Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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G.T.O
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par G.T.O »

Demi-Lune a écrit :Je ne comprends pas cette espèce de mode qui consiste à dénigrer Apocalypse now, en ce moment.
"Ne plus mériter ses galons" ? "Risible" ? Seriously ??
Et la dimension introspective détachée de l'arrière-plan historique ? Alors que c'est cet arrière-plan qui la nourrit, dans le même geste que la remontée du fleuve/du temps ? Incompréhension, là.
Pas au courant du "Apocalypse Now bashing" et je m'en fous... :mrgreen:
Demi-Lune a écrit : Pour moi c'est simple, au-delà de conditions de tournage dans la jungle et de l'intransigeance des réalisateurs qui justifieraient leur rapprochement sur le papier, le film de Friedkin et de Coppola n'ont pas grand-chose à voir. On dirait que pour rectifier le sort de Sorcerer à l'époque, il faudrait maintenant en faire un monument. Faut pas abuser...
Je ne te le fais pas dire… Alors, pourquoi les as-tu comparer et continues à le faire, à la lumière de leurs réputations respectives ? Manifestement, tu considères la réhabilitation tardive de Sorcerer excessive et menaçante car tu trouves la comparaison de statut entre les deux, disproportionnée et dangereuse pour Apocalypse Now. Ok, c'est ton droit.
Demi-Lune a écrit : Oui le film est impressionnant, mais c'est plus un formidable thriller au cordeau comme il en existe peu qu'une véritable exploration métaphysique de l'âme humaine comme l'est le Coppola, dopée par ses visions hallucinées et mystiques qui en font précisément toute la grandeur. Bon sang, la puissance d'évocation dans le royaume de Kurtz, c'est quasi mythologique ! Même s'il y a quelque chose de viscéral dans le sort de quatre personnages de Sorcerer, une sorte de fatum qui rend leur existence dérisoire, Friedkin me semble plus préoccupé par l'ambiance de cocotte-minute dans un premier temps (la vie dans le bidonville) et par le suspense pur dans un second. En termes d'odyssée humaine, ce convoi n'a de métaphysique que son absurdité-même : que quatre mecs suffisamment désespérés puissent accepter d'être assis sur leur mort probable. Alors ok, ça commence par le bas-relief d'un démon, ce n'est pas innocent... mais j'interprète plus ça comme un avertissement que comme une note d'intention. La (brève) démence de Scheider est le stade terminal de ce voyage éreintant, pas tellement le propos en soi (Friedkin est visiblement beaucoup plus intéressé par la notion d'anti-manichéisme chez ses personnages et par l'ironie qui s'abat aléatoirement), à la différence de Coppola qui explicite dès le départ cet horizon au travers de la quête du sanguinaire Kurtz par un Willard incrédule : retrouver ce fou, c'est interroger sa propre part de folie. Toute la mise en scène du film épouse ce vertige. Je vois rien de superficiel dans ce traitement. Au contraire du film de Friedkin où la folie intervient comme une réaction d'épuisement, c'est véritablement aux sources métaphysiques de ces dérèglements de l'esprit que s'attache Coppola. Ça va beaucoup plus loin. L'identification du fleuve à la ligne du temps/voyage vers les ténèbres formalise cette quête.
Tout ça pour dire que si Sorcerer est très loin d'être superficiel, ben Apocalypse now ça déchire complètement le slip, quoi. Non mais oh. :o
Apocalypse now, une exploration métaphysique de l’âme humaine ( sic), comme tu y vas ? S’interroger sur la folie de la guerre ou sa propre folie, dans ce contexte de guerre, ce ni original ni personnel à Apocalypse Now. Mais, caractéristique de l’ensemble des films traitant du Vietnam et des films de guerre en général. Donc, pour la portée métaphysique du questionnement, on repassera…En revanche, je suis d’accord avec toi pour dire que Apocalypse Now est une quête, une exploration de la psyché -détériorée- de l’époque, mais comme l’est aussi le voyage de Sorcerer. Le thème du voyage est commun aux deux films. Sauf qu’au traitement volontiers démonstratif et emphatique de Coppola, y compris dans son questionnement très première étape sur la folie, Friedkin choisit celui de la frontalité ( la folie est d'abord épuisement mais aussi environnement hostile, qui s'anime) et de l’intensité dramatique. Friedkin n’expose pas directement ses idées; à toi de te démerder. Il ne te mâche pas le travail. La folie de Friedkin ne se discute pas, ne fait pas discours elle se traduit en actes. Pas besoin d’une voix-off explicative à la Willard, dont le pénible recours accuse la nature hétéroclite du film, ou, sous la forme d’un personnage de Deus ex machina, coucou Marlon, te réexpliquant, au cas où, à quel point la guerre abime, avilit l’homme. Cette différence de traitement est notamment illustrée par une anecdote à propos d’une discussion entre Friedkin et Coppola au sujet de l’Exorciste. Face aux thématiques du sujet, Coppola aurait dit à Friedkin que c’était formidable car il allait pouvoir explorer les nombreuses thématiques symboliques et métaphysiques du sujet et ce dernier lui aurait rétroqué qu’il s’en foutait de tout cela, car ce qu’il voulait surtout c’était un putain de tête à tête avec le diable. Ce n'est pas qu'il y ait de sentiment de hauteur chez Friedkin, c'est juste qu'il veut te rentrer dedans à toi spectateur...que le spectacle soit le plus immersif possible.La réflexion venant ensuite.
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Demi-Lune
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Demi-Lune »

