre mobile de le tuer entre le fromage et le dessert...
Crois-moi, les voies de la justice sont parfois impénétrables.
Autant que les capacités de scénariste de Friedkin...
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G.T.O
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par G.T.O »

Gounou a écrit :
AtCloseRange a écrit :Comme s'il avait le moindre mobile de le tuer entre le fromage et le dessert...
Mais on s'en fout du mobile. Le fait est qu'il est à ce moment du film acculé et sous pression, et ce surgissement de violence enfonce le clou du cercueil. Que ce soit dans sa tête suffit à justifier sa fuite.
L'attachement au mobile, c'est bon pour les cluedo et la justice, et c'est probablement un des plus vieux arguments que les apprentis cinéphiles aiment à pointer, pensant que c'est pertinent, pour descendre un film. :mrgreen: Si un film parvient à être vraisemblable, que ça sonne, c'est gagné.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par AtCloseRange »

G.T.O a écrit :
Gounou a écrit : Mais on s'en fout du mobile. Le fait est qu'il est à ce moment du film acculé et sous pression, et ce surgissement de violence enfonce le clou du cercueil. Que ce soit dans sa tête suffit à justifier sa fuite.
L'attachement au mobile, c'est bon pour les cluedo et la justice, et c'est probablement un des plus vieux arguments que les apprentis cinéphiles aiment à pointer, pensant que c'est pertinent, pour descendre un film. :mrgreen: Si un film parvient à être vraisemblable, que ça sonne, c'est gagné.
si ça te rassure sur tes goûts, grand bien t'en fasse.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par G.T.O »

AtCloseRange a écrit :
G.T.O a écrit : L'attachement au mobile, c'est bon pour les cluedo et la justice, et c'est probablement un des plus vieux arguments que les apprentis cinéphiles aiment à pointer, pensant que c'est pertinent, pour descendre un film. :mrgreen: Si un film parvient à être vraisemblable, que ça sonne, c'est gagné.
si ça te rassure sur tes goûts, grand bien t'en fasse.
Sur mes gouts à ne pas réfuter une scène pour une question de mobile, oui, c'est certain. La scène m'a paru réussie et vraisemblable.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Rockatansky »

mannhunter a écrit :
AtCloseRange a écrit :Alors à quoi bon faire cette présentation des personnages/ de leur passé/ de leurs origines si c'est pour ne s'en servir à absolument aucun moment après?
Tavernier suggère que Friedkin a la mémoire qui flanche :mrgreen:, voilà ce qu'il rajoute à propos d'un autre opus du cinéaste...:

'Je viens de voir un film méprisé que j’ai trouvé passionnant avec Tommy Lee Jones et Samuel Jackson, RULES OF ENGAGMENT que j’ai trouvé très personnel. Mais là je trouve que Friedkin a l’air d’oublier dans la deuxième partie 90% de ce qu’il a rajouté dans la première et qui du coup devient comme une excroissance, parfois brillante, mais dépourvue de sens organique. Je pense qu’il est souvent un meilleur cinéaste que scénariste"
AtCloseRange a écrit :film (qui pour moi n'a de sens que dans lorsque les camions roulent).
Le film aurait donc été plus abouti sous forme de court ou moyen métrage?...ou du moins il se prête idéalement au chapitrage dvd/blu ray.
Même si j'ai été déçu par ma revision de Sorcerer, quand on en est réduit à réévaluer cette merde de Rules of engagment ça me penser que certains devraient lacher la critique...
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par AtCloseRange »

G.T.O a écrit :
AtCloseRange a écrit : si ça te rassure sur tes goûts, grand bien t'en fasse.
Sur mes gouts à ne pas réfuter une scène pour une question de mobile, oui, c'est certain. La scène m'a paru réussie et vraisemblable.
Ce qui est dommage pour votre démonstration (enfin, rendons à Strum ce qui appartient à Strum), c'est qu'il ne rentre jamais dans la voiture et qu'il ne touche donc pas au revolver, pas plus qu'il n'a de sang sur sa chemise :mrgreen:
Mais je veux bien admettre que c'est un détail et qu'on s'en fiche mais au bout d'un moment, inventer des choses pour s'en servir d'"argument massue", ça a ses limites.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Rockatansky »

