A la carte company (Kei Ota - 1987)
Un japonais vient d'arriver à Paris avec l'envie de s'y installer. Mais sans papier, ni connaissance du français, il lui est difficile de trouver un travail. Un compatriote débrouillard essaye de l'aider à trouver du travail au noir... moyennement commission comme il le fait déjà avec une japonaise.
Une petite comédie indépendante très sympathique et attachante. Entièrement tournée en France (95% à Paris), Kei Ota évite le cliché de la carte postale et préfère arpenter des rues et des quartiers peu touristiques dans les pérégrinations de duo/trio (voire quatuor) de personnages.
Il n'y a pas de vrai histoire ni de véritable narration, plutôt une succession de scénettes construites autour des différents boulots enchaînés via "A la carte Company", petite société de services à tout faire qui ne s'adresse qu'aux expatriés nippons. On pourrait presque parler de sketchs puisqu'il y a de nombreuses séquences totalement indépendantes.
Pourtant le film n'est pas une pure comédie, plutôt une sorte de chronique à l'étrange mélancolie. L'originalité du film est à la fois de mêler une approche anodine, dans une sorte de chronique sociale, avec des éléments proches de l'absurde et d'une douce loufoquerie irréelle tour à tour décalée, poétique et inquiétante. Ca vient d'abord d'un montage très maîtrisé qui se construit autour d'une séquence leitmotiv qui progresse ponctuellement dont on ne sait s'il s'agit de flash-forward, d'une intuition, d'un songe et si l'ensemble du film est un long flash-back. De plus, la narration est parfois chorale en revenant également régulièrement sur une jeune japonaise manipulée par des français marginaux et délinquants.
Les différents clients composent aussi un univers étrange où l'humour fait parfois place au malaise (le tableau à accrocher d'une bourgeoise dérangeante ; la surprenante virée bucolique avec la malle contenant vraisemblablement un cadavre).
Il y a quelque chose d'existentialiste qui s'installe lors des dernières séquences, presque de manière impalpable, justement car toujours par addition de petites touches jamais définies et qui se justifient rarement (le miroir que le personnage féminin accroche/décroche du mur de sa chambre par exemple). Il y une sorte d'éveil initiatique, sans encore une fois qu'
A la carte company soit un manifeste qui revendique sa démarche.
Un climat atypique qui m'a vraiment plus d'autant que la réalisation, tout en discrétion, est fluide avec de vrais idées originales et que la bande-son est assez lumineuse. Les acteurs possèdent eux aussi beaucoup de charme.
Le film a été diffusée à la cinémathèque et avait un côté assez excitant puisque ce film semble pour ainsi n'avoir jamais existé ! Pas de fiche imdb, aucune information sur internet à moins de taper son nom en idéogrammes et encore, les trouvailles sont très maigres. Même mes amis japonais n'ont jamais entendu parlé de ce titre (qui n'a connu qu'une sortie VHS)
Du coup, on se demandait comment la cinémathèque s'est retrouvé avec une copie sous-titres français dans ses collections. Il a sans doute été projeté à un festival peu après son tournage sans connaître d'exploitation ailleurs.
Pas mécontent d'avoir assisté à la séance de cette grosse rareté donc.
Sinon vite fait car les films ne sont pas nécessairement mémorable
Rusty Knife (Toshio Masuda - 1958) fait parti du coffret
Eclipse - Nikkatsu noir.
C'est en effet un film noir où un ancien yakuza qui a assisté à un crime mafieux doit se confronter à son passé et hésite à témoigner.
C'est un l'un de premier film du cinéaste (avec 6 autres films tournés la même année !) qui est encore loin de la maîtrise du
Mouchoir rouge, seul autre film que je lui connaisse. Malgré une ambiance correcte avec cette ville nouvelle rapidement gangrenée par une corruption généralisée, le film manque à la fois de caractère, de punch et de dynamisme. J'ai eu le sentiment que la première moitié durait le double avec un réel manque de concision.
On se console avec un noir et blanc assez sombre avec quelques idées d'éclairages corrects et une poignée de séquences qui relancent la routine : le sort réservé à Joe Shishido dans un second rôle, la poursuite en camion et le final. Mais sans s'élever au rang des meilleurs concurrents.
Pas médiocre, juste moyen donc.
k-chan a écrit :bruce randylan a écrit :Décidément, il serait temps que Matsuda soit un peu mieux reconnu à sa juste valeur, voire connu tout court.
Yep. D'ailleurs je viens d'apprendre que Sadatsugu Matsuda n'est autre que le grand frère de Masahiro Makino, et donc également le fils de Shozo Makino ("le père" du cinéma nippon).
Et justement pour parler de Masahiro Makino :
Kingdom of Jirocho (1963) qui, comme son nom l'indique, est centré sur le célèbre bandit Jirocho, maintes fois porté à l'écran (dont Sadatsugu Matsuda avec
Road of chivalry) et par Masahiro Makino lui-même qui signa pour la Toho une populaire saga de 9 films entre 1952 et 1954 (que je ne connais pas)
Ce
Kingdom of Jirocho est d'ailleurs un remake de cette saga mais condensé en 4 films. On a justement l'impression d'avoir un film et demi plus qu'une oeuvre totalement cohérente. Ce premier épisode conte donc la jeunesse de Jirocho et la manière dont il a rencontré ses futures frères d'armes. Il aurait été logique que le récit s'arrête quand la troupe doit quitter le village pour prendre la route sauf qu'on greffe un bonus d'une vingtaine de minutes avec l'arrivée de deux nouveaux compères, ce qui casse un peu l'unité (détail amusant l'épisode relaté en fin recoupe l'intrigue de
Road of chivalry avec l'histoire des habits perdus au jeu).
Cela dit, ce scénario pas très bien équilibré n'est pas le principal défaut du film qui est plutôt une réalisation bien trop académique. Les films d'origines étaient en noir et blanc, 1.33 et surtout dans de vrais extérieur alors que ceux-ci sont en tournés dans des studios confortables sans la moindre personnalité. De plus le scope comme la photographie se contentent du minimum syndical. Comme la réalisation est un peu plan-plan, Makino n'arrive pas à créer la densité nécessaire pour laisser les relations et la psychologies s'établir. Reste les combats, honnêtes avec de longs plans mais souvent trop courts.
Malgré donc une narration resserrée, le traitement des personnages est trop superficiel et on a ironiquement l'impression qu'il ne se passe pas grand chose.
L'intérêt réside avant tout dans les comédiens sympathiques, dont Koji Tsuruta dans le rôle titre qui se révèle bien plus chaleureux et décontracté que chez Kinji Fukasaku. Il est accompagné de plusieurs comparses haut en couleurs qui offrent justement les meilleurs moments du film tel l'arrivée sur le champ de bataille avec le cercueil. Il faut dire que Jirocho est tout de même très en retrait dans le récit qui s'attarde plus sur la présentation des futures compagnons.
Peut-être qu'une fois les héros mis en place, les 3 suites se font plus palpitantes...
Pour le savoir, comme pour faire connaissance avec ce long prologue, il faut cependant se tourner vers les bootlegs. La saga 1952-1954 est sorti en DVD au Japon mais sans sous-titres anglais