Le cinéma japonais

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Retour à la rétro Daiei de la MCJP

La mauvaise réputation (Tokuzo Tanaka - 1961)

En 1930, un jeune homme impulsif, et un peu délinquant mais d'un grande noblesse d'âme, rentre en conflit avec un gang de Yakuza. Sa force et son courage lui valent rapidement leur admiration, et l'amitié de l'un d'entre eux. Il ne tarde pas à tomber amoureux d'un geisha qu'il aide à s'échapper.

Un petit film sympathique mais qui se contente d'être sympathique. Ca se suit donc sans trop de déplaisir mais sans passion non plus et ça s'oubliera très vite.
Le film repose essentiellement - pour ne pas dire uniquement - sur Shintaro Katsu, fidèle à lui-même dans le registre de la brute au grand cœur. Il forme un très bon duo avec Jiro Tamiya, son ami yakuza (encore que son personnage est assez peu creusé).
Contrairement à ce qu'on pourrait croire ou espérer, il ne s'agit pas d'un film d'action. Les quelques combats qu'on trouve se situe en fait dans le premier tiers et sont de toute façon assez courts. Le cœur du sujet est en réalité le rapport de Katsu avec les femmes. Celles-ci ont la fâcheuse habitude de s'amouracher de lui. Comme elles sont mignonnes et qu'il se démène toujours pour aider son projet, il n'ose pas les repousser, ce qui lui pose rapidement quelque problèmes. Il se fiance ainsi avec une jeune femme naïve mais au fort tempérament tout en ayant fait croire à la geisha (qui a été kidnappé après sa fuite) qu'il l'épousera aussi. Vu le genre du film, le scénario est un peu déstabilisant mais on se prend au jeu. D'ailleurs on pourrait presque dire que les vrais héros du film sont les héroïnes, ce sont les personnages les plus humaines, les plus matures, les plus réalistes. Elles savent ce qu'elles veulent et font tout pour y accéder. Même le "boss" à la fin de l'histoire est une vieille dame ! :o

Comme la direction d'acteur est solide, que les personnages sont attachants et que Tanaka fait preuve d'une réelle sensibilité/tendresse à plusieurs reprises, la mauvaise réputation est un joli film mais qui ne décolle jamais vraiment à cause de sa structure pour le moins curieuse, de son manque de rythme (ça reste très répétitif) et d'une réalisation agréable mais incolore.
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Message par bruce randylan »

La bête élégante (Yuzo Kawashima - 1962)

Une famille a pour spécialité de vivre en arnaquant leurs prochains : le fils détourne de l'argent de son entretreprise, la fille est entretenue par un écrivain et les parents squattent l'apartement justement payé par l'amant de leur fille.

Encore un scénario écrit par Kaneto Shindo (la productivité de cette homme est tout de même incroyable :o ), voilà un huit-clos qui se déroule à 98% dans l'apartement en question auquel il faut rajouter quelques plans dans la cage d'escalier, dans la cour de l'immeuble et son toit.
Et pour voir que tout le film se déroule pour ainsi dire dans moins de 30 m², la mise en scène ne se relâche jamais. En fait Kawashima ne reproduit jamais deux fois le même plan. :shock:
Un tour de force et une leçon de réalisation ! Pour y parvenir Kawashima exploite toute les possibilités de son décor constitué d'une pièce principale (avec petit coin cuisine séparé par un rideau), une chambre, une salle de bain et les toilettes. Avec une maitrise du scope confondante de facilité, Kawashima multiplie les cadrages où les personnages se trouvent dans deux pièces ou des recoins. Sans parler de petites ouvertures (bouche d'aération ou juda dans la porte) qui lui permet de jouer sur le cadre dans le cadre ou la profondeur de champ.
Le plus impressionnant est qu'à part quelques plans formalistes (2-3 contre-plongées), ce sens du cadrage est d'une fluidité et d'une aisance stupéfiante. Il pourrait presque paraître discret par moment si la mise en scène ne servait régulièrement justement à mettre en valeur les rapports de force entre les personnages ou créer un gag.
Et pour parler du scénario, c'est très proche de l'esprit satirique et grinçant de la comédie italienne avec une absence de moral dans un portrait d'une société hypocrite à souhait. Pas grand monde pour rattraper l'autre : le chanteur est ridicule avec ses intonations anglaises, les hommes d'affaires détournent l'argent pour leurs maîtresses qui les dépouillent à leur tour, usant sans scrupule de leurs charmes et de leur corps. Quant aux parents, ils cachent tous les objets de valeur afin de passer pour une famille modeste quand les employeurs de leurs enfants viennent réclamer l'argent détourné par leur progéniture... (Avant de reprocher à leur enfants de ne pas avoir assez d'argent pour aller jouer au course).
L'humour repose donc beaucoup sur les dialogues et les situations. Peut-être presque trop car le film est bavard, très bavard même. Un peu fatiguant sur la fin d'autant qu'on sent que le dernier quart (le comptable sur le point d'être arrêté par la police) a été rajouté pour amener artificiellement aux 95 minutes. Mais Shindo retombe parfaitement sur ses pied avec une conclusion qui fait froid dans le dos.