G.T.O a écrit :Alors, pourquoi les as-tu comparer et continues à le faire, à la lumière de leurs réputations respectives ?
Simplement parce que c'est devenu un espèce de lieu commun que de mettre les films de Friedkin, Coppola et Cimino dans le même sac à cause de leur ambition et du degré terminal de la posture d'auteur, brandie pour envoyer chier tout le monde et triompher de tous les obstacles. Cf. l'inévitable Jean-Baptiste Thoret ou Peter Biskind.
D'autant que dans le cas de Sorcerer, il y avait chez Friedkin une rivalité ouverte avec Coppola, qui était parti tourner aux Philippines. Il lui fallait sa propre expérience de tournage dans la jungle, en République dominicaine. Si Coppola n'avait pas autant déliré, les deux films seraient probablement sortis à peu de temps d'intervalle. Donc si je les compare, c'est parce que c'est une même mouvance. A ce stade les mecs se prenaient pour Dieu et devenaient incontrôlables, désinhibés. Il fallait aller toujours plus loin. Mais la grande réussite du Friedkin n'est pour moi qu'une antichambre à la vision artistique absolue de Coppola et Cimino. Là où l'expérience d'Apocalypse now ou La porte du paradis s'affranchit des conventions narratives, au fond le film de Friedkin suit une approche relativement "classique" du genre (le film de suspense organisé autour de grandes séquences, avec une structure en deux temps équilibrés comme Jaws - l'attente impuissante puis l'immersion dans l'environnement naturel), qu'il dope au nihilisme crasseux, à l'ultra-réalisme. Friedkin me semble dans une approche vraiment régénérative (comme pratiquement tous ses collègues du Nouvel Hollywood) là où un film comme Apocalypse now invente sa propre forme.
Dernière modification par Demi-Lune le 5 mai 14, 08:53, modifié 1 fois.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Anorya »

G.T.O a écrit :
Demi-Lune a écrit :Je ne comprends pas cette espèce de mode qui consiste à dénigrer Apocalypse now, en ce moment.
"Ne plus mériter ses galons" ? "Risible" ? Seriously ??
Et la dimension introspective détachée de l'arrière-plan historique ? Alors que c'est cet arrière-plan qui la nourrit, dans le même geste que la remontée du fleuve/du temps ? Incompréhension, là.
Pas au courant du "Apocalypse Now bashing" et je m'en fous... :mrgreen:
Pour ma part, c'est la première fois que j'en entends parler (grâce à ce topic) et pourtant je ne vis pas dans un château en Espagne et mes potes aiment autant ces deux films sans en dénigrer un au profit de l'autre... Tu as vu/lu ça où Demi-Lune ?
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par BRS-One »

Il est enfin la , le monument tant attendu !

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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par bronski »

Le visuel est finalement pas si mal que ça. L’œil gauche entamé par l'explosion, c'est bien vu.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par BRS-One »

Oui. En tout cas , l'image est SOMPTUEUSE , le grain original a été préservé , la photo très travaillé et assez naturelle voulu par Friedkin est magnifié & la bande son DTS-HD 5.1 a tombé par terre. Une résurrection :shock:
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G.T.O
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par G.T.O »

