Dick York
2.10 - Stopover in Western Town
Réalisation : Richard L. Bare
Scénario : Carey Wilber
Guest Star : Dick York & Warren Oates
Première diffusion 27/11/1963 aux USA - 19/03/1967 en France
DVD : VOSTF et VF
Note : 7/10
Le pitch :
Alors que la jeune Caroline Witman (Joan Freeman) revient à New York après un séjour à San Francisco, le train qui la conduit est immobilisé suite à un pont éboulé. Elle va devoir faire un ‘intermède’ de quelques jours dans cette ‘exotique petite ville de l’Ouest’ qu’est Medicine Bow ; tombée sous le charme du Virginien et souhaitant le faire tomber dans ses bras malgré les réticences de ce dernier, elle va faire en sorte de le rendre jaloux en séduisant Jefferson Tolliver (Dick York) arrivé par le même train et ex-meilleur ami du régisseur de Shiloh. Mais ce qu’elle estime être un jeu de séduction va aboutir à une tragédie…
Mon avis : Souvenez-vous de l’étonnant
West de Douglas Heyes avec Steve Cochran, Claude Akins & Leo Gordon, le 10ème épisode de la série qui débutait d’une manière allègre et joviale, le sérieux s’infiltrant subrepticement et par petites doses jusqu’à une conclusion se déclinant sur un ton de tragédie funèbre assez bouleversant. Il en va de même pour ce 10ème épisode de la saison 2, divertissement à priori léger mais dont l’inconséquence du principal protagoniste féminin causera des drames mortels et un dénouement abrupt en forme de couperet implacable et désespéré, assez sidérant pour une série télé dite ‘familiale’. Lors de son voyage retour à New York, après avoir fait la connaissance d’un homme pittoresque -il a été mis dans le train totalement ivre par quatre Saloon Gal avec qui il semble avoir passé la nuit- la jeune Caroline est obligée de faire une pause à Medicine Bow suite à l’éboulement d’un pont sur la voie de chemin de fer -sympathique séquence qui voit James Drury démontrer ses belles qualités de cavalier en enlevant la jeune fille de terre et l’installant sur l’avant de son cheval qu’il lance au grand galop ; Caroline va profiter de cet intermède (Stopover) pour étudier les usages ‘rustres et barbares’ de ces hommes de l’Ouest et s’en amuser un peu en faisant tourner quelques têtes ; au grand dam de sa tante qui la chaperonne à la demande du père de la jeune fille qui désapprouvait ses mœurs un peu dissolues, ne supportait plus ses amis et qui l’avait envoyé voyager à l’autre bout du pays pour leur ‘repos’ à tous deux. Pas malveillante mais totalement irréfléchie, cette capricieuse et charmante ‘petite fille riche’ va rendre fou amoureux un cow-boy sans le sou, meilleur ami du Virginien, qui autrefois avait travaillé sous ses ordres à Shiloh et qui va s’engager dans la voie de la criminalité pour éblouir cette femme frivole.
Ayant des vues sur le régisseur du domaine -Le Virginien donc- et constatant que ce dernier l’a bien cerné et qu'il ne s'en laissera pas conter ("
I'm not as much a greenhorn as you think I am") au point de s’en méfier et de s’en détourner, elle décide néanmoins de l’attirer en essayant de le rendre jaloux et pour se faire d’encourager les avances et de jeter son dévolu sur le personnage interprété par le Darrin (Jean-Pierre) de
Ma Sorcière bien aimée, Dick York, tout à fait convaincant dans ce rôle d’un homme étourdi et indolent, allant préférer, plutôt que de travailler pour un faible salaire, suivre une mauvaise voie ; en effet, il a dans l’idée et est de plus en plus déterminé à gagner l’amour de la riche jeune femme, ce qu’il ne pourra faire sans argent puisque -sans y croire une seule seconde et uniquement pour s'amuser- elle lui a mis en tête de l’épouser à condition qu’il ait lui aussi une bonne situation financière. Témoin du dépeçage illégal d’un bœuf volé par un homme sans le sou qui n’a trouvé que ce moyen de revendre la viande pour survivre, il commence à déraisonner en souhaitant l’imiter à une plus grande échelle. A propos de ce pauvre bougre joué par Ed Peck dont le visage prématurément vieilli reflète toute la misère du monde, jamais peut-être encore auparavant un western n’avait réussi à dépeindre la difficulté du métier de cowboy et nous faire comprendre leur faible niveau de vie. A sa première apparition, on le voit aller demander du travail à Shiloh, le contremaitre lui expliquant que son équipe est au complet mais que s’il veut cependant au moins se restaurer il est le bienvenue et peut se joindre à eux ; une séquence poignante et d’une profonde humanité qui nous fait mettre le doigt à cette occasion sur le fait que le chômage était déjà un fléau de l’époque.