Et donc encore une fois il y a cette mise en scène incroyable de Kawashima qui prouve qu'on peut faire une mise en scène moderne, inventive et stylisée sans tomber dans le film arty, froid et prétentieux. Il parvient ainsi à aérer et dynamiser un film qui aurait pu être terriblement plat et paraître comme une transposition poussive d'une pièce de théâtre. Ici, on ne songe même pas à une hypothétique origine scénique tant la narration et le découpage sont ingénieux.
Un véritable régal qui pourrait presque se suffire à elle-même si elle ne traduisait par parfaitement les manipulations, le cynisme et la superficialité des protagonistes.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

La chanson de la lanterne (Teinosuke Kinugasa - 1960)

Un élève d'une école de chant Nô provoque un maître réputé de la profession. Humilié, celui-ci se suicide. Le jeune homme est banni de son clan et son chef; son père, lui interdit de chanter du Nô. Quelques années plus tard, il croise la fille du maître qui s'est donné la mort. Pour éponger les dette de son père qui menait une vie de débauche, elle a été vendu comme geisha. A cause du souvenir de son père, elle refuse de chanter devant les clients.

J'avais quelques craintes à découvrir un film de 1960 signé par une ancienne gloire du cinéma muet et dont les autres réalisations que j'avais vu de lui ne m'avait pas particulièrement marqués (la porte de l'enfer, la vengeance d'un acteur et la légende du grand Bouddha). Et puis bon, le théâtre Nô, c'est pas non plus ma tasse de thé.
Au final ce fut l'une des très bonnes surprises de cette rétrospective Daiei à la MCJP :D

C'est un mélodrame très bien écrit et mise en scène avec un raffinement picturale magnifique. Le duo principal se montre très émouvant. Ils portent tous deux une culpabilité (celle d'un père arrogant et celle d'avoir poussé un homme au suicide), une profonde solitude et un déracinement. L'amour qui ne tardent pas à les unir ne pouvait donc que rendre leur psychologies plus riches et plus complexes. Les deux interprètes sont parfaits dans leur rôles, retranscrivant avec tact la fragilité de leurs personnages. Et puis Kinugasa traduit la montée de leur passion avec un esthétisme de plus en plus graphique dans son décor sublime d'un petite clairière près d'une rivière. Chaque plan qui s'y déroule est une splendeur merveilleuse. L'esthétique joue à fond la carte du décor artificiel avec des jeux de couleurs, de brumes, de feuillage qui font preuve d'un sens de l'image virtuose qui se renouvelle à chaque fois en plus.

Il est en revanche dommage que la fin s’éternise un petit peu avec les 2 jeunes gens qui mettent un peu de temps à se retrouver même si l'idée de la réunification musicale est génialement mis en valeur (inspirée de l'homme qui en savait trop ?). Mais passé cette petite réserve qui concerne 10-15 minutes en trop, le film est admirable du début à la fin sans jamais jouer la carte du pathos dégoulinant. Pas de larmes donc (encore que les plus sensibles pourraient y aller du mouchoir sans problème) mais une émotion toujours présente. Un beau coup de coeur.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Helena »

Tes critiques sont toujours aussi intéressantes à lire. Continue. :)

A Colt Is My Passport de Takashi Nomura

Je viens de revoir ce film et à chaque vision je suis impressionnée par l'oeuvre et les talents du réalisateur pour sublimer un sujet assez classique dans le genre.
C'est un est un réel bijoux que tout fan de Yakuza Eiga qui se doit de l'avoir dans sa collection. Le film nous présente un conflit entre deux clans et au milieu de tout ça des tueurs à gage qui aurait mieux fait de ne pas s'allier avec l'un des clans, vu dans quel embrouille ils vont tomber. L'histoire est classique mais on s'en moque au vu de la virtuosité du tout. Le film est très intéressant car il est assez didactique sur la manière de procéder d'un tueur à gage.
On nous présente sa façon d'aborder un contrat et c'est très intéressant ma foi car ce n'est jamais ennuyeux au contraire et justement ça fait plaisir. Le film nous présente à la fois une situation classique mais réaliste et encré dans un univers réaliste justement, il n'y a pas une critique sociale certes, mais la société et certains corps de métier nous sont présenter comme essentiel à la société bien que certains désire sans débarrasser, un peu comme la situation des tueurs du récit qui bien qu'utile pour les clans.
Le film est doté de scènes de gunfight assez intéressante, loin des clichés du genre et ma fois ça fait plaisir vu que le réalisateur se fait plaisir certes, mais et c'est le plus important, ne rend pas ridicule ce genre de scènes au contraire. La musique aide beaucoup aussi à entré dans l'oeuvre et surtout à nous transporter à cette époque pas si lointaine, il y a une virtuosité dans cette BO qui bonifie l'oeuvre et qui à elle seule est un chef d'oeuvre. La réalisation est impeccable, alors oui il y a quelques problèmes de rythmes, mais bon entre la lisibilité du tout irréprochable, l'iconisation des personnages et tout simplement la mise en scène de l'oeuvre, on ne peut pas bouder son plaisir.
Je l'ai déjà dit, le Yakuza Eiga est l'un de mes genres fétiches et en voyant ce film je comprend pourquoi, je vous recommande de voir cette oeuvre de toute urgence que vous soyez un fan du genre ou non, c'est du grand cinéma comme on aimerait en avoir plus souvent devant les yeux (le dvd se trouve facilement et si vous ne comprenez pas le Japonais, je pense qu'il existe des sous titres anglais sur le support, je vérifierai si cela intéresse quelqu'un.)10/10

