Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jihl
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Re: Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Message par Jihl »

Demi-Lune a écrit : Je rebondis parce que tu dis que tu ne peux attendre que de la part d'un vétéran, si j'ai bien compris, un discours brisé, désespéré, voire débloqué (au sens absurde). Pourtant, Oliver Stone, qui a été au Vietnam en 1967, a lui aussi livré son témoignage autobiographique avec Platoon
Demi-Lune je n'ai pas écrit un vétéran, mais un vétéran de l'infanterie qui a traversé deux guerres mondiales. C'est évident qu'un soldat qui passe un an au Vietnam a plus de chances de s'en remettre (quoique visiblement dans le cas de Stone, ça n'a pas été simple...).
Demi-Lune a écrit :
Mais je crois que le débat risque maintenant de tourner en rond puisque j'ai exposé mon point de vue et que je ne peux maintenant que radoter.
Effectivement :wink: . En tous les cas, ça me donne envie de redonner une chance à Platoon, que j'avais vu à sa sortie en salle mais que je n'avais pas beaucoup aimé.
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Watkinssien
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Re: Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Message par Watkinssien »

Demi-Lune a écrit :
Jihl a écrit :
Évidemment pas d'accord, d'un vétéran qui a traversé dans l'infanterie deux guerres mondiales, je ne peux attendre que quelqu'un de brisé et d'à moitié fou (voir The steel Helmet du même Fuller par exemple sur le sujet, ou dans un autre registre Apocalypse now).
Je rebondis là-dessus. Majorsenta indique que Fuller a fait ce film pour parler de ces hommes, de ces soldats qu'il a connu. Comme je l'ai dit, j'ai été insensible à ce témoignage, tant pis pour moi (ou pas). Je rebondis parce que tu dis que tu ne peux attendre que de la part d'un vétéran, si j'ai bien compris, un discours brisé, désespéré, voire débloqué (au sens absurde). Pourtant, Oliver Stone, qui a été au Vietnam en 1967, a lui aussi livré son témoignage autobiographique avec Platoon, la section littéralement, le film qui allait devenir le référent d'authenticité pour le Vietnam (les chefs-d'oeuvre de Cimino et Coppola visent d'autres objectifs). C'est, là aussi, un film qu'il a fait pour ses hommes, à qui il dédie d'ailleurs la conclusion. Eh bien, dans Platoon, le cinéaste/vétéran a réussi ce que, à mes yeux, Fuller avec Au-delà de la gloire n'est pas parvenu à faire : s'intéresser à ses hommes, les placer continuellement au premier plan, s'attacher à restituer l'authenticité de leurs caractères, de leurs angoisses, ne pas tomber dans le cliché rabattu. Pour Stone, Platoon a été un film cathartique où il a pu exprimer toute la cassure qu'a été pour lui le Vietnam (comme, j'imagine, Fuller a voulu le faire avec la Seconde Guerre mondiale). Pourtant Platoon n'est pas le film d'un type à moitié fou et s'il est dur, c'est un film plein d'humanité, même pour un personnage pourri comme le lieutenant Barnes.
Ce que je veux dire, c'est que Stone a trouvé avec sa catharsis un équilibre, une vérité, une consistance, que n'a pas trouvé pour moi Fuller.
Mais je crois que le débat risque maintenant de tourner en rond puisque j'ai exposé mon point de vue et que je ne peux maintenant que radoter.
Et pourtant, avec tous ces griefs évoqués (que je ne partage absolument pas, mais que je respecte), The Big Red One m'apparaît comme un des plus authentiques films de guerre et un des plus beaux témoignages (pour le coup ce mot est juste) portés sur les hommes (que le cinéaste connaît) qui la font...

Platoon de Stone me semble totalement différent puisque la guerre et l'époque reconstituée ne sont pas les mêmes. C'est plus viscéral chez Stone, mais chez Fuller, c'est la première fois que je vois des clichés aussi vrais, que l'aspect baroudeur semble aussi parfaitement compris car vécu, montré brillamment comme un échappatoire... Le Vietnam est cathartique comme tu le soulignes si justement, chez Fuller on est à des années-lumières de cette intention. Il est probable que vu sous ce procédé, tu ne peux qu'être déçu, mais chez Fuller, jamais il n'évoquera cela dans ce splendide The Big Red One...

La séquence où le personnage de Mark Hamill découvre les fours et tire sur un Allemand à plusieurs reprises à intervalles de quelques secondes, est l'une des plus remarquables, passionnantes (ça fait énormément réfléchir sur la violence et sa justification) séquences sur la découverte de l'horreur, et ce sans aucune complaisance, gratuité et voyeurisme. De plus, elle annule tes réserves sévères sur la caractérisation de ce personnage.

Le film est incessamment porteur d'une vision à la fois objective dans la reconstitution des faits et des situations, et subjective dans ses qualités cinématographiques fictionnelles (la caméra à hauteur d'homme atteint un sommet dans le genre quand on évoque la séquence ci-dessus).

