Le cinéma japonais

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

C'est pas comme si je t'en avais reparlé deux jours avant en plus ! :(
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Message par bruce randylan »

Dernière projo pour moi de la saison avec cette programmation Shintoho (qui devrait reprendre en octobre)

Un horizon étincelant (Michiyoshi Doi - 1961)

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Plusieurs prisonniers partageant la même cellule n'apprécient pas leur nouveau camarade de chambrée, un jeune arrogant et irrespectueux... jusqu'à ce qu'ils apprennent qu'il aurait été condamné pour le meurtre d'un bijoutier qu'il aurait caché les diamants avant d'être condamné. Ils préparent alors un plan pour s'évader et partager le butin.

Encore la découverte d'un cinéaste dont je n'avais jamais entendu parlé et qui signa une douzaine de films en dix ans de carrière. Ce titre-ci semble bénéficier d'un certain statut culte au Japon, ce qui peut se comprendre par son étrange humour noir entre comédie policière et film noir. J'avoue même que 2-3 moments m'ont fait grincer quelques dents avec des une ou deux victimes gratuites et des tentatives de viols proche du burlesque. Il faut dire que le film est vraiment filmé du point de vue des "héros" qui sont loin d'être des anges, n'ont absolument aucune moralité et que Michiyoshi Doi ne porte lui-même aucun jugement de valeur sur leur acte. C'est parfois un peu déstabilisant car des gags potaches et décalés peuvent côtoyer des rares moments plus glaçants.
Mise à part ces petits soucis de tonalités, c'est une très bonne surprise, en partie grâce à sa réalisation inspiré". On est loin de certaines productions un peu bâclées du studio : ici la photographie noir et blanc comme le scope ont excellentes allures avec une réelle gestion de l'espace et un sens du rythme soutenu qui fonctionne beaucoup sur un montage rapide et enlevé. Doi est autant à l'aise dans les pièces de quelques mètres carrés, découpés en succession de plans fixes évitant l'académisme, que dans les extérieurs, repérés avec soin, qui brillent par leurs travellings nerveux. Son sens du tempo et son efficacité donnent un divertissement où tout s'enchaîne vite et l'on ne s'ennuie jamais face à cette bande de bras cassés qui ne peuvent s'empêcher de se trahir les uns les autres en cours de route.
Sur le papier, c'est assez conventionnel (évasion puis règlements de compte entre truands) mais l'approche quasi absurde permet d'apporter un peu d'originalité et d'imprévus à ce canevas rabâché : le (vrai) héros qui maltraitent ses co-déténus en les empêchant de dormir, la chanson qui revient à 3 reprises, les évadés qui volent un camion publicitaire et doivent se déguiser, l'otage qui tombe amoureuse de son ravisseur et qui ne veut pas le lâcher ou encore le brillant montage autour du solo de percussion et la traque d'un des évadés par des villageois.
La personnalité du cinéaste étonne dès le début du film où l'on assiste sans savoir pourquoi à une succession de petites séquences sans rapport les unes aux autres qui montrent chacune un acte criminel (viol, règlement de compte mafieux, trafiquants...) avant de comprendre qu'il s'agissait de la présentation des différents occupants de la cellule où se déroule la première moitié du film. L'occasion de faire connaissance avec les acteurs qui ont vraiment tous la gueule de l'emploi et peuvent se montrer tour à tour ridicule ou inquiétant par leur détermination froide.


Ayant débuté à la Shintoho, le cinéaste aura du mal à se remettre de la fermeture du studio en 1961 et mettra 6 ans avant de trouver un nouveau contrat (à la Shochiku).
Ce titre atypique donne envie d'en savoir plus sur lui mais pour le moment pas sûr que la suite du cycle de la MCJP remette sa filmographie sous les projecteurs. Mais la liste n'est pas définitive. Croisons les doigts ! :)
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Commissaire Juve
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Message par Commissaire Juve »

J'adore... Amazon me propose ça...
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Sauf erreur, je reconnais Hideko Takamine et je me dis : "Miam ! j'aimerai bien voir ça !" (mais je l'ai peut-être déjà vu)

Mais le plus drôle est à venir. Je cite :
Japanese Movie - Midareru [Japan DVD] TDV-24724D
Al Pacino (Acteur), Robin Williams (Acteur)
:roll:
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Message par bruce randylan »

Des nouvelles de la rétro Shintoho à la MCJP ! :)
Six nouveaux films (plus deux titres précédemment diffusés), avec notamment un Hiroshi Shimizu et deux nouveaux Nakagawa

https://www.mcjp.fr/fr/agenda/shintoho_2

Mine de rien, ça va faire presque deux ans que ce cycle a commencé pour avancer aux compte-gouttes. Ca devait durer 6 mois, puis ça a débordé sur 2017... et à priori, ca sera toujours pas fini après si je me fie au flyer qu'on trouvait sur place cet été puisqu'il manque encore 2-3 films. :mrgreen:
Faut dire qu'avec 8 films en 3 mois, ça avance pas très vite.