Perso je suis assez d'accord avec cette vision du film, ces hommes n'ont plus rien à espérer donc ils acceptent la mission.
Si c'était ça le problème que j'ai ressenti dans le film ça serait un moindre mal.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :Mais je veux bien admettre que c'est un détail et qu'on s'en fiche mais au bout d'un moment, inventer des choses pour s'en servir d'"argument massue", ça a ses limites.
Comme tu peux l'imaginer, je n'ai pas pour ma part à dessein "inventé des choses pour m'en servir comme argument massue". J'ai dit ce dont je me souvenais "de mémoire". Que ma mémoire m'ait trahi, soit, je n'ai pas vérifié, mais cela démontre en tout cas que l'impression que m'a laissé la scène en question est bien que Cremer fuyait suite à ce suicide dont il est le seul témoin, les circonstances pouvant le faire passer pour un meurtrier (c'est la goutte d'eau ou le clou du cercueil achevant de rendre sa situation inextricable). :wink:

Sur le fond, le film met en scène des personnages de morts-vivants qui n'ont aucune interraction entre eux ou presque. Il ne fonctionne donc que si l'on accepte ce présupposé que les personnages sont déjà "morts", présupposé que cherche à établir le prologue. Ils sont comme envoutés, maraboutés ("Sorcerer" : tout est dans le titre). Si tu n'as pas été convaincu par le prologue sur ce point, il n'est guère étonnant que tu aies des choses à redire sur le film dans son ensemble.

Sorcerer est pour les raisons déjà discutées un des films les plus nihilistes qu'il m'ait été donné de voir, remarquable sur le plan formel et sur le plan de la cohérence thématique de l'ensemble, impressionnant d'intensité, mais pas très "agréable" à regarder (on passe rarement des moments "agréables" dans les films de Friedkin). Friedkin est un guide des cercles de l'enfer moins amusant que Dante. Et puis quand on lit La Divine Comédie, on n'est pas obligé de mettre en fond sonore du Tangerine Dream.
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Dale Cooper
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Dale Cooper »

L'origine des personnages en quatre parties au début du film est pour moi presque nécessaire, car sinon Friedkin s'éloignerait de son style probablement issu du documentaire (genre par lequel il a commencé).
L'Exorciste démarre en Irak. Pourquoi ? Pour présenter les origines du démon Pazuzu. À quoi ça sert, puisqu'il pourrait aussi bien démarrer son film par l'arrivée de ce démon chez nous (en Amérique) ?
French Connection aurait très bien pu se passer de la présentation de chaque personnage entre New-York et Marseilles et commencer direct par l'enquête.
Traqué aurait pu se passer de l'intro en Bosnie (d'ailleurs c'est vraiment le cas de le dire, il aurait vraiment pu s'en passer).
Et l'intro de Police fédérale Los Angeles... Etc.
Finalement, c'est un problème de style, qu'on aime ou pas. Friedkin adore présenter ses personnages, et ceux-là viennent tout simplement de chaque coin du monde. Alors, pourquoi ça ne gêne pas (enfin je crois) AtCloserange dans les autres films, et ici oui ? Je suppose que c'est parce que Friedkin a mis le paquet dans la présentation : elle est plus longue que pour les autres films cités, on voit du pays, et comme pour les autres films du cinéaste elle ne sert pas à l'intrigue principale (juste à la caractérisation des personnages)... Mais d'un autre côté, si le film démarrait direct dans la jungle, avec des personnages dont on ignorerait tout, je ne sais pas si personnellement j'aurais accroché tout de suite. C'est le problème que j'avais d'ailleurs avec le film de Clouzot, un début qui ne donnait pas très envie de continuer (d'ailleurs Demi-Lune n'a pas réussi), à tort. Donc personnellement je préfère comme ça (et c'est mon côté bondophile, j'aime les films où ça voyage)...
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par bruce randylan »

