Le Western américain : Parcours chronologique I 1930-1949

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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DaveDevil666
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par DaveDevil666 »

En juillet dernier, j'étais aux USA (NY + l'Ouest, le vrai) :
après l'Arizona et Monument Valley, bien sûr :D , j'ai passé quelques jours à L.A.

Lors de ma visite au Hollywood Heritage Museum http://www.hollywoodheritage.org/ (grand moment d'émotion, cet endroit, une grange à l'origine, étant la genèse d'Hollywood, on peut y voir notamment le bureau de Cecil B. DeMille Image), j'ai appris une anecdote intéressante :

Les pionniers Jesse L. Lasky, Samuel Goldwyn, etc. décidèrent de produire ce qui sera le premier film d'Hollywood.
"The Squaw Man", soit un western, sera réalisé par Cecil B. DeMille


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Le tournage débuta à Flagstaff en Arizona Image.
Le problème, c'est qu'à Flagstaff, je sais j'y étais quelques jours avant L.A., il se met soudainement à pleuvoir des cordes et c'est "brutal".
On peut donc imaginer facilement les difficultés liées à un tournage en extérieur. C'est là que ces fameux pionniers entendirent parler d'un endroit (et un climat) plus accueillant en Californie... Vous connaissez la suite.
Hollywood a donc pour origine un problème de temps.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par DaveDevil666 »

Ah oui, j'oubliais : félicitations à Jeremy Fox pour ce topic franchement impressionnant. :shock:
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Merci ainsi que pour ton anecdote qui aurait mérité de remonter en tout début de topic ; en quelque sorte, c'est un western qui est à l'origine de la légende hollywoodienne :wink:
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Jeremy Fox
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Station West

Message par Jeremy Fox »

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La Cité de la Peur (Station West, 1948) de Sidney Lanfield
RKO



Sortie USA : 01 septembre 1948

Après Red River, nous revenons à une petite série B sans prétention mais extrêmement agréable.


Un chariot chargé d’or est retrouvé pillé, deux convoyeurs de la cavalerie américaine tués. Dans la contrée, plus personne y compris la ‘Wells Fargo’, ne souhaite s’occuper des transferts d’or à cause des innombrables vols et meurtres commis par un gang qui opère avec efficacité et discrétion. Dans le même temps, arrive dans cette petite ville du Far West, John Haven (Dick Powell), qui, par son impertinence et son sans-gêne, semble délibérément chercher les ennuis. Il s’agit en fait d’un officier de l’armée américaine envoyé incognito en mission pour tâcher de découvrir les meurtriers des convoyeurs. Il tombe amoureux de la femme qui paraît tenir la ville sous sa coupe, la belle Charlie (Jane Greer). Il se fait embaucher par Mrs Carlson (Agnes Moorehead), la propriétaire de la mine d’or de la région, afin d’effectuer lui-même les convois et se trouver ainsi directement en contact avec ceux dont il souhaite mettre fin aux agissements…

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Musicien de jazz à ses débuts, le réalisateur Sidney Lanfield a commencé comme gagman à la Fox en 1926 et s’est lancé dans la mise en scène en 1930. On ne peut pas dire qu’il ait laissé grand chose dans l’histoire du cinéma car seuls deux de ses films sont plus ou moins connus en France : L’amour vient en dansant (1942), une comédie musicale avec Fred Astaire et Rita Hayworth et surtout Le chien des Baskerville (1939), le premier film de la série des Sherlock Holmes, avec dans le rôle du célèbre détective, son plus illustre interprète, Basil Rathbone. Le cadre de Station West a beau être "westernien", l’intrigue ressemble plus à celle d’un film noir : il pourrait d'ailleurs s’agir d’une aventure de Philip Marlowe au Far West. Les éléments qui rendent ce film de série très agréable sont donc avant tout, une idée de départ ingénieuse (les enquêtes ayant pour cadre le Far West étant encore excessivement rares ; nous n'avions vue jusqu'à présent que Tall in a Saddle avec John Wayne et Fury at Furnnace Creek avec Victor Mature) mais surtout des dialogues constamment jouissifs et percutants, impertinents et tranchants à la manière justement de Raymond Chandler ou de l’une des adaptations cinématographiques de ses romans comme Le grand sommeil de Howard Hawks ou Adieu ma belle dans lequel, 3 ans plus tôt, Dick Powell tenait le rôle du fameux détective. L’acteur s’est très certainement inspiré de Marlowe pour jouer ce lieutenant des Services Secrets de l’armée, représentant du gouvernement, se faisant passer pour un civil afin de démasquer un gang de voleurs et de tueurs.

