Spartacus (Stanley Kubrick - 1960)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Bartlebooth
Georges Perec
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Message par Bartlebooth »

Spartacus est un film passionnant parce que c’est un film schizophrène, déchiré entre les personnalités irréconciliables de son acteur-producteur et de son réalisateur. D’un côté l’humanisme démocrate (au sens américain) de Kirk Douglas, de l’autre le pessimisme froid et mathématique de Stanley Kubrick. Le premier tire le film vers une parabole biblique du retour à la terre promise, pendant que le second nous montre un homme dépassé par les forces qu’il a libérées.
Douglas est un optimiste : la défaite de Spartacus est pour lui provisoire ; c’est une étape sur le long chemin d’une victoire à venir en un temps futur, celui où tous les hommes seront frères. Kubrick est un pessimiste : comme dans tous ses films, il montre l’échec de toute entreprise opposant la passion à la raison, et simultanément comment toute puissance (ici Rome) est soumise à une double pression, tant de l’intérieur (la décadence de l’empire) que de l’extérieur (la révolte des esclaves).
Conséquemment, Kubrick filme superbement ce qui l’intéresse (la cruauté de l’école des gladiateurs, dont la mise en scène savamment géométrisée annonce le camp d’entraînement de Full Metal Jacket ; la grande bataille finale, grand moment de cinéma, qui annonce les champs de bataille de Barry Lyndon), mais avec beaucoup moins de conviction ce qui le laisse indifférent (la solidarité des esclaves, l’amour de Spartacus pour sa compagne). Même le casting est schizo, avec d’un côté les virtuoses britanniques (Laughton, Olivier, Ustinov) et de l’autre les stars américaines (Douglas, Curtis, Simmons).
On peut - c'est mon cas - admirer le film dans et pour ces contradictions qui le déchirent. On peut aussi comprendre que Kubrick soit sorti, de ce tournage où, pour la seule fois de sa carrière, il avait été l' "esclave" d'un scénario imposé, déterminé à être dorénavant son propre maître.
2501
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Message par 2501 »

Jeremy Fox a écrit :
2501 a écrit :Revu récemment et très déçu. Il faut dire que je n'aime pas trop les péplums en général.
C'est très naïf, très premier degré, et pour moi des fois ça passe pas (l'histoire d'amour bof bof...).

Enfin... c'est pas un mauvais film c'est clair, mais ce que j'aimerai savoir, c'est l'apport de Kubrick au film, sa marque : que reconnaissez-vous de ce grand cinéaste dans ce film ?

Parce que perso, j'ai pas vu la touche du maître (je connais l'histoire de la fabrication du film, mais quand même, est-ce qu'il fut un simple faiseur sur ce coup-là ?).
L'histoire d'amour est justement magnifique, tendre, sincère et touchante et j'y vois le génie de Kubrick du début à la fin dans cette mise en scène ample, lyrique, vraiment habitée
Justement ce n'est pas ce que je trouve de plus kubrickien... (ouh là c'est barbare ça).
Je n'arrive tout simplement pas à faire le lien avec se autres films, à voir en quoi c'est un film de Kubrick. Je pense que c'est surtout le travail d'un réalisateur appliqué à faire du bon boulot (mais très impersonnel) pour s'acheter la confiance des studios... j'ai tort ?
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2501
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Message par 2501 »

Bartlebooth a écrit :Spartacus est un film passionnant parce que c’est un film schizophrène, déchiré entre les personnalités irréconciliables de son acteur-producteur et de son réalisateur. D’un côté l’humanisme démocrate (au sens américain) de Kirk Douglas, de l’autre le pessimisme froid et mathématique de Stanley Kubrick. Le premier tire le film vers une parabole biblique du retour à la terre promise, pendant que le second nous montre un homme dépassé par les forces qu’il a libérées.
Douglas est un optimiste : la défaite de Spartacus est pour lui provisoire ; c’est une étape sur le long chemin d’une victoire à venir en un temps futur, celui où tous les hommes seront frères. Kubrick est un pessimiste : comme dans tous ses films, il montre l’échec de toute entreprise opposant la passion à la raison, et simultanément comment toute puissance (ici Rome) est soumise à une double pression, tant de l’intérieur (la décadence de l’empire) que de l’extérieur (la révolte des esclaves).
Conséquemment, Kubrick filme superbement ce qui l’intéresse (la cruauté de l’école des gladiateurs, dont la mise en scène savamment géométrisée annonce le camp d’entraînement de Full Metal Jacket ; la grande bataille finale, grand moment de cinéma, qui annonce les champs de bataille de Barry Lyndon), mais avec beaucoup moins de conviction ce qui le laisse indifférent (la solidarité des esclaves, l’amour de Spartacus pour sa compagne). Même le casting est schizo, avec d’un côté les virtuoses britanniques (Laughton, Olivier, Ustinov) et de l’autre les stars américaines (Douglas, Curtis, Simmons).
On peut - c'est mon cas - admirer le film dans et pour ces contradictions qui le déchirent. On peut aussi comprendre que Kubrick soit sorti, de ce tournage où, pour la seule fois de sa carrière, il avait été l' "esclave" d'un scénario imposé, déterminé à être dorénavant son propre maître.
Merci pour ces éclaircissements. :wink:
J'essaierai de le voir sous cet angle la prochaine fois.
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francis moury
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éloge + nécessité d'une comparaison