Black Tight Killer de Yasuharu Hasebe

Je ne l'avais pas vue depuis de nombreuses années et je suis retombée dessus hier en rangeant des DVDs et sincèrement ce film est excellent de bout en bout vraiment! Ce qui me fait tout de suite adhérer à ce film c'est son ambiance, on voit de suite que c'est un film des années 60, la musique en était le parfait représentant, le mélange de Enka, typique de l'époque, et de Jazz est un bonheur pour les oreilles et rend tout de suite nostalgique. Ensuite il y a les décors, je passerai sur celui de l'introduction vu que c'est le Vietnam et bien que magnifique comme introduction, le décor reste assez classique. Je trouve les ruelles, restaurants et autres endroits parsemant l'œuvre vraiment chaleureux, Hasebe arrive par sa mise en scène à rendre les différents endroits soit convivial ou bien très déroutant et inquiétant et cela en quelques secondes, on a pas attendre trois plombes avant qu'une ambiance se pose. Autre point positif, l'humour, celui ci est vraiment présent, rien que par l'utilisation de Ninja féminin se battant en dansant, les séquences ou elles apparaissent sont géniales et très bien chorégraphiés et rythmés, bref c'est un bonheur pour les yeux. Les acteurs sont tous très convaincants et charismatiques, notamment le très beau Akira Kobayashi et son actrice principale Chieko Matsubara. Les deux personnages ne sont certes pas très originaux, mais par le charisme de leurs interprètes on y adhère tout de suite, le duo fonctionnant vraiment très bien! Le réalisateur n'hésite pas à utiliser l'absurde niveau gadget pour nous en mettre plein la vue, notamment dans l'armement des femmes que je vous laisserai le soin de découvrir tellement c'est autre mais totalement marrant. L'histoire avance assez vite et on ne s'ennuie jamais, ce n'est pas le meilleur représentant du genre vu qu'il n'exploite pas les thématiques du Yakuza Eiga à fond mais ça reste un film avec de nombreuses qualités qu'on se doit de voir au moins une fois en tant que fan de ce genre de cinéma. Je lui donne la note de 7/10 en tout cas et le recommande vivement!
"Esotika, Erotika, Psicotika."
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Le trône du maître No (Daisuke Ito - 1953)

L'une des plus prestigieuse famille spécialisée dans le théâtre Nô doit bientôt tenir un spectacle pour le Shogun. Le fils de cette lignée d'acteurs ne supporte pas la pression d'un tel événement. Paralysé par la peur, il prend la fuite

Si Daisuke Ito fut l'un des plus grand cinéaste international à l'époque du cinéma muet, il n'échappera pas à un académisme pesant quelques décennies plus tard. Après les souvenirs douloureux du conspirateur (1960), je suis allé à la séance de la MCJP un peu à reculons.
J'en suis ressorti très satisfait.
Le temps où le cinéaste bouillonnait d'expérimentations et d'inventivité est révolue mais il reste un cinéaste inspiré avec un classicisme très savoureux. Il sait toujours où placer sa caméra, trouver des compositions sophistiquées et placer un mouvement de caméra élégant tout en étant un conteur talentueux. Loin d'être figé, il livre un divertissement historique vivant et réaliste.
Si le personnage du jeune adolescent est un peu tête à claque à pleurnicher et à fuir ses responsabilité, le film évite heureusement un sentimentalisme mélodramatique avec quelques personnages secondaires qui viennent tempérer le drame qui se joue : les commentaires désabusés des spectateurs ou encore la pièce burlesque (où l'on découvre que les vaudevilles à l'humour potache existaient déjà il y a plusieurs siècles).
Du coup, on ne s’appesantit pas trop sur les états d'âmes des protagonistes et ce n'est pas plus mal. Ce sont leurs relations qui priment (les problèmes de communication entre le père autoritaire et son fils ; et par ricochet avec ses assistants et le reste de sa famille).
A chaque fois, la mise en scène parvient à trouver l'axe qui va mettre en valeur ces tensions et les dilemmes. La dernière demi-heure à ce titre ne manque d'ailleurs pas de suspens.

Du beau travail travail, joliment exécuté qui souffre seulement de quelques baisses de régime peu dommageable.
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Message par bruce randylan »

Soeurs de Kyoto (Kôzaburô Yoshimura - 1952)

Une petite fabri­que tra­di­tion­nelle de tis­sus de kimono dans le célè­bre quar­tier de Nishijin à Kyôto fait faillite. Le chef de famille meurt lais­sant de nom­breu­ses det­tes. La veuve et ses trois filles ten­tent de s’en sor­tir avec l’aide de leur fidèle ser­vi­teur, Kôkichi.