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Outre un Dick Powell, futur réalisateur de films comme Torpilles sous l’Atlantique, assez à l’aise dans son unique western, le reste de la distribution est également assez bien choisi. La belle Jane Greer, surtout connue pour avoir joué dans La griffe du passé (1947) de Jacques Tourneur et pour avoir été plus tard Antoinette Mauban dans la fameuse version du Prisonnier de Zenda (1952) de Richard Thorpe, tient ici le rôle de la femme fatale dont tombe amoureux l’agent secret. Cette femme, au premier abord douce et tendre, est en fait une séductrice et une manipulatrice qui tient la ville et ses habitants sous son emprise : Burl Ives dira d’elle "Charlie possède la ville, fossoyeur et shérif inclus. Elle possède tout sauf la classe de catéchisme. Elle possède même une partie de moi et il vous arrivera la même chose si vous restez en ville." Agnes Moorehead, actrice dans les deux célébrissimes premiers films d’Orson Welles, interprète la riche propriétaire de la mine, personnage assez romantique, qui va épouser l’officier supérieur du corps d’armée basée dans la région ; c’est d’ailleurs grâce à l’amour du vieux militaire (Tom Powers) pour cette honnête femme que l’armée décide de s’occuper de "l’affaire". On ne peut pourtant pas parler d’une "faible femme" puisqu’elle n’hésite pas à se servir d’un revolver quand il le faut. Raymond Burr, que l’on verra plus souvent à la télévision qu’au cinéma, mais dont tout le monde se rappelle sa composition du "méchant" dans Fenêtre sur cour de Hitchcock, joue ici "un avocat sans plaidoiries", rempli de dettes de jeu et n’assumant pas son rôle par couardise et corruption, tenant plus à sa peau qu’à la justice : "Si vous croyez me faire peur, vous avez tout à fait raison : je ne suis ni un héros, ni un idiot" dira t’il au détective, ce dernier le tenant en joue avec un revolver.


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Enfin, le personnage le plus original est tenu par l’imposant Burl Ives, inoubliable patriarche des Grands espaces (1958) de William Wyler et de La chatte sur un toit brûlant (1958) de Richard Brooks. Avant ça, il se retrovait donc ici dans la peau d’un tenancier d’hôtel, espèce de "narrateur ménestrel", la guitare toujours à portée de main et donnant des conseils au héros en chanson. Dick Powell, lui demandant ce qu’il sait faire à part tenir l’hôtel, il répond "Certains me disent poète, d’autres, idiot du village. Qui suis-je pour les contredire ?" Il s’agit en quelque sorte d’un démiurge qui sait tout et sur tout le monde, source d’informations inaltérable et celui qui relance l’action au moment ou notre héros se retrouve un peu perdu. Un allié pour Haven ayant l'air de connaître à l’avance toute l’intrigue du film et s'avérant drôlement machiste, le dernier couplet de sa chanson concluant le film résonnant de ses paroles : "…Et un homme ne peut pas vieillir tranquille entouré de femmes et d’or".

