Le cinéma japonais

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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k-chan
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Rétrospective Shintoho, à la MCJP.


L'odyssée de Tobisuke, de Nobuo Nakagawa (1949) [mercredi 18/05/16]
(Enoken no Tobisuke bôken ryokô - エノケンのとび助冒険旅行)

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Une comédie fantastique de Nobuo Nakagawa, maître du film de fantôme, avec la star Kenichi Enomoto (ou "Enoken"), surtout connu en France pour son rôle dans Les hommes qui marchent sur la queue du tigre de Kurosawa... le programme donne envie. Le narrateur (Enoken) promet d'entrée de jeu une aventure incoyable, drôle, émouvante et effrayante. L'action se situe dans un Tokyo de l'ancien temps dévasté par les guerres, ou notre héros, un marrionnetiste, croise le chemin d'une petite "pouilleuse" qui recherche sa maman. Sur un prétexte particulièrement farfelu, il décide de partir à l'aventure avec elle. On constate très rapidement que l'histoire est destiné aux enfants, et on comprend surtout que la promesse de départ ne sera pas tenue. Les décors sont ultra dépouillés, et fait intégralement de carton et de voilages de fond. L'ensemble fait franchement pauvre et ne suscite donc pas l'éblouissement malgré une photographie honorable et une réalisation très correcte. Le film est alors une suite de rebondissement délirants, nos deux amis croisant moultes personnages : une femme araignée, un démon des bois géant (ayant auparavant l'allure d'une jolie jeune femme), un méchant "très méchant" plutôt rigolo, des bandits, des ours "très mal léchés" (costumes ultra moches), des arbres et rochers fantômes... Ça aurait pu être chouette, mais c'est à peine mignon de temps en temps, bien trop cheap, et ça manque réellement de piment, à l'image de cette partie de cache-chache entre la petite fille et le démon géant, presque navrante. Pas sûr que même un enfant y trouve son compte, ou alors peut-être les plus petits. Contrairement à ce que je pensais, Nobuo Nakagawa n'en était pas à son coup d'essai, puisqu'il est tout de même actif depuis le début des années 30. Ce qui est certain, c'est qu'on lui doit des films nettement plus réussis, comme notamment sa glaçante adaptation des Fantômes de Yotsuya réalisé 10 ans après ce tout petit film.
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White Line, de Teruo Ishii (1958) [Shirosen himitsu chitai - 白線秘密地帯]
[vu le samedi 21/05/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

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Teruo Ishii, cinéaste fou surtout connu chez nous pour certains de ses films réalisés entre 1969 et 1975 a commencé assez sagement sa carrière. Après avoir fourbi ses armes auprès de maitres comme Mikio Naruse, et après la réalisation de L'invincible Spaceman en plusieurs épisodes, Ishii signe parmis ses premières œuvres une série de 4 polars : White Line, Black Line, Yellow Line, et Sexy Line. Réalisé en 1958, White Line est le premier de cette série, et semble être le moins facile à voir.
Dans une sorte de bar à hotesse offrant un service de bain, un homme assassine une des employées. Recherché par la police, le meurtrier est lui même retrouvé mort, éliminé par ses comparses issus d'une organisation secrète.
Dès la première scène, Ishii nous montre déjà son goût pour les jolies filles sexy, mais rien ne laisse vraiment présager la folie de ses films à venir. Avec un beau noir et blanc, est une réalisation très honnête, Ishii nous livre un film policier assez sympa, sans rien d'éclatant non plus. On s'amusera à pointer les similitudes avec un autre polar japonais bien connu, Chien enragé de Kurosawa, dont l'influence est ici très forte : Soleil et chaleur écrasante ; flics qui transpirent, vêtus de costumes clairs ; défilé de filles sexy ; courses poursuites à pied ; indentification d'une complice par le biais de fiches ; recherche dans un quartier pauvre ; recherche dans un hippodrome (stade de baseball dans le Kurosawa) ; flic et malfrat qui luttent au sol, noircissant leur costumes blancs... N'est pas Kurosawa qui veut, et tout ça n'a bien sûr pas le même impact que dans "l'original". Surtout, les enjeux de cette intrigue sont loins d'avoir la même raisonnance et la même force que dans le chef-d'oeuvre d'après guerre qu'est Chien enragé. Un polar très correct en tout cas, qui se suit sans ennui. A noter une des toutes premières apparitions d'une future superstar du film de yakuza : Bunta Sugawara.
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Message par bruce randylan »

Il y a quelques années je découvrais Quelle richesse sont les enfants !, délirante comédie muette de 1935 signé par un cinéaste pour ainsi dire inconnu chez nous Torajiro Saito (malgré quelque choses comme 200 réalisations !) et qui fut pourtant proclamé "King of comedy". Seulement ce qualificatif se rattache surtout à sa période muette (et quelques titres de l'après-guerre). Sa fin de carrière est d'un tout autre niveau on dirait :|

Voyage à Hawaï (1954) est ainsi le parfait descriptif de la comédie ratée, du plantage permanent, du nanar involontaire qui foire tous ses effets. Et s'il arrive qu'on sourit à quelques reprises, c'est avant tout sous l'effet de la consternation. C'est même presque fascinant d'être devant un titre à ce point à côté de la plaque et même pour un enfant de 1954, ce type d'humour balourd devait être bien pénible.