Dernier film découvert dans ce cycle Daiei à la MCJP ; c'est aussi le dernier titre des 5 titres dédié à Kôzaburô Yoshimura. :)

C'est une nouvelle fois un mélodrame centré sur plusieurs femmes. Elles n'ont d'ailleurs pas trop de chance ces pauvre soeurs avec les problèmes insurmontables pour essayer de relancer l'affaire familiale alors que la concurrence déloyale fait tout pour les empêcher de développer leur modeste entreprise en faisant pression sur les fournisseurs et les clients ou en montant les employés contre elles.
L'histoire n'est pas très joyeuse donc avec un mélange d'injustice et de fatalisme assez terrible. Si le film n'évite pas certaines maladresses et clichés (le serviteur dévoué amoureux d'une des soeurs mais tellement timide qu'il doit accepter le mariage arrangé avec une autre des frangine), Yoshimura évite les ficelles tire-larmes. Il faut dire que son approche repose beaucoup sur la dimension sociale de son histoire et parvient à étoffer plusieurs seconds rôles.
Mais le scénario accumule tellement de misères sur la fin qu'au bout d'un moment le film perd sa dimension réaliste au détriment d'un pessimisme artificiel : dès qu'une éclaircie s'annonce, les espoirs sont rapidement mis à mal d'autant que leurs employés sont aveuglés par l'appât du gain sans réaliser les sacrifices menés par les 3 soeurs. Quant à leur demeure, elle est vendue, abattue et revendue en pièce détaché au rabais dans un élan de cynisme écoeurant.

Yoshimura critique déjà les dérives d'un certain capitalisme mais la démarche manque un peu de subtilité à mon goût. Et il ne parvient pas à "sublimer" ce sentiment d'abandon progressif comme pouvait le faire miraculeusement Naruse dans la mère. De ce fait, je me suis sentis un peu passif (ce qui n'a pas été le cas du pote qui m'accompagnait et qui a suivi tout ça avec un sentiment de révolte impuissante qui lui a bien serré la gorge)

Après, rien à redire sur la mise en scène, sobre et par moment proche du néo-réalisme, ou de l’interprétation générale.
Enfin, ca reste très estimable dans l'ensemble et au dessus de la moyenne. C'est en tout cas le plus équilibré des films de Yoshimura sur cette période.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

A peine le cycle Daiei fini que la Maison de la Culture du Japon enchaîne sur un petit cycle sur le renouveau du cinéma d'auteur des années 80.

Un petit plus tardif que du "naphta" mais bon !

La rivière de boue (Kohei Oguri - 1981)

Un couple tient un petit restaurant situé au bord d'une rivière. Leur jeune enfant se lie bientôt d'amitié avec un autre vivant, vivant sur une péniche qui vient d'accoster en face de leur maison

:shock:
Je l'ai pas vu venir celui-là !

Un chef d'oeuvre instantané et l'un des plus beaux films sur l'enfance que j'ai jamais vu. Beau parce que son regard est d'une intelligence et d'une acuité incroyable, y compris quand il s'agit d'évoquer des sentiments d'une extrême complexité.
Avec sa mise en scène simple et épuré, ses plans (à majorité) fixes, sa dimension de chronique sociale et le naturel de l’interprétation, on pense fortement à l'univers d'un Ozu. Mais un Ozu moins lumineux, plus terre et où la politesse qui atténué la noirceur des relations aurait disparu au profit d'une approche à la fois plus poétique et plus naturaliste.
L'équilibre auquel parvient Kohei Oguri frappe dès les premières minutes où le garçon assiste à quelques jours prêts à la mort de deux personnes. Avec une science confondante du cadre, du découpage et une économie de la parole, le cinéaste parvient à retranscrire la vision de son protagoniste qui comprend ce qui se passe sans en saisir toute la portée. Une ambivalence oscillant de la curiosité à la distanciation en passant par la fascination et l'inquiétude.
Ces deux évènements bouleversent malgré lui sa perception du monde qui va aller doucement en s'accélérant au contact de son nouveau voisin, vivant lui dans une profonde misère avec sa soeur et sa mère, une veuve contrainte de se prostituer sur son domicile.
Le film est fabuleux dans le sens où le jeune ne pouvant exprimer (voire les comprendre) ses émotions contradictoires, le cinéaste adopte une mise en scène jouant sur le malaise de douleurs muettes et de fréquentes ruptures où un changement d'axe dévoile un fait qu'on ne soupçonnait pas. Par exemple, il regarde gravement un clown s'amuser dans la rue. Il a l'air perplexe. le plan suivant dévoile que ses parents étaient hors-champ, caché derrière l'angle d'un mur, renvoyant à ce qu'il venait de vivre quelques minutes avant (l'agonie de la première épouse de son père qui tenait à voir le fils qu'elle n'a pas eut sans que lui ne comprenne quoi que ce soit).
Le film regorge d'idées brillantes de ce niveau là et réussit à matérialiser le trouble permanent que connait ce jeune adulte confronté brutalement à une réalité dérangeante et opaque.
On pourrait en dire tout autant des nombreuses séquences où les personnages n'osent sortir du rang auquel ils appartiennent comme la soeur vivant sur la péniche qui sait qu'elle ne peut accepter les cadeaux que lui offre le couple de restaurateur. Sans parler de la séquence sublime où le jeune protagoniste rencontre la mère de son ami ou encore de l'avant dernière séquence à couper le souffle tant le cinéaste rend les relations entre les personnages denses et cruelles. La honte tente de se masquer par la provocation comme la gêne se matérialise par la colère. Époustouflant.
Ainsi tout le film est parcouru par un véritablement souffle émotif et bouleversant sans jamais chercher à émouvoir.