Sinon, confirmation que le deuxième semestre risque d'être chargé en projections japonaises parisiennes puisque la Cinémathèque et la MCJP joindront leur force pour fêter les 100 ans du cinéma japonais ! :o
Et le centre Pompidou rendra hommage à Naomi Kawase...
Pas plus d'annonces pour le moment mais il y aura des classiques inévitables mais également des titres plus rares.
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Profondo Rosso
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Message par Profondo Rosso »

Horrors of Malformed Men de Teruo Ishii (1969)

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Après s'être évadé d'un hôpital psychiatrique, un homme prend l'identité d'un mort afin d'enquêter sur étrange cas de sosies. Il se retrouve sur une île où sévit un médecin qui transforme des hommes en monstres...

Teruo Ishii fut un des réalisateur qui sut le mieux prendre le pli du virage érotique des studios japonais, forcés de corser le contenu de leur film pour faire face à la concurrence de la télévision. Ainsi naît le pinku-eiga et Ishii s'épanouira dans l'un de ses sous-genres le ero guro (grotesque érotique) avec la série à succès des Joys of Torture traitant de la torture à l'ère Edo. Fort de ces réussites, Ishii peut ainsi proposer à la Toei le projet qu'il caresse depuis longtemps à savoir une adaptation d'Edogawa Ranpo, le maître du suspense de la littérature japonaise. Le scénario d'Ishii et Masahiro Kakefuda sera un curieux mélange des romans L'île panorama et Le Démon de l'île solitaire tout en piochant quelques idées tordues d'autres ouvrages comme La Chaise humaine.

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La première séquence avec le réveil du héros (Teruo Yoshida) dans un hôpital psychiatrique et son étrange obsession pour une île où il ne s'est jamais rendu donne le ton de l'approche d'Ishii. L'aspect purement policier et énigme insoluble à résoudre (à la Gaston Leroux, Conan Doyle ou Edgar Allan Poe modèles avoués d'Edogawa Ranpo) intéresse moins Ishii que la dimension purement grotesque et outrancière. Au départ cela ne semble que reposer sur une veine purement racoleuse où la caméra s'attarde longuement sur les corps nus des prisonnières de l'asile et saisir leur hystérie. De même la fusion des intrigues de L'île panorama et Le Démon de l'île solitaire convergent principalement sur l'idée commune (mais exploitée différemment) d'une île où un individu démiurge façonne un environnement déviant reflet de ses fantasmes. Tous les autres éléments (l'usurpation d'identité du héros) développés dans le détail de la trame policière d'Edogawa Ranpo sont ici présentés mais expédiés en esquivant toute volonté de réalisme. Là encore au pense que Teruo Ishii tisse une intrigue lâche pour privilégier les excès graphiques mais les à priori sont peu à peu déjoués. Cette narration flottante où des évènements extraordinaire (une résurrection improbable) sont acceptés sans férir participe ainsi par ces excès à la dimension rêvée puis cauchemardesque du récit que le réalisateur ponctue de moments d'humour absurde. Les filtres de la photo de Shigeru Akatsuka amorcent la bascule quand les comportements se font plus frénétiques (les avances que subit le héros infiltré) et les apparitions inquiétantes d'êtres monstrueux. Le suspense traditionnel (toutes les précautions du héros pour ne pas être démasqué) oscille ainsi avec ces écarts graphiques et/ou narratifs irrationnels pour nous imprégner de cette atmosphère inquiétante.

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Tout cela nous mène habilement vers un final extraordinaire sur l'île. Teruo Ishii exploite formellement la veine rococo onirique et inquiétante de L'île panorama (même si une vraie adaptation de celui-ci reste à faire pour illustrer toutes ses visions folles) - par son érotisme décadent, son usage du corps féminin comme véritablement instrument ornemental déviant notamment lors de la traversée en barque - et Le Démon de l'île solitaire pour tout l'aspect mutant, insensé et innommable des créations organiques du méchant. Les limites de certains effets spéciaux atténuent certaines vision du livre (les siamois qui suscitent moins de malaise) mais pour l'essentiel c'est un festival de déviances capturées crûment par le réalisateur où s'entremêle cannibalisme, inceste, chairs malmenées. Quand vient l'heure des révélations tout le brio d'Ishii se révèle puisque tous les aspects les plus putassiers se justifient dans un script où tout s'emboite dans la description d'un esprit dément. Une dimension psychédélique et hypnotique se mêle à ses excès avec visions infrarouges, éclairages baroques et cadrages déroutant, le tout servant pourtant une profonde souffrance qui n'a pu être surmontée que par une folie à enlaidir le monde. Le tortueux conflit familial même si différent de celui des romans est totalement dans l'esprit d'Edogawa Ranpo et Teruo Ishii fait parfaitement fonctionner le drame en dépit de quelques raccourcis narratifs. Le film se conclut ainsi sur un ultime excès, l'idée formelle autre se conjuguant au romanesque le plus tordu dans une traduction du final fou de L'île panorama, un feu d'artifice comme l'on en a rarement vu. 5/6