Sans mentionner que le film, comme la vie en état de guerre semble le suggérer, produit des ruptures de ton, ou des suspensions, qui demeurent marquantes : je prends exemple la séquence du petit garçon à la boîte de musique, qui accompagne pendant quelques instants le Sergent. Puis ce dernier le porte et là émotion... Dommage que tu ne l'ai pas ressentie. Mon implication totale dans le film m'a fait tomber facilement les larmes pendant ce grand moment, à la fois simple, déchirant et complexe... Le rythme de cette séquence est même poétique, on la commence dans la douceur, puis contemplative pour la finir en douceur mais avec un constat et une morale terribles.

J'ai envie de revoir le film, tiens...

PS : Demi-Lune, je te suis, néanmoins, sur la défense du film de Spielberg, qui demeure toujours un beau morceau... :wink:
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majorsenta
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Re: Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Message par majorsenta »

Surtout que chez Fuller, les détails historiques ne sont que des elements..
Le centre de son film, ce sont les individus.
Ce qui l'interesse, c'est l'avant...et l'aprés.
Ce qui précéde et suit la bataille...
C'est peut être pour cela que les combats semblent brouillons.
Peut être aussi que pour le simple soldat ..il devait être difficile d'y trouver un sens, que cela devait être le chaos.
Son propos n'est pas d'expliquer la passe de Kassserine ou le débarquement...et encore moins la découverte des camps.
Au contraire du Spielberg ou du film de Stone qui ont besoin de donner plus de détails, plus d'explications pour mener son histoire, son intrigue.
Fuller parle de soldats qui aurait pu faire les campagnes napoleonniennes comme le vietnam.

PS : Demi-Lune, je te suis, néanmoins, sur la défense du film de Spielberg, qui demeure toujours un beau morceau...
un sacré morceau de nougat, oui !
A s'en casser les dents...
Je titille...je lui reconnais des qualités mais je ne l'aime pas beaucoup...
Je ne dis pas Spielberg ne réussit pas...Spielberg se trompe...Spielberg devrait...
Je dis juste que je n'arrive pas à le trouver sympathique ou à l'aimer...et le trouve plutot à mes yeux, moralisateur et convenu.
bruce randylan
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Re: Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Message par bruce randylan »

C'est "amusant" comme débat car Fuller et Spielberg étaient amis (Fuller a joué un caméo dans 1941) et c'est Fuller qui avait demandé à Spielberg de faire un film de guerre aussi réaliste, cru et violent. Fuller avait essayé toute sa vie et la censure comme les studios ne lui avaient pas laissé la possibilité (il me semble que J'ai vécu l'enfer en corée était coupé de 50%)
Pour lui, seul Spielberg avait la force et la puissance necessaire pour imposer un tel traitement aux majors.
Je crois que c'était dans un article de Libération lors de la sortie du soldat Ryan où il y avait un extrait de Fuller évoquant le débarquement. Il disait que l'horreur était inconcevable pour le commun des mortels surtout après des films comme le jour le plus long. Il disait qu'on trébuchait sur les bras et les jambres sectionnées, qu'on glissait sur les cervelles de ses amis etc...
Avec son franc-parler habituel, il expliquait que pour lui, le seul moyen de retranscrire ce sentiment de dégout et l'écoeurement serait d'abattre un spectateur au hasard toutes les 5 minutes. :mrgreen:


Pour Au delà de la gloire, je ne l'ai pas revu depuis la sortie de DVD collector mais j'aimerai vraiment m'y replonger l'ayant beaucoup apprécié (surtout dans ce nouveau montage) même si le manque de vraie narration se fait sentir par moment et que l'esthétisme n'est pas toujours au top. Mais bon sang il y a un sacrés nombres de passages anthologiques. Et puis il faut vraiment entendre parler Fuller de la guerre pour saisir les petits détails très réalistes.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Message par majorsenta »

Oui, c'est vrai tu as raison...
Fuller aimait beaucoup Spielberg..
Il considérait Indiana Jones comme une tentative réussie de retour au serial..
Je pense qu'il aurait certainement aimé le débarquement.
Enfin...je me garderai bien de savoir ce qu'il aurait pensé.

C'est un autre sujet mais c'est surtout le système de flash back que je n'aime pas dans Ryan...cette famille, ce fils ou petit fils qui prend les photos, la belle-fille..ce grand-père qui tombe à genoux...les petits enfants...la famille !!
C'est peut être épidermique...le sacrifice...Tom Hanks paternel...Dale Dye...les petites maisons à la Edward Hopper avec leurs petits drapeaux...les secrétaires douces et maternelles, le visage penché comme de gros anges joufflus qui veillent sur les mauvaises nouvelles, la chaude camaraderie des hommes qui se découvrent dans le secret d'une église abandonnée...tout ça me file des plaques de boutons, de l'allergie, de l'urticaire.
Je dois être de parti pris...ou je souffre d'une allergie...préfère La Ligne Rouge.
joe-ernst
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Re: Au-delà de la Gloire (Samuel Fuller - 1980)

Message par joe-ernst »

J'avais découvert Au-delà de la gloire ado, et il m'avait beaucoup marqué. Il faut que je me décide à l'acheter et à le revoir, car je suis presque sûr que je ne serai pas déçu.
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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