Pour un premier film, cette maîtrise de la mise en scène et du scénario, la richesse et la profondeur de la psychologie, la justesse du traitement et le regard sans concession sur le comportement humain font de cette rivière de boue une réussite miraculeuse, d'une mélancolie sans fond qui va me hanter longtemps.
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Demi-Lune
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Demi-Lune »

OK, vendu.
J'en avais entendu parler il n'y a pas longtemps, d'ailleurs. Il a l'air d'être très dur à dénicher.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Ouais, j'ai vu que Cinéphage avait également adoré :D

Je sais que la cinémathèque a aussi une copie qui passe de temps en temps dans leur "histoire permanente du cinéma"

Que ce genre de film soit invisible en vidéo est vraiment aberrant. :(

EDIT : Il y avait d'ailleurs eu une intégrale Kohei Oguri en 2010 à la MCJP. Mais j'étais en voyage à ce moment. :|
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Toujours la cycle "renouveau du cinéma d'auteur japonais des années 80" (et fin 1970)

Au revoir la vie facile (Yoichi Higashi - 1979)

Une étudiante qui vit encore dans le souvenir de son précédente histoire d'amour se laisse embarquer dans une liaison sans passion avec un camarade de classe.

Un joli portrait féminin qui bénéficie du charme et du naturel de son actrice principale Yumiko Fujita. Elle apporte une fragilité assez touchante pour un personnage paumé qui sort des stéréotypes. Elle manque de caractère, vit dans le passé, elle est lâche, romantique, immature, naïve sur certain points, désabusé sur d'autres... Bref, une jeune femme avec ses fêlures et ses blessures qui accepte une relation presque par dépit, par paresse.
Yoichi Higashi se garde bien d'ailleurs de la juger et nous la livre telle quelle avec ses contradictions et ses défauts qui la rendent d'autant plus humaine. Il témoigne d'une vraie tendresse pour ses personnages, y compris les masculins. Il parvient ainsi à rendre émouvant le nouveau petit ami de l'héroïne, un homme lourd, maladroit et à la naïveté qui confine à l'idiotie mais en même temps il peut se montrer attentionné et doux... Il trouve une réelle profondeur quand il sent que sa copine lui échappe en revoyant son ex. D'où pas mal de scènes réussies, sur un ton feutré et intimiste (la lettre de rupture, l'héroïne découvrant qu'elle est enceinte, les retrouvailles dans une chambre d’hôtel etc...)
La mise en scène possède ainsi une jolie sensibilité mais avec ses 2 heures au compteur, Au revoir la vie facile manque un peu de concision et tourne un peu trop en rond dans son dernier tiers (autant la sous-intrigue avec le couple tenant un salon de coiffure est pertinente autant le recours à des yakuzas est artificiel).

On sent en tout cas qu'il s'agit d'un film de transition pour Higashi qui délaisse doucement les films plus expérimentaux comme Gentils Japonais et un joueur de base-ball nommé Third pour se diriger vers des chroniques tel village de mes rêves.


Adieu la terre natale (Mitsuo Yanagimachi - 1982)

Un homme caractériel et impulsif doit abandonner l'agriculture pour devenir camionneur. Pour tenir les cadences infernales, il commence à se droguer

L'anti-thèse presque totale du précédent avec pourtant des personnages qui sont loin de ne posséder que des qualités. Sauf qu'ils nous apparaissent immédiatement antipathiques et qu'à aucun moment notre regard ne changera sur eux. Au contraire, plus le film avance plus il sont horripilants.
Le début pourtant ne manquait pas d'attrait avec son absence de scènes d'exposition qui nous présenteraient le contexte et la psychologie des protagonistes. La double noyade qui lance vraiment l'histoires est ainsi filmé dans une simplicité qui fait froid dans le dos avec un refus de dramatisation ou du suspens. Malheureusement, le cinéaste ne manquera jamais par la suite d'user jusqu'à la l'absurdité d'ellipses qui évacuent plusieurs scènes "incontournables". L'idée peut-être louable mais ça fait encore plus sortir le spectateur de l'intrigue au point de se demander si les bobines n'ont pas été perdues ou mélangées. La scène où le mari commence à avoir une crise de paranoïa chez un couple d'ami est ainsi coupé en plein élan alors que le cinéaste installait un climax qui se sera jamais résolu voire même nier par la suite. A quoi bon dans ce cas ?
Histoire d'enfoncer le clou, les acteurs manquent de présence, la photographie n'est pas fabuleuse et la psychologie ratée de manière générale. A trop vouloir sortir des sentiers battus, Yanagimachi en oublie la crédibilité et la cohérence.
En plus, ça dure toute de même 135 minutes ! :(

Le cinéaste semble posséder une réelle réputation au Japon, il faut avouer qu'il s'agissait d'un farouche indépendant qui s'occuper ainsi lui-même de la diffusion de ses films et même du compostage des billets d'entrées ! Certains louent son approche issue du documentaire et sa dimension sociale. Je ne peux pas juger du reste de sa carrière mais j'ai trouvé le contexte social trop superficiel ici pour y prêter une vraie importance. C'est à peine esquisser (les immigrés de Taiwan ; la désindustrialisation ; la fin de l'agriculture ; la drogue etc...)
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Message par bruce randylan »

Derniers films de cette rétrospective

Journal d'errance d'un joueur de Mah-jong (Makoto Wada - 1984)

Durant l'après-guerre, un adolescent est pris sous l'aile d'un joueur de Maj-jong qui lui apprend quelques trucs. Mais suite à une brouille, ils se séparent et tentent tout deux de gagner leur vie chacun de leur côté.

