African Queen (John Huston - 1951)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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villag
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Re: African Queen (John Huston - 1952)

Message par villag »

odelay a écrit :En fait, et c'est bien expliqué dans les bonus de cette EXCELLENTE et resplendissante édition d'Opening, le livre avait lui aussi deux fins. Une pour les USA je crois avec un happy end et l'autre pour l'Europe sans happy end (à moins que ne soit le contraire). Au début, il n'y avait pas de doute pour Huston, il ne fallait pas que le film se termine bien. Et puis... il a vu l'achimie qu'il y avait entre les deux acteurs, l'incroyable plus qu'ils apportaient à leurs personnages, et c'est lui-même qui a dit en cours de tournage qu'il ne fallait pas qu'ils meurent. Personne ne l'a forcé, même si, j'imagine, Spiegel a été ravi de cette décision.
Pour cela, voir le film d'Eastwood racontant ce tournage( dans CHASSEUR BLANC COEUR NOIR ) ou le realisateur veut faire une fin pessimiste, puis apres la mort du guide indigène opte pour une fin plus heureuse....
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Demi-Lune
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Re: African Queen (John Huston - 1951)

Message par Demi-Lune »

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Comme je disais, Huston et moi c'est 50/50... mais parfois il y a des exceptions au principe et cette Odyssée de l'African Queen navigue un peu entre deux eaux. Je lui trouve pas mal de défauts mais ses qualités sont suffisamment manifestes pour ne pas le classer dans les Huston qui me laissent de marbre.

D'un côté il y a, dans la première partie du film, cette forme de mollesse dans la mise en scène qui déroule des enjeux simples sans provoquer de grande implication dramatique. Les choses se mettent en place de façon un peu laborieuse avec un Bogie qui cabotine entre gargouillis de ventre et bouteille d'alcool, et une Katharine Hepburn crispée et crispante. Par ailleurs le parti-pris du huis-clos maritime ne rentrait pas en contradiction avec une recherche d'ampleur qui fait quand même défaut pour un film d'aventure, le montage manquant vraiment de nerf et la pression exercée par le cadre africain restant la plupart du temps reléguée à un vague arrière-plan à base de transparences datées à la Rivière sans retour ou de plans animaliers tournés à l'arrache. Cheap. Bon évidemment ce serait vache de le comparer à Aguirre mais je trouve quand même que Huston peine à donner du pep's et de l'immersion à ce périple (toujours dans la première partie, je précise), et se rapproche du coup un peu d'un Mogambo pour son exploitation timorée du cadre naturel.

Seulement la sauce finit par prendre à mesure que Bogie et Hepburn établissent leurs liens. La complicité naît et leur interaction réjouit. Le film est plus convaincant lorsqu'il rapproche ces deux personnages en faisant fissurer leur armure à mesure que les emmerdes s'amoncellent. La tendresse de Huston pour Allnut et Rosie finit par émouvoir et le film gagne en intérêt dans sa deuxième partie, lorsque les deux personnages ont dépassé le stade des répliques vachardes et des défiances et qu'ils s'épaulent pour traverser cette rivière qui leur résiste de plus en plus. Comme disait Jack Griffin, il y a quelque chose d'improbable dans leur couple qui touche. Le récit devient plus impliquant et malgré quelques scories (moustiques ridicules, Bogie qui imite les hippopotames et les singes, etc), le film devient immersif avec l'emprisonnement du bateau dans les hautes herbes qui génère cette atmosphère de canicule, d'effort qui manquait dans la première partie. La fin malheureusement renoue avec les aspects faiblards et convenus du film.
Il y a quand même deux scènes sur lesquelles je voulais dire un mot particulier. La première, c'est lorsque Rosie vient de perdre son frère et qu'elle reste assise là, sur l'estrade de sa maison, et qu'elle voit arriver tranquillement la cheminée de l'African Queen. Je sais pas si ça en a frappé d'autres, mais Katharine Hepburn a une expression de visage assez incroyable alors que Bogart ne sait pas comment lui présenter ses condoléances. L'autre scène qui m'a marqué, c'est lorsque Bogie est obligé de descendre à la flotte pour tirer le bateau entre les hautes herbes ; il revient couvert de sangsues et affaibli, on sent un certain désespoir entre les deux personnages, mais comme tirer le bateau à bout de bras reste la seule solution, le pauvre vieux est obligé de retourner au charbon. J'ai trouvé cette résignation commune vraiment émouvante.
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Watkinssien
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Re: African Queen (John Huston - 1951)

Message par Watkinssien »

Ce que tu pointes comme défauts dans la première partie, ce sont justement ce qui donne à The African Queen ce caractère si précieux.

La nonchalance de cette première partie est une qualité à mes yeux et le film prend une autre ampleur effectivement lorsque les sentiments amoureux apparaissent.

Car pour Huston ce sont les émotions des personnages qui dictent la conduite du récit et ses soubresauts.

Nous avons des personnages au départ bien établis et bien ancrés dans leur quotidien, mais l'engagement, l'union et le charme des contradictions font glisser le film de l'exposition à la transcendance, dans un mélange brillant d'aventures, d'humour et de mélancolique tendresse, d'autant plus qu'elle révèle l'inattendu à ses protagonistes et un éveil tardif (par rapport à leur âge respectif) de l'élan de leurs valeurs et de leurs tendresses.
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Ouf Je Respire
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Re: African Queen (John Huston - 1951)

Message par Ouf Je Respire »

Enfin vu.

Hé bé, je ne m'attendais pas à être aussi ému par le couple Hepburn-Bogart. 2 grands acteurs tombent les masques, et jouent avec une sincérité qui irradie le film. Hormis quelques situations scénaristiques cavalières, aucune faute de goût n'est présente. On a l'impression d'un film élégant, d'une grande dignité, qui diffuse des valeurs humaines que j'aime et que j'espère porter.

8/10.
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hansolo
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Re: African Queen (John Huston - 1951)

Message par hansolo »

Idem.
Un pur régal ... quel chef d'oeuvre (le mot n'est pas inapproprié a mes yeux).
Formidable duo; merci John Huston!
- What do you do if the envelope is too big for the slot?
- Well, if you fold 'em, they fire you. I usually throw 'em out.

Le grand saut - Joel & Ethan Coen (1994)
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