Dale Cooper a écrit : Finalement, c'est un problème de style, qu'on aime ou pas. Friedkin adore présenter ses personnages, et ceux-là viennent tout simplement de chaque coin du monde. Alors, pourquoi ça ne gêne pas (enfin je crois) AtCloserange dans les autres films, et ici oui ? Je suppose que c'est parce que Friedkin a mis le paquet dans la présentation : elle est plus longue que pour les autres films cités, on voit du pays, et comme pour les autres films du cinéaste elle ne sert pas à l'intrigue principale (juste à la caractérisation des personnages)... Mais d'un autre côté, si le film démarrait direct dans la jungle, avec des personnages dont on ignorerait tout, je ne sais pas si personnellement j'aurais accroché tout de suite.
Bah, Connaîssant la passion de Tavernier pour les auteurs de Série B US, je comprends qu'il trouve cette longue introduction superflue et disproportionné par rapport aux implications réelles que ça implique.
Quand tu regardes Le Trésor de la Sierra Madre, John Huston te fait pas 20 minutes de présentation pour te faire comprendre comment Bogart en est arrivé à ce niveau là et pourtant tu te passionnes très rapidement au personnage. C'est sans doute en ça qu'il dit que Friedkin n'est pas un bout scénariste. Il n'a pas la concision narrative, l'efficacité d'écriture et le sens du détail qui te caractérise un personnage et sa situation en une ou deux scènes.
Boetticher (et Burt Kennedy) étai(en)t très fort pour ça. Un dialogue d'à peine quelques phrases avec un sous-entendu, un changement dans le phrasé d'un personnage, un changement d'axe pour appuyer un nouveau regard et en 10-15 secondes tu comprenais (sans que celà soit dit clairement) que Randolph Scott et son interlocuteur se connaissaient déjà, qu'ils avaient déjà bossaient ensemble et que l'un à piqué la gonzesse de l'autre.
Friedkin t'aurait raconté tout ça dans un flash-back bien démonstratif et didactique sans zone d'ombres, mystères, ni ambiguïté.

Y-a deux écoles comme dirait 1kult :mrgreen:

PS : Pas revu le Clouzot depuis plus de dix ans, mais sa longue présentation m'avait frappé par son pessimisme et sa décrépitude morale (et existentielle) que ne possède pas le Friedkin.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Mosin-Nagant »

J'avoue ne pas très bien comprendre les réserves de certains sur ce film ( d'une cohérence artistique imparable, à mon humble avis ).

La scène du film ( le passage des camions sur le pont ) est un juste un putain de pur moment de cinéma.
Une foutue démonstration de force de mise en scène.
Une sacrée récompense pour le spectateur.

Rien que pour ça, je veux bien attendre une heure de plus toute les présentations de personnages du monde.
J'en demande pas plus.
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Dale Cooper
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Dale Cooper »

bruce randylan a écrit :Bah, Connaîssant la passion de Tavernier pour les auteurs de Série B US, je comprends qu'il trouve cette longue introduction superflue et disproportionné par rapport aux implications réelles que ça implique.
Quand tu regardes Le Trésor de la Sierra Madre, John Huston te fait pas 20 minutes de présentation pour te faire comprendre comment Bogart en est arrivé à ce niveau là et pourtant tu te passionnes très rapidement au personnage. C'est sans doute en ça qu'il dit que Friedkin n'est pas un bout scénariste. Il n'a pas la concision narrative, l'efficacité d'écriture et le sens du détail qui te caractérise un personnage et sa situation en une ou deux scènes.
Boetticher (et Burt Kennedy) étai(en)t très fort pour ça. Un dialogue d'à peine quelques phrases avec un sous-entendu, un changement dans le phrasé d'un personnage, un changement d'axe pour appuyer un nouveau regard et en 10-15 secondes tu comprenais (sans que celà soit dit clairement) que Randolph Scott et son interlocuteur se connaissaient déjà, qu'ils avaient déjà bossaient ensemble et que l'un à piqué la gonzesse de l'autre.
Friedkin t'aurait raconté tout ça dans un flash-back bien démonstratif et didactique sans zone d'ombres, mystères, ni ambiguïté.

