Joel McCrea (1905-1990)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Watkinssien
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Watkinssien »

C'est un acteur que j'aime beaucoup. Je l'avais découvert dans The Most Dangerous Game et Foreign Correspondent...

Son plus beau rôle, pour ma part, est celui du cow-boy vieillissant Steve Judd, dans Coups de feu dans la Sierra de Peckinpah...
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Flavia
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Flavia »

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Un vrai petit bijou que ce film très attachant narrant l'histoire de cet homme "obligé" de cambrioler une banque, avec les conséquences qui suivent un tel acte. Ce western original, dépourvu de toute violence, se regarde avec grand plaisir grâce à Joel Mc Crea dans un rôle qui lui sied à merveille et qui forme avec Frances Dee (Mme Mc Crea à la ville) un très joli couple amoureux et touchant.
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Jeremy Fox
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

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Fureur sur l’Oklahoma (The Oklahoman - 1957) de Francis D. Lyon
ALLIED ARTISTS


Avec Joel McCrea, Anthony Caruso, Barbara Hale, Brad Dexter, Gloria Talbott, Michael Pate
Scénario : Daniel B. Ullman
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Carl E. Guthrie (Deluxe 2.35)
Un film produit par Walter Mirisch pour la Allied Artists


Sortie USA : 19 Mai 1957


J’avais plutôt apprécié ce Fureur sur l’Oklahoma voici quelques années ; c’était probablement en période de vaches maigres westerniennes car à la revoyure, ce film de Francis D. Lyon n’est franchement guère enthousiasmant, tout aussi fade qu’un précédent western en scope couleur avec un médecin pour personnage principal, Une Étrangère dans la Ville (Strange Lady in Town), le féminisme du premier étant remplacé ici par de l’antiracisme pour continuer à faire bonne figure. J’aurais d’ailleurs pu écrire à propos de The Oklahoman exactement la même chose à la virgule près (en remplaçant Greer Garson par Joel McCrea) qu’à propos du western de Mervyn LeRoy : "Le film aurait pu éventuellement donner lieu à une chronique villageoise à la façon de Stars in my Crown de Jacques Tourneur mais ce n’est même pas réussi à ce niveau non plus, les auteurs ayant surtout centré leur histoire sur Greer Garson qui, impassible, passe tous les obstacles avec un calme olympien au travers d’une suite de séquences s’éternisant plus que de coutume. L’actrice est loin d’être mauvaise mais ce que le scénariste donne à faire à son personnage ne s'avère guère captivant". Francis D. Lyon avait tourné l’année précédente L’infernale poursuite – The Great Locomotive Chase, un western familial pour les studios Disney avec dans le rôle principal leur vedette d’alors, Fess ‘Davy Crockett’ Parker ; ce Fureur dans l’Oklahoma était sa deuxième incursion dans le genre. Avant de passer à la réalisation, Lyon avait surtout été connu pour avoir obtenu un Oscar en collaboration avec Robert Parrish pour le montage de Body and Soul (Sang et or) de Robert Rossen. En tant que cinéaste, aucun de ses films ne sera passé à la postérité ; et pour cause : vraiment rien d’enthousiasmant dans tout ce que j’ai pu voir de lui jusqu’à présent.