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Une chanteuse japonaise se rend à Hawaï pour une tournée. Le hasard fait que son père biologique y vit également. Hors tous deux ne se sont jamais connus et croient que l'autre est décédé(e) depuis des années. Le destin va les rapprocher.

Dit comme ça, ça pourrait être une petite comédie gentille, un peu du Ozu ou du Naruse tendre et cocasse. Sauf que le passé de burlesque du cinéaste tire le film vers le slapstick... avec quelques décennies de retard !
Tout est y pourtant : le cabotinage (mais pas drôle), les grimaces (mais pas drôles), les seconds rôles maladroits (mais pas drôles) et surtout l'humour absurde (mais pas drôle). Par exemple une tête à claque moustachue et binoclarde est dans un avion en vol et se lève pour aller aux toilettes mais se trompe, ouvre la porte de l'avion et tombe. Ses amis se précipitent : ils relèvent d'abord un chemise, puis un pantalon et enfin le malheureux en caleçon. Le tout bien-sûr agrémenté des gesticulations de ses comédiens bien-sûr. Ca donne une idée du niveau. :mrgreen:
Et encore ce rien en comparaison de la seconde moitié où les héros se rendent sur une île via une carte aux trésor (d'où sort-elle ?) et se retrouve dans une contrée indigène à la population cannibale (habillé comme une parade Disney Land). Je vous laisse deviner la subtilité.

De plus le scénario est remplie de trous, de séquences posées là par hasard sans la moindre cohérence, ni visions d'ensemble, comme si même la réalisation et le montage avaient le même professionnalisme que l'interprétation en roue libre. L'intermède sur le bateau à la dérive est surréaliste à ce titre puisqu'elle contredit ce qu'on voit avant et surtout la séquence suivante. Et je parle même pas de l'excuse qui va réunir le père et la fille (elle sent une odeur de soupe Miso à plusieurs centaines de mètres et se rend vers son origine dans une succession de faux raccords indignes d'un débutant).

En revanche, les chansons (là aussi très "habilement" intégré au récit) sont assez sympathiques et quelques gags sont quand même amusant (les cannibales décrivant leurs captifs selon le plat qu'il deviendront : "Sashimi... Macaroni..." ou une veuve qui habille un des protagonistes de la même manière que son mari décédé).
Par contre, là où le film m'a bluffé c'est dans sa photographie couleur qui est d'une beauté époustouflante, avec des gammes chromatiques vraiment recherchées et des teintes pastels d'une rare finesse. Pas du tout du technicolor pimpant mais vraiment une sophistication délicate. J'imagine qu'il s'agit du premier en couleur du cinéaste et que cela l'a détourné de sa direction d'acteurs.

Après, je ne regrette pas la découverte car ce genre de films (sans doute grandement populaire à l'époque) est vraiment le genre de films inaccessibles en général, voire même inimaginable pour qui ne connaît que les grands auteurs prestigieux.

Pour les curieux pervers et courageux, le film repasse samedi soir à la MCJP.

Et pour les cinéphiles, les vrais ( :P ), mieux vaut se pencher sur l'éditeur Degital Meme qui ont consacré un DVD à la période muette de Torajiro Saito avec deux films (les seuls ayant survécu ?)
http://www.digital-meme.com/en/our_prod ... index.html
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Nobuko dans les nuages (Fumindo Kurata - 1955)

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Une petit fille marche seule en pleurant le long d'une rivière. S'arrêtant un instant pour contempler les nuages, elle grimpe dans un arbre et imagine s'envoler vers le cieux mais elle perd l'équilibre et tombe dans l'eau. Elle se réveille dans les nuages où un vieil homme lui demande de lui raconter son quotidien.

Voilà qui pourrait s'appeler Martine dans les nuages tant le film s'adresse à un public enfantin et déploie un univers naïf et candide. Délicieusement naïf et candide même. Le genre de film qui fait retomber en enfance en quelques secondes avec ce qu'il faut de poésie et de bons sentiments (pas trop dégoulinant). J'avoue même avoir senti ce petit souffle d'émotion sentant bon l'innocence quand la petite Nobuko fait ses premiers dans le nuage (en gros de la laine de moutons :) ).
Il y aura pas mal de flash-backs pour nous dépeindre la vie de de cette petite fille (presque) modèle : ses chamailleries avec un camarade d'école, ses relations avec son grand frère (menteur et égoïste) mais qui sait la protéger quand il faut, la froideur de son papa absent et reposant trop sur des "principes", sa maman (Setsuko Hara) dévouée et aimante, un musicien itinérant qui lui donne envie de s'initier au violon... Des petites scénettes tour à tour drôle, touchante, décalée ou touchante, le tout avec de régulières et charmantes chansons.

