Seconds (John Frankenheimer - 1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Federico
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Re: Seconds (John Frankenheimer - 1966)

Message par Federico »

Strum a écrit :Seconds m'a fait l'effet d'un épisode de la Quatrième Dimension étendu jusqu'au long métrage, mais dénué de l'ironie qui faisait le sel de la série. Formellement, c'est un film très maitrisé, les grands angles, la photo contrastée et la caméra portée plongeant le spectateur dans le malaise que cherche à reproduire Frankenheimer. Rock Hudson est parfait en homme perdant (encore une fois) pied. Mais une fois que l'on a compris où l'auteur veut en venir, et on le comprend dès les premières images du film, qui montrent le malaise existentiel du protagoniste principal, le film n'a plus rien à offrir, sinon certaines scènes chocs (la fin est atroce et complaisante), qui font office de répétition ad nauseam de son discours désespéré voire nihiliste. Bref, un film d'un intérêt limité que je n'ai guère aimé. J'ajoute que la critique du modèle de réussite sociale occidental était en vogue au temps des Hippies et qu'un film comme The Swimmer de Perry, qui a cette même ambition et est contemporain du film de Frankenheimer, me parait autrement plus riche et émouvant que Seconds.
Assez d'accord sur ta conclusion. Seconds est très impressionnant mais souffre par moment d'emphase (où le visuel l'emporte sur le fond) là où le film de Perry, beaucoup plus sobre, est terriblement poignant.
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xave44
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Re: Seconds (John Frankenheimer - 1966)

Message par xave44 »

J'ai revu le film cette semaine à Nantes, à l'occasion de sa ressortie en salle en copie restaurée.
Arrivé quelques minutes en retard (juste après la conclusion du générique), je suis entré dans la petite salle et me suis mis au fond, à droite, à proximité de la porte.
Je précise les circonstances de visionnage car elles ont eu selon moi des conséquences directes sur l'appréciation du film que je n'avais vu jusqu’alors qu'une seule fois, à la télévision, il y a quelques années.
Alors que je m’installais discrètement tout en fixant l'écran, je me suis fait immédiatement fait la réflexion que pour apprécier ce film, il ne fallait justement pas le voir au cinéma (le comble !), que le grand écran hypertrophiait les choix esthétiques du réalisateur (grands angles, très gros plans, objectifs déformants etc) mais au contraire, chez soi, sur support DVD, dans l'intimité d'un appartement urbain anonyme.
Seul le prodigieux travail de la caméra de James Wong Howe gagne à être vu sur grand écran (toute la séquence des bacchanales notamment est encore plus sidérante).
S'agissant du film lui-même, les reproches qui ont été formulés plus haut par certains sont toujours là et je reconnais que certaines séquences sont discutables (la dernière en particulier, dont Rock Hudson se sort très bien néanmoins, reste une concession inutile au spectacle).
Spoiler (cliquez pour afficher)
Le film pourrait parfaitement se conclure sur le visage de Rock Hudson sanglé sur son brancard, entouré du "médecin" et de son "équipe médicale" et comprenant l'issue fatale sur laquelle se referme le piège. Le Piège aurait d'ailleurs été un titre plus approprié; piège dans lequel le personnage est tombé, piège du mode de vie que que notre société nous pousse à accepter).
Quant à l'interprétation, les seconds rôles notamment (Will Geer glaçant, terrifiant), Frances Reid (parfaite en épouse insatisfaite et résignée) ou Murray Hamilton (fabuleux dans le rôle du "vieux copain ressuscité" qui attend lui aussi une "seconde chance") participent grandement aux qualités du film.
En conclusion: j'invite à vous procurer le film dès qu'il ressortira en dvd ou BR zone 2 restauré (déjà dispo chez Criterion en Z1) et à le visionner chez vous, seul ou en tout petit comité.
Selon moi, vous ne l'apprécierez que mieux.
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Demi-Lune
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Re: Seconds (John Frankenheimer - 1966)

Message par Demi-Lune »

