Otto Preminger (1905-1986)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
Howard Hughes
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Profondo Rosso »

Femme ou maîtresse (1947)

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Daisy Kenyon, illustratrice de mode, est la maîtresse de Dan O'Mara, célèbre avocat, marié et père de deux enfants. N'ayant plus aucun espoir de l'épouser, Daisy considère leur amour comme révolu. Dan refuse de l'admettre. Elle rencontre, alors, Peter, un soldat dont la femme est morte cinq ans auparavant dans un accident. Lorsque ce dernier lui propose le mariage, Daisy accepte et perçoit, à travers cette décision, l'opportunité d'abréger sa relation avec Dan. Mais, l'avocat ne l'entend guère de cette oreille…

Femme ou maîtresse est un opus plus méconnu dans la fructueuse période des années 40 d'Otto Preminger à la Fox. On y retrouve cependant son talent pour les portraits féminins et l'observation des failles masculines, ce dernier point étant souvent incarné par Dana Andrews comme dans Laura (1944), Crime passionnel (1945) ou encore Mark Dixon, détective (1950). Contrairement à ces derniers, Femme ou maîtresse n'est pas un film noir mais une étude de mœurs autour d'un triangle amoureux. Daisy Kenyon (Joan Crawford) est une jeune femme déchirée entre deux hommes que tout oppose. D'un côté il y a Dan (Dana Andrews) riche avocat déjà marié et père de famille, qui malgré son amour pour Daisy ne voit en elle qu'une étape de plus dans son planning lourdement chargé. Daisy ne fait que courir après les miettes de temps que peut lui accorder lui accorder cet homme arrogant et sûr de son attrait. De l'autre côté nous trouvons Peter (Henry Fonda) vétéran de guerre meurtri à la fois par son expérience du front et la perte de sa femme. A l'inverse c'est un homme vulnérable poursuivant désespérément Daisy de son amour, persuadé qu'elle saura combler ses maux.

Le personnage de Daisy est lui-même fort indécis face à ses désirs, à la fois femme libre et indépendante mais également amoureuse éperdue soumise à ses sentiments et aux diktats d'une société machiste (les questions tendancieuse lors de la scène de procès seront d'ailleurs cruellement inquisitrices comme pour la punir et juger de cette liberté). Cette idées de faillite masculine intervient tout d'abord dans les archétypes d'un côté supposés héroïque et bienveillant pour Henry Fonda et de l'autre celui du self made man impitoyable pour Dana Andrews. Preminger les déconstruits en tant qu'amants et époux. La toute-puissance masculine que déploie Dan suffit à calmer les doutes de Daisy par son pouvoir séducteur, mais démontre un certain égoïsme et lâcheté dans son vrai foyer puis une vraie brutalité quand les choses lui échapperont. C'est l'inverse avec Peter réclamant tant d'attention mais incapable de se faire violence quand il faudra à son tour réellement se battre pour garder sa dulcinée. Le traitement formel de Preminger s'avère étonnamment dans la continuité de ces films noirs avec de Leon Shamroy tout en clair-obscur pour saisir les hésitations des personnages, et surtout les effets agressifs illustrant leur détresse psychologique (le téléphone qui ne cesse de sonner et tourmenter Daisy lors du final). Un traitement assez captivant où le happy-end ne semble là que pour là que pour la convention tant la nature torturée des personnages semble sans issue. 4,5/6
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shubby
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Message par shubby »

Jeremy Fox a écrit : 19 juin 03, 14:02
Sinon, le style de ce 'dictateur' (il était d'une exigence rare sur ses tournages) est effectivement d'une grande élégance et même pour les films de ces débuts auxquels je n'accroche pas à 100% comme Laura, Crime passionnel ou Mark Dixon, sa mise en scène me plait par contre beaucoup.
Gustave a écrit : 2 sept. 14, 07:45
- Laura : Ce qui fait la spécificité, la grandeur de ce film noir, c'est cette pulsion morbide et cette tension sexuelle qui sidèrent pour l'époque.
Thaddeus a écrit : 4 oct. 15, 17:54
Laura
Le récit entier se bâtit autour de la présence/absence d’un être fantomatique, la Laura du titre, Gene Tierney dans l’un des ses plus beaux rôles, irréelle et enivrante. Elle disparait, et la fiction s’emploie à recomposer les fragments de sa légende, construite en spirale, en adoptant un style nimbé de mystère qui oscille entre observation clinique et suavité fantasmatique : travail systématique à la grue, chorégraphie de la caméra organisant un rapport mouvant entre personnages et décors, mise en scène d’une distance soigneusement contrôlée. D’où la singularité de ce film-principe, qui fond le thriller, la satire sociale et le drame romantique en un poème envoûtant sur le temps révolu et le discours amoureux. Au panthéon des classiques, il est l’une des œuvres phares du cinéma noir dont il incarne l’avatar onirique. 5/6
Top 10 Année 1944
Je vais rester humble : Laura est mon premier Preminger. Mon Premienger, quoi.
C'est la classe. Scénique, carré càd très anguleux - du 4/3 qui ne déborde pas du cadre, les acteurs se parlent à bout portant - un poil froid mais ça participe de la mécanique littéralement horlogère du film. La trame fait désormais figure de précurseur à un Gone Girl de Fincher, c'est à la fois un compliment et l'aveu des limites du film à tiroirs. Je découvre Vincent Price jeune, ça choque un peu son homme. La résolution a encore de la gueule, le film mérite son statut de référence du polar noir. Gene Tierney n'est pas aussi belle que ds Mme Muir je trouve, mais ça va qd même, eh.
Double dvd Cinemareference de la fox assez génial. J'adore le fascicule qui va bien présenté à la verticale tel le carnet de note du détective (emprunt médiathèque).
MAJ : à j+1 ça marche bien. Faible durée du genre - moins de 90mn - et gros pavé Film noir 100 all-time Favorites à portée, je vais de ce pas m'en farcir qq uns.
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