Première réalisation pour Makoto Wada qui rafle sans problème la mise.
Issu de l'illustration, son film possède une assurance et une maturité visuelle étonnante pour un "débutant". Filmé dans un très beau noir et blanc, la reconstitution de l'immédiate après-guerre est criante de vérité sans jamais chercher à en faire un documentaire. C'est au contraire assez stylisé avec une fluidité de tous les instants dans ses mouvements de caméra.
La narration est peu plus hachée mais c'est plus volontaire avec un découpage qui évoque différents actes selon les alliances que lie le héros du film. Dans le rôle titre Hiroyuki Sanada excellent en contre-emploi très loin de ses prestations plus physiques.
On est ainsi à mi-chemin entre la comédie de mœurs et la chronique sociale (l'occupation américaine, pauvreté, milieu clandestin du jeu, place de la femme). Le film connaît un peu moment de flottement alors que le film fait un peu de surplace. Le temps en fait de présenter (un peu artificiellement) un nouveau personnage féminin qui va être au centre de tous les intérêts dans un dernier tiers jouissif.
Quatre des personnages masculins luttent pour elle : pour en faire une monnaie d'échange, pour en faire une épouse, pour humilier son adversaire après un échec cuisant, pour lui redonner sa liberté... Une manière assez intelligente et subtile de traiter la situation peu enviable de la femme en cette époque, victime d'hommes égoistes et narcissiques. Aucun d'entre eux ne se demandent ce qu'elle veut vraiment et si elle tient à se "vendre" volontairement ou non pour son amoureux. D'ailleurs, on peut même se demander lors de la dernière scène (géniale) si elle n'est pas tout simplement un prétexte à des parties interminables.

Le portrait des personnages masculins, sans en faire des monstres, dépeint des loosers, des marginaux, des estropiés, des inadaptés... coupés des réelles préoccupations et entièrement centrés sur leur gagne-pain qui est pour eux une véritable drogue. On pense ainsi à une version un peu décalé du Joueur de Dostoïevski. Les scènes de jeu de Mah-jong sont palpitantes même sans rien comprendre aux règles (cependant, elles sont moins ludiques que dans Fat Choi Spirit de Johnnie To). Pour peu, on pourrait parler d'un suspens si Wada ne maniait si habilement la mélancolie et l'ironie avec un réelle sensibilité et un soin à rendre vivant ses protagonistes sans jamais les prendre de haut... Y compris quand ils se débarrassent du corps inerte d'un des leurs dont le cœur n'a pas survécu à une nuit blanche de jeu.

Je suis vraiment curieux de connaître la suite de la filmographie de Wada pour savoir s'il a su conserver cette équilibre dans le mélange des tons. En tout cas, il a continué de tourner avec Hiroyoko Sanaka.
Quant à ce Journal d'errance d'un joueur de Mah-jong, il doit logiquement jouir d'un statut culte (et mérité) au Japon où il est sorti en blu-ray (sans sous-titres il va sans dire :cry: )


L'homme qui a volé le soleil (Kazuhiko Hasegawa - 1979)

Par ennui un professeur de physique décide de construire une bombe atomique et menacer les autorités de la faire sauter si on ne répond pas à ses exigences. Mais lesquelles au fait ?

Pour le coup, celui-ci est un vrai film culte même si j'avoue ne pas partager l'enthousiasme général à cause du dernier tiers qui va dans tous les sens et donc nulle part.

Pendant 1h30 le film est pourtant sensationnel, comme dans son précédent film le fabuleux Meurtrier de la jeunesse (ou son scénario de retreat through the wet land), Hasegawa dessine le portrait en creux d'une jeunesse désabusée, en quête de reconnaissance et coupée des générations précédentes et en révolte avec les représentants du pouvoir mais sans savoir comment l'exprimer. On n'est pas surpris d'ailleurs de constater que le film est co-écrit avec Leonard Schrader, le frère de Paul.
Comme le héros masculin joué par Kenji Sawada qui ne sait pas quel sens donner à sa vie, le film ne propose pas au début une ligne directrice définie et claire. Il faut qu'il soit victime d'une prise d'otages pour que lui viennent l'idée de faire lui-même des otage... à plus grande échelle avec sa bombe atomique faîte maison conçue dans sa cuisine. :mrgreen:

Le film ne cherche pas à être forcément très réaliste mais on marche sans problème avec la description minutieuse de la confection de l'arme de destruction massive et de quelques moments décalés (la danse sur du Bob Marley, le four qui prend feu, le déguisement de femme enceinte, les équations nucléaire dans sa classe de physique...)... Un ton décalé qui continuera avec sa première revendication (ne plus interrompre les retransmissions des match de base-ball par le journal télévisuel :lol: ) avant de partir dans une direction plus profonde mais toujours sur un ton léger avec un héros incapable de trouver d'autres exigences et qui passera donc par une émission de radio pour que les auditeurs soumettent leur vœux et voir si un lui plaît. Une manière intelligente de radiographier les motivations de la jeunesse japonaise.
Tout ça pour conclure sur une grande scène de suspens efficace façon film catastrophe avec la tentative de récupérer une rançon.

