Ed Begley & Beverley Owen
2.15 - The Invaders
Réalisation : Bernard McEveety
Scénario : Donn Mullally
Guest Star : Ed Begley
Première diffusion 01/01/1964 aux USA - Jamais diffusé en France
DVD : VOSTF
Note : 7.5/10
Le pitch :
Une ancienne connaissance du juge Garth, le gros rancher Mike Tyrone (Ed Begley), arrive du Texas avec ses deux fils et sa fille Margaret (Beverley Owen). Chassé par la sécheresse, il a décidé de venir s’installer à Medicine Bow avec son cheptel. Il a dans l’idée de racheter toutes les terres et ranchs alentours même si pour en arriver à ses fins il lui faut en venir aux menaces. Ce tyrannique éleveur voit également d’un mauvais œil que de vulgaires cow-boys tournent autour de sa fille pour qui il souhaite le mieux quitte à faire place nette autour d’elle. C’est ainsi que Trampas est malmené suite à sa visite à la jeune femme…
Mon avis : Le scénariste Donn Mullally ne signera que six épisodes du
Virginien ; et au vu de son immense talent et de sa remarquable sureté d’écriture, ceci est bien dommage. Ca l’est d’autant plus que
The Invaders est déjà le quatrième, les deux restants n’étant pas prévus pour tout de suite. Que ceux qui ont de la mémoire se rappellent le magnifique
Impasse (avec Eddie Albert), le curieux et réjouissant
The Money Cage (avec Steve Forrest) ainsi et surtout le mémorable
Siege -à ce jour le plus grand épisode de la série- et ils en concluront que le nom de Mullally au générique devrait être une valeur sure. Ce quinzième épisode de la saison 2 vient nous le confirmer ; son scénario est un modèle d’intelligence et de rigueur et, même si la résolution de l’intrigue paraitra effectivement très abrupte, tout ce qui a précédé contribue à nous la rendre crédible à condition bien évidemment d’avoir été très attentif. Sans trop en dévoiler, ce final qui pourra sembler ahurissant -notamment dans le changement qui s’opère d’une seconde à l’autre chez le personnage joué par Ed Begley- est une sorte de sacrifice consenti par le personnage féminin afin qu’une tragédie n’ait pas lieu qui aurait mis à mal des dizaines de personnes qui lui sont chères -parents, connaissances, amoureux- ; on peut prendre ce happy-end encore plus positivement si l’on considère que la jeune femme retrouve ainsi une certaine ‘liberté' (mais je vous laisse découvrir pourquoi sous peine de trop en dire).
En effet, Margaret, malgré son caractère très fort et le fait de parvenir à tenir tête à son père -contrairement à ses frères plus dociles-, reste néanmoins sous l’emprise de ce patriarche qui l’étouffe en l’empêchant de vivre à sa guise ; son père la mettant sur un piédestal et ayant les moyens financiers d’en faire une ‘princesse’, il fait le vide autour d’elle, ne voulant lui offrir que ce qui se fait de mieux et lui trouver un mari censé être à la hauteur, autant dire une 'perle rare'. Du coup, il refuse non seulement qu’un simple cow-boy tourne autour d’elle mais a aussi dans l’idée de s’emparer de toutes les terres alentours pour en quelque sorte les lui offrir en ‘dot’.
"Je ne te savais pas aussi snob" lui dira le juge en comprenant que Tyrone veut ce qu’il y a de plus beau, de plus grand et de plus cher pour sa fille lorsqu’en arrivant à l’hôtel le texan demande la suite la plus luxueuse juste le temps qu’elle fasse sa toilette, quitte à chasser celui qui s’y trouve ; et en l’occurrence il s’agit justement de Garth qui s’en amuse puisqu’ils étaient amis voici 30 ans en arrière (l’épisode ne sera pas avare de remémoration de souvenirs de jeunesse entre les deux hommes). Plus encore que tyrannique et arrogant, Tyrone est fou de sa fille, ce qui le rendra moins antipathique au bout du compte. Néanmoins, le voir arriver de son Texas natal, chassé par la sécheresse, et vouloir s’imposer sans plus tarder et avec une arrogance outrancière sur des terres déjà détenues par des fermiers et éleveurs qu’il menace de représailles s’ils n’acceptent pas de les lui vendre, nous le rend immédiatement odieux. Ed Begley (
12 hommes en colère - Twelve Angry Men) interprète à merveille ce personnage que l’on aime ainsi haïr. Malgré tous les éléments mis en place au cours de ce curieux épisode, ce dernier repose donc avant tout sur l’amour exclusif d’un père pour sa fille pour laquelle il est prêt à faire toutes les folies, y compris à piétiner tout ce qui l’entoure et ceux qui se mettent sur son chemin.