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bruce randylan
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Message par bruce randylan »

La danseuse d'Izu /Izu dancer (Heinosuke Gosho - 1933)

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Quelques années après avoir vu la version de 1967 de Katsumi Nishikawa, Je découvre la version de 1933, la première à adapter le classique de Yasunari Kawabata et souvent citée comme étant l'une des meilleures parmi la dizaine d'adaptations cinématographiques ou télévisuelles.
Elle m'a paru en effet supérieur à la version 1967 qui était un peu académique. Ici, le style de Gosho est beaucoup plus dynamiques avec un découpage très alerte et des cadrages variées qui mettent magnifiquement en valeur la campagne montagnarde et côtière de la région. C'est particulièrement éclatant durant le premier tiers où les extérieurs sont tous mieux exploités les uns que les autres.
L'histoire se ressert ensuite sur les personnages en se rapprochant davantage d'eux avec plus de séquences en intérieurs. Ce sont donc les comédiens qui passent en avant pour subtile interprétation à commencer par une Kinuyo Tanaka toute jeune. Cette partie souffre malheureusement de l'absence d'accompagnement musical puisqu'elle repose beaucoup sur des chansons ou des interprétations de la troupe itinérante. Ca manque ainsi un peu de vie, rapidement compenser par le dernier acte forcément lyrique et poignant pour des adieux filmés une vibrante délicatesse, teintée d’amertume sur la condition qui attend l'infortunée héroïne.

Avec une musique (ou mieux un benchi) et une copie moins fatiguée que celle qui se trouve facilement sur le net, ça aurait été encore mieux. Ca ne m'a pas empêché de beaucoup apprécié ce classique des années 30 et d'un cinéaste où tout reste encore à découvrir. Peut-être au second semestre...

Et voilà, ce que je disais de la version Nishikawa
Une des innombrables versions de cette histoire populaire japonaise (j'en connais au moins 3 autres - pas encore vus). On y suit un jeune étudiant timide qui voyage avec une troupe de comédiens itinérant dont il tombe amoureux de la plus jeune actrice. Mais la différence de rang social entre eux posent rapidement une barrière.

J'ai beaucoup aimé même si je reconnais que ça reste conventionnel et classique. il n'empêche que ça fait partie de ces chroniques humaines que j'affectionne tant. Une approche simple, sans péripéties forcées, sans effluves de mélodrame tout en étant parfois étonnement grave voire cruel (l'adolescente en phase terminale). Mais dans l'ensemble, le ton est chaleureux, plutôt léger jouant beaucoup sur la maladresse de ses 2 amoureux timides face au franc parler des adultes (comme lors de la partie de Go).
La conclusion avec le bateau s'éloignant est vraiment très belle et fait monter les larmes aux yeux sans trop de difficulté. Dans l'ensemble, le film bénéficie d'une facture visuelle très soignée avec des plans joliment soignées (cadre, photo, paysages...).

Je suis moins convaincu par la narration en flash-back avec une partie contemporaine en noir et blanc. Mais cela dit, le passage en couleur pour le flash-back est une idée fort poétique qui traduit bien la nostalgie et l'idéalisation d'un moment clé dans l'éveil sentimental du héros.

Curieux désormais de voir à quoi ressemblent les autres versions. Pour ce que j'ai zappé sur celle de Heinosuke Gosho (1933), ça a l'air très proche.
Dernière modification par bruce randylan le 12 janv. 18, 17:42, modifié 1 fois.
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Message par rodoliv »

Profondo Rosso a écrit :Horrors of Malformed Men de Teruo Ishii (1969)

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Après s'être évadé d'un hôpital psychiatrique, un homme prend l'identité d'un mort afin d'enquêter sur étrange cas de sosies. Il se retrouve sur une île où sévit un médecin qui transforme des hommes en monstres...

Teruo Ishii fut un des réalisateur qui sut le mieux prendre le pli du virage érotique des studios japonais, forcés de corser le contenu de leur film pour faire face à la concurrence de la télévision. Ainsi naît le pinku-eiga et Ishii s'épanouira dans l'un de ses sous-genres le ero guro (grotesque érotique) avec la série à succès des Joys of Torture traitant de la torture à l'ère Edo. Fort de ces réussites, Ishii peut ainsi proposer à la Toei le projet qu'il caresse depuis longtemps à savoir une adaptation d'Edogawa Ranpo, le maître du suspense de la littérature japonaise. Le scénario d'Ishii et Masahiro Kakefuda sera un curieux mélange des romans L'île panorama et Le Démon de l'île solitaire tout en piochant quelques idées tordues d'autres ouvrages comme La Chaise humaine.