Si jusqu'à la construction dramatique fonctionnait en correspondant au personnage paumé et sans but, la suite sera malheureusement moins réussie. Hasegawa a qui on a confié un gros budget a l'air de ne pas savoir choisir entre divertissement spectaculaire et ses vélléités d'auteur et du coup choisit le grand n'importe quoi. C'est ce virage qui m'a laissé sur le carreau. Le début, même décalé et par toujours crédible, possédait au moins une unité (une certaine mélancolie déphasée) et un regard de cinéaste cohérent. Mais les 40 dernières minutes deviennent grotesque à force d'enchainer les péripéties toute plus surréalistes les unes que les autres qui tentent de virer dans la parodie avec ses poursuites en voitures, le héros se prenant pour Tarzan ou le policier qui ne veut pas mourir malgré les dizaines de balles qu'il se prend... Comme tout ça s'éternise et tourne terriblement en rond, j'ai trouvé ça rapidement lassant d'autant que j'ai eut dû mal à comprendre les motivations de certains personnages (la journaliste)... même si quelques passages sont tout de même amusant par leur extravagances (Bunta Sugawara accroché à l'hélicoptère).

Mais il faut croire que je suis minoritaire sur le coup puisque beaucoup trouvent ça géniale du début à la fin. En tout cas, c'est sûr que le film ne ressemble à pas grand chose de connu entre le film catastrophe commercial, la contestation rageuse, le drame existentialiste, la comédie, la fable...
Mais je trouve que ce dernier tiers vient contredire l'ambition et l'intégrité du propos (surtout comparé au meurtrier de la jeunesse).

Il est en tout même incompréhensible que Hasegawa ne réalisa plus de film après ce deuxième (et dernier) film, pourtant parfaitement maîtrisé techniquement. Il disparut même presque totalement du 7ème art si ce n'est la production de Crazy family et un rôle dans Yumeji de Seijun Suzuki.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Ah j'avais oublié de publier plusieurs films de la rétro Daiei ! Séance de rattrapage :

Shaka la vie de Bouddha (Kenji Misumi)

Le Japon se lançant dans un péplum "biblique" sur la vie Bouddha, ça a le doit faire un peu peur... Le seul péplum japonais que j'avais vu jusqu'à présent (Le démon du Mont Oe) n'étant pas une grande réussite. Mais Kenji Misumi n'est Tokuzo Tanaka et ça change beaucoup de choses. :D

Il faut déjà dire que le budget a vraiment dû être conséquent avec un tournage en 70mm, des décors qui ne font jamais cheap ou trop cartons-pâtes. Certains sont mêmes vraiment imposants comme celui du gigantesque palais en construction à la fin du film.
Et surtout Misumi sait parfaitement mettre ces décors en valeur par son sens du cadre et des mouvements de caméra qui prouve que tout cela est du vrai et non du matte-painting (le gigantesque mur à côté de la tour de la prison ; le très beau travelling qui accompagne le rideau que tire Shintaro Katsu dévoilant justement l'immense rue en travaux).
La qualité du film (voire son intelligence), c'est que ce gigantisme crée un réel émerveillement qui traduit la majestuosité de la vision et l'enseignement de Bouddha. Chaque plan est un ravissement pour l'oeil ; entre les décors (donc), la beauté de la photographie, la maîtrise du scope et la sophistication de l'éclairage.
Si Misumi évoque la fascination de Bouddha par la mise en scène, ce n'est bien sûr pas un hasard puisqu'il refuse filmer le personnage une fois que celu-ci à atteint l'éveil. On ne verra que son ombre ou sa silhouette lointaine (et en contre-jour). De même, sa philosophie est souvent évoquée indirectement par les différents personnages qui croisent sa route : une fille de basse condition amoureuse d'un moine, un prince dont un prophète a annoncé qu'il tuerait ses parents, un autre prince qui subit la vengeance de sa mère dont il a repoussé ses avances, l’ennemi proclame de Bouddha...
La structure épisodique peut déranger puisque le film n'est pas du tout une biographie de Bouddha et le fait d'abandonner certains personnages pour d'autres peut gêner certains spectateur. Ca n'a pas été le cas pour moi (je venais de sortir de la relecture du Bouddha de Tezuka qui a une narration assez proche – même si l'approche est différente sur plusieurs points).
A part le passage sur l'espèce de sorcière (qui tue des enfants) un peu trop rapidement expédiée pour être touchante, les différentes histoires fonctionnent très bien et certaines sont vraiment dotées d'une jolie intensité dramatique tout en délivrant des images mémorables. Je n'oublierai pas la beauté de l'ouverture avec les fleurs s'ouvrant à la naissance de Bouddha ; la séquence où l'amoureuse d'un moine reçoit le sermon nocturne du prophète ; le désarroi de la reine incestueuse devant le pardon du fils qu'elle a rendu aveugle ou encore l'effondrement du prince découvrant que la prophétie qui le faisait assassiner son père était un mensonge.... devenu vrai.