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Si la mise en scène de Lanfield se révèle assez fade et somme toute banale, elle est entièrement au service de l’excellent scénario co-écrit par Winston Miller (My Darling Clementine) et Frank Fenton, ce dernier prouvant par la suite que cette petite réussite dans le genre ne sera pas restée unique. Mais comme nous le disions ci-dessus, ce sont surtout des dialogues finement ciselés qui ont permis à ce film de ne pas sombrer corps et biens dans l'anonymat et l'oubli. Un véritable feu d’artifices de répliques qui font mouche et qui tiennent en haleine le spectateur, ce dernier n’attendant qu’une seule chose, que le sarcastique Dick Powell ouvre la bouche pour savoir si sa réplique suivante sera aussi cinglante que la précédente ; en effet, c’est l’acteur principal qui bénéficie de presque tous ces "mots d’auteur". En voici quelques exemples pour le fun! Une fille de bar lui demandant s’il ne trouve pas triste de boire seul, il lui rétorque "Non, pas quand on boit beaucoup". Tenu en respect par un homme voulant vraisemblablement le corriger, il lui dit sèchement : "Tu me tabasses ou tu restes planté là ? " Se faisant embaucher par Jane Greer, celle ci lui demandant s’il est prêt à tout, il lui réplique "A tout sauf à la potence"…

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D’autres détails assez incongrus comme le pianiste n’arrêtant pas de jouer car non dérangé par la musique à cause de sa surdité, une scène de bagarre très efficace et sacrément vigoureuses à l'aide d'une caméra tenue quelquefois sur l’épaule, un très beau panoramique ouvrant le film et nous plongeant immédiatement dans l’intrigue, un ensemble de "petites choses" qui finissent de nous rendre éminemment sympathique ce film qui ne pourra pourtant être pleinement apprécié que par les inconditionnels des films de série de l’époque. Une oeuvre assez sympahique qui se regardera avec une délectation certaine par les amateurs de westerns.
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Chip »

Dans " Ladies of the western" de Michael G. Fitzgerald et Boyd Magers (éditions Mc Farland) Jane Greer n'est pas tendre avec le réalisateur Sidney Lanfield qu' elle qualifie de son of a bitch , il voulait Marlene Dietrich et lui a signifié, Greer déclare qu'il a été affreux avec elle comme avec toutes les femmes en général, particulièrement odieux avec Agnes Mooorehead.Il était fou dira Greer....
Le film fut tourné à Sedona (AZ)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

Voilà un bien sympathique texte sur La cité de la peur. Je l'avais vu voilà des années... achat DVD à nouveau prévu donc ! Et puis, Dick Powell est un bon acteur. :)
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Jeremy Fox »

Julien Léonard a écrit :Voilà un bien sympathique texte sur La cité de la peur. Je l'avais vu voilà des années... achat DVD à nouveau prévu donc ! Et puis, Dick Powell est un bon acteur. :)

Le DVD est vraiment mauvais par contre.

Sidney Lanfield, un "dictateur" ? Je ne le savais pas. On le pardonne facilement aux génies, un peu moins aux réalisateurs de seconde zone.
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Rachel and the Stranger

Message par Jeremy Fox »

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Rachel et l’étranger (Rachel and the Stranger, 1948) de Norman Foster
RKO


Sortie USA : 20 septembre 1948


Après L’Ange et le Mauvais Garçon de James Edward Grant et Four Faces West de Alfred E. Green, c’est avec Rachel and the Stranger la troisième fois en à peine deux ans que le western tente d’éradiquer la violence de ses intrigues. Ce sont trois westerns que l’on pourrait qualifier de ‘familiaux’, se focalisant plus sur les romances et histoires d’amitié que sur toute autre chose, les scènes d’action étant quasiment inexistantes. Sans atteindre loin de là des sommets, ce sont trois westerns assez inhabituels pour l’époque, tous trois très agréables à suivre notamment grâce à leur interprétation. Après John Wayne et Gail Russell, Joel McCrea et Frances Dee, nous avons affaire ici à un trio composé de William Holden et Robert Mitchum, tous deux tournants autour de Loretta Young qui avait déjà été trois ans plus tôt l’héroïne de Along Came Jones aux côtés de Gary Cooper. Moins touchant que L’Ange et le Mauvais Garçon, moins ‘radical’ que le curieux Four Faces West qui ne dérogeait jamais à son idée de départ (aucun coups de feu, aucune méchanceté), Rachel and The Stranger n’en est pas moins un assez joli film qui pourra plaire même à ceux qui ne supportent pas le genre car, hormis le décorum et une attaque indienne vers le final, le reste du canevas aurait très bien pu se dérouler à une autre époque et en un autre lieu.