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La première séquence avec le réveil du héros (Teruo Yoshida) dans un hôpital psychiatrique et son étrange obsession pour une île où il ne s'est jamais rendu donne le ton de l'approche d'Ishii. L'aspect purement policier et énigme insoluble à résoudre (à la Gaston Leroux, Conan Doyle ou Edgar Allan Poe modèles avoués d'Edogawa Ranpo) intéresse moins Ishii que la dimension purement grotesque et outrancière. Au départ cela ne semble que reposer sur une veine purement racoleuse où la caméra s'attarde longuement sur les corps nus des prisonnières de l'asile et saisir leur hystérie. De même la fusion des intrigues de L'île panorama et Le Démon de l'île solitaire convergent principalement sur l'idée commune (mais exploitée différemment) d'une île où un individu démiurge façonne un environnement déviant reflet de ses fantasmes. Tous les autres éléments (l'usurpation d'identité du héros) développés dans le détail de la trame policière d'Edogawa Ranpo sont ici présentés mais expédiés en esquivant toute volonté de réalisme. Là encore au pense que Teruo Ishii tisse une intrigue lâche pour privilégier les excès graphiques mais les à priori sont peu à peu déjoués. Cette narration flottante où des évènements extraordinaire (une résurrection improbable) sont acceptés sans férir participe ainsi par ces excès à la dimension rêvée puis cauchemardesque du récit que le réalisateur ponctue de moments d'humour absurde. Les filtres de la photo de Shigeru Akatsuka amorcent la bascule quand les comportements se font plus frénétiques (les avances que subit le héros infiltré) et les apparitions inquiétantes d'êtres monstrueux. Le suspense traditionnel (toutes les précautions du héros pour ne pas être démasqué) oscille ainsi avec ces écarts graphiques et/ou narratifs irrationnels pour nous imprégner de cette atmosphère inquiétante.

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Tout cela nous mène habilement vers un final extraordinaire sur l'île. Teruo Ishii exploite formellement la veine rococo onirique et inquiétante de L'île panorama (même si une vraie adaptation de celui-ci reste à faire pour illustrer toutes ses visions folles) - par son érotisme décadent, son usage du corps féminin comme véritablement instrument ornemental déviant notamment lors de la traversée en barque - et Le Démon de l'île solitaire pour tout l'aspect mutant, insensé et innommable des créations organiques du méchant. Les limites de certains effets spéciaux atténuent certaines vision du livre (les siamois qui suscitent moins de malaise) mais pour l'essentiel c'est un festival de déviances capturées crûment par le réalisateur où s'entremêle cannibalisme, inceste, chairs malmenées. Quand vient l'heure des révélations tout le brio d'Ishii se révèle puisque tous les aspects les plus putassiers se justifient dans un script où tout s'emboite dans la description d'un esprit dément. Une dimension psychédélique et hypnotique se mêle à ses excès avec visions infrarouges, éclairages baroques et cadrages déroutant, le tout servant pourtant une profonde souffrance qui n'a pu être surmontée que par une folie à enlaidir le monde. Le tortueux conflit familial même si différent de celui des romans est totalement dans l'esprit d'Edogawa Ranpo et Teruo Ishii fait parfaitement fonctionner le drame en dépit de quelques raccourcis narratifs. Le film se conclut ainsi sur un ultime excès, l'idée formelle autre se conjuguant au romanesque le plus tordu dans une traduction du final fou de L'île panorama, un feu d'artifice comme l'on en a rarement vu. 5/6

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Merci pour la chronique, c'est alléchant, un film en plus introuvable, quelle frustration
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Message par Profondo Rosso »

rodoliv a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Horrors of Malformed Men de Teruo Ishii (1969)

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Après s'être évadé d'un hôpital psychiatrique, un homme prend l'identité d'un mort afin d'enquêter sur étrange cas de sosies. Il se retrouve sur une île où sévit un médecin qui transforme des hommes en monstres...

Teruo Ishii fut un des réalisateur qui sut le mieux prendre le pli du virage érotique des studios japonais, forcés de corser le contenu de leur film pour faire face à la concurrence de la télévision. Ainsi naît le pinku-eiga et Ishii s'épanouira dans l'un de ses sous-genres le ero guro (grotesque érotique) avec la série à succès des Joys of Torture traitant de la torture à l'ère Edo. Fort de ces réussites, Ishii peut ainsi proposer à la Toei le projet qu'il caresse depuis longtemps à savoir une adaptation d'Edogawa Ranpo, le maître du suspense de la littérature japonaise. Le scénario d'Ishii et Masahiro Kakefuda sera un curieux mélange des romans L'île panorama et Le Démon de l'île solitaire tout en piochant quelques idées tordues d'autres ouvrages comme La Chaise humaine.