Y-a deux écoles comme dirait 1kult :mrgreen:

PS : Pas revu le Clouzot depuis plus de dix ans, mais sa longue présentation m'avait frappé par son pessimisme et sa décrépitude morale (et existentielle) que ne possède pas le Friedkin.
En effet il n'y a pas franchement de règles. Ça ne me dérange pas une fois que le film me plaît. Ce que fait Boetticher est le contraire de Leone, qui étire au maximum les présentations, l'action, l'émotion... mais j'aime beaucoup les deux. Je repensais au début du Ghost-Writer hier, en me disant qu'en trois plans muets de quelques secondes pour démarrer le film, Polanski nous faisait saisir tout le mystère autour du précédent "nègre", sans aucune intro friedkinienne de vingt minutes, et vlan, l'histoire démarrait. À l'inverse, Terence Malick fait de longues introductions jusqu'au générique de fin (ce moment où on s'aperçoit qu'on attend encore que le film démarre, enfin, après trois heures de couchers de soleil pendant lesquelles Sean Penn cherche désespérément à sortir du film). Je sais... vous m'attendez à la sortie, mais vous m'faîtes pas peur...
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Demi-Lune »

bruce randylan a écrit :Il n'a pas la concision narrative, l'efficacité d'écriture et le sens du détail qui te caractérise un personnage et sa situation en une ou deux scènes.
Absolument pas d'accord. Comment l'être quand on repense à la présentation des personnages et de l'intrigue dans French connection ? En cinq minutes, on a Marseille, une flânerie dans les vieilles rues, un type qui se fait dessouder par celui que l'on comprend immédiatement être le bad-guy psychopathe de l'histoire (de l'importance des gueules dans le cinéma de Friedkin), le lien avec le cerveau de l'affaire, puis on passe sans ménagement à New-York où deux flics se gèlent les miches en faisant une planque puis coursent comme des dératés un Noir qu'ils vont molester à l'abri des regards. Putain mais c'est un modèle d'introduction et de concision, ça. Pareil pour le frère siamois To live and die in L.A. avec le côté prophétique du kamikaze qui dit tout sur le tempérament du personnage de William L. Petersen. Les caractérisations se révèlent autant dans le rythme et l'action que dans le sens de l'implicite ou du détail : Marcel Bozuffi et son manteau de cuir qui bouffe à la sauvette un morceau de la baguette de pain du type qu'il vient de buter, la résidence en bordure de baie et la nénette BCBG de Fernando Rey, Popeye grimé en Père Noël qui se fait chier à divertir des gosses dans la rue, Scheider claudiquant péniblement comme un con parce que le gars lui a foutu un coup de pied dans le tibia dans la course-poursuite... il y a là un sens de l'ironie dans le détail qui me semble avoir beaucoup inspiré la philosophie de l'action d'un McTiernan. Ces exemples sont pour moi autant de démonstrations de la pensée de Friedkin en termes de narration : le style doit être direct, rapide, éloquent tout en étant allusif, sans une once de gras. Comme le relevait à juste titre James Gray dans ses entretiens (bon, ce n'est pas dans l'introduction du film, mais ça participe de la même philosophie), souvenons-nous de cette ellipse formidable entre Gene Hackman stalkant en bagnole une nana à bicyclette dont le cul lui plait bien, et Scheider lui rendant visite au petit matin dans son immeuble : Hackman ne peut pas ouvrir la porte, Scheider parvient quand même à rentrer avec un passe, et on découvre en même temps que lui le bordel dans l'appartement, la bicyclette dans un coin, un bruit de douche, et Hackman à poil menotté dans son propre lit. En un mouvement de caméra, on comprend qu'en plus d'être borderline, Popeye est un gros pervers qui se sert probablement de sa plaque de flic pour faire du chantage sexuel (ce que confirmera une scène coupée du film), et qu'il aime se faire dominer au pieu avec des jeux SM. Bah une telle découverte sur le personnage sur un mode aussi "complice", ce n'est pas rien. C'est le style Friedkin dans toute sa splendeur. D'ailleurs Gray disait que toute la mythique course-poursuite était elle-même purement et simplement une excroissance de Popeye, au sens où c'est tout le tempérament sanguin et buté du personnage qui s'y manifeste, qui la dicte.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par AtCloseRange »

