The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Rubrique consacrée aux DVD de films tournés à partir de 1980.

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Phnom&Penh
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The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Phnom&Penh »

Diffusé sur Arte fin Mars et disponible en coffret DVD depuis Avril, The War est un monumental documentaire de 14h sur la seconde guerre mondiale.

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Ken Burns est américain, né en 1953 et réalisateur de documentaires fleuves pour PBS (Public Broadcast Service). Son travail sur la guerre de sécession, The Civil War, 1990, 11h / 9 épisodes, lui a valu reconnaissance et célébrité aux Etas-Unis.
Après d'autres documentaires sur des sujets plus légers mais toutefois traités en profondeur (pour ne pas dire en longueur :lol: ) dont Baseball, 1994, 11h / 9 épisodes et Jazz, 2001, 19h / 10 épisodes, Ken Burns, assisté à la réalisation par Lynn Novick, a choisi de travailler à nouveau sur un conflit armé.

Ne craignant pas de donner une image didactique à son travail, Ken Burns, dans une préface filmée, indique les priorités qui l'ont conduit à choisir de réaliser un film sur la seconde guerre mondiale:
- avec près de cinquante millions de morts, ce conflit a eu une dimension d'une ampleur inégalée dans l'histoire du monde.
- environ mille vétérans américains meurent chaque jour. Nous vivons les dernières années qui permettent de leur donner encore la parole. (Cela dit, ça me paraît beaucoup. Je pense que c'est plutôt le chiffre des "contemporains" de la guerre et non des seuls vétérans).
- une majorité de lycéens américains pensent que les Etats-Unis ont combattus durant la seconde guerre mondiale aux côtés des allemands contre les russes.

Ce documentaire aurait pu s'appeler "Les Etats-Unis et la Seconde Guerre Mondiale". C'est un parti pris des réalisateurs de s'arrêter au point de vue américain.
Ken Burns a choisi quatre villes des U.S.A.:
Mobile, Alabama (le sud)
Sacramento, Californie (la côte ouest)
Waterbury, Connecticut (la côte est)
Luverne, Minnesota (le Midlle West)
Le film est un constant aller-retour entre ces lieux de départ, villes moyennes qui connaîtront le deuil et les angoisses du conflit tout en restant totalement épargnées physiquement, et les différents endroits du monde où les soldats américains se trouveront impliqués.

C'est une alternance de photos et films d'archives d'une part, et d'interviews de personnes originaires de ces quatre villes, des vétérans et leur entourage, d'autre part.

Si les interviews sont passionnantes à écouter, elles sont filmées de façon très statique. La sobriété laisse cependant percer les sentiments sous les souvenirs. Nous sommes loins d'une litanie de coups d'éclats et de victoires. Les douleurs enfouies, la ténacité et parfois la colère de ces hommes donnent beaucoup de force au film. Cela rappelle l'émouvante discussion entre deux anciens soldats dans Une Histoire Vraie de David Lynch.

Sur les images d'archives, la caméra de Ken Burns se réveille. Les séquences filmées alternent avec des photos qui prennent vie à coup de panning, de zoom et de cadrage. Le réalisateur a su mettre en valeur le produit d'une recherche probablement longue et complexe car ces archives sont en très grande partie inconnues du public.

Le film est très long mais son découpage télévisuel en sept épisodes, chaque épisode étant lui-même divisé en deux périodes d'une heure, en rend le visionnage très facile.

Un formidable travail, enfin, a été effectué sur la bande son, discrète mais d'une belle présence. Il s'agit principalement de jazz et de blues d'époque. Ken Burns décrit sa bande son ainsi:
  • The music we chose for this film is an essential element in our attempt to tell the story of the war. Each composition, each recording, helped us breathe life into old photographs and archival footage, added resonance to the testimonies of our witnesses. Time and again we found that footage and photographs, however graphic, and words, however eloquent, could not alone do justice to the magnitude of the war’s devastation, could not fully convey the barbarity, bravery, depravity, resilience, and generosity of spirit that the conflict evoked in the millions of human beings who were touched by it. Again and again, we found that music – freshly created for our film as well as true to the period and gleaned from sources all across the world – helped us immeasurably in trying to describe the indescribable and express the inexpressible.

    The incomparable Wynton Marsalis generously agreed to compose and help perform a number of pieces especially for us. Thanks to him, the Americans in our film go to war accompanied by strains suffused with the music that best expresses our country’s grief and tragedy, joy and triumph – the blues.

    In addition to his own brilliant trumpet, these luminous tracks are graced with the artistry of Victor Goines, Walter Blanding, Jr., Carlos Henriques, Ali Jackson, Mark O’Connor, Bill Charlap and Doug Wamble, whose keening, otherworldly slide guitar on “Movin’ Back” (played with a magnetic eBOW) touches something deep and unutterable in all of us. With “Until I’m In Your Arms Again,” Wynton gave us a ballad that feels utterly contemporary, yet also embodies the bittersweet yearning of the war years.