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1870. Alors qu’il se dirigeait vers la Californie pour s’y installer et y exercer, le docteur John Brighton (Joel McCrea) décide de stopper son voyage à Cherokee Wells dans l’Oklahoma. En effet, il vient de perdre sa femme en couche et il n’a plus la volonté de poursuivre son chemin. Il prend la décision de rester sur place avec son nouveau-né qu’il prénomme Louise comme son épouse défunte. La veuve Fitzgerald (Esther Dale) leur offre l’hospitalité et prend en charge l’éducation de la petite fille. Cinq ans ont passé et le docteur s’est attiré la sympathie de tous les habitants de la petite ville. Il est même courtisé par deux femmes en même temps : sa voisine, la jolie Anne Barnes (Barbara Hale), jeune veuve vivant aux côtés de sa mère et qui dirige une des grosses propriétés de la région, ainsi que Maria (Gloria Talbott), une jeune indienne de 18 ans venue élever sa fille après que Mme Fitzgerald soit décédée. Son doux quotidien va prendre fin le jour où Charlie (Michael pate),le père de Maria, va tuer un homme en état de légitime défense. Mel, la victime, n’était autre qu’un des frères Dobie, de puissants propriétaires terriens prêts à tout pour s’accaparer les domaines alentours depuis qu’ils ont décelé sans l’ébruiter la présence de pétrole dans le sous-sol. Ce jour là, Mel était justement venu sur les terres de l’indien civilisé pour vérifier l’existence de l’or noir dans un de ses points d’eau ; surpris par Charlie, il avait tenté de l’éliminer. Le docteur ayant décidé de prendre la défense de Charlie, injustement accusé de meurtre, il va devoir se confronter au frère survivant, l’impitoyable Cass (Brad Dexter), ainsi qu’ à quasiment tous les habitants de la petite bourgade lui demandant de ne pas se mêler de cette affaire et de laisser le jury décider. Persuadé de l’innocence du père de Maria, n’écoutant que son bon cœur, il se lance néanmoins tête baissée dans son enquête…

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Le discret Joel McCrea est à nouveau en tête d’affiche d’un western dont l’action est réduite à portion congrue ; certains furent mémorables comme, peu avant, Un jeu risqué (Wichita) de Jacques Tourneur. Dans Fureur sur l’Oklahoma (encore un titre français honteusement mensonger tellement le film est dépourvu de fureur), il interprète une fois encore un homme doux, affable, paisible et non violent, d’une probité à toute épreuve ; un homme sans aucun défauts dans sa cuirasse, un véritable héros qui ne s’en laisse pas compter et qui ira jusqu’au bout de son idée malgré les conseils de prudence des uns et des autres. Mais hormis être un homme bon, son personnage reste assez terne, tout comme l’ensemble du scénario totalement conventionnel, ses enjeux dramatiques étant tous attiédis par une écriture sans puissance, témoin ce final vite expédié, pour ne pas dire bâclé, là où nous étions en droit d’attendre un climax un peu plus ample et tendu. La tension et l’émotion, il n’y en a justement quasiment pas alors qu’au vu de l’intrigue (un homme luttant seul contre tous pour sauver le vie d’un autre -indien qui plus est- qu’il estime injustement accusé), nous pouvions largement compter dessus. Et d’ailleurs, avant Francis D. Lyon, beaucoup ne s’étaient pas privés de mettre en scène des histoires quasi-similaires, avec bien plus de talent et d’efficacité. Si la partie ‘chronique’ avait été réussie, nous n’aurions pas tenu rigueur au film d’un tel manque de robustesse ; mais même ce côté ‘vie quotidienne d’une petite ville de l’Ouest’ n’est pas vraiment bien exploité. On a beaucoup de mal à sentir vivre cette cité et ces habitants ; tout et tous au contraire semblent inertes, à l’image de certains décors intérieurs comme celui du saloon complètement toc et aseptisé.

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Ce n’est pas que le film soit franchement mauvais ; il est surtout sans aucune saveur et mené sans aucun entrain ! Et c’est d’autant plus dommageable qu’il avait pas mal d'intéressants atouts en main à commencer par le fait que les gros propriétaires ne se battent plus pour du bétail mais pour du pétrole. L’année précédente, George Stevens avait réalisé Géant et le western n’allait pas tarder à s’engouffrer dans cette brèche, Francis D. Lyon étant un des premiers à aborder ce nouveau ‘problème’ pour les ranchers, Hal Bartlett n’allant pas tarder à emboiter le pas avec un western d’une toute autre trempe, un indien étant lui aussi la victime de cette bataille pour l’or noir, le splendide Joe Dakota. Mais n’anticipons pas ! Le script de Daniel B. Ullman (auteur entre autres du superbe Wichita déjà cité plus haut) proposait également un quatuor de femmes dans les rôles principaux, deux jeunes femmes et deux personnes âgées. Seulement, le moins que l’on puisse dire est que ces personnages féminins ne sont guère inoubliables et qu’il n’existe aucune alchimie entre Joel McCrea et les jeunes comédiennes lui tournant autour ; du coup les romances sont aussi peu convaincantes que le reste. Seule Verna Felton sort du lot dans la peau de la mère de Barbara Hale : une veille dame qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui n’a pas froid aux yeux ; c’est elle qui bénéficiera d’ailleurs des lignes de dialogues les plus réjouissantes. Et puis une fois encore les auteurs prennent faits et cause pour les indiens qui sont ici tous civilisés, s’étant parfaitement intégrés, mais qui malgré ça inspirent toujours de la méfiance au regard de la violence des guerres indiennes toujours bien ancrées dans les mémoires.