Le réalisateur Fumindo Kurata m'était totalement inconnu et semble avoir une filmographie assez courte dont Nobuko dans les nuages semble l'épilogue. On peut le regretter car il s'avère posséder un regard en adéquation avec le style du scénario : délicat, espiègle, tendre, porté vers l'imaginaire et bien-sûr jamais cynique ni mièvre. Une certaine justesse proche des chroniques japonaises. De plus ses cadres sont souvent joliment choisis avec une douce photographie noir et blanc. Il est surtout un excellent directeur d'enfants qui sont ici parfaitement naturels (comme toujours dans le cinéma japonais) mais si les pleurs sonnent évidemment plus faux.
Le scénario aurait peut-être mérité 10-15 minutes en moins car il y a quelques petits fléchissements dans la concision du récit mais c'est déjà un point de vue adulte.

Nobuko dans les nuages
est en tout cas l'exemple typique du film pour enfant intelligent et respectueux de son public. Petit coup de cœur :D

Un petit exemple du film


Un petit mot sur sa jeune comédienne, Haruko Wanibuchi dont je pensais à tort qu'elle avait été une Shirley Temple japonaise étant donné ses multiples talents (danseuse, chanteuse, joueuse de violon, comédienne). Sa filmographie dans les années 50 se résume en fait à deux films et elle commence à jouer plus régulièrement à partir de 1960.
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Les noces vampiriques (Kyotaro Namiki - 1960)

Une jeune starlette rentre tout juste dans le milieu du cinéma et ne tarde pas à provoquer la jalousie de rivales qui profitent d'une sortie à la mer pour la pousser d'une falaise. Défigurée, elle apprend qu'elle possède une arrière-grand mère qui se révèle une chamane pratiquant la magie noire.

Encore un cinéaste dont j'ignorais le nom. Sans doute à raison car ce petit film fantastique s'avère assez médiocre et sans grand style.
Namiki ne sait clairement pas quoi faire de son cinemascope et donc de ses acteurs qui sont un peu livrés à eux-mêmes au milieu du cadre. La réalisation est tristement plate alors que le scénario (sans grande surprise pourtant) offrait tout de même son lot de séquences potentiellement funs. Le résultat est bien fade, plombé par un rythme inexistant qui rend la première moitié insipide au possible avec une histoire d'amour bien niaise dans le monde du cinéma. Ca se reveille après sans pour autant jamais décoller puisque le cinéaste est incapable d'insuffler le minimum de tension. Il faudrait pour ça sans doute bénéficier de personnages un tantinet fouillés et des acteurs impliqués (ou charismatique). La mise en scène peine donc à dynamiser les péripéties qui sont pourtant nombreuses dans cette seconde partie...

Pour ne pas être trop méchant, il faut reconnaître que la direction artistique sauve un peu les meubles avec une ambiance fantastique/lugubre correcte chez l'arrière grand-mère et surtout des séquences de transformations plutôt sympa (sous influence des Vampires de Bava/Freda sorti quelques années avant). Par contre le monstre est un gros plantage, sorte de chauve-souris/loup Garou ridicule (Chauve-gouris ?) et du Yotsuya Kwaidan. D'autant plus grotesque et aflfigeant qu'on a demandé à l'acteur de battre les "ailes" en avançant. :mrgreen:

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Triste fin de carrière pour ce cinéaste qui n'aura signé qu'une dizaine de films, bien loin du talent de Nobuo Nakagawa (qui a aussi tourné des histoires de vampires dont un au moins devrait être diffusé plus tard).

Sinon, j'en parlerai plus tard mais La tête du serviteur (1955) de Daisuke Ito est un vrai coup de cœur. Ito remake l'un de ses propre films muets pour un Jidai-geki social assez engagé qui maltraite avec virulence l'esprit des samouraïs. La réalisation alterne avec brio classicisme et modernité pour arriver dans un dernier quart d'heure à la fois épique, intense et émouvant. Une vraie réussite et l'un des immanquables de cette première partie de cette rétrospective Shintoho. Il repasse le samedi 16 juillet.

D'ailleurs cette rétrospective devrait être plus longue que prévu car le programmateur Fabrice Arduini va rajouter plusieurs titres à la cinquantaine initialement prévu :D
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Tokyo Folies, de Koji Shima (1949) [Ginza Kankan Musume - 銀座カンカン娘]
[vu le samedi 11/06/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

2 jeunes demoiselles rêvant d'une vie d'artistes vivent en colocation avec un couple de personnes agées et leurs petits enfants, un jeune homme et une petite fille. Sans le sous, et après une rencontre avec un chanteur se vantant de faire beaucoup d'argent à Ginza, elle décide de l'accompagner pour former un groupe, tandis que le vieux couple est en même temps menacé d'expulsion.