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Dans les paysages sauvages de l’Ohio à l’époque des pionniers, David Harvey (William Holden) vient de perdre sa femme et se retrouve seul avec son fils (Gary Gray). Son épouse défunte ayant toujours souhaité que son garçon ait une bonne éducation bien que leurs conditions de vie aient été difficiles, David décide d’aller chercher une nouvelle épouse en ville malgré les protestations de son rejeton qui ne désire pas de remplaçante pour sa mère. Pour respecter les traditions, on le marie à Rachel (Loretta Young), servante qu’il rachète pour l’emmener dans ses montagnes. La vie reprend donc son cours mais les deux "hommes" se montrent froids et distants envers Rachel, la traitant plus en esclave et femme d’intérieur qu’en épouse et mère. Il faudra l’arrivée de Jim (Robert Mitchum), un trappeur et le meilleur ami de David, et son incrustation dans la famille suite à son béguin pour Rachel qu’il traite comme une reine, pour éveiller en David des sentiments insoupçonnés : la jalousie, le respect et l’amour. Rachel devient donc le déclencheur d’une prise de conscience au sujet du véritable rôle de la femme au sein de la famille mais aussi un “objet” de rivalité entre les deux amis qui étaient déjà auparavant entrés en “compétition amoureuse” pour la défunte…

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A travers ce bref aperçu de l’intrigue, on devine que le "blacklisté" Waldo Salt a écrit (sans être crédité, liste noire obligeait) un joli scénario, légèrement ambigu (grâce au personnage de Robert Mitchum), sensible, féministe et progressiste, s’attaquant à toutes formes de préjugés (notamment le machisme, Loretta Young fustigeant à un moment donné la virilité avec virulence) et plutôt atypique à l’intérieur du genre (certains n'y verront d'ailleurs sans doute pas un western). Dans une veine identique à celle qu’avait tracé L’Ange et le Mauvais Garcon l’année précédente, un western pudique (superbe première séquence au cours de laquelle on apprend la mort de la première épouse), tendre et apaisé avec un arrière fond de chronique paysanne américaine comme avait pu l’être le magnifique Jody et le Faon (The Yearling) mais qui n’arrive malheureusement pas à concrétiser toutes ses promesses par la seule faute d’une mise en scène sans éclat de Norman Foster et l’ajout pour le final d’une scène d’action malvenue et techniquement sans relief, très certainement amenée là pour satisfaire les amateurs d’émotions fortes qui devaient jusqu’alors se sentir lésés. Très dommage d’autant que le dernier quart d’heure se trouve franchement gâché par cette intrusion de la violence qui n’avait pas lieu d’être et qui se révèle de plus être très banale et sans véritable puissance dramatique.

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Mais en oubliant ce final sans intérêt, une bien jolie histoire mettant en scène dans de beaux décors naturels (le fort que l’on atteint en traversant le fleuve à l’aide d’un bac, la cabane pas loin de la rivière…) trois personnages très bien croqués, interprétés avec énormément de conviction par William Holden, Loretta Young et un Robert Mitchum charismatique qui en profite pour nous faire découvrir un autre de ses grands talents, celui de chanteur. C’est avec ce film une première ; pour l’occasion, il interpréte ici pas moins de six très courtes chansons non plaquées mais au contraire parfaitement intégrées à l’intrigue dont la superbe « Foolish Pride ». C’est aussi la première fois qu’il tient son rôle ‘d’ambigu nonchalant’ pour lequel on l’appréciera tant tout au long de sa fabuleuse carrière. Alors qu’il était on ne peut plus sérieux dans Pursued(La Vallée de la Peur) de Raoul Walsh, ici, en habit de ‘pasteur’, avec son flegme légendaire et sa voix traînante, il préfigure également un peu son personnage de La Nuit du Chasseur et il n’est d’ailleurs pas impossible que Charles Laughton se soit inspiré d’un plan de ce film lorsqu’on voit en contre plongée arriver le grand Bob à cheval en chantant. Il se trouve aussi un quatrième important protagoniste, un jeune garçon plutôt bien campé par l’espiègle Gary Gray. Ce quatuor nous octroiera 80 minutes durant, charme, cocasserie et tendresse avec néanmoins quelques séquences équivoques lorsque Jim tente de séduire Rachel.