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Un quatuor de femmes, l’apparition du pétrole comme richesse semeuse de troubles, un antiracisme respectable, un véritable sens de l’honneur de la part d’un héros se positionnant contre l’injustice et prônant l’égalité des droits pour tous les citoyens qu’ils soient blancs ou indiens : d’intéressantes pistes qui n’aboutissent donc malheureusement à pas grand-chose. Reste une estimable performance de Joel McCrea qui ne nous surprend néanmoins guère, un Brad Dexter désagréable à souhait (ce sera le 7ème mercenaire de John Sturges, celui dont tout le monde oublie le nom lorsqu’il s’agit de tous les citer), une plaisante musique de Hans J. Salter (toutefois moins inspiré qu’à l’Universal), un bon duel final et quelques beaux paysages dont les immenses étendues herbeuses de l’Oklahoma, dans un ensemble mou, lent, bavard et rarement captivant, d’autant que la mise en scène n’est ni innovante ni vigoureuse, témoin la bagarre à poings nus entre Brad Dexter et Joel McCrea totalement cotonneuse. Il y avait un bon potentiel de départ malheureusement sous exploité dans ce western totalement inoffensif qui n'a pas bénéficié d'un budget important même si on a voulu le faire passer pour un western de prestige avec son format scope. Pourrait néanmoins plaire un après midi pluvieux.

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Fort Massacre (1958) de Joseph M. Newman
MIRISCH CORPORATION


Avec Joel McCrea, Forrest Tucker, Denver Pyle, Susan Cabot, John Russell
Scénario : Martin Goldsmith
Musique : Marlin Skiles
Photographie : Carl E. Guthrie (Color DeLuxe 2.35)
Un film produit par Walter Mirisch pour la Mirisch Corporation


Sortie USA : mai 1958


New Mexico à la fin des années 1870. Suite à une embuscade meurtrière, un détachement de tuniques bleues est presque entièrement décimé par les Apaches. Il ne reste qu’à peine une dizaine de membres et plus aucun officier en chef pour prendre le commandement. C’est donc le plus haut gradé, le Sergent Vinson (Joel McCrea), qui prend la tête du petit groupe au grand désespoir des autres survivants dont surtout McGurney (Forrest Tucker), soldat d’origine irlandaise qui ne cesse de pester contre l’armée, la hiérarchie et l’autorité. En effet, Vinson est connu pour sa haine tenace envers les indiens ; il ne s’est en fait jamais remis de la perte de son épouse tombée entre leurs mains il y a quelques années et ayant préféré tuer ses fils plutôt qu’ils soient eux aussi faits prisonniers. L’inquiétude des hommes quant aux facultés de commandement de leur Sergent avait bien lieu d’être puisque Vinson, au lieu de se rendre directement au Fort Crane pour se réfugier ou encore d’attendre des renforts annoncés, fait des détours pour aller massacrer des groupes d’indiens même si les membres de ceux-ci sont parfois quatre fois plus nombreux qu'eux. De décisions suicidaires en attitudes belliqueuses de la part de leur chef, les quelques rescapés arrivent néanmoins jusqu’à une ville troglodyte fantôme où ils décident de se cacher le temps de reprendre des forces. Ils y découvrent un vieil indien Piute et sa petite fille (Susan Cabot). Un des hommes de la troupe nomme ce lieu ‘Fort Massacre’, très pessimiste quant à leur sort à tous d’autant qu’une bande d’une vingtaine d’indiens rôde encore alentour…