The Invaders s’appesantit aussi sur les retrouvailles de Tyrone et de Garth qui semblent n’avoir pas réglés tous leurs comptes à l’époque, sur la romance ‘interdite’ qui se met en place entre Trampas et la fille du rancher, sur le plan machiavélique ourdi par les texans pour s’accaparer toutes les terres de la région, sur la peur des petits éleveurs de se voir chassés avec pertes et fracas… Un scénario foisonnant et d’une richesse étonnante rehaussé par le fait que les dialogues se soient révélés de très grande qualité et que, malgré une atmosphère d'ensemble plutôt sombre, l’humour n'ait pas été oublié, notamment au travers des quelques phrases laconiques et moqueuses balancées par le Virginien avec le plus grand sérieux : "
ne voudriez vous pas lui acheter un harmonica à Noël" demande-t-il au juge alors qu’il entend Betty taper laborieusement sur son piano. La complicité entre Doug McClure, Gary Clarke et James Drury n’a peut-être encore jamais été aussi évidente, la bonhomie du trio composé de nos trois cow-boys étant à l’origine de plusieurs séquences truculentes à commencer par celle inénarrable chez le barbier en tout début d’épisode. Quant à l’histoire d’amour qui va s'avérer être une des causes de l’envenimement du conflit qui se profile, elle est tout à fait convaincante du fait de la belle écriture du personnage de Margaret, femme moderne, intelligente, cultivée et qui possède un caractère bien trempé au point de parvenir à gêner et faire rougir Trampas. Avec sa voix grave et son inhabituelle beauté, Beverley Owen est assez mémorable, bien plus que dans le seul film qu’elle tournera,
La Patrouille de la violence (Bullet for a Badman) de R.G. Springsteen. La description de l’amitié qui se met en place entre elle et Betsy est également assez agréable.
Non seulement l’épisode est très bon mais nous offre également le plaisir de retrouver enfin réunis tous les protagonistes principaux, nous octroie de belles envolées musicales -parmi les plus lyriques de cette deuxième saison-, une belle utilisation des paysages -notamment ces chevauchées au milieu des prairies d’herbe jaune-, ainsi que de jolis mouvements de caméra dus à Bernard McEveety, le réalisateur qui nous avait pourtant précédemment beaucoup déçu avec
The Fatal Journey mais dont la mise en scène de
The Invaders se rapproche davantage de celle de l’excellent
It Takes a Big Man, autre sommet de la série. L’intrigue est tellement copieuse –un peu trop pour la durée qui lui a été allouée- qu’elle aurait méritée de s’étaler sur au moins un bon quart d’heure de plus ; elle nous laisse certes donc logiquement quelques regrets concernant la résolution des diverses situations ainsi qu’une impression de bâclage final. Mais tout ce qui a précédé fût tellement bon, la progression dramatique tellement efficace que nous n’allons pas faire la fine bouche d’autant que nous aurons eu aussi le plaisir d’entendre Roberta Shore Yodler ‘
Sourwood Mountain’ avec talent et que nous nous étions précédemment enthousiasmés sur le culot de certains effets de montage parallèle ainsi que sur l’originalité d’abrupts virages pris par le scénario ainsi que sur cette idée de l’affrontement quasi inévitable qui n’arrivera finalement jamais. Une belle réussite !
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