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Critique de film
Le film
Affiche du film

Zatoichi 13 : The Blind Swordman's Vengeance

(Zatoichi no uta ga kikoeru)

L'histoire

Le film s’ouvre sur une scène crépusculaire où un Ronin commet un assassinat, puis croise Ichi dans un flot d’herbes battues par le vent. Ichi va rapidement décimer les huit commanditaires de ce meurtre, et recueillir les dernières paroles du mourant. Ce dernier lui donne une bourse d’or qu’il doit remettre à un certain Taichi, et parvient à donner son nom dans un dernier râle d’agonie : Tanekichi. La scène est sombre, juste ponctuée par une petite trace d’humour quand Ichi éternue et qu’à ce son, les corps des combattants jusqu’alors immobiles, tombent d’un bloc. Ichi poursuit sa route, se donnant toutes les raisons du monde pour garder la bourse : y trouvant un dé pipé, il en conclut que c’est de l’argent sale, gagné au jeu en trichant. Sur la route, il rencontre un prêtre aveugle. Alors qu’ils entament la discussion, celui-ci perce les secrets d’Ichi avec une facilité déconcertante. Il le décrit comme un « In-betweener », une personne qui n’appartient ni au monde des aveugles, ni à celui des voyants. Cette description frappe Ichi en plein cœur. Il se rend à Ichinomiya où se tient un festival de tambours. Bien sûr, c’est là que les fils de l’intrigues vont se resserrer et qu’Ichi va être de nouveau confronté à son statut de justicier en retrouvant la trace de Taichi.

Analyse et critique

De la manière la plus classique qui soit, la ville d’Ichinomiya, pourtant décrite par le prêtre comme paisible, est tombée aux mains d’un clan de Yakusa qui impose sa loi aux habitants. Classique encore, Ichi va tomber par hasard sur le mystérieux Taichi qui se révèle être un enfant confié aux soins de sa grand-mère. Ichi va remplir sa mission et donner à la famille l’argent récolté par Tanekichi. Forcément l’affaire ne va pas s’arrêter là, et Ichi va multiplier les rencontres et va être de nouveau obligé de revêtir sa panoplie de justicier.

Là où le film est intéressant, c’est sur le regard qu’apporte le prêtre sur le personnage d’Ichi, sur les questions morales qui, bien que prégnantes dans les épisodes précédents, sont ici clairement énoncées. Le prêtre met en garde Ichi pour avoir fait une démonstration de ses talents devant le regard innocent de Taichi. Celui-ci s’en trouve alors corrompu, et ne peut voir que dans la violence la solution des problèmes qui accablent la ville. En effet, alors qu’Ichi marche tranquillement avec Taichi, des Yakusas le prennent à partie et se moquent de lui. Excédé, Ichi va faire le coup classique de la bougie coupée, et effrayer les petits voyous d’un « That isn’t the face of a human being », montrant un visage inquiétant à la lueur de la flamme. Ichi dans cette scène se laisse aller à jouer de ses talents martiaux qui, s’ils sont tant attendus par le public (très friand de ces scènes où Ichi humilié retourne sa puissance devant des voyous effrayés), sont de véritables déclencheurs des drames à venir. Effectivement, l’enfant est séduit par la capacité qu’a le conflit physique de redresser les tords, de se protéger de la cruauté, et risque ainsi de prendre pied définitivement dans une spirale de violence, où la lutte des bons contre les mauvais devient vite un combat sans frontière morale. Le personnage du Ronin (joué par Shigeru Amachi, déjà vu dans le premier épisode de la saga où, également Ronin, il devint son ami et adversaire) est symptomatique de cette prétendue frontière entre le Bien et le Mal, qui n’est en fait qu’illusion. Mais il faut revenir un peu en arrière pour comprendre ce personnage. Ichi rencontre dans une maison close Miss Cho, jeune et belle femme de compagnie, qui se révèle être la bonté et la générosité incarnées (elle paye l’équivalent d’une nuit de travail au boss, afin que la jeune Haru puisse échapper à son sort). Ichi ne s’y trompe pas, et lui déclare : « I see deep in people’s heart. An account of my blindness. » Et cette habileté à sentir le cœur des gens est certainement la bénédiction d’Ichi, bien plus que ses talents de sabreur.

Or Miss Cho est l’ancienne amie du Ronin. Abandonnée par ce dernier, elle fut amenée à devenir prostituée. Elle lui refuse le pardon, lui dit qu’il n’est plus le samouraï qu’il était, le rejette alors qu’il s’excuse de toute son âme. Espérant se racheter, il va au contraire s’enfoncer encore plus dans la voie de la perdition, en offrant ses services au Boss Gonzo d’Itabana qui lui propose l’argent nécessaire à la libération de Miss Cho en échange du meurtre d’Ichi. C’est une bonne action qui pousse le Ronin, mais c’est bien le mal qu’il provoquerait en tuant Ichi, un innocent, et seul rempart contre la toute-puissance corruptrice du clan. Cette relation entre le Ronin et Miss Cho est une implacable tragédie qui vient se greffer sur l’épopée d’Ichi, et donner à cet épisode une grandeur dramatique développée en dehors de son icône.

Ichi, pour sauver le jeune enfant, va se faire humilier par les Yakusas. Il va se faire battre, s’agenouiller, s’excuser de son emportement, demander la clémence pour ses hôtes, retenir son envie irrépressible de sortir son arme. Il ne veut pas donner l’image à l’enfant d’une violence capable de résoudre tous les conflits. Ichi essaie de se racheter. Mais rien y fait, toujours le destin rattrape Ichi, et celui-ci va être amené à tuer devant les yeux de Taichi. Le prêtre va accabler Ichi une nouvelle fois, véritable incarnation de la mauvaise conscience du masseur aveugle. Il échange alors sa canne épée contre une simple canne. S’en suit une très belle scène nocturne, dans laquelle Ichi écoute le prêtre jouer du Biwa tandis que le Ronin avance dans le noir, prêt à tuer Ichi, mais s’abandonne à la beauté de la musique et s’éloigne. Ichi, qui avait bien entendu la mort s’approcher, avoue avoir pris peur, mais se sent heureux d’avoir laissé son objet de mort.

Mais ce n’est que partie remise, car forcément le combat final va s’imposer à notre justicier. Un magnifique combat de nuit vient clore le récit (une nouvelle fois, Kazuo Miyagama signe la photo), où le bruit des tambours va mettre à mal Ichi. Rôle ambivalent de la musique qui, juste auparavant, avait sauvé Ichi et risque ici de le tuer. La scène est un spectacle d’ombres chinoises, où le tonnerre assourdissant des tambours cède peu à peu la place au bruissement léger du vent au fur et à mesure que tombent les combattants. Magnifique, cette séquence possède une inventivité et une beauté qui tranchent avec la sagesse du reste de cet épisode, réalisé efficacement par Tokuzu Tanaka (auteur des épisodes 3 et 4), mais de facture très classique. Un épisode un peu en forme de sur place, qui a tendance peut-être à afficher un peu trop ce qui était sous-entendu dans les épisodes précédent, mais très agréable à suivre et peuplé de personnages attachants.

Introduction et sommaire des épisodes

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 22 novembre 2005