Le réalisateur Richard L. Bare n’accomplit pas vraiment de miracles au niveau de la mise en scène mais a eu en revanche la chance d'être très bien secondé comme c’était déjà le cas pour les deux précédents épisodes qu’il signa, le superbe
If You Have Tears avec Dana Wynters ainsi que le plus qu’honorable
Run Away Home avec Karl Swenson. Les extérieurs sont bien choisis, l'ensemble est très joliment photographié, le scénario et les dialogues volent assez haut et enfin nous sommes en présence d’un casting de grande qualité, Dick York se faisant même voler la vedette par une fougueuse Joan Freeman qui dévore l’écran -bien meilleure que dans le précédent épisode dans lequel elle avait joué,
The Devil’s Children- ainsi que par Warren Oates, comédien fétiche de Sam Peckinpah et qui jouait déjà avec James Drury dans le sublime
Coups de feu dans la Sierra, tous deux interprétant des membres de la terrible fratrie des Hammond. Caroline est une sorte de post Scarlett O’Hara dans ses manières et son caractère ; l’actrice a parfaitement bien compris son personnage qu’elle arrive à rendre aussi agaçant qu’attachant. On pressent que toutes ses tentatives de séduction pour ‘s’amuser’ (
"It's the danger that makes the animal exciting") vont se solder par un drame mais l’on comprend aussi que la jeune femme n’est pas foncièrement vénale et n’imagine pas que l’on puisse commettre de vils actes par amour. Comme le Virginien le lui fait remarquer, c’est une enfant gâtée totalement inconséquente ("
reckless and headstrong without a thought of consequences"), ce qu’elle prend très mal, le traitant de rustre et d’arrogant ; des relations entre les deux protagonistes aussi tendues que captivantes comme on peut l'imaginer au vu de ces quelques extraits de dialogues. C’est par le fait de vouloir lui donner une leçon que Caroline va enclencher un irrémédiable enchainement de situations aboutissant à une double tragédie... Mais je vous laisse le soin de découvrir tout ça.
En plus de l’intrigue romanesque tournant autour des 'manipulations amoureuses' de la fille émancipée issue d'une bonne famille de l’Est et qui sert de base au scénario, les auteurs abordent à nouveau la thématique du lynchage, les éleveurs étant excédés par des vols de bétail et voulant entrer en action pour 'faire des exemples'. La séquence de l’arrestation nocturne des voleurs fait étonnement penser à celle du célèbre
The Ox-Bow Incident (L’étrange incident) de William Wellman sans qu'au final ça n'en arrive à de telles extrémités, le shérif et le Virginien arrivant à temps pour éviter les pendaisons qu’ils exècrent plus que tout, ayant déjà été témoins quelques années plus tôt des massacres occasionnés par de telles décisions. Alors que ces actes odieux sont empêchés de justesse, il n'en sera pas de même de l'inévitable tragédie due à la frivolité de la charmante jeune femme. Sa repentance de dernière minute n’y fera rien : ses agissements ont entrains des hommes sur une pente savonneuse et le drame aura bien eu lieu ! Cet épisode au départ nonchalant -à l’image de sa construction qui semble assez lâche-, flirtant tout d'abord avec la comédie savoureuse autant que futile bascule dans la tragédie la plus sombre et nous rend la série encore plus précieuse d’autant que les tueurs/voleurs sont loin d’être haïssables, de simples hommes aux abois. Ça manque d’une mise en scène un peu rigoureuse mais sinon c’est du tout bon !
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Et premier véritable mauvais pas avec l'épisode suivant