!!! SPOILERS !!!
Le Bureau des Légendes - Saison 1
Je suis un peu partagé.
D'un côté, ça se regarde sans problème, à défaut d'être transcendant. En tout cas, c'est nettement moins chiant que
Les Revenants ^^
De l'autre, j'ai trouvé qu'Eric Rochant et ses co-scénaristes ne tiraient pas forcément le meilleur parti de leur pitch, ultra prometteur. Tout d'abord, ce qui m'a sauté aux yeux : c'est moche. Lumière uniforme, éclairage à fond les ballons, rendu hyper numérique, visuellement, la série déçoit beaucoup. On sent la volonté de "déglamouriser" le monde de l'espionnage, comme en témoignent aussi les décors assez banals et étriqués de la DGSE, mais techniquement ça ne suit pas. De ce que je m'en souviens, les locaux du CTU dans la Saison 1 de
24 heures chrono n'étaient pas impressionnants du tout (trois-quatre bureaux qui se battent en duel dans un entrepôt anonyme), mais la mise en scène nerveuse, le montage hyper dynamique et les petits détails (la fameuse sonnerie de téléphone) immergeaient d'emblée le spectateur. Dans
Le Bureau des Légendes, la lumière "papier glacé" (on a l'impression que les décors n'ont jamais servi) et la réalisation un peu molle du genou donnent un cachet un peu cheap à l'ensemble. Et pourquoi ne pas avoir conçu un vrai générique ? Le sujet s'y prêtait vraiment.
Si visuellement, ce n'est pas trop ça, en revanche le compositeur Rob s'en tire mieux avec une musique aux accents électro (de toute façon, quelques notes au synthé et je suis content
) et même un beau thème romantique d'inspiration orientale. D'ailleurs, ça fait chier, la BO n'est visiblement pas disponible à l'achat (elle est sur le Blu-ray en piste isolée mais je sais pas si c'est possible de la récupérer).
Cette première saison entremêle trois sous-intrigues : le retour au bercail de l'agent Malotru (Kassovitz) après un séjour de 6 ans à Damas, qui décide de ne pas abandonner sa fausse identité et reprend contact avec la Syrienne qu'il avait aimée là-bas, au risque de se faire griller ; la mystérieuse disparition d'un agent d'origine arabe (Mehdi Nebbou, qui vient juste faire coucou) en Algérie ; et l'entraînement de la jeune recrue Marina Loiseau (Sara Giraudeau), destinée à rejoindre l'Iran et à infiltrer le milieu du nucléaire sous la couverture d'une sismologue.
Les trois histoires sont intéressantes, et on peut applaudir Rochant d'avoir évité la facilité (je craignais un sempiternel attentat à empêcher) pour se focaliser sur des sujets géopolitiques plus complexes (la prolifération de l'armement iranien, la guerre en Syrie). Mais curieusement les scénaristes ne créent pas de réel lien entre elles, excepté le fait qu'elles se déroulent toutes au sein du service des légendes. Ce qui donne un peu l'impression qu'ils ont préféré multiplier les intrigues pour meubler les 10 épisodes, plutôt que de s'en tenir à une seule et de la bosser à fond. La partie avec Sara Giraudeau, au-delà de montrer les rouages de la formation des agents clandestins, semble exister uniquement comme introduction à une future saison 2 (mais les dernières scènes de Kasso laissent entendre que son histoire va se prolonger aussi du côté de l'Iran, donc les arcs narratifs vont peut-être se rejoindre). La série part malheureusement un peu en cacahouètes sur la fin : grosso modo, tout ce qui concerne les Américains est foiré. Certes les flash-forwards qui parsèment la saison les introduisent progressivement, mais jamais le scénario ne justifie leur présence de manière convaincante (et gros lol quand on découvre que Léa Drucker bossait pour eux depuis le début
). Je ne sais pas si Rochant voulait légitimement complexifier le script ou juste se la jouer "moi aussi, je peux faire comme les Ricains" mais ça ne marche pas du tout. Du coup, je suis un peu circonspect sur la suite, vu que Kasso est censé devenir un agent double à la fin. Pas sûr que ces développements m'intéressent beaucoup...
Canal+ a fait péter le budget casting et ça fait plaisir, même si certains comédiens sont fatalement laissés de côté. D'ailleurs, ce sont plutôt les femmes qui sont le mieux loties j'ai trouvé.
Kassovitz est un excellent acteur et il le prouve ici encore. En montrant discrètement la tension qui assaille petit à petit son personnage, sans se départir de son côté frondeur, il compose un agent secret attachant et humain. À ses côtés, on trouve une sympathique galerie de seconds rôles, d'où se détachent l'excellente Florence Loiret-Caille et le solide Gilles Cohen. J'ai beaucoup aimé aussi Michaël Abiteboul et Alexandre Brasseur, qui ont une belle présence physique avec leur duo Pépé-Mémé. Quant à Sara Giraudeau, je me suis quand même demandé à plusieurs reprises si c'était pas une drôle d'erreur de casting, avec son air ingénu et sa petite voix de pokémon. Ok on peut se demander comment cette nana qui fait davantage penser à un oisillon tombé du nid qu'à une James Bond girl a réussi à intégrer la DGSE, mais curieusement je reste sur une bonne impression au final. Ce choix a le mérite de la cohérence : on ne peut vraiment pas la soupçonner d'être un agent secret. Et la comédienne s'en sort parfaitement dans les moments où elle doit se dépatouiller sans éveiller les soupçons (notamment lorsqu'elle met un terme avec tact aux avances de l'Iranien dans la voiture). Je suis curieux de voir comment le personnage va s'endurcir maintenant qu'elle est au front.
En revanche, le grand perdant est Jonathan Zaccaï, qui doit passer les 3/4 de la saison à bouffer et se morfondre devant un écran d'ordinateur.
Darroussin n'est pas mauvais mais on ne dépasse pas le concept "Darroussin chez les espions" - on a l'impression de voir le personnage d'un de ses précédents films qui se serait égaré à la DGSE. Il est tellement passif qu'on a du mal à imaginer comment il a gravi les échelons de ce bureau d'élite. (Et on se demande pourquoi ils lui ont filé une épouse de 25 ans sa cadette - au début, j'ai cru que c'était sa fille…)
Enfin, je n'ai rien contre Léa Drucker mais dur de croire qu'elle a bossé 15 ans comme psy dans l'armée, surtout que son perso a l'air souvent naïf ou peu au fait des procédures militaires. Elle débarque comme une fleur dans le service. Et elle écope du twist le plus pourri de la série.
Dommage que certaines tensions puent l'artifice de scénario (Loiret-Caille qui prend la tête de Kasso, Darroussin et sa crise de jalousie qui ne mène à rien, et surtout, le coup de la carte d'étudiant
) et qu'on verse parfois dans une gravité factice (les monologues sentencieux et inutiles de Kassovitz). Sans parler de cette séquence dans l'avant-dernier épisode, d'un ridicule achevé, où il réexplique la situation de l'agent rebeu disparu, devant un parterre de collègues venus l'écouter religieusement… Mon Dieu, qu'est-ce que c'était con
Mais bon, malgré une fin très décevante, je suis partant pour une saison 2...