Les comédies du cinéma japonais n'étant pas le genre le plus importé chez nous, il aurait été bien dommage de ne pas découvrir ce film, surtout après ce que m'en a rapporté Bruce. N'ayant pas fais attention que le film était des années 40, j'étais persuadé d'aller voir un film en couleur. J'ai donc été surpris à la vu du logo shintoho en noir et blanc, mais c'est un détail. Le tout début m'a laissé craindre un spectacle un peu daté, les premiers gags et la première chanson ne m'ayant pas vraiment emballé, mais mon apréhension s'est assez vite envolé à partir de la scène d' "abandon" du petit chien, particulièrement amusante. Il faut dire aussi que Hideko Takamine, encore toute jeune dans ce film (même si elle a débuté dans les années 30 et avait déjà un sacré paquet de films à son actif) est pour beaucoup dans mon adhésion. Toujours pleine de charme et de fraicheur. Shizuko Kasagi, reine nippone du boogie-woogie, est également sympathique, et l'ensemble du casting est au top. L'histoire se suit donc avec un plaisir certain, alternant les gags et les numéros chantés a un rythme bien senti, même si la chanson principale revient un peu trop souvent.
Au dela de la comédie, lors des passages à Ginza, le film nous rappelle brièvement d'autre films réalistes de l'époque comme L'ange ivre notamment, avec ses quartiers sales et mal fréquentés, et la célèbre chanson de Shizuko Kasagi, qu'elle avait déjà interprété dans le film de Kurosawa, face à un Mifune endiablé. On sent bien alors que nous sommes devant un film d'après-guerre, cette description conférant une dimmension supplémentaire bienvenue au film. Sans être une perle absolue, c'est un film vraiment plaisant donc, et tout mignon, par cinéaste quasi inconnu chez nous.

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Les quatre soeurs, de Yutaka Abe (1950) [Sasameyuki - 細雪]
[vu le samedi 26/03/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

Dans une famille de la grande bourgeoisie d’Osaka, quatre filles ont mené une vie luxueuse jusqu'à la mort de leur père. Sa disparition et les changements de vie dans le Japon à l’orée de la Guerre du Pacifique les ont laissées dans une situation financière précaire. Les deux aînées sont mariées. Leur destin est tout tracé, mais qu’en sera-t-il de celui des cadettes ?

Il s'agit de l'adaptation d'un célèbre roman de Junichiro Tanizaki : Les soeurs Makioka (Sasameyuki, littéralement Bruine de neige). Kon Ichikawa en a fait une adaptation datant de 1983, aux couleurs éclatantes, sortie en blu-ray chez Criterion, et Koji Shima, qui a justement fait Tokyo Folies a fait sa version en 1959 avec Machiko Kyo. Le réalisateur Yutaka Abe, qui signe donc la première version, est par contre totalement inconnu en France, ou peut-être sait-on seulement qu'il fut acteur à Hollywood dans les années 10, avant de retourner au Japon. En découvrant ce film, on est en droit de penser qu'il s'agit d'un tâcheron sans talent. La mise en scène est d'une platitude absolue, et les acteurs ne semblent franchement pas vivre leur histoire. Seule la mythique Hideko Takamine, par son sourire rayonnant, réussi à nous éveiller par moment. Les autres soeurs sont totalement effacées, ou littéralement absente à l'écran. On a d'ailleurs du mal à savoir ou le réalisateur veut nous emmener, et les enjeux dramatiques nous passent complètement au dessus de la tête. Quelques rares spectateurs riaient par moment, je me demandais à chaque fois pourquoi. Un film d'un ennui mortel. En plus ça dure 2h25 ! Zzzz... D'autres films du cinéaste sont présentés dans cette rétro, en espérant que ce film était un accident de sa part.

Pour les parisiens courageux, il repasse mardi 5 juillet à 17h.

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Nobuko dans les nuages, de Fumindo Kurata (1955)
Non-chan kumo ni noru ノンちゃん雲に乗る
[vu le samedi 04/06/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