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La première séquence avec le réveil du héros (Teruo Yoshida) dans un hôpital psychiatrique et son étrange obsession pour une île où il ne s'est jamais rendu donne le ton de l'approche d'Ishii. L'aspect purement policier et énigme insoluble à résoudre (à la Gaston Leroux, Conan Doyle ou Edgar Allan Poe modèles avoués d'Edogawa Ranpo) intéresse moins Ishii que la dimension purement grotesque et outrancière. Au départ cela ne semble que reposer sur une veine purement racoleuse où la caméra s'attarde longuement sur les corps nus des prisonnières de l'asile et saisir leur hystérie. De même la fusion des intrigues de L'île panorama et Le Démon de l'île solitaire convergent principalement sur l'idée commune (mais exploitée différemment) d'une île où un individu démiurge façonne un environnement déviant reflet de ses fantasmes. Tous les autres éléments (l'usurpation d'identité du héros) développés dans le détail de la trame policière d'Edogawa Ranpo sont ici présentés mais expédiés en esquivant toute volonté de réalisme. Là encore au pense que Teruo Ishii tisse une intrigue lâche pour privilégier les excès graphiques mais les à priori sont peu à peu déjoués. Cette narration flottante où des évènements extraordinaire (une résurrection improbable) sont acceptés sans férir participe ainsi par ces excès à la dimension rêvée puis cauchemardesque du récit que le réalisateur ponctue de moments d'humour absurde. Les filtres de la photo de Shigeru Akatsuka amorcent la bascule quand les comportements se font plus frénétiques (les avances que subit le héros infiltré) et les apparitions inquiétantes d'êtres monstrueux. Le suspense traditionnel (toutes les précautions du héros pour ne pas être démasqué) oscille ainsi avec ces écarts graphiques et/ou narratifs irrationnels pour nous imprégner de cette atmosphère inquiétante.

Image

Tout cela nous mène habilement vers un final extraordinaire sur l'île. Teruo Ishii exploite formellement la veine rococo onirique et inquiétante de L'île panorama (même si une vraie adaptation de celui-ci reste à faire pour illustrer toutes ses visions folles) - par son érotisme décadent, son usage du corps féminin comme véritablement instrument ornemental déviant notamment lors de la traversée en barque - et Le Démon de l'île solitaire pour tout l'aspect mutant, insensé et innommable des créations organiques du méchant. Les limites de certains effets spéciaux atténuent certaines vision du livre (les siamois qui suscitent moins de malaise) mais pour l'essentiel c'est un festival de déviances capturées crûment par le réalisateur où s'entremêle cannibalisme, inceste, chairs malmenées. Quand vient l'heure des révélations tout le brio d'Ishii se révèle puisque tous les aspects les plus putassiers se justifient dans un script où tout s'emboite dans la description d'un esprit dément. Une dimension psychédélique et hypnotique se mêle à ses excès avec visions infrarouges, éclairages baroques et cadrages déroutant, le tout servant pourtant une profonde souffrance qui n'a pu être surmontée que par une folie à enlaidir le monde. Le tortueux conflit familial même si différent de celui des romans est totalement dans l'esprit d'Edogawa Ranpo et Teruo Ishii fait parfaitement fonctionner le drame en dépit de quelques raccourcis narratifs. Le film se conclut ainsi sur un ultime excès, l'idée formelle autre se conjuguant au romanesque le plus tordu dans une traduction du final fou de L'île panorama, un feu d'artifice comme l'on en a rarement vu. 5/6

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Merci pour la chronique, c'est alléchant, un film en plus introuvable, quelle frustration
J'ai eu la chance de le trouver pas trop cher sur priceminister à 20 euros. Sinon ça se trouve quand même un peu plus cher sur ebay mais c'est n'importe quoi sur les frais de livraison https://www.ebay.fr/sch/i.html?_from=R4 ... acat=11232
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Message par rodoliv »

Profondo Rosso a écrit :
rodoliv a écrit : Merci pour la chronique, c'est alléchant, un film en plus introuvable, quelle frustration
J'ai eu la chance de le trouver pas trop cher sur priceminister à 20 euros. Sinon ça se trouve quand même un peu plus cher sur ebay mais c'est n'importe quoi sur les frais de livraison https://www.ebay.fr/sch/i.html?_from=R4 ... acat=11232
merci, mais effectivement ça pique un peu au niveau prix de revient, j'attendrai une occasion "correcte"
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Message par bruce randylan »

Les fossettes de Tokyo (Shue Matsubayashi - 1952)

Alors qu'elle se rend à un entretien d'embauche, une jeune fille se fait voler son porte-monnaie et identifie son voisin comme le pick-pocket sans savoir que celui-ci est son futur patron.