Demi-Lune a écrit : D'autant que dans le cas de Sorcerer, il y avait chez Friedkin une rivalité ouverte avec Coppola, qui était parti tourner aux Philippines. Il lui fallait sa propre expérience de tournage dans la jungle, en République dominicaine. Si Coppola n'avait pas autant déliré, les deux films seraient probablement sortis à peu de temps d'intervalle.
Mouais, mouais...C'est de l'ordre de la rumeur people quand même cet argument...
Demi-Lune a écrit : Donc si je les compare, c'est parce que c'est une même mouvance. A ce stade les mecs se prenaient pour Dieu et devenaient incontrôlables, désinhibés. Il fallait aller toujours plus loin.
La mégalomanie n'est pas l'apanage des ces trois films et réalisateurs. C'est de l'ordre de la mythologie fabriqué après-coup, du combat de l'artiste contre le système. C'est une image contrefaite par les journalistes eux-mêmes pour expliquer la fin d'une période du cinéma américain. Du folklore, voilà tout.
Demi-Lune a écrit : Mais la grande réussite du Friedkin n'est pour moi qu'une antichambre à la vision artistique absolue de Coppola et Cimino. Là où l'expérience d'Apocalypse now ou La porte du paradis s'affranchit des conventions narratives, au fond le film de Friedkin suit une approche relativement "classique" du genre (le film de suspense organisé autour de grandes séquences, avec une structure en deux temps équilibrés comme Jaws - l'attente impuissante puis l'immersion dans l'environnement naturel), qu'il dope au nihilisme crasseux, à l'ultra-réalisme. Friedkin me semble dans une approche vraiment régénérative (comme pratiquement tous ses collègues du Nouvel Hollywood) là où un film comme Apocalypse now invente sa propre forme.
Je ne vois absolument pas en quoi la Porte du paradis et Apocalypse Now s'affranchissent des conventions narratives ? Ils sont, au contraire, dictées par elles. Bien qu'il y ait des moments de stases, les deux films progressent de manière linéaire et leur structure est ternaire. De même, qu'il y a un réel souci de raconter une histoire, une caractérisation des personnages...Ne pas jouer sur le suspense, sur la tension dramatique, ne veut pas dire affranchissement des conventions narratives.
Chapichapo
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Sorcerer

Message par Chapichapo »

Délivré de 36 ans de purgatoire, considéré par Friedkin comme étant l'oeuvre dont il est le plus fier, "Sorcerer" nous vient des USA, sans bonus video, mais avec un livret d'une trentaine de pages (extrait des mémoires de Friedkin) qui nous livre les méandres de la création de ce remake (bien que Friedkin n'ait jamais adhèré à cette terminologie), de l'oeuvre de Clouzot.
La trame peut dans une simplicité lapidaire se résumer au convoyage à bord de 2 camions chargés de nitroglycérine instable, dans la jungle d'un pays imaginaire d'Amérique du sud, de 4 fugitifs (raisons criminelle, politique, financière..) afin d'éteindre par souffle explosif un puits pétrolifère en feu.
Lapidé majoritairement par la critique New Yorkaise brûlant ce qu'elle avait encensé (dithyrambes ayant accompagné "French connection" et "L'exorciste" ) , la sortie du film allait coïncider à ses dépens avec celle de "Star wars", et être vite éjecté du circuit de distribution.
Il est des films qui subissent une malédiction (voir le sort réservé à "Heaven's gate" de Cimino ), qui leur confère une aura, vérifiable à l'occasion de l'édition soit d'un "directors cut" pour le cas de "Heaven's gate", soit d'une version non laminée et au bon format dans celui de "Sorcerers".
La vision de "Sorcerers" est un véritable bonheur d'émotion, de fascination, d'intelligence. Peu d'oeuvres ont ce pouvoir de fascination qu'exerce Friedkin tout au long de ce voyage dans une jungle sud américaine hostile pour un parcours de 218 km. Peu de morceaux de bravoure dans l'histoire du cinéma sont aussi "scotchant" que cette traversée de 2 camions sur un pont de lianes qui franchit une rivière en crue. Peu de films réalisent l'osmose parfaite du corps humain (ses sécrétions et ses viscères) et de la nature à la fois matricielle et inhospitalière. Peu de "casting" apparemment aussi hétérogène que celui qui associe "Roy Scheider", "Fancisco Rabal", "Amidou" , et "Bruno Cremer", (ce dernier aux antipodes des prestations offertes par les "Frenchy" de service) n'est aussi cimenté que celui ci pour ce trip sous "nitro". Rares sont également les préambules aussi bien écrits qui explicitent avec brio et retenue la nécessité tragique si classique du déracinement de quatre âmes damnées.
N'ayant pas revu récemment "le salaire de la peur" de Clouzot, je peux difficilement faire un parallèle entre les 2 oeuvres , sinon relever que "Sorcerer" dure une demi heure de moins que sa devancière, et que figure également également au casting de l'adaptation Française de l'oeuvre de George Arnaud, Vera Clouzot, alors que la présence féminine est pour le moins minimaliste dans "Sorcerers" et peut être d'ailleurs dans toute l'oeuvre de William Friedkin. Autre interrogation de ma part, celles qui concernent les coupures demandées par la censure Américaine au moment de l'exploitation du film de Clouzot (1955) aux USA.
Je ne peux terminer sans donner l'origine du titre "Sorcerer", nom d'un des 2 camions , baptisé par Friedkin en hommage à un morceau musical de "Miles Davis". Mais plus qu'un titre lié aux passions immédiates du réalisateur, ce "Sorcerer" trouve sa représentation dramatique dans une figure de pierre (maléfique?) croisée au cours du périple, et qui renvoie certes à "L'exorciste" , mais également à des oeuvres plus récentes du réalisateur à l'image de "Bug", comme si la réalité s'évanouissait face à la magie.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Barry Egan »