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Au vu du médiocre Pony Soldier (La Dernière flèche) avec Tyrone Power, on se demandait alors ce qu'il restait de positif du travail de Joseph M. Newman qui nous avait pourtant agréablement surpris quelques mois auparavant avec Les Bannis de la Sierra (The Outcasts of Poker Flat), son huis clos westernien en noir et blanc avec Anne Baxter et Dale Robertson. La qualité du scénario était pour beaucoup dans la réussite de ce dernier. Si le postulat de départ de Fort Massacre est tout aussi captivant que celui de son premier western, le scénario l’est en revanche beaucoup moins, s’enlisant très vite dans la redite et l’insignifiant après nous avoir grandement alléché, nous mettant face à un des westerns les plus désenchantés qu’il nous ait été de voir jusqu’à présent. Il faut dire que les films narrant les mésaventures d’une patrouille perdue ont rarement été convaincants à commencer par The Lost Patrol de John Ford, l’un de ses films les plus lourds et ennuyeux. Joseph Newman quant à lui s'en sort avec les honneurs, nous offrant un travail soigné à défaut d'être inoubliable. Ancien garçon de course de la MGM dès l'âge de 13 ans, Joseph Newman se retrouva vite assistant de cinéastes tels Raoul Walsh ou George Cukor. Sa première réalisation date de 1941, Northwest Rangers, remake de Manhattan Melodrama de W.S. Van Dyke. Il mettra en scène de nombreux épisodes de la série Crime Does Not Pay et nous aura offert une comédie assez délicieuse avec June Haver et Marilyn Monroe dans un de ses premiers rôles, Love Nest (Nid d'amour). Mais le film le plus célèbre de Newman sortira en 1953 et deviendra un grand classique de la science-fiction : Les Survivants de l'infni (This Island Earth). Fort Massacre est son troisième western et le premier film produit par la Mirisch Company, compagnie créee fin 1957.

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Un petit groupe de soldats perdu au milieu de l’immensité hostile et sauvage des territoires Apaches ; leur chef, un homme qui voue une haine farouche aux indiens depuis que ces derniers ont violé et brulé son épouse, celle-ci ayant auparavant tué ses deux enfants afin qu’ils ne tombent pas entre leurs mains ; des bandes d’indiens faméliques disséminées un peu partout prêtes à massacrer les tuniques bleues. Voici les quelques protagonistes de ce huis-clos en extérieurs filmé au sein de superbes paysages formidablement saisis en scope. Les étonnantes premières séquences de ce film nous montrent , après que leur détachement se soit presque fait entièrement décimé, des soldats tenir un discours violent et désillusionné sur l’armée, sa bureaucratie et sa hiérarchie qui conduisent des hommes à la boucherie sans sourciller. Ces militaires ne sont pas des héros et ont même peur de mourir ; leur description évacue tout manichéisme : voire à ce propos le personnage de John Russell constamment en train de douter sur ce qu’il voudrait faire de son avenir ou encore celui de Joel McCrea sans cesse tiraillé entre sa haine tenace à l’encontre des indiens et la remise en question de celle-ci… Mais les bonnes intentions ne font pas forcément les bons films et après un démarrage passionnant, le western de Joseph M. Newman s’enlise rapidement, devient vite assez répétitif et tout simplement inintéressant, encore plus à partir du moment où le petit groupe de soldats rejoint cet étonnant décor de la ville troglodyte Anasazi. Non seulement, ce qui s’y déroule n’a plus grand intérêt, les tensions ne montent pas d’un cran et les deux personnages d’indiens pacifiques rencontrés alors se révèlent non seulement ridicules mais également totalement inutiles. Pauvre Susan Cabot qui eut de bien meilleures opportunités par le passé, déjà et souvent dans les rôles d’indiennes d’ailleurs. Demander à se prostituer en échange d’une fiole de whisky pour son grand-père… et rien de bien plus à faire durant son ¼ d’heure de présence !

