Ayant rattrapé la première saison, je me permets d’écrire une petite bafouille sur le sensationnel Rick And Morty de Justin Roiland et Dan Harmon. Alors qu’est-ce que Rick And Morty ? Et bien, c’est une série animée dans laquelle le scientifique Rick embarque son petit-fils Morty dans des aventures abracadabrantesques. Il y a un peu du Doc et du Marty de Retour Vers Le Futur là-dedans mais la caractérisation du duo n’a pas grand chose à voir. Aussi génial soit-il, Rick est un alcoolique orgueilleux et ordurier avec de gros penchants autodestructeurs. Quant à Morty, c’est un adolescent de quatorze ans typique… entendre par là qu’il est partagé entre sa vision infantile du monde et son obsession à vouloir tremper le biscuit. On pourrait alors croire que la série se voudra juste délirante et irrévérencieuse. Au premier abord, elle l’est mais la réalité s’avère plus complexe.
La série part souvent de concepts de science-fiction classiques (univers parallèles, réalité virtuelle, voyage spatial, champs de probabilité, entité absorbant l’esprit des individus) et n’hésite pas à manipuler avec brio une multitude de référence pop (Total Rickall mélange Total Recall et The Thing, Anatomy Park mixe lui Le Voyage Fantastique et Jurassic Park, quant à Ricksy Business vous avez pigé je pense). Il faut admettre que la série fait preuve d’une imagination extraordinaire dans l’exécution. Derrière des graphismes apparemment simples, il y a une direction artistique inspirée qui ne se cesse de se renouveler d’épisode en épisode. Chaque épisode devient l’opportunité d’introduire des univers et des personnages plus scotchants les uns que les autres (Abradolf Lincler, le croissement entre Abraham Lincoln et Adolf Hitler ). Une inventivité se couplant avec une narration jouant habilement sur ses propres gimmick (le split-screen dans A Rickle In Time, les flashbacks dans Total Rickall, les sketchs dans Rixty Minutes). Ce qui amène à considérer comment la série échappe rapidement à tous carcans.
Rick Potion #9 est assez emblématique des orientations surprenantes de la série. On a là le coup du filtre d’amour qu’on a déjà vu un milliard de fois… sauf qu’on va partir dans des mutations cronenbergiennes absolument dégueulasses jusqu’à atteindre le point de non-retour. Et quand je parle de point de non-retour, ça n’est pas une expression en l’air : les personnages ne pourront pas corriger leurs conneries à l’échelle planétaire. Il y a donc une tonalité profondément noire dans Rick Et Morty. Lorsqu’un épisode tend à s’approcher d’une morale, le sens de celle-ci va s’en retrouver pervertie et confronter directement aux dures réalités du monde (la croyance de Morty dans l’obligation de préserver une vie à tout prix se retourne contre lui dans Mortynight Run, l’entité collective d’Auto Erotic Assimilation a une personnalité plus touchante que les individus qu’elle entend assimiler). Cela se retrouve également dans le portrait de la cellule familiale qui reste finalement toujours au cœur de ces péripéties extravagantes. Il y a dessus un regard à la fois tendre (Beth et Jerry reconnaissant être heureux ensemble à la fin de Rixty Minutes) et remplit d’aigreur (les mêmes avouant être très content de ce monde post-apocalyptique sans Rick et Morty en conclusion de Rick Potion #9). L’idée la plus géniale là-dessus restera dans Total Rickall où la famille se retrouve unie par leurs mauvais souvenirs (et y a des trucs franchement gratinés ). A côté, certaines fins d’épisode se posent carrément comme des monuments dépressifs :
Je reste assez curieux de voir comment tout ce fond va être traité sur la durée. D’ailleurs, si chaque épisode fonctionne comme un stand-alone, Roiland et Harmon ont sciemment glissé des éléments qui serviront à dégager un arc narratif global. J’attends beaucoup en ce sens du retour d’Evil Morty pour la saison 3. Cela dit, je doute que la série arrive à décevoir tant justement elle arrive jusqu'à présent à incorporer dans les scénarios tous les éléments évoqués précédemment avec une écriture en béton armé. Alors histoire de ne pas terminer ce post sur une note déprimante, je vous dis en revoir en compagnie des hommes de la lune :