Demi-Lune a écrit :
bruce randylan a écrit :Il n'a pas la concision narrative, l'efficacité d'écriture et le sens du détail qui te caractérise un personnage et sa situation en une ou deux scènes.
Absolument pas d'accord. Comment l'être quand on repense à la présentation des personnages et de l'intrigue dans French connection ? En cinq minutes, on a Marseille, une flânerie dans les vieilles rues, un type qui se fait dessouder par celui que l'on comprend immédiatement être le bad-guy psychopathe de l'histoire (de l'importance des gueules dans le cinéma de Friedkin), le lien avec le cerveau de l'affaire, puis on passe sans ménagement à New-York où deux flics se gèlent les miches en faisant une planque puis coursent comme des dératés un Noir qu'ils vont molester à l'abri des regards. Putain mais c'est un modèle d'introduction et de concision, ça. Pareil pour le frère siamois To live and die in L.A. avec le côté prophétique du kamikaze qui dit tout sur le tempérament du personnage de William L. Petersen. Les caractérisations se révèlent autant dans le rythme et l'action que dans le sens de l'implicite ou du détail : Marcel Bozuffi et son manteau de cuir qui bouffe à la sauvette un morceau de la baguette de pain du type qu'il vient de buter, la résidence en bordure de baie et la nénette BCBG de Fernando Rey, Popeye grimé en Père Noël qui se fait chier à divertir des gosses dans la rue, Scheider claudiquant péniblement comme un con parce que le gars lui a foutu un coup de pied dans le tibia dans la course-poursuite... il y a là un sens de l'ironie dans le détail qui me semble avoir beaucoup inspiré la philosophie de l'action d'un McTiernan. Ces exemples sont pour moi autant de démonstrations de la pensée de Friedkin en termes de narration : le style doit être direct, rapide, éloquent tout en étant allusif, sans une once de gras. Comme le relevait à juste titre James Gray dans ses entretiens (bon, ce n'est pas dans l'introduction du film, mais ça participe de la même philosophie), souvenons-nous de cette ellipse formidable entre Gene Hackman stalkant en bagnole une nana à bicyclette dont le cul lui plait bien, et Scheider lui rendant visite au petit matin dans son immeuble : Hackman ne peut pas ouvrir la porte, Scheider parvient quand même à rentrer avec un passe, et on découvre en même temps que lui le bordel dans l'appartement, la bicyclette dans un coin, un bruit de douche, et Hackman à poil menotté dans son propre lit. En un mouvement de caméra, on comprend qu'en plus d'être borderline, Popeye est un gros pervers qui se sert probablement de sa plaque de flic pour faire du chantage sexuel (ce que confirmera une scène coupée du film), et qu'il aime se faire dominer au pieu avec des jeux SM. Bah une telle découverte sur le personnage sur un mode aussi "complice", ce n'est pas rien. C'est le style Friedkin dans toute sa splendeur. D'ailleurs Gray disait que toute la mythique course-poursuite était elle-même purement et simplement une excroissance de Popeye, au sens où c'est tout le tempérament sanguin et buté du personnage qui s'y manifeste, qui la dicte.
Oui mais là tu parles de French Connection :mrgreen:
Je n'ai pas de problème global avec les intros de Friedkin mais il y a certains films qui pâtissent vraiment de ses atermoiements scénaristiques (ici donc, l'ambiguïté un peu crétine de The Cruising, même chose pour Rampage et je ne parle pas des films vraiment ratés). Même L'Exorciste que j'adore gagne ses galons de grand fillm par sa conviction, la force de sa mise en scène plus que par son scénario au forceps. Comme je l'ai dit, ce n'est pas en soi un problème et ça ne m'empêche pas de le considérer comme un grand metteur en scène. ça lui joue juste parfois des tours.
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