Strum a écrit :Seconds m'a fait l'effet d'un épisode de la Quatrième Dimension étendu jusqu'au long métrage, mais dénué de l'ironie qui faisait le sel de la série. Formellement, c'est un film très maitrisé, les grands angles, la photo contrastée et la caméra portée plongeant le spectateur dans le malaise que cherche à reproduire Frankenheimer. Rock Hudson est parfait en homme perdant (encore une fois) pied. Mais une fois que l'on a compris où l'auteur veut en venir, et on le comprend dès les premières images du film, qui montrent le malaise existentiel du protagoniste principal, le film n'a plus rien à offrir, sinon certaines scènes chocs (la fin est atroce et complaisante), qui font office de répétition ad nauseam de son discours désespéré voire nihiliste. Bref, un film d'un intérêt limité que je n'ai guère aimé. J'ajoute que la critique du modèle de réussite sociale occidental était en vogue au temps des Hippies et qu'un film comme The Swimmer de Perry, qui a cette même ambition et est contemporain du film de Frankenheimer, me parait autrement plus riche et émouvant que Seconds.
Je me retrouve bien dans ce commentaire, sauf en ce qui concerne The swimmer que je dois être le seul ici à trouver anodin et moche.
Le générique avec ces macros tordus de Saul Bass et le thème à l'orgue de Goldsmith est génial et la mise en scène inspirée, mais une fois qu'on a dit ça, on a déjà quasiment fait le tour, pour moi.
Le film ne fonctionne vraiment que l'espace du premier quart d'heure, lorsque le traitement n'obéit pas encore au surlignage mais laisse au contraire le spectateur être paumé comme le personnage dans une ambiance imparable.
En explicitant les choses, le film perd de suite de son pouvoir et les expérimentations techniques de Frankenheimer (caméra sanglée, angles biscornus), tout audacieuses soient-elles, paraissent alors tourner à la démonstration de force, te marteler le truc des fois que tu comprennes pas bien. Cela donne de manière symptomatique cette séquence de bacchanale insupportable, mais aussi cette pénible scène de biture qui dure, qui dure. Et puis l'histoire me paraît quand même bien boiteuse, dans son postulat comme dans ses développements. Je veux dire, je peux accepter qu'un personnage comme Michael Douglas se prête au jeu dans The game justement parce que le film a pris le soin de montrer au préalable à quel point le mec végète dans sa vie oisive, et cherche intérieurement quelque chose qu'il ne sait comment formuler : une décharge, l'impression d'être bien vivant, briser la prison qu'il s'est construite. Là, le background du personnage est traité beaucoup trop rapidement, au prix de la compréhension réelle de son mal-être (on voit surtout un bonhomme stressé par des appels téléphoniques), ce qui fait que son acceptation de refaire sa vie tombe comme un cheveu sur la soupe. Et effectivement, une fois que le scénario pose ça comme un fait, il n'offre plus rien. Si ce n'est quelque chose de laborieux et bien trop long. Même la scène où Rock Hudson visite son ex-épouse ne parvient pas à injecter la petite épaisseur humaine voulue, tellement l'épouse semble s'en foutre en fait.
Bref, la trilogie paranoïaque de Frankenheimer m'est décidément bien lourdingue (pas taper).
Sur la "fatigue d'être soi", comme dirait Ehrenberg, et l'angoisse identitaire, la même année Le visage d'un autre de Teshigahara est d'un autre niveau.
Jihl
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Re: Seconds (John Frankenheimer - 1966)

Message par Jihl »

Demi-Lune a écrit : Là, le background du personnage est traité beaucoup trop rapidement, au prix de la compréhension réelle de son mal-être (on voit surtout un bonhomme stressé par des appels téléphoniques), ce qui fait que son acceptation de refaire sa vie tombe comme un cheveu sur la soupe.
J'ai ressenti très différemment cette mise en place, notamment la scène du début dans la chambre avec l'épouse (qui montre beaucoup de chose en creux), l’absence de sa fille, le vide de son travail et puis... on peut comprendre que les appels téléphoniques d'un copain mort depuis des années puissent être stressants...
Du coup, je suis plutôt bien rentré dans le film qui m'a intéressé jusqu'au bout, par ses partis pris. Il y a en particulier dans ce Frankenheimer, un petit côté Fuller, une mise en danger du spectateur, que j'ai appréciée même si je reconnais aussi au film certaines limites.
Je suis finalement assez proche de l'avis de la chronique du film par Antoine Royer et je serai content de le revoir dans quelques années en blu-ray (là découvert dans un dvd z1 assez moyen). 5.5/10
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Père Jules
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Re: Seconds (John Frankenheimer - 1966)

Message par Père Jules »

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