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En fait, le gros problème de ce film est que tout a été dit dans la première demi-heure par Martin Goldsmith (scénariste réputé pour son travail sur Détour, film culte pour les cinéphiles français, signé Edgar G. Ulmer) et que ce qui s'ensuit n’apporte rien de nouveau, les personnages n’évoluant pas eux non plus, ceci étant d’autant plus dommage que leurs interprètes sont des comédiens chevronnés et souvent talentueux tels Anthony Caruso, John Russell ou Forrest Tucker ; nous aurions vraiment aimé les voir tenir des rôles plus consistants, ce qui n’est malheureusement pas vraiment le cas ici. De ce fait, la seconde partie ressemble plus à du remplissage pour arriver au bout des 75 minutes minimales ‘réglementaires’ ; les situations sont stagnantes et lces dialogues guère passionnants, voire redondants... Heureusement, le final vient nous sortir de la torpeur qui avait commencé à nous envahir sans toutefois nous assommer grâce à la beauté des paysages et le talent des comédiens ; il préfigure (toutes proportions gardées), les inoubliables fins nihilistes des films de Robert Aldrich ou de Sam Peckinpah. D’ailleurs, Fort Massacre, avec de nombreux points communs, annonce avec plus de dix ans d’avance le bien meilleur Fureur Apache (Ulzana’s Raid) d'Aldrich. Un final sec, concis et impitoyable comme nous aurions aimé que le film le soit durant toute sa durée ; mais Joseph M. Newman était surement un cinéaste trop timoré pour pouvoir faire mieux à partir d’une histoire aussi sombre et désespérée, et il n’a pas non plus bénéficié d’un scénario assez rigoureux sur la longueur. Cependant les questionnements sur les capacités requises pour un bon commandement, la résignation ou non devant l’horreur, la soumission ou non à l’autorité (malgré le mépris pour leur chef, les soldats ne se révoltent pas hormis en paroles), restent intéressants ainsi que le personnage ‘raisonnable’ joué par John Russell qui n’arrive pas à prendre partie, arrivant à comprendre les raisons de chacun sans pour autant y adhérer.

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Même si ce western est loin de répondre aux attentes suscitées par un prologue aussi inhabituel, cinglant, tendu et dépouillé, il peut malgré tout se visionner sans trop de déplaisir grâce à un solide casting à la tête duquel un Joel McCrea convaincant, surprenant dans un rôle inaccoutumé le concernant, très noir et torturé (l’idée de son fétichisme des montres ramassées sur les cadavres de ses hommes est excellente), ainsi qu'à une très belle photographie de Carl E. Guthrie utilisant avec beaucoup de talent les superbes et sauvages paysages naturels à sa disposition. Dommage que le film tourne assez vite en rond et que le traitement ne soit pas plus original ; en effet la mise en scène de Newman manque singulièrement de dynamisme et d’âpreté pour un tel sujet. Bertrand Tavernier parle d’économie, je tablerais plutôt sur de la fadeur. Néanmoins, même s’il m’a quelque peu ennuyé, je ne peux que reconnaitre son intérêt et son originalité : un western sans humour ni sentimentalisme qui j'imagine pourrait plaire à beaucoup.

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Le Shérif aux mains rouges (The Gunfight at Dodge City - 1959) de Joseph M. newman
UNITED ARTISTS



Avec Joel McCrea, Julie Adams, Nancy Gates, John McIntire, Richard Anderson, James Westerfield
Scénario : Martin Goldsmith & Daniel B. Ullman
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Carl E. Guthrie (DeLuxe 2.35)
Un film produit par Walter Mirisch pour la United Artists