Premier film pour Shue Matsubayashi (dont la MCJP avait diffusé en début de cycle L'homme-torpille qui signe une agréable petite comédie gentiment satirique.
On s'imagine facilement que l'histoire va tourner autour des relations tendues entre le patron et sa nouvelle secrétaire mais très rapidement l'histoire bascule en fait dans une direction innatendue où ce directeur ne supporte plus d'être en réalité une simple marionnette des exécutifs et vrais décisionnaires qui lui imposent un agenda très chargé avec inauguration/célébration/commémoration/hommage et des montagnes de papiers à signer. Il ne tardera ainsi pas à se mettre en grève sous l'impulsion de l'héroïne qui l'héberge quelques jours dans sa modeste famille.

Sans être la réalisation du siècle, loin de là, on peut reconnaître une certaine fluidité à Matsubayashi, des décors intérieurs bien mis en valeurs (le siège de l'entreprise déshumanisé et froid) et surtout une direction d'acteurs assez sobre évitant le cabotinage qui peut polluer les quelques autres comédies que j'ai pu voir de cette période. Certains figurants/seconds rôles peuvent en rajouter plus, mais c'est plutôt dans le bon ton, sans jamais s'écarter de leur personnage dont l'ensemble est joliment écrit et assez touchant comme la relation entre les parents de la secrétaire.
Mine de rien la satire est toujours d'actualité avec cette main mise de la bureaucratie, des actionner, de l'explosion des échelons inutiles et des réunionites aiguës qui parasitent la vie même de l'entreprise et son bon fonctionnement... Sans oublier la chanson matinale que doivent entonner les employés.
Ca donne un réel piquant à l'univers du film et étoffe un scénario assez bien construit d'ailleurs (comme la méprise au début qui conduit à un changement d'identité par la suite). Quelques idées du scénario sont en plus vraiment charmantes comme les parents essayant d'arranger un mariage, les différents portraits des directeurs, l'instrument de musique du patron ou le "sceau" du personnage féminin pour signer la lettre à la fin. On regrette même que certains seconds rôles ne soient pas plus présent (les frères et soeurs), ce qui prouve qu'on serait bien rester plus longtemps en leur compagnie.
Alors ce n'est pas la gaudriole ni les barres de rire, mais le plaisir est bel et bien présent, signé par un modeste artisan qui fait de son mieux.

A noter que Hideko Takamine joue un petit rôle en tant que policière et que le costume lui va à ravir :oops:
Dernière modification par bruce randylan le 19 janv. 18, 14:58, modifié 1 fois.
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Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :Les fossettes de Tokyo (Shue Matsubayashi - 1952)
...

A noter que Hideko Takamine joue un petit rôle en tant que policière et que le costume lui va à ravir :oops:
j'imagine ! Image
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Message par bruce randylan »

:fiou:
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à partir de 4.08 (je précise que je l'ai vu à la MCJP)
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Message par bruce randylan »

#Shintoho #MCJP :P

Hirate Miki (Kyotaro Namiki - 1950)
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Samurai prometteur, Hirate Miki, ne voit pourtant pas ses talents récompensés à leurs justes valeurs par le chef de son clan qui préfère promouvoir des fils de notables. Devenu aigri, il ne tarde à basculer dans la violence et l'alcoolisme.

Troisième découverte du cinéaste. La première, Les noces vampiriques, était un médiocre film fantastique ; la seconde, Police militaire et la beauté cadavérique, un basique mais correct film de fantôme à la Nakagawa et ce troisième s'impose comme un excellent chambara autrement plus abouti et singulier.

La narration tout d'abord est remarquable reposant sur de nombreuses ellipses qui compressent le temps avec intelligence. En moins de 10 minutes, on a déjà eu la présentation du héros, sa progression fulgurante dans son dojo et la succession de désillusions grandissantes qui commencent à l'affecter. C'est très percutant sans pour autant sacrifier sa psychologie.
Hirate Miki fait ainsi à peine 65 minutes et proposent de nombreux thèmes qui critiquent déjà l'univers des samurai, anticipant les œuvres contestataires des années 60 (ou en prolongeant les films muets de Daisuke Ito). Outre l'arrivisme, la corruption et les conflits d'intérêts, il y a un parallèle osé entre les samurai et les geisha, obligé de marchander leurs "corps". L’amertume est ainsi le sentiment prédominant avec son héros qui n'a plus goût à la vie, cherche à fuir cette capitale injuste, se détourne de ceux dans le besoin ou rechigne à protéger les plus faibles. Son évolution et son parcours tendent évidement vers une rédemption rendue compliquée par une maladie qu'on suppose mortelle, affaiblissant ses capacités.