Le blu-ray est arrivé hier, vu hier soir, et ça a été une belle claque. Ne connaissant rien de l'intrigue ni des personnages, j'ai été dérouté par la présentation en 4 fragments du départ avant de comprendre que c'était une (belle) idée de scénario, et de là, j'ai été totalement envouté. L'ambiance est si terrible et la misère si prégnante qu'on se dit que les acteurs ne jouent pas mais vivent au milieu de cet environnement sinistre (et pendant la scène du pont en charpies, peut-on réellement parler de jeu d'acteur ?).

Merci au forum et aux nombreux commentateurs enthousiastes sans lesquels j'aurai pas acheté le film à l'aveugle.
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dunandan_81
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par dunandan_81 »

Une petite bafouille que j'avais écrite lorsque j'avais regardé le Z1 :wink: (donc ma note est susceptible de monter encore)
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Trois hommes de nationalités différentes, chacun recherché par la police de son pays, s'associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine.

Voilà le genre de remake intelligent qui ne fait pas dans la redite et qui fait donc plaisir à voir. Mis à part le déroulement général (présentation des personnages + thriller routier), et la dynamique de la seconde partie, il est difficile de reconnaître le boulot de Clouzot qui a réalisé l'original. Dans les détails, ça n'a quasiment plus grand chose à voir comme je vais le montrer. Quant à dire quel est le meilleur des deux, difficile de répondre tant je les aime pour des raisons différentes, le premier pour sa longue introduction psychologique qui nous installe dans une sorte de torpeur nous préparant à la tension du lent périple de la seconde partie, et le second pour son atmosphère digne d'un Carpenter à l'aide de sa musique psychédélique et de séquences quasi fantastiques. Par contre la qualité du casting penche peut-être en faveur du second film tant cette fois-ci les deux équipes de camion sont équilibrées. Un petit mot sur le master (DVD Z1) que je trouve tout à fait regardable (malgré le recadrage) même si un rafraîchissement lui ferait du bien.
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Le début n'a en commun avec sa première monture que dans sa description de personnages fortement différents issus d'une communauté internationale. Ici, au lieu de les rencontrer dans le trou à rats où ils vont atterrir, on les retrouve comme dans une préquelle, détaillant les raisons ou fatalités subies à cause desquelles ils ont du tout quitter. Ainsi, comme un film-choral, on passe d'un personnage à l'autre jusqu'à les retrouver tous ensemble sur cette drôle terre d'accueil au bord de la misère totale. Malgré l'intérêt de placer ces personnages dans la réalité, donnant ainsi une bonne raison pour la suite d'être aussi individualistes (malfaiteurs, terroristes, tueurs à gage, fraudeur), j'ai une légère préférence pour le film de Clouzot qui opte pour la représentation/mise à l'épreuve plutôt que pour la démonstration pure et simple des caractères. On les comprend mieux mais ça fonctionne moins par allusions et symboles, ce qui faisait aussi le charme de l'original.
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Puis ensuite on les retrouve dans ce trou-du-cul perdu au milieu de nulle part, doté d'un contexte politique (la dictature militaire) qui était absent de l'autre version, accentuant encore le sentiment d'isolement du reste du monde. Cet endroit évoque le même type de pourriture et de crasse ambiantes, avec la grande différence qu'il n'y a aucun réel trait d'amitié entre les protagonistes, menés par l'unique désir égoïste de s'en sortir. D'autre part, il n'y a vraiment aucun charme ici-bas, alors que la population locale semblait dans l'autre version animée par une certaine joie de vivre. Bref, Friedkin accentue encore plus les raisons de chacun d'opter pour cette mission-suicide (qui est évoquée comme telle) qui va apparaître à eux, malgré la dangerosité de la mission. Le petit plus qui fait toute la différence, c'est la petite scène où on voit chaque conducteur s'affairer à son camion, le réviser méticuleusement, car c'est bien sûr leur outil de travail. Le look (peut-être influencé par Duel de Spielberg) des camions est dément, de vraies ruines qui semblent animer par une mauvaise âme (ne pas oublier le titre original du film, Le sorcier).
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J'en arrive au clou du film, la partie routière. La musique de synthé (Tangerine Dream) me faisant penser par exemple aux films de Carpenter, ou de manière plus proche, L'exorciste, apporte un véritable plus au cadre de l'action, qui prend une direction plus fantastique que jamais : on est réellement au coeur de la peur, ce qui est un peu le but du film. Les séquences d'obstacle n'ont rien à envier à celles du film de Clouzot. Elles sont moins nombreuses, mais sont d'autant plus intenses, je pense notamment à celle du pont suspendu, qui figure certainement parmi l'une des plus impressionnantes du genre dans l'histoire du cinéma. Suivant de près les mouvements du camion, des chemins étroits couverts par la pluie, et empruntant des virages serrés, la claustrophobie règne paradoxalement dans cette jungle immense. Puis il ne faut pas compter cette fois-ci seulement sur les imprévus du trajet, mais aussi sur l'incontrôlable population locale. Contrairement au film de Clouzot, les personnages sont plus antipathiques les uns que les autres, et malgré tout, ce qui est une grande réussite, durant ces scènes de bravoure on se prend à avoir de la peine pour eux quand ça tourne mal. Pour terminer, le dénouement final est assez différent de l'original, que je préfère dans cette version. Elle va encore plus loin dans le sens du désespoir, et ce zoom sur la figure du survivant résume en effet tous les dégâts psychologiques traversés pour "gagner", là où la folie dans l'autre film stoppait brusquement pour reprendre ensuite avec un simple détachement du danger routier.