Message par francis moury »

J'aime bien SPARTACUS que j'ai vu au cinéma enfant et plusieurs fois à la télévision et en vidéo : c'est l'un de mes Kubricks préférés et j'ai déjà écrit pourquoi mais je rajoute comme autres raisons le générique, un des plus beaux de l'histoire du cinéma -conçu par Saul Bass ou je me trompe ? - le scénario de Trumbo qui interprète brillament l'histoire romaine - rapport d'un des Gracchus (admirable Charles Laughton) et de Cassius (Laurence Olivier) - dont on trouve des éléments dans Plutarque notamment mais aussi chez Cicéron, le personnage-clé du jeune Julius Caesar (John Gavin dans un de ses plus grands rôles est d'une puissance extraordinaire, supérieure même à celle de Laurence Olivier pourtant excellent comme d'habitude) dans le jeu politique que j'avais déjà évoqué dans le forum sur Kubrick et bien d'autres scènes très fortes comme la rencontre Kirk Douglas-Woody Strode et la mort de ce dernier, les débats du sénat, la bataille impressionnante et très angoissante de la fin, les nombreux seconds rôles comme celui du jeune Tony Curtis, d'Herbert Lom, etc... et bien sûr la charmante histoire d'amour entre Jean Simmons et Kirk Douglas.

Mais il devient urgent d'ajouter - en dépit du fait que ce forum autant romain, pour le coup, que dvdclassikien lui soit évidemment consacré - que la version de Kubrick n'est nullement l'unique portée à l'écran et que j'attends ainsi impatiemment de voir sortir en DVD zone 2 l'admirable version N.&B. du SPARTACO [Spartacus] Riccardo Freda tournée en 1950. La comparaison n'est possible que pour ceux qui l'ont vu au cinéma de Minuit il y a déjà assez longtemps : je souhaite qu'elle soit à la porté de tous dans un proche avenir.
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Re: éloge + nécessité d'une comparaison

Message par Majordome »

francis moury a écrit :J'aime bien SPARTACUS que j'ai vu au cinéma enfant et plusieurs fois à la télévision et en vidéo : c'est l'un de mes Kubricks préférés et j'ai déjà écrit pourquoi mais je rajoute comme autres raisons le générique, un des plus beaux de l'histoire du cinéma -conçu par Saul Bass ou je me trompe ?
Pas d'erreur.
Le style de Saul Bass est si particulier qu'il est identifiable au premier coup d'oeil (rien qu'au choix des polices de caractére). Il est aussi design consultant sur le film (story board surement, et influence sur les decors)
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Bizarre que la plupart parlent en négatif de l'histoire d'amour dans Spartacus.

Pouvez vous m'en citer une plus juste et plus sobre dans un autre péplum ? Le duo Jean Simmons / Kirk Douglas fonctionne à merveille je trouve.
phylute
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Message par phylute »

J'adore ce film. Comme Jeremy je le place tout en haut de la longue liste des péplums tournés. Je ne vois dans ce film qu'une suite de scènes exaltantes : l'entraînement des gladiateurs, leur révolte, les scènes de bataille absolument magnifiques, le final absolument poignant.
L'histoire d'amour entre Kirk Douglas et Jean Simmons est juste et bouleversante, tous les personnages sont développés et humains (celui de Peter Ustinov est à ce titre prodigieux). Nul manichéisme, tous les protagonistes étant saisis dans leurs contradictions.
C'est vraiment admirable. Je suis un inconditionnel.
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)
bogart
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Message par bogart »

Spartacus occupe une bonne place dans ma DVDthèque, à côté du film "Les sentiers de la gloire" autre grand film du duo Kubrick/Douglas.