Disons le d'emblée, l'affiche du film est trompeuse, puisque Setsuko Hara ne tient pas le rôle principal, jouant le rôle de la maman modèle, gentille et effacée. Nobuko dans les nuages est un film dédié à l'enfance. Plus précisément aux enfants gentils comme le signale un carton au début du film, le film s'ouvrant alors sur l'image d'une petite fille en train de faire une petite crise en marchant. Premier image, premier (sou)rire pour le spectateur. Cette première séquence est d'une étonnante beauté, d'un beau noir et blanc lumineux, totalement muette en dehors des pleurs de cette petite fille, qui déambule dans de jolis paysages de campagne, suivie par son chien, et passant au milieu des animaux : biquettes ou mouton ; dans les bois, et finissant par se calmer en observant la nature, et une étendue d'eau. Elle se perche alors sur une grosse branche, battant des bras comme un oiseau bat des ailes, et finit par chuter dans l'eau. Une longue et superbe ouverture, qui part sa beauté et sa simplicité peut rappeler l'esprit d'oeuvres telles que Mon voisin Totoro, Heidi... Elle s'envole alors pour de bon, dans une séquence onirique amusante, et arrive dans les nuages, où elle rencontre un vieil homme barbu (dieu, ou un ange ?). A ses cotés, elle évoque alors son quotidien de petite fille : sa maman qu'elle adore, toujours gentille et dévouée ; son papa (interprété par Susumu Fujita), autoritaire et à cheval sur les principes ; son grand frère, assez turbulent, et parfois agressif, mais aussi garde du corp ; ses camarades de classe, dont un garçon bouffi avec qui elle se chamaille régulièrement ; ses joies et peines (sa maman qui ne l'emmene pas à Tokyo), ou même les mensonges (de son frère) et les bêtises (arrêter les camions sur la route [moment très drôle] ; la queue du chien coincée dans la porte...). Si les passages dans les nuages ont fini par légèrement m'ennuyer (certains sont un peu longs), les flashback qui constituent heureusement le gros du film sont absolument excellents. Le réalisateur fait preuve d'une belle sensibilité, et dirige parfaitement chacun de ses petits comédiens, qui sont tous très attachants et d'un naturel surprenant. Haruko Wanibuchi qui tient le rôle titre est parfaite, et nous démontre une belle étendue de son talent, puisqu'elle joue donc très bien, elle chante, elle joue du violon, et elle danse (cette séquence dansée dans les nuages vers la fin ne m'a pas trop plu justement, mais rien de dramatique au point de gâcher la fête). Une petite actrice parfaite (un peu trop ?) qui aura par ailleurs une carrière qui semble des plus respectables (entre films et albums de musique) bien qu'elle reste presque inconnue chez nous. Bref, une belle petite réussite, un beau film sur l'enfance, frai et intelligent, qui parlera autant autant aux petits qu'aux grands, tour à tour drôle, touchant, et parfois éblouissant, par un cinéaste inconnu chez nous. Le genre de séance qui donne le sourire. Pour le moment, une des plus sympathiques découvertes du cycle Shintoho.

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Assassin présumé, de Hideo Suzuki (1952)
Satsujin Yôgisha - 殺人容疑者
[vu le samedi 04/06/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

Après White Line de Teruo Ishii également présenté dans ce cycle, voici un nouveau film que l'on sent suivre le sillage creusé par Chien enragé, mais aussi certains films noirs semi-documentaires américains. Si le premier reprenait (voire copiait) un peu trop visiblement bon nombres d'éléments de l'indépassable polar de Kurosawa, le film de Hideo Suzuki, réalisé 3 ans après le Kurosawa et 7 ans avant le Ishii, est quand même plus original. Si l'ambiance est assez proche, le film se concentre beaucoup plus sur l'aspect documentaire, le réalisateur ne cherchant heureusement pas à recréer des situations similaires à son modèle. Présenté donc comme étant un polar semi-documentaire, on peut effectivement se réjouir du soin apporté à cette description particulièrement poussée d'une enquête criminelle : analyse en tout genre, constitution d'un portrait robot, manipulation d'un suspect afin d'obtenir ses empreintes digitales... le tout dans une description urbaine elle-même tout à fait saisissante. La reconstitution, est (ou semble) vraiment réaliste, et particulièrement intéressante à suivre. Cela dit, l'histoire ne prend aucunement le temps de s'intéresser à ses personnages. Bruce y voit une forme d'exercice de style, pour ma part j'y vois les limites, peut-être volontaire du film, qui est finalement assez court. Les flics enquêtent, et les méchants se font la malle, et ça s'arrête là, si bien que l'on ne peut à aucun moment s'attacher au moindre personnage. C'est dommage. Cela dit, les acteurs policiers sont de toute façon loin d'avoir les charismes de Mifune et de Shimura. Dans le rôle du criminel, Tetsuro Tamba tire son épingle du jeu, par son physique et son visage au regard intense et fiévreux. Si l'on doit vraiment parler d'exercice de style, ça aurait pu effectivement être saisissant si l'ensemble avait encore plus condensé, sans rupture de rythme. Le final en forme de chasse à l'homme est une belle réussite, notamment lors du passage en contrebas, dans les égouts sous les chemins de fer, moment particulièrement classe d'efficacité. Bref, un polar bien emballé, très intéressant, mais qui aurait gagné à être porté par des personnage mieux développés, ou qui aurait dû pousser la stylisation un peu plus à l'extrême pour être vraiment fascinant. Malgré ces réserves, je ne suis pas du tout déçu de cette découverte assez plaisante. Un film à voir.

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Message par bruce randylan »

Ma critique d'un fabuleux Daisuke Ito, la tête du serviteur (1955)qui repasse le 16 juillet.
Clairement l'un des très grands films à ne pas manquer de cette rétro Shintoho :D
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Message par bruce randylan »

La revanche de la reine des perles (Toshio Shimura - 1956)

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Alors que son fiancé est arrêté pour un crime qu'il n'a pas commis, une secrétaire tombe dans l'océan alors que son chef tentait de la violer lors d'une croisière. Elle s'échoue sur une île où des précédents naufragés ne tardent pas à rentrer en conflit pour garder jalousement la belle rescapée.