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Car le cœur de l’intrigue est constitué par ce triangle amoureux pour le moins amusant. Le brave David (William Holden) est un homme de principes assez rigide ; il découvre qu’il existe de l’amour entre lui et la femme qu’il a été obligé d’épouser (pour les convenances) suite à la jalousie qu’il éprouve dès l’arrivée de Jim (Robert Mitchum), son meilleur ami, qui vient passer quelques jours en leur compagnie. En effet ce dernier avait déjà essayé de lui prendre sa première femme défunte et il tente de recommencer avec Rachel. Bien plus civilisé que David, parfaitement éduqué, d’une galanterie incongrue dans la région, Jim plait immédiatement à Rachel. Alors que David se comportait comme un rustre envers Rachel, on le voit maintenant changer de comportement du tout au tout mais avec une maladresse assez touchante, se mettre à avoir des intentions, lui mettre la main sur l’épaule, la remercier… Une espèce de combat de coqs s’engage, qui finit par se transformer en un véritable pugilat mais cette rivalité est vue avec beaucoup d’humour et de légèreté. On comprend d’autant moins ce que vient faire l’attaque des Shawnees par là-dessus mais nous en avions déjà parlé. Bref, malgré la fadeur de la réalisation et un final bâclé, une assez belle réussite qui fut non moins que la plus grosse recette de la RKO en cette année 1948 !! Loin d'être inoubliable mais d'une fraîcheur pas déplaisante !
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Federico »

DaveDevil666 a écrit :En juillet dernier, j'étais aux USA (NY + l'Ouest, le vrai) :
après l'Arizona et Monument Valley, bien sûr :D , j'ai passé quelques jours à L.A.

Lors de ma visite au Hollywood Heritage Museum http://www.hollywoodheritage.org/ (grand moment d'émotion, cet endroit, une grange à l'origine, étant la genèse d'Hollywood, on peut y voir notamment le bureau de Cecil B. DeMille, j'ai appris une anecdote intéressante :

Les pionniers Jesse L. Lasky, Samuel Goldwyn, etc. décidèrent de produire ce qui sera le premier film d'Hollywood.
"The Squaw Man", soit un western, sera réalisé par Cecil B. DeMille

Le tournage débuta à Flagstaff en Arizona.
Le problème, c'est qu'à Flagstaff, je sais j'y étais quelques jours avant L.A., il se met soudainement à pleuvoir des cordes et c'est "brutal".
On peut donc imaginer facilement les difficultés liées à un tournage en extérieur. C'est là que ces fameux pionniers entendirent parler d'un endroit (et un climat) plus accueillant en Californie... Vous connaissez la suite.
Hollywood a donc pour origine un problème de temps.
L'histoire est belle mais si The Squaw Man est considéré comme le 1er long-métrage hollywoodien, la banlieue de Los Angeles avait déjà attiré depuis quelques années Griffith et d'autres pour leurs courts-métrages. Il fallait une région à long ensoleillement à une époque où la pellicule était peu sensible et les techniques d'éclairage sommaires. Les premiers studios étaient à ciel ouvert ou vitrés. Mais bien sûr, cette localisation explique pourquoi le western devint LE genre cinématographique américain par excellence.
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Re: Rachel and the Stranger