Après cette parenthèse, je considère ce péplum comme un des plus grands films du genre, aidé par une mise en scène grandiose, une histoire d'amour bouleversante, une distribution prestigieuse : Kirk Douglas, Jean Simmons, Laurence Olivier, Charles Laughton, Peter Ustinov, Woody stroode, John Gavin, Tony Curtis.



N:B: Jean Simmons vit mal ses histoires d'amour, voire sa mort tragique dans deux autres films :

La Tunique de Koster
L'égyptien de M.Curtiz
:wink:
Lord Henry
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Message par Lord Henry »

Fustigez en moi le coeur sec si cela vous chante, mais l'ultime déclaration de Jean Simmons à un Kirk Douglas crucifié - souvenir d'une lointaine séance - m'a paru bien pesamment enfoncer le clou - image de circonstance.
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Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

Un de mes Kubrick préférés même si c'est celui qui s'éloigne le plus de son style. La musique de North est fabuleuse et rend bouleversantes les scènes Simmons / Douglas
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vic
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Message par vic »

J'aime beaucoup le film de Kubrick, qui est aussi pour moi un souvenir d'adolescence encore éblouissant. Je pense que je le reverrais avec grand plaisir.
Et j'ai aussi hâte de découvrir le Freda dont parle francis...
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Jeremy Fox a écrit :Bizarre que la plupart parlent en négatif de l'histoire d'amour dans Spartacus.
T'inquiètes, moi elle m'émeut au plus haut point. :wink:

J'en dirais plus au sujet du film dans mon test du DVD... même si Bartlebooth essaie de me doubler au passage ! :evil: :lol:
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Cinetudes
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Message par Cinetudes »

Le Peplum dans toute sa grandeur et sa puissance.

Il est clair que c'est un des films les moins personnels de Kubrick mais pour ma part j'y retrouve sa patte par moments (les scènes de bataille et leur organisation géométrique, la révolte des gladiateurs). Je trouve admirable la façon dont Kubrick à réussi à se sortir du piège qu'aurait pu constituer ce film pour lui.
Il à su s'effacer un peu et réaliser un film plus conventionnel qu'a son habitude mais son génie de metteur en image lui permet de transcender un scénario parfois un peu manichéen et souvent trés hollywoodien.

Kirk Douglas fut aussi une épreuve pour Kubrick et leur collaboration fut houleuse mais a l'écran le résultat est proprement excellent, un des plus beaux rôles de Douglas.

La musique est effectivement splendide et si moi aussi j'ai un peu de réserves sur l'histoire d'amour, je trouve que Kubrick s'en est admirablement sorti avec cette "convention" du genre, évitant d'en faire un monument sirupeux comme c'est le cas dans d'autres oeuvres du genre.

J'admire également The Fall of the Roman Empire d' Anthony Mann qui est effectivement parfois un peu longuet mais tellement plus réussi et intelligent que Gladiator ou Scott tente maladroitement de retoruver la passion et la grandeurs qui animait les personnages du film de Mann.
Je précise e nautre qu'il y à dans ce film une poursuite en char dans la montagne qui est ce que j'ai vu de plus incroyable, enfonçant sans aucune discussion possible les pénibles et pitoyables jeux du stade de gladiator.

Mann met en scène la fin d'une époque et réussit cela de magnifique façon même si son film est loin d'être parfait. Et puis quels acteurs splendides (Christohper Plummer en tête qui compose un commode ahurissant).

Deux grands films qui ont chacun leurs "petites faiblesses" et leurs immenses qualités, qui réussissent toujours la même gageure de réellement transporter leurs spectateurs ailleurs , vraiment ailleurs !!

Stefan
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Cinetudes a écrit :
La musique est effectivement splendide et si moi aussi j'ai un peu de réserves sur l'histoire d'amour, je trouve que Kubrick s'en est admirablement sorti avec cette "convention" du genre, évitant d'en faire un monument sirupeux comme c'est le cas dans d'autres oeuvres du genre.
Pourquoi une histoire d'amour doit-elle toujours entrer dans 'les conventions du genre' ?

Pourquoi toujours accoler le terme conventionnel à une histoire d'amour belle et simple ?
Tuck pendleton
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Message par Tuck pendleton »

Jeremy Fox a écrit :
Pourquoi une histoire d'amour doit-elle toujours entrer dans 'les conventions du genre' ?
j'irai jusqu'à dire que l'histoire d'amour est ce qui me plait le plus dans Spartacus.
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