Sortie USA : Mai 1959


Hays City. Le chasseur de bisons Bat Masterson (Joel McCrea) tue un officier de cavalerie en état de légitime défense après que ce dernier ait menacé de le descendre à cause d’une histoire de femme. Sur les conseils d’un ami et pour sa tranquilité, Bat quitte la ville et se rend à Dodge City dont le Marshal n'est autre que son frère Ed (Harry Lauter) ; ce dernier lui présente sa fiancée Pauline (Julie Adams) et son futur beau-père, le révérend Howard (James Westerfield). Des élections se préparent pour élire le nouveau shérif : Ed est en compétition avec le l'ex-tireur d’élite corrompu Jim Regan (Don Haggerty). Bat décide de se fixer en ville. Il se prend d’amitié pour le docteur Sam Tremain (John McIntire) qui lui fait faire la connaissance de Lily (Nancy Gates), une jolie femme devenue veuve par la faute de Regan, et qui a désormais du mal à gérer seule le 'Lady Gay', l’un des saloons de la ville. Joueur professionnel, Bat décide de s’associer avec elle en investissant une coquette somme d’argent. Le succès de l’établissement provoque des jalousies et un soir de liesse, Dave Rudabaugh (Richard Anderson) en profite pour tirer dans le dos d’Ed, vengeant ainsi anonymement son cousin qui n’était autre que l’homme que Bat avait abattu en début de film. Les notables, fatigués de la violence provoquée par les hommes de Regan, prennent la décision de nommer Masterson pour shérif, estimant qu’il sera le seul à pouvoir nettoyer leur cité…

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En 1952, au vu du médiocre Pony Soldier (La Dernière flèche) avec Tyrone Power, on se demandait alors ce qu'il restait de positif du travail de Joseph M. Newman qui nous avait pourtant agréablement surpris quelques mois auparavant avec Les Bannis de la Sierra (The Outcasts of Poker Flat), son huis clos westernien en noir et blanc avec Anne Baxter et Dale Robertson. Il faut dire que la qualité du scénario était pour beaucoup dans la réussite de ce dernier. Si le postulat de départ de Fort Massacre, avec déjà Joel McCrea en tête d'affiche, était tout aussi captivant, le scénario l’était en revanche beaucoup moins, s’enlisant très vite dans la redite et l’insignifiant après nous avoir grandement alléché, nous mettant face à un des westerns les plus désenchantés qu’il nous ait été de voir jusqu’à présent. Joseph Newman quant à lui s'en sortait avec les honneurs, nous offrant un travail soigné à défaut d'être inoubliable. Le Shérif aux mains rouges, sans être vraiment mauvais, ne nous offre cette fois pas plus de scénario original que de mise en scène inventive. Les innombrables points communs qu’il partage avec Un Jeu risqué (Wichita) de Jacques Tourneur dénotent à quel point la différence peut se faire entre un tâcheron et un auteur ; mais nous y reviendrons rapidement. Ancien garçon de course de la MGM dès l'âge de 13 ans, Joseph Newman se retrouva vite assistant de cinéastes tels Raoul Walsh ou George Cukor. Sa première réalisation date de 1941, Northwest Rangers, remake de Manhattan Melodrama de W.S. Van Dyke. Il mettra en scène de nombreux épisodes de la série Crime Does Not Pay et nous aura offert une comédie assez délicieuse avec June Haver et Marilyn Monroe dans un de ses premiers rôles, Love Nest (Nid d'amour). Mais le film le plus célèbre de Newman sortira en 1953 et deviendra un grand classique de la science-fiction : Les Survivants de l'infini (This Island Earth). Gunfight at Dodge City est son quatrième western.