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Rachel et l’étranger (Rachel and the Stranger, 1948) de Norman Foster
Bravo M. Fox, une fois de plus une excellente critique pour ce film très calme, très chantant (d'ailleurs Robert Mitchum a un beau brin de voix), avec des pointes de comédie (pauvre David qui essaye de mettre son joli costume pour impressionner Madame :uhuh: ) et un final comme tu le dis vraiment :? Les 3 protagonistes ont fait bien mieux ailleurs (heureusement d'ailleurs) mais ça se laisse regarder sans déplaisir.
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Re: Rachel and the Stranger

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :d'ailleurs Robert Mitchum a un beau brin de voix.
Je l'adore en tant que chanteur ; un style de voix assez unique aussi flegmatique que son jeu d'acteur.
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Re: Rachel and the Stranger

Message par Federico »

Jeremy Fox a écrit :
feb a écrit :d'ailleurs Robert Mitchum a un beau brin de voix.
Je l'adore en tant que chanteur ; un style de voix assez unique aussi flegmatique que son jeu d'acteur.
C'était pas Dean Martin mais on sent qu'il avait de la bouteille... :wink:

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Re: Rachel and the Stranger

Message par L'étranger... »

Jeremy Fox a écrit :
feb a écrit :d'ailleurs Robert Mitchum a un beau brin de voix.
Je l'adore en tant que chanteur ; un style de voix assez unique aussi flegmatique que son jeu d'acteur.
J'adore aussi, je dirais même qu'il avait même une sacrée belle voix, c'était un grand crooner.
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Blood on the Moon

Message par Jeremy Fox »

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Ciel Rouge (Blood on the Moon, 1948) de Robert Wise
RKO


Sortie USA : 09 novembre 1948


Les amateurs de western qui ces derniers temps étaient tombés sous le charme du jeune Robert Mitchum en ont eu pour leur argent en cette fin d'année 1948 ; quelques semaines après Rachel and The Stranger, sortait dans les salles de cinéma un autre western RKO dans lequel il tenait à nouveau la tête d'affiche. Nonchalant dans le précédent, il retrouvait dans Ciel Rouge un personnage plus sérieux et plus noir, un peu de la trempe de celui de La Vallée de la peur (Pursued) de Raoul Walsh. Blood on the Moon est aussi pour nous l'occasion de voir apparaître un nouveau futur grand réalisateur s'essayer au western, le célèbre Robert Wise qui, soit dit de suite en passant, ne laissera pas de grandes traces dans le genre.

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En route vers le Texas, Jim Garry (Robert Mitchum), s’apprêtant à passer la nuit à la belle étoile, manque de se faire piétiner par un troupeau de vaches apeurées. L’homme qui récupère les bêtes, un cow-boy de l'éleveur John Lufton (Tom Tully), l’emmène au campement de son patron pour le dédommager des pertes qu’il vient de subir. Lufton lui explique qu’il est en lutte contre les fermiers de la région qui ne veulent pas que son bétail vienne empiéter sur leurs nouvelles terres. Ces derniers empêchent le cheptel de traverser la rivière ; le troupeau est ainsi dans l’impossibilité de sortir de la réserve indienne où il risque d’être confisqué par l’armée s’il n’est pas évacué rapidement. Sans pour autant être convaincu de la neutralité de Jim dans ce conflit, Lufton le laisse partir. En fait, Jim loue ses services à son vieil ami Tate Rilling (Robert Preston) et à l’agent aux Affaires Indiennes, Pindalest (Frank Faylen), qui ont combiné un plan astucieux pour s'approprier les bêtes de Lufton à vil prix sous couvert de respectabilité, donnant comme excuse l‘aide aux fermiers « qui risquent sans eux d’être spoliés ». Rilling est aidé dans ses agissements par la propre fille aînée de Lufton, Carol (Phyllis Thaxter), qui est amoureuse de lui et ne se doute pas du but poursuivi par son amant. Révolté par les méthodes expéditives de Rilling, Jim finit par rejoindre les rangs des défenseurs de Lufton au sein desquels la plus active participante est la propre fille cadette de John, Amy (Barbara Bel Geddes). Rilling va alors tenter de faire tuer son ex-ami...