La même année que L'amiral Yamamoto (aussi découvert dans ce cycle Shintoho), l'obscur Toshio Shimura tournait ce curieux film qu'on peut considérer comme un prototype de film d'exploitation nippon entre thriller et (un peu d')érotisme.
La lecture du scénario témoigne de l'ambition du film qui doit être l'un des premiers tout de même à jouer cette carte de l'érotisme, forcément très soft (on aperçoit furtivement et partiellement les tétons de l'héroïne à 2 reprises et c'est sans doute dû à des accidents de tournages :mrgreen: ). De là à dire qu'il s'agit du film qui a lancé la mode des "pêcheuses de perles" qui deviendra l'un des sous-genres phare du Pinku Eiga...
D'un autre côté, c'est un peu la seule chose à relever de ce film dont le scénario est assez surréaliste d'idiotie et d'invraisemblances. La partie la plus "intéressante" se déroule dans l'île et fait vaguement penser à Fièvre sur Anatahan avec une certaine moiteur lubrique et des hommes qui deviennent fou au contact de cette femme (qui fera bientôt fortune avec ses dons pour la pêche aux perles) au point de s'étriper trop rapidement les uns les autres.
Le film devient inéluctablement plat et creux quand on revient à la civilisation et que l'héroïne décide de se venger tout aussi mollement que la caméra de Shimura (malgré un utilisation honnête des ombres lors du final dans la salle de danse). La paresse du cinéaste à faire le minimun syndical est vraiment stupéfiante et passerait presque pour une parodie à plusieurs reprises (surtout ce combat contre un mannequin en mousse sur le bord d'une falaise :shock: ).

Le film connut tout de même les honneurs d'une sortie en France en 1959 sous le titre Viol au Japon !

La MCJP a un peu merdouillé à cette projection n'a pas réussi à synchroniser les sous-titres. On a donc suivi le film sans le moindre sous-titres et j'ai pas l'impression d'avoir perdu beaucoup de subtilité dans le déroulement de l'intrigue (à part comment les mecs s'échappent de l'île !).
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Message par bruce randylan »

Dernière séance pour cette première partie de la rétrospective Shintoho à la MCJP. Ca continuera au deuxième semestre (ou début 2017) mais aucune info pour le moment.

L'homme-torpille (Shue Matsubayashi - 1955)

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Si tout le monde connaît les kamikazes, leurs cousins aquatiques ont été bien moins médiatisé. Il faut dire que ces torpilles (Kaiten) agrandies et pilotés par un militaire dans le but de se sacrifier en percutant un navire de la flotte ennemie n'ont pas rencontré les succès attendues par l'armée japonaise. On peut même parler de fiasco et de bilan largement négatif.

Ce film méconnu est donc très intéressant pour aborder cet aspect de la guerre du pacifique d'autant qu'il l'aborde sans jamais verser dans le nationalisme belliqueux ou le militarisme bas du front. Plusieurs séquences montrent d'ailleurs une réelle défiance envers des officiers trop froids, trop buté sur la discipline et niant les paramètres psychologiques.
L'histoire est avant tout construite sur un facteur humain en décrivant les doutes de 4 soldats qui seront les premiers à piloter ces "Kaiten" dans des opérations officielles.
Ceux qui s'attendaient à un film de guerre traditionnel devraient être assez déçus de ce fait. Le film s'attarde longuement sur les interrogations envers un matériel peu fiable ou la mort inutile de plusieurs de leur camarades dans les phases de test. Il y a surtout une longue séquence qui décrit leur dernière nuit avant le départ vers l'océan, sachant parfaitement qu'ils ne reviendront pas.
L'écriture n'évite pas les clichés et les stéréotypes (l'intellectuel qui reste à bord pour lire des philosophes allemands ou le jeune puceau qui picole dans un bordel mais songe à sa fiancée) mais on ne peut pas nier une réelle sensibilité à Matsubayashi qui livre ainsi une très touchante séquence sur une plage alors qu'il reste 3h avant l'appareillage. Le découpage ne manque pas de lyrisme (tout en discrétion), évite l'académisme et le cinéaste se permet quelques secondes fort poétique pour un moment touchant qui se termine d'ailleurs sur un plan fixe très impressionnant où
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la jeune femme se suicide en avançant doucement dans les flots tandis que le navire s'éloigne doucement à l'horizon (sans doute sous influence de l'intendant Sansho)
.

La dernière partie qui renoue avec les "canons" du genre sans pour autant manquer non plus d'une certaine force bien que cela manque de surprise et d'originalité. Là encore Matsubayashi livre quelques plans intéressant comme le travelling arrière dans les couloirs du sous-marin ou le héros gravant une dernière phrase sur son périscope.

En revanche le film est loin d'être parfait sur de nombreux aspects : le début est un peu brouillon, les acteurs sont inégaux, le film n'aborde que partiellement les problématiques de son sujet et la réalisation n'est pas toujours inspirée. Mais l'homme-torpille surprend tout de même suffisamment agréablement par son traitement remettant l'individu au cœur du film.