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Bat Masterson a réellement existé, mais hormis deux ou trois faits réels répertoriés ici (notamment ce qui se déroule à Hays City en tout début), le film de Joseph M. Newman est très fantaisiste par rapport au personnage et aux faits qui lui sont rapportés ; ce qui en soi, connaissant les libertés prises par Hollywood avec l’histoire, n’est aucunement gênant : il fallait juste le préciser pour les spectateurs qui sont à cheval sur la réalité historique ou les amateurs de biopic, ce que ce western n'est pas. Né au Canada, Bat Masterson fut tour à tour chasseur de bisons, éclaireur, joueur professionnel, tenancier de saloon et enfin US Marshal à la même époque que son ami Wyatt Earp. Au cinéma, son personnage apparut dans plus d’une vingtaine de westerns ou séries TV, avec entre autres pour l’incarner Randolph Scott dans Du sang sur la piste (Trail Street) de Ray Enright, George Montgomery dans La Terreur des sans-loi (Masterson of Kansas) de William Castle, Keith Larsen dans Un Jeu risqué (Wichita) de Jacques Tourneur ou Kenneth Tobey dans Règlement de comptes à OK Corral de John Sturges. Après avoir interprété Wyatt Earp dans le chef-d’œuvre de Jacques Tourneur, Joel McCrea, presque en fin de carrière, se glisse cette fois dans la peau de Bat Masterson, autre shérif presque tout aussi légendaire, Tombstone et Dodge City n'étant d'ailleurs pas très éloignées. Et comme nous l’avons déjà dit, les deux films se ressemblent étrangement à tel point qu’on pourrait penser parfois à un remake, témoin cette scène de pique-nique dans un endroit idyllique entre Julia Adams et Joel McCrea qui reprend presque les mêmes plans que dans celle similaire avec Vera Miles dans Wichita. Mais comme pour l’ensemble du film, l’émotion et la beauté de l’une sont absentes de l’autre tout comme la puissance d’évocation, l’intelligence du propos, la vitalité des scènes de foule, la passion sous-jacente ou la force des scènes d’action présentes dans le premier ne se retrouvent quasiment plus dans le second.

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Un homme qui prend la place de shérif qu’occupait son frère après que ce dernier se soit fait assassiner : on a déjà vu cette histoire à maintes reprises avec tout ce que cela comporte comme pistes de réflexion à propos de la loi et l’ordre. Et effectivement en l'occurence, rien de bien nouveau ou puissant ne ressort de ce scénario pourtant écrit à quatre mains, Daniel B. Ullman ayant pourtant signé ceux, passionnants au contraire, de Wichita ainsi que, très peu de temps avant celui qui nous concerne ici, de l’excellent et méconnu Good Day for a Hanging de Jack Arnold. Dans Gunfight at Dodge City (Gunfight d'ailleurs très peu enthousiasmant) c’est la platitude qui règne à tous les niveaux : ça se traine, c’est bavard, mollasson, constamment prévisible et ça ne possède que très peu de charme. On trouve quelques tentatives d’humour qui tombent à plat, une psychologie des personnages réduite à portion congrue, peu de seconds rôles marquants (excepté le toujours excellent John McIntire) et, malgré la présence de deux jolies comédiennes habituées du genre (ayant toutes deux tournées pour Budd Boetticher), les romances ne nous font ressentir aucune passion, aucune émotion, l’alchimie entre les couples n’opérant jamais. Quant aux rares scènes d’action, elles manquent singulièrement d’efficacité et de punch, l’ensemble du film de tension à cause notamment d’un flagrant manque de charisme chez les ‘Bad Guy’, que ce soit Don Haggerty ou Richard Anderson (le futur ‘boss’ de Lee Majors dans la série L’homme qui valait trois milliards). Malgré cette banalité d’ensemble (même le compositeur Hans J. Salter a perdu tout le lyrisme qu’il possédait encore à la Universal), le film peut se regarder sans trop d’ennui grâce au son honnête casting ainsi qu’à une très belle photographie signée Carl E. Guthrie. En revanche, le scope est utilisé sans aucune imagination ni aucune ampleur.

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Le film de Joseph Newman qui raconte donc l'histoire de Bat Masterson, un joueur devenu shérif du jour au lendemain pour, entre autres, venger son frère assassiné et remettre de l’ordre dans une cité corrompue, est donc malheureusement trop platement filmé et bien trop conventionnel dans son intrigue et dans son scénario pour intéresser quiconque autre qu'un mordu de western. Ces derniers pourront néanmoins passer éventuellement un agréable moment à condition de ne pas s'attendre à grand-chose et surtout pas à un fort dépaysement, le cinéaste ne nous faisant sortir de la petite ville qu’à de très faibles reprises. Pas mauvais mais sans aucun panache ni intensité ; à vrai dire assez médiocre.