Visiblement inspirée par ce personnage de Hirate Miki, très populaire au Japon (et figurant par exemple dans le premier Zatoichi), Kyotaro Namiki se surpasse et adapte sa réalisation à l'humeur et aux aspirations de son personnage, comme des sources de lumières de plus en plus présentes et pénétrantes dans la seconde partie, quand Hirate se refait une conscience. Il y a ainsi de jolis effets de lumières qui donnent une vraie atmosphère spirituelle à ce récit, et qui sont parfaitement intégrés au récit comme les bambous tranchés qui permettent de repousser les adversaires lors du final.
Dans l'ensemble, il y a une vraie rechercher de dynamisme par les choix de montages, la concision du scénario et aussi par une caméra souvent en mouvement avec de nombreux travelling astucieux qui n'ont rien de gratuit comme celui, très habile, où l'on passe de deux geisha discutant à Hirate,seul dans une pièce, et dont le dialogue résigné pourrait être la voix-off du héros masculin.
Pour finir, la composition des plans est elle aussi inspirée, surtout les plans de transitions de la seconde partie, qui font un peu penser aux plans de respirations d'Ozu. Le résultat est très proche en tout cas sur l'impact dans le public (décors vides, sentiments de temps suspendu, mélancolie...). Mais les scènes de combats ne sont pas en restes, davantage pour l'excellente atmosphère que l'énergie ou les chorégraphies.

Une modeste mais ambitieuse série B pleine de noblesse avec un héros pas forcément aimable (joué par So Yamamura) qui prouve une vraie intégrité dans son traitement et une solide maitrise technique, au service d'un récit prenant et même poignant.

Ca repasse le 10 mars.
Dernière modification par bruce randylan le 4 mai 18, 09:35, modifié 1 fois.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

#Shintoho #MCJP (dernière séance pour moi de cette cession hivernale)

La famille impériale, la guerre et la nation (Kiyoshi Komori - 1960)
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Du début de la guerre contre la Chine jusqu'à la fin des années, un rappel de l'histoire du Japon au travers de L'empereur.

Jamais deux sans trois !
Après, L'enfer d'Okinawa et Le mystère du cuirassé Mutsu, La La famille impériale, la guerre et la nation ne démérite et se hisse sans problème au même niveau de vacuité et de médiocrité que les deux titres précédents découverts de Komori.

Celui-là, j'ai voulu y croire 10-15 minutes avec une introduction mythologique qui raconte la "naissance" du Japon avec la légende du milan d'or qui se posa sur l'arc de l'Empereur Jammo et aveugla ses ennemis, lui assurant une victoire. Si le découpage est un peu dans les choux, les nombreux plans larges sur les flans d'une vallée verdoyante très encaissée avec des centaines de figurants flattent un peu la rétine. En revanche dès qu'on passe dans les gros plans en studios, on sent le vite-fait-mal-fait comme ce câble électrique qui traverse le fond du cadre... ou les trucages grossiers sur le vol du milan.
Une fois passée cette introduction, on passe sans trop de transition à l'époque contemporaine (en 1937) avec une réunion géo-politique entre ministres, militaires et l'Empereur qui est constamment hors-champ ou caché par un paravent. Les mouvements de caméra sont élégants avec des couleurs très dé-saturées plutôt originales. On se dit qu'on pourrait tenir un film passionnant sur les choix stratégiques du Japon, les tensions entre l'armée et l'exécutif, la vision de l'Empereur etc... Ca sera en fait seulement abordé, jamais mis en scène sans chercher à créer la moindre tension.
On aurait voulu faire un film à montrer à des élèves de collège, on ne s'y serait pas pris autrement. Une énumération de faits qui condense 12 ans en 95 minutes sous forme de docu-fiction avec alternance de nombreuses archives, quelques stock-shots de précédents films de guerres et des reconstitutions qui se déroulent dans 2-3 décors pour une réalisation qui répète inlassablement les mêmes plans.
Après, ca se laisse suivre puisque je suis loin de maitriser tous les détails de cette période. C'est surtout l'après-guerre qui mérite un coup d’œil pour quelques archives que je n'avais jamais vu : des manifestations violentes contre la misère et la famille et la "tournée" de l'Empereur qui parcourut le pays pour redresser le moral de ses sujets.
Le commentaire est assez surréaliste dans son idéalisation de l'Empereur et ses louanges chantés en large, en long et en travers. On devine un léger parti-pris du cinéaste. :mrgreen:
Et pour le mariage du fiston, on vire carrément dans le Gala.