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Chef monteur d’Orson Welles pour Citizen Kane et La Splendeur des Amberson, Robert Wise devient metteur en scène en 1944. C’est Val Lewton qui lui met le pied à l’étrier en lui proposant de remplacer Günther Von Fritsch sur La Malédiction des hommes-chats. Il tourne ensuite pendant quatre ans quelques films à budgets réduits. Auparavant à la MGM où il fut producteur exécutif, Dore Schary vient d'être engagé à la RKO comme vice-président. Il défend une politique d'aide aux jeunes réalisateurs. Robert Wise, associé à Theron Warth (comme lui ancien monteur) décident de proposer aux dirigeants de la RKO, un scénario de western acheté par le studio et demeuré enfoui dans les tiroirs. Grâce à la confiance qu’accorde Dore Schary à Wise, le projet de ce dernier prend forme et, après six films, le cinéaste se voit offrir la possibilité de réaliser deux œuvres plus ambitieuses avec des moyens beaucoup plus conséquents (qui restent quand même assez faibles si on les compare avec les budgets alloués aux autres "majors") : Ciel rouge et Nous avons gagné ce soir (The Set-up). Après cet immense chef-d’œuvre, Wise quittera la RKO pour rejoindre la 20th Century Fox.

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Pour Blood on the Moon, Wise et Theron souhaitent obtenir l’accord d’une certaine star. Celle-ci accepte à condition que ce soit son metteur en scène attitré qui officie. Dore Schary oppose alors son veto : « C'est Wise qui a travaillé sur le script et c'est Wise qui va tourner le film. Si la vedette pressentie se refuse à tourner avec lui, nous en trouverons une autre moins difficile. » Et c’est ainsi que Robert Mitchum obtient le rôle de Jim Garry. Robert Wise aborde le western pour la première fois. Il ne le jugera pas réussi et avouera même avoir toujours détesté le genre. Ciel rouge possède une assez solide réputation en France par le fait que Wise tente de faire éclater le schéma traditionnel du genre en lui ajoutant certains éléments constitutifs du Film noir. Ce n'était pourtant pas le premier à le faire (même s'il n'y en eut pas non plus des tonnes et qu'aucun n'a logiquement marqué les esprits) mais probablement l'un des premiers à avoir été diffusé dans notre pays. Et pourtant ce n’est pas une totale réussite : le résultat est certes intéressant mais un peu bâtard. Ce "western d’atmosphère", effectivement plus proche visuellement du Film noir que du western, se trouve quelque peu engoncé aux entournures et le cinéaste pris au piège par sa trop grande volonté à vouloir se démarquer. A trop vouloir s’arrêter sur des recherches purement formelles et stylistiques, Wise en oublie d’insuffler du rythme à son œuvre. Faute à un manque de dynamique interne, Ciel rouge, à plusieurs reprises, nous paraît un peu statique, parfois sur le point de nous ennuyer.

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Mais grâce au métier de Robert Wise et de son équipe, Blood on the Moon, même s’il donne l’impression de manquer légèrement de conviction, nous maintient pourtant éveillé de bout en bout. Le cinéaste sait assurément construire un plan (nombreux sont ceux devant lesquels on reste pétrifié d'admiration), placer ses personnages là où il faut et son expérience du montage est toujours visible à l’écran. Il ne faudrait pas passer sous silence l’aide considérable qu’il eut du talentueux chef opérateur Nicholas Musuraca : les intérieurs en semi-obscurité, les scènes de pluie, de neige, la superbe utilisation de la profondeur de champs et le célèbre pugilat étonnamment violent et réaliste dans une cabane plongée dans la pénombre lui doivent énormément ; arrivé là, il s'agit probablement du plus beau noir et blanc que nous ayons pu voir dans un western. En revanche, Robert Wise ne semble pas très concerné par les scènes d’action, préférant utiliser de vilains stock-shots plutôt que de sortir du studio dans lequel il se sent bien plus à l’aise (voir le final dans une forêt entièrement reconstituée). Le "duel" en pleine rue est néanmoins superbement filmé et les vastes paysages très bien mis en valeur. Le tout baigné en arrière-fond d’un très beau thème romantique écrit par Roy Webb ; décidément, un compositeur à réévaluer de toute urgence, le précédent thème musical m'ayant marqué lors de ce parcours ayant été celui de Tall in the Saddle déjà signé par le même homme, le musicien ayant le plus oeuvré pour la RKO.