Voilà qui me rend très curieux des autres œuvre de Shue Matsubayashi qui tourna une cinquantaine de films de 1952 à 1992.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

La MCJP vient aussi de mettre en ligne son programme du prochain trimestre. Pas mal de trucs :)

- Un hommage en 7 films à Mizoguchi (rien de bien spécial malheureusement - un peu tristounet pour fêter l'anniversaire de sa mort)
- Un petit focus en 4 films sur des œuvres adaptés de Endo Edogawa
- Une rencontre/projection autour de Happiness Avenue, un film underground 80's (ainsi sur les 7 samouraïs et dernier Caprice)
- 11 films nouveaux films pour continuer la rétro Shintoho (que des raretés pour le coup et assez alléchantes : Heinosule Gosho, 3 Nobuo Nakagawa, Kinuyo Tanaka, Teruo Ishii, Daisuke Ito...

D'ailleurs, il semble qu'une vingtaine de films va se rajouter à la cinquantaine déjà prévus pour cet hommage à la Shintoho qui devrait s'étaler jusqu'à fin 2017 ! :shock:

http://www.mcjp.fr/fr/agenda/genres=cinema
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Profondo Rosso »

Delinquent Girl Boss : Worthless to confess de Kazuhiko Yamaguchi (1971)

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La saga Delinquent Girl Boss est la première production Toei à surfer sur le phénomène sukeban (délinquante japonaise) suivant ainsi la Nikkatsu qui a transposé avec succès cette culture adolescente rebelle avec sa série des Stray Cat Rock (qui révéla Meiko Kaji futur icône pop de La Femme Scorpion et Lady Snowblood). Si la Toei basculera plus franchement dans les excès du cinéma d’exploitation (plus de sexe et de violence) avec ses deux autres sagas sukeban que seront Girl Boss Guerilla et Terrifying Girls' High School (portée par les deux stars du genre Reiko Ike et Miki Sugimoto), la saga des Delinquent Girl Boss s’avère certainement la plus attachante tout au long de ses quatre volets (Delinquent Girl Boss: Blossoming Night Dreams (1970), Delinquent Girl Boss: Tokyo Drifters (1970), Delinquent Girl Boss: Ballad Of Yokohama Hoods (1971) et Delinquent Girl Boss: Worthless to Confess) par son habilement croisement de féminisme, préoccupation adolescente et action survoltée qui doit beaucoup au charisme de son héroïne Reiko Oshida.. Delinquent Girl Boss: Worthless to Confess, ultime volet de la série s’avère même un des sommets du genre où s’entremêle imagerie pop et mélodrame flamboyant.

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On comprend le lien unissant les héroïnes dans les épisodes précédents sans qu’il soit nécessaire de les avoir vus grâce à une efficace introduction où nous les croisons en maison de correction. Quelques éléments de l’intrigue à suivre s’y amorcent avec le refus de Midori (Yumiko Katayama) de voir son père venu lui rendre visite, ce dernier remettant le cadeau qu’il lui destinait à Rika (Reiko Oshida) sa némésis des volets précédents. Le thème du film sera l’impossible réinsertion des délinquantes, confrontées au machisme et à la cruauté de la vie urbaine. Rika, sans famille ni toit est accueillie par Muraki (Junzaburo Ban) le père de Midori qui tient un garage et va l’embaucher. Elle va peu à peu retrouver les anciens membres de son gang toutes confrontée à un triste sort. Mari (Yukie Kagawa) se tue à la tâche dans de sinistres emplois (posant nue pour des photographes libidineux) afin de maintenir son foyer où son époux ancien yakuzas est affaibli par la maladie. De même Senmitsu (Mieko Tsudoi) est entremetteuse dans un bar de charme et surtout Midori est la petite amie de l’homme de main (Ichiro Nakatani) d’Ohya (Nobuo Kaneko habitué des rôles de truands depuis la série des Combats sans codes d’honneur de Kinji Fukasaku), chef yakuza qui terrifie par le racket ce quartier de Shinjuku. Chacune des héroïnes est soumise à l’inconséquence des hommes, que ce soit par la tyrannie, la faiblesse de caractère ou un physique défaillant. L’ensemble du film déploie un crescendo dramatique implacable où leur manque affectif va se confronter à la violence de cet environnement urbain. Reiko Oshida campe une fille décidée à s'en sortir et prête à tout pour aider ses amies, un beau personnage allant toujours de l'avant en toutes situation et très émouvant dans son sentiment de solitude due à son statut d'orpheline. Sa joie d’être « adoptée » se conjugue à l’incompréhension face au ressentiment et à l’ingratitude de son amie pour ce père auquel elle cause mille tourments en contractant une dette auprès des yakuzas ravis de trouver un prétexte pour s’approprier son garage.