    In selecting music from the 20th Century’s classical repertoire for the series, we looked for pieces that were either composed during or inspired by the war. The composition we used more than any other in the series, Sir William Walton’s haunting, dirge-like “Passacaglia, the Death of Falstaff” (written in England, during the Blitz, for Laurence Olivier’s film Henry V, which premiered in London in November of 1944), seems to signify both the enormity of the war’s tragedy, and the intimacy of the suffering borne by individuals around the globe. Aaron Copland’s lyrical “Concerto for Clarinet,” commissioned by clarinetist Benny Goodman soon after the war, is simultaneously melancholy and hopeful, reflecting the many conflicting emotions the war fostered, particularly on the American home front. Estonian composer Arvo Part was a child during the war and grew up under the ensuing Soviet domination of his homeland. His minimalist “Variations for the Healing of Arinushka,” with its spare, plaintive melody, conjures for us the anxiety that attended the period.

    The joyous big band swing tunes of the 1940s – such as Goodman’s “The Wang Wang Blues,” Count Basie’s “Basie Boogie,” Nat King Cole’s “If I Could Be With You” – reminded millions of soldiers of home and buoyed the spirits of the nation throughout the war’s long years. Distributed to the troops via V-Disks, broadcast overseas on Armed Forces Radio, and danced to at USO halls across the country, this irrepressible music became the soundtrack of the era, the embodiment of the quintessentially American spirit of affirmation in the face of adversity. Romantic ballads, too, dominated the airwaves during the war, and none affected us more than Bing Crosby’s rendition of “It’s Been a Long, Long Time,” which attests so poignantly to the prolonged separations experienced by millions of couples, as well as servicemen and their families, during the conflict.

    Two virtuosic contemporary classical musicians also enhanced our soundtrack enormously – cellist Yo Yo Ma and bassist Edgar Meyer. Ma’s recording of Kayhan Kalhor’s “Blue as the Turquoise Night of Neyshabur,” made with the Silk Road Ensemble, fuses the sounds of Western stringed instruments with tabla drums of India and lutes of the Middle East. The sense of foreboding and mystery that pervades this piece amplified and intensified some of the film’s darkest moments. Edgar Meyer’s propulsive “In the Nick of Time” animated some of the film’s most significant action scenes, particularly the crossing of the English Channel on June 6, 1944 – D-Day.

    One contemporary tune, Gene Scheer’s “American Anthem,” became a touchstone that we returned to again and again, a reflection of the complex sentiments in our witnesses’ heartfelt testimonies. Norah Jones’s beautiful rendition of the song gave us the opportunity to hear Scheer’s affecting lyrics, which seem to give voice to the sacrifice, selflessness and bravery of those we have tried to honor, the men and women who fought and won that necessary war on our behalf.
The War est un documentaire fleuve sur la guerre mais aussi sur la société américaine avant, pendant et après ce conflit.

"Nous nous concevons comme des archéologues de l'émotion, étudiant non pas les dates et les faits, mais quelque chose de plus durable, de plus permanent, quelque chose qui parle à l'âme" Ken Burns & Lynn Novick
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Eusebio Cafarelli »

L'ayant vu en entier sur Arte, je confirme, c'est un chef d'oeuvre.
Tom Peeping
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Tom Peeping »

Tout cela me donne bien envie de le voir. J'avais beaucoup aimé The Civil War qui avait en un sens défini la formule du documentaire "à la Burns". Ils arrivaient à rendre passionnante sur des heures et des heures l'histoire d'une guerre sans témoignages directs. Avec The War, j'imagine que les vétérans et anciens témoins doivent apporter une dose d'émotion supplémentaire. Allez-hop, embarqué !
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Watkinssien
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Watkinssien »

The War est une oeuvre absolument prodigieuse !

Je conseille à tout le monde de voir un pur chef-d'oeuvre de Burns qui va passer sur Arte le mercredi 11 juin à 21 h : Jack Johnson - Le champion qui divisa l'Amérique, qui trace le parcours du premier boxeur américain Noir qui sera champion du monde des poids lourds.
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bruce randylan
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par bruce randylan »

Même si j'ai pas encore vu les deux derniers épisodes, je trouve ça très chiant. Il y a bien sur un gros travail d'archives et de montages ainsi que des anecdotes stupéfiantes.
Mais je trouve la forme imbuvable avec sa musique qui en fait des tonnes dans le pathos ( sans oublier 2 chansons blues/jazz qu'on nous ramène toutes les 10 minutes ) et son image bien lisse où les intervenants sont filmés sur un joli fond de studio qu'on croirait piqué à la promo de Sex & the City.
Passionnant dans le fond, insupportable dans l'emballage.
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Phnom&Penh
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Phnom&Penh »