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Le scénario, tiré d’une histoire de Luke Short (un écrivain qui a beaucoup inspiré les scénaristes de western durant les années 40), ne propose pas tant d’ambiguïté qu’on a bien voulu nous le faire croire. L’incursion de la psychologie mise en avant dans de nombreux ouvrages est loin d’être flagrante même si les protagonistes sont bien écrits ! Robert Preston a eu et aura de nombreuses autres occasions d'interpréter des rôles d’une richesse toute autre. Ici, dès le départ, son portrait de roublard est tracé à grands traits et il n’évoluera pas vraiment. Le "trop fier" Jim Garry de Mitchum, s’il peut paraître trouble à première vue, ne l’est que par le jeu subtil tout en "underplaying" de l’acteur et non pas par son écriture lors du scénario initial. En milieu de film, il n’y aura d’ailleurs plus aucune équivoque sur son compte. Les deux personnages féminins sont plus intéressants sans pour autant qu’ils révolutionnent quoique ce soit. Phyllys Thaxter, traître par naïveté, et Barbara Bel Geddes en femme de tête dont l’apparition dans le film est l’objet d’une séquence bien savoureuse faisant ressortir la misogynie de Jim Garry, tiennent toutes deux assez bien leurs rôles, surtout cette dernière qui apporte un peu du "peps" qui fait défaut au film. Quant au final, comment ne pas le trouver décevant : abrupt, forcé et en porte-à-faux par rapport au ton qui a régné sur le film depuis le début.

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Malgré tous ces défauts (le principal étant un scénario peu passionnant), ce western hivernal et pluvieux à l’ambiance nocturne et enfiévrée de film noir est loin de laisser indifférent et se révèle même assez plaisant d’autant que les seconds rôles sont tenus par des acteurs chevronnés tels Charles McGraw, Tom Tully ou encore par le savoureux Walter Brennan, ici remarquablement sobre et surtout très émouvant notamment lors de la scène au cours de laquelle il apprend la mort de son fils. Un western qui a le tort de s’être pris trop au sérieux et qui manque quelque peu de souffle mais qui porte la patte d’un des grands réalisateurs de l’Hollywood de l’âge d’or, l’inégal mais souvent passionnant Robert Wise qui signera notamment deux chefs-d'oeuvre de la comédie musicale, West Side Story et La Mélodie du Bonheur.
Julien Léonard
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique

Message par Julien Léonard »

J'attendais ton papier (une nouvelle fois intéressant, réfléchi et bien écrit) sur Ciel rouge, un bien curieux et sympathique western. Je n'apprécie que modérément la filmographie de Robert Wise (même si on note pas mal de films intéressants), mais j'aime bien ce qu'il a fait de l'intrigue ici, avec ce côte "Film noir". Effectivement, tout n'est pas réussi, loin de là, mais on en a pour son argent. J'avais oublié qu'il y avait Charles McGraw, ce très bon acteur un peu trop rare à l'époque... (ah, L'énigme du Chicago express de Richard Fleischer !). Et Walter Brennan, toujours égal à lui-même. :wink:

Je ne connais pas The kissing bandit, mais en tout cas j'ai hâte de te lire pour Le fils du désert ! Voilà un John Ford assez exceptionnel (comme beaucoup).
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