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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par daniel gregg »

Jeremy Fox a écrit :
Flavia a écrit :Image

Un vrai petit bijou que ce film très attachant narrant l'histoire de cet homme "obligé" de cambrioler une banque, avec les conséquences qui suivent un tel acte. Ce western original, dépourvu de toute violence, se regarde avec grand plaisir grâce à Joel Mc Crea dans un rôle qui lui sied à merveille et qui forme avec Frances Dee (Mme Mc Crea à la ville) un très joli couple amoureux et touchant.
Il fait justement la une du site aujourd'hui :wink:
Cà donne envie tout çà ! :)
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Jeremy Fox
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

Le western du Week-end : Le shérif aux mains rouges de Joseph M Newman
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Jeremy Fox a écrit :Le western du Week-end : Le shérif aux mains rouges de Joseph M Newman
Un jugement sévère sur ce film, car si j'en crois la superbe jaquette de l'édition SIDONIS il s'agit d' Un western solide comme le roc :mrgreen:

Je l'ai vu il y a trois ou quatre ans, et je l'ai déjà complètement oublié.
La fin m'avait semblé bâclée je crois; le comportement des personnages était un peu aberrant, comme si le scénario avait été perdu en route.
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par kiemavel »

Frank 'Spig' Wead a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Le western du Week-end : Le shérif aux mains rouges de Joseph M Newman
Un jugement sévère sur ce film, car si j'en crois la superbe jaquette de l'édition SIDONIS il s'agit d' Un western solide comme le roc :mrgreen:

Je l'ai vu il y a trois ou quatre ans, et je l'ai déjà complètement oublié.
La fin m'avait semblé bâclée je crois; le comportement des personnages était un peu aberrant, comme si le scénario avait été perdu en route.
Tant et si bien que je n'ai même pas racheté ce Sidonis bien que le DVD américain sorti auparavant ne comportait que la VF. Pas terrible effectivement.
Pour ce qui est de la jaquette, il est rare que l'éditeur appâte le chaland avec " Ne l'achetez pas, c'est une daube". :mrgreen:
Et sinon, Joseph M. Newman a réalisé un bon western en NetB : Les bannis de la sierra qui a aussi été édité par Sidonis (mais son meilleur film est surement 711 Ocean Drive, un film noir avec Edmond O'Brien).
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

kiemavel a écrit : Et sinon, Joseph M. Newman a réalisé un bon western en NetB : Les bannis de la sierra
Son western que je préfère.
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

Le western du samedi : Fort Massacre de Joseph M. Newman
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

Notre western du WE : L'enfant du désert de Kurt Neumann.
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

Le western du WE : Black Horse Canyon de Jesse Hibbs qui vient de sortir en DVD chez Sidonis.
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

Le western du WE par un nouveau contributeur que l'on remercie, Freddy Dupont. Il s'agit de La Journée des violents de Harry Keller.
bogart
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par bogart »

Jeremy Fox a écrit :Le western du WE par un nouveau contributeur que l'on remercie, Freddy Dupont. Il s'agit de La Journée des violents de Harry Keller.

Que fait ce western dans le topic McCréa :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Jeremy Fox »

bogart a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Le western du WE par un nouveau contributeur que l'on remercie, Freddy Dupont. Il s'agit de La Journée des violents de Harry Keller.

Que fait ce western dans le topic McCréa :wink:

Comme Dana Andrews et Ray Milland, je confonds toujours Fred MacMurray et Joel McCrea :oops:
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Cathy
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Re: Joel McCrea (1905-1990)

Message par Cathy »

Jeremy Fox a écrit :
bogart a écrit :

Que fait ce western dans le topic McCréa :wink:

Comme Dana Andrews et Ray Milland, je confonds toujours Fred MacMurray et Joel McCrea :oops:
M'enfin, pas la même chose, même s'ils sont pleins de charme tous les deux :oops: :lol:
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