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Un modèle de remake, qui fait monture quasi neuve avec un meilleur casting et une meilleure seconde partie, ainsi qu'une amorce complètement différente. Au-delà du simple exercice réussi de faire du neuf avec du vieux, une référence dans le thriller routier à l'atmosphère et la tension quasi fantastiques.
9/10
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par MichaelBoum742 »

BLU-RAY magnifique... cela faisait bien longtemps que j'attendais cette ultime sortie, après un laserdisc américain mais également un DVD plus ou moins officiel... mais il fallait s'en contenter :wink:

Pour information, le film avait été diffusé sur FR3 un lundi de Pentecôte, le 11 juin 1984.
La date est exacte car j'ai retrouvé mon enregistrement TV de cette époque.

C'était à la veille du Championnat d'Europe de football, organisé en France, et qui débuta le mardi 12 juin 1984.
L'information est d'ailleurs donnée après le film dans le Soir 3.
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Jeremy Fox
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Jeremy Fox »

MichaelBoum742 a écrit : Pour information, le film avait été diffusé sur FR3 un lundi de Pentecôte, le 11 juin 1984.
Je ne l'ai vu justement qu'à cette occasion. Autant dire que le fait de ne pas l'avoir apprécié ce jour-là ne veut pas dire grand chose d'autant qu'en plus il était diffusé en VF.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Hitchcock »

Jeremy Fox a écrit : le fait de ne pas l'avoir apprécié ce jour-là ne veut pas dire grand chose d'autant qu'en plus il était diffusé en VF.
Mais je crois que tu n'es pas fan du Clouzot à la base ?
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Jeremy Fox
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par Jeremy Fox »

Hitchcock a écrit :
Jeremy Fox a écrit : le fait de ne pas l'avoir apprécié ce jour-là ne veut pas dire grand chose d'autant qu'en plus il était diffusé en VF.
Mais je crois que tu n'es pas fan du Clouzot à la base ?
Pas fan mais je l'apprécie quand même bien. Ceci dit, il me faudrait le revoir également.
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Re: Le Convoi de la peur - Sorcerer (William Friedkin - 1977

Message par hellrick »

Jeremy Fox a écrit :
Hitchcock a écrit : Mais je crois que tu n'es pas fan du Clouzot à la base ?
Pas fan mais je l'apprécie quand même bien. Ceci dit, il me faudrait le revoir également.
Les deux sont biens, voire très biens. Mais je préfère quand même l'original à son remake / réinterprétaion / re-ce qu'on veut US.
(si ça arrive :fiou: )
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