Alors, après, certains passages demeurent un peu kitsch, la reconstitution n'est sont doute pas très fidèle et il y a des discours/fables/leçon qui sont un peu légères dans leurs démonstration mais l'important est qu'on récent l'apaisement, la sérénité et la grandeur d'âme du guide spirituel.
Et tout ça est dû en grande partie à son cinéaste Kenji Misumi qui m'a vraiment surprise dans un registre où je ne l'attendais pas.
L'un des grande réussite du cinéaste. :)
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Federico »

Help !! Y en aurait-il parmi vous qui sauraient si dans un futur pas trop lointain et si possible assez proche il est de l'ordre de l'espérance pas trop inutile de voir enfin par chez nous une édition DVD ou BR du sublime La femme tatouée (aka Irezumi*, aka Sekka tomurai zashi, aka Spirit of tatoo aka certainement plein d'autres trucs) de Yoichi Takabayashi (1982) ??

J'ai juste trouvé qu'il existait un DVD au Japon et ceci en qui j'ai moyennement confiance (d'autant plus que c'est +/- fermé)...

Une telle sortie serait-elle miraculeusement dans les tuyaux de WildSide, de Potemkine ?...
(*) A ne pas confondre avec Irezumi de Yasuzō Masumura (1966) qui semble être davantage un film d'exploitation (et qui a l'air d'ailleurs pas mal).
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Non, aucune sortie de prévue à ma connaissance et je vois pas par quelle miracle on y aurait droit. La vague pinku eiga semble être bien retombée maintenant (le cinéma japonais classique de manière générale)... On est loin désormais des coffrets chez Cinémalta et de la vingtaine de Nikkatsu édités chez Wild Side.
Je suis pas près de me débarrasser du rip de ma VHS de 2ème génération :?

Et sinon, Masumura, c'est bien plus que de la l'exploitation :wink:
(même si j'ai pas encore vu celui-ci)



Et puisque je suis là

La poupée briseée (Kôzaburô Yoshimura -1963)

Un modeste artisan confectionnant des paniers en bambou vit isolé. Un jour il reçoit la visite d'une belle et jeune femme qui demande à se recueillir sur la tombe de son père qu'elle a connu. Obsédé par elle, il tente de la retrouver et découvre qu'elle est une prostituée. Il paye sa dette et l'épouse mais une fois ramenée chez lui, il refuse de lui faire l'amour et préfère travailler à reproduire une poupée en bambou façonnée par son père et d'une rare finition.

Un film dans la moyenne des Yoshimura, c'est à dire mieux que Shiro Toyoda mais moins bon que Naruse pour viser large. Donc, c'est du travail bien fait, soigné, bien photographié, bien cadré, bien interprété, des beaux décors... Mais c'est un peu froid et désincarné ; la faute à cette mise en scène académique et au final un peu stérile.
Et puis, le scénario n'est pas très subtil dans ses ressorts dramatiques avec une dimension freudienne maladroite et peu crédible : l'artisan ne veut faire l'amour à son épouse parce qu'elle a été la maîtresse de son père, donc quelques part sa mère. Il préfère donc battre son père sur le travail artisanal en sculptant une poupée, femme parfaite et idéalisé... Mouais... Quand on sait que Ayako Wakao qui joue l'épouse, on a du mal a y croire. :mrgreen:
On pourra dire la même chose avec la venue très "opportune" d'un ancien client qui viole Wakao (scène délicate mais très bien mise en scène celà dit). Et puis, ce qui me dérange, c'est la conclusion doublement injuste et limite mysogyne.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Wakao tombe en scène suite à ce viol. Elle n'ose le dire à son mari puisqu'ils n'ont jamais fait l'amour. Elle tente de trouver un médecin qui voudrait bien l'avorter... en vain... Sur le chemin du retour, elle fait une fausse-couche (scène assez étonnante avec un pêcheur qui lui annonce que le fœtus a été jeté dans la rivière) avant de décéder des complications... Ce qui poussera au suicide son mari, abattu par le chagrin. Le violeur lui va très bien. :?
Donc, pas mauvais, loin de là, mais pas mémorable non plus.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par Federico »

bruce randylan a écrit :Non, aucune sortie de prévue à ma connaissance et je vois pas par quelle miracle on y aurait droit. La vague pinku eiga semble être bien retombée maintenant (le cinéma japonais classique de manière générale)... On est loin désormais des coffrets chez Cinémalta et de la vingtaine de Nikkatsu édités chez Wild Side.
Je suis pas près de me débarrasser du rip de ma VHS de 2ème génération :?

Et sinon, Masumura, c'est bien plus que de la l'exploitation :wink:
(même si j'ai pas encore vu celui-ci)
Si je peux me permettre, La femme tatouée, c'est bien plus (ou bien plus classieux et raffiné) que du pinku eiga. :wink:
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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