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Le gang yakuza symbolise à lui seul cette faiblesse masculine où ses membres sont les dominants par leur violence et leur machisme, ceux s’y étant frotté sans en avoir « l’étoffe » (le fiancé de Midori qui va y contracter des dettes fatidiques, l’époux de Mari y aura laissé sa santé) étant désormais des fardeaux pour les héroïnes. Les seules figures masculines positives offrent des images travailleuses et protectrices ayant su se détourner de la facilité de la vie yakuzas avec Ryuji (Tsunehiko Watase) entiché de Rika et bien sûr Muraki, ce père brisé dont nous découvrirons le passé lors d’une scène mémorable. Kazuhiko Yamaguchi (réalisateur des quatre films de la saga) trouve l’équilibre entre approche réaliste, puissance dramatique et fulgurances formelles typique du cinéma japonais de l'époque. Il s’attache avant tout à scruter le drame intime de ses héroïnes dans une narration remarquable, l’imagerie pop se faisant sobre si ce n’est quelques vues nocturnes tapageuses du quartier de Shinjuku, que ce soit les ruelles bardées de néons ou les bars aux intérieurs bariolés, lieux de luxure et de perdition. Les écarts du cinéma d’exploitation sont quasiment absents, les rares scènes de nudité (Rika venant solliciter la clémence de yakuza libidineux) s’inscrivant dans la tragédie en cours et ne cédant pas à un érotisme racoleur.

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Malgré tous leurs efforts, le bonheur se refusera donc à Rika et ses amies mais elles sauront s’offrir un baroud d’honneur et une vengeance mémorable. Tous les codes sukeban reprennent leurs droits (le salut final poignant au disparu dans la pose typique des gangs) dans un final d’anthologie où nos cinq délinquantes traversent les rues de Shinku telles des anges de la mort échappé du western, vêtue de long imper rouge. Une tenue qu’elles vont tomber pour une allure aussi sexy que guerrière afin de décimer du yakuzas au sabre, et où Yamaguchi déborde d'invention : colorimétrie écarlate, geyser de sang digne du chambarra le plus outrancier, contre-plongée déroutante (le chef yakuza qui se fait tuer à travers le sol transparent) et une caméra mobile où transparait littéralement la hargne de Rika et ses acolytes. Une conclusion « girl power » (on ne doute pas qu’un Tarantino ait vu la chose, qui imprègne autant son Kill Bill que Boulevard de la mort dans l’esprit) qui même dans ses écart visuels ne néglige jamais l’émotion avec une dernière scène touchante qui condamne nos bad girls à un éternel destin criminel. 5/6

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bruce randylan
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Profondo Rosso a écrit :Delinquent Girl Boss : Worthless to confess de Kazuhiko Yamaguchi (1971)

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Très bonne surprise en fait. :)
Je suis pas un expert du genre, mais pour les quelqu'un que j'ai, c'est le haut du panier (même si le final emprunte beaucoup à Seijun Suzuki).


Shinsengumi Chronicles : I want to die a Samurai (Kenji Misumi - 1963)

Fascinant par un lieutenant charismatique, un jeune homme décide de rejoindre le shinsengumi (un groupe de samurais de Kyoto protégeant le Shogun face aux impérialistes). Parvenu à être intégré parmi les nouvelles recrues, il découvre rapidement que les idéaux qu'il pensait défendre sont régulièrement piétinés.

Un Kenji Misumi, première période, c'est à dire plus sobre et conventionnel que les extravagances des Baby Cart ou des derniers Zatoichi. Il fait cependant déjà preuve d'une belle maturité visuelle avec un gros travail sur le découpage pour éviter tout académisme. Plus que la simple variété des cadres, c'est surtout la manière dont il parvient à inscrire les personnages dans leurs environnements qui est remarquable. Les rapports de force entre les personnages peuvent ainsi se deviner régulièrement sans avoir besoin des dialogues : symétrie brisée, arrière plan vide ou chargée, diagonale venant barrer l'image, premier plan obstrué... Un réel renouvellement dans la composition des plan auquel répond une tout aussi belle exploitation des couleurs avec des teintes tirant majoritairement vers des couleurs désaturées. Seuls quelques détails rouges viennent ponctuellement faire sortir de tonalités monochromatiques pour créer une ambiance en décalage avec l'univers masculin (notamment par la présence féminine qui donne quelques passages quasi surréalistes comme les silex frottés entre eux dans l'obscurité).

Il est dommage que le scénario ne possède pas la même rigueur car cette critique de l'hypocrisie des samurais devient assez brouillonne dans la seconde moitié d'autant que plusieurs ellipses sont assez brutales. Quelques épisodes romantico-mélodramatiques peu intéressantes achèvent d'en faire une œuvre bancale et par moment maladroite qui commençaient pourtant sous les meilleures auspices avec ces personnages complexes et ambiguës. Malgré le passage à l'action, pour quelques combats vraiment honnêtes et assez intenses, on se sent de plus en plus distant avec ce qui se déroule à l'écran.

Sur un sujet extrêmement proche, j'avais préféré Contes cruels au pays du soleil couchant de Tai Kato, tourné un an plus tard.

Découvert via le DVD zone 1, copie propre mais un peu granuleuse et avec des sous-titres particuliers (une couleur par intervenant ! :o )
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