bruce randylan a écrit :la forme imbuvable avec sa musique qui en fait des tonnes dans le pathos
Je suppose que tu fais allusion à la musique qui accompagne chaque début d'épisode. Les épisodes étant d'une heure chacun, donc relativement courts, cela peut ennuyer de voir revenir cette sorte d'introduction à chaque fois. Disons que cela donne une forme documentaire télé qu'on peut regretter mais l'ensemble faisant quatorze heures, il est destiné à être vu en plusieurs fois. Tant qu'à la musique en question, elle se veut émouvante mais ça ne va pas bien loin.
Les documentaires en eux-mêmes sont accompagnés de bruits de guerre dans les scènes de combat, généralement sans musique à l'exception de quelques unes avec un fond de blues très léger. Les séquences aux USA de jazz et de blues. Bref, en faire des tonnes dans le pathos avec 90% de la bande son en bruits de mitraillage - sans cris d'agonie, je précise - et du jazz et blues d'époque, ce serait très fort.
Tu es sûr que tu n'es pas plutôt allergique à la voix de Philippe Torreton? :lol: Elle m'a un peu agacé au début mais je m'y suis fait, à mon avis, c'est ça. Le documentaire est tout entier en traduction simultanée (avec anglais et sous-titrage pour les extraits de reportages d'époque). C'est comme pour les histoires du cinéma de Scorsese, on n'a pas le choix.
bruce randylan a écrit :( sans oublier 2 chansons blues/jazz qu'on nous ramène toutes les 10 minutes )
Alors là tu exagères carrement. Ken Burns a réalisé un documentaire de 19h sur le jazz et on lui a fait le reproche de s'être focalisé (en 19h :) ) sur les origines et le jazz des années 30 et 40, sans s'arrêter suffisamment sur les années 60 et la période moderne. Bref, il connaît bien son sujet. Et la seule liste des crédits au générique de fin, par sa longueur, laisse penser qu'il n'a guère eu besoin d'utiliser plus d'une fois chaque morceau.
Bref, tu n'aimes pas la voix de Philippe Torreton, ni le blues et le jazz des années 30 et 40. :lol:
bruce randylan a écrit : je trouve ça très chiant
bruce randylan a écrit :Passionnant dans le fond
Dur dilemne :wink:
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Phnom&Penh
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Phnom&Penh »

Watkinssien a écrit :le mercredi 11 juin à 21 h : Jack Johnson - Le champion qui divisa l'Amérique, qui trace le parcours du premier boxeur américain Noir qui sera champion du monde des poids lourds.
Bien noté, merci :) . Tous ses documentaires tournent autour de l'histoire des USA et il n'hésite pas à mettre le fer là où ça fait mal. Dans The War, il revient très fréquemment sur la ségrégation par de nombreux exemples bien choisis et bien sentis.
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Phnom&Penh »

Tom Peeping a écrit :J'avais beaucoup aimé The Civil War qui avait en un sens défini la formule du documentaire "à la Burns". Ils arrivaient à rendre passionnante sur des heures et des heures l'histoire d'une guerre sans témoignages directs. Avec The War, j'imagine que les vétérans et anciens témoins doivent apporter une dose d'émotion supplémentaire.
Je suis dans la situation inverse et très curieux justement de voir The Civil War. Pour The War, il a quand même des témoignages et des archives audiovisuelles. Mais faire des heures de documentaire sur la guerre de Sécession, c'est bien autre chose. D'un autre côté, le sujet est passionnant: fondation des USA du XXe siècle, anticipation de ce qu'allait être la première guerre mondiale par les moyens modernes d'armement et la boucherie qui allait en résulter...en plus un sujet évidemment moins connu chez nous que les conflits européeens.
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Re: The War (Ken Burns & Lynn Novick)

Message par Phnom&Penh »

Eusebio Cafarelli a écrit :L'ayant vu en entier sur Arte
Pour l'instant, je n'en suis qu'à la moitié.

Un des sujets qui m'a le plus bluffé, c'est dans le troisième épisode, je crois, une longue demi-heure sur l'impact économique et industriel de la guerre, principalement centré sur la ville de Mobile qui de grosse bourgade provinciale devient un grand centre industriel, ainsi que toutes les archives sur les chantiers navals.
Je trouve qu'il montre très bien comment:
- le fordisme, le travail à la chaîne, existait depuis une bonne vingtaine d'années mais est devenu la norme dans tous les USA à cette époque seulement
- les USA ne sont vraiment sortis de la grande dépression que durant la guerre. Comment aussi le retour de l'emploi, et notamment la généralisation de l'emploi des femmes a préparé la prospérité et l'american dream des années 50. Il s'attarde sur quelques personnages féminins et on voit presque le passage des années 30/40 aux années 50 par leurs visages, leurs coiffures, les vêtements de travail...
- en 1945 les USA sont parvenus à produire 50% de la production industrielle mondiale

Ses images d'archives sont de toute beauté sur ce sujet, les chaînes des usines d'armement en particulier et le commentaire passionnant. C'est vraiment autant un film sur l'impact de la guerre aux Etats-Unis que sur la guerre elle-même.
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