Croisons les doigts qu'un autre Komori ne se trouve pas dans les quelques films qu'il restent à programmer d'ici fin juillet.
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Re: Topic naphtalinippon

Message par bruce randylan »

Un peu de muets pour changer avec quelques films incomplets :

Yaji and Kita : Yasuda's Rescue (Tomiyasu Ikeda - 1927) existe encore dans une version de 15 minutes (à priori le début).
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Contrairement à ce qu'on pourrait croire à la lecture du titre, Yaji et Kita ne sont pas les héros du film. Il s'agit en fait d'une référence à un roman extrêmement populaire dont le duo comique est devenu une sorte de définition globale du genre, comme on pourrait dire un "duo à la Laurel & Hardy". Ainsi, les distributeurs/producteurs n'avaient pas de scrupules à exploiter ce filon, sortant même des films américains avec Wallace Beery (qui ont inspiré l'esprit de ces films japonais) sous ce genre d'intitulé comme Yaji and Kirata : the baseball game (pour Casey at the bat). En gros, à l'époque les Pierre Richard - Depardieu seraient sorti sous le titre Yaji and Kita : la chèvre . :mrgreen:
Tout ça pour dire qu'il s'agit d'une comédie se déroulant lors de la restauration Meiji avec deux amis assez candides et malchanceux qui se retrouvent arrêter pour avoir chanter une comptine pour enfants dont les paroles peuvent être interpréter à double sens par les autorités. Sauver par un samurai lui-même bientôt capturé, les compères se décident à le libérer à leur tour.
Les 15 minutes restantes sont très riches en rebondissements et péripéties pour un rythme incroyablement soutenu rempli de facilités et d'ellipses, justement permises par l'humour et le second degré. Il y a des passages vraiment amusant comme l'arrestation du second larron et tout le passage avec l'échelle, assez bien réalisé d'ailleurs.
On trouve également plusieurs combats assez dynamiques et typiques de l'époque, avec de grosses mêlées plein de mouvements. Ça n'a pas la virtuosité bouillonnante de Daisuke Ito mais pour une comédie, c'est déjà bien nerveux.
Celà dit, il y a un autre point commun avec Daisuke Ito : la présence de son acteur fétiche Denjirô Ôkôchi qui est ici en contre-emploi et fait preuve d'un vrai talent pour la comédie. A priori, son acolyte et le personnage féminin (qu'on croise quelques secondes ici) étaient également deux autres grandes vedettes qui s'amusaient ici à prendre en contre-pied le genre de rôle qui les avaient rendu célèbres. J'avoue surtout avoir remarqué l'acteur qui joue le prisonnier libéré lors de la première tentative d'évasion et qui m'a beaucoup fait penser à Toshiro Mifune avec son look de fanfaron débraillé et hirsute. Il est excellent en bretteur à la force colossale s'évanouissant à la vue de simple lanterne de police. Et le combat final est assez original avec les deux bâtons qu'il a accroché au dos.
Du coup, le film s'arrête sur une sorte de cliffhanger palpitant et j'aurais vraiment voulu découvrir le reste du film. :cry:


Yaji and Kita : The Battle of Toba Fusumi (Tomiyasu Ikeda - 1928) est donc à son tour un film qui utilise le concept des deux amis maladroits plongés dans le tumultes d'une guerre et qui n'a donc aucun rapport avec le précédent film, si ce n'est le même cinéaste (qui a fait 95% de sa carrière dans les années 20-30 et dont je n'avais jamais entendu parlé). On ne retrouve malheureusement pas les comédiens de Yasuda's Rescue et les nouveaux venus se révèlent moins inspirés, reposant sur des effets slapstick faciles et basiques. Ca ne ressent sur la réalisation qui est moins précise, à part le début avec le convoi sur la route où la caméra est toujours en mouvement. Toutefois, l’élément survivant de 7 minutes est dans un état exécrable avec une vitesse de projection bien trop rapide.

Ces deux titres sont en bonus de l'excellent Jirokichi the rat (alias le Chevalier voleur) de Daisuke Ito, sorti chez Digital Meme et qui bénéficient d'accompagnement de Benshi.

Et sinon
Narikin (Kisaburo Kurihara - 1921) est une autre comédie influencée par les américains mais qui présentent beaucoup moins d'intérêt malgré son scénario qui se moque gentiment de l'obsession pour l'argent avec une histoire d'héritage qu'il faut aller chercher aux USA.
Difficile de se faire une idée tant la narration est malmenée à cause des trop nombreuses scènes manquantes ou incomplètes mais ce qui reste semble plutôt plat, peu inspirée (à part la photo) et trop porté sur le cabotinage. Kisaburo Kurihara avait commencé sa carrière aux USA comme acteur sous le nom de Thomas Kurihara, notamment pour Thomas H. Ince, avant de retourner au Japon pour devenir réalisateur. D'après les historiens, ce film avait clairement été conçu pour l'export, ce qui explique qu'une partie du film devait se dérouler aux Etats-Unis et que les intertitres sont en anglais. C'est aussi sans doute pour cela qu'une copie existe toujours.
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