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Critique de film
Le film
Affiche du film

Walkover

(Walkower)

L'histoire

Andrzej Leszczyc fêtera ses trente ans à minuit. Il a été renvoyé de Polytechnique, vient de terminer son service militaire et ne sait pas trop quoi faire de sa vie, si ce n'est vaguement se mettre à chercher un travail. A la sortie du train qui le ramène de la caserne, il rencontre une ancienne petite amie, Teresa, celle-là même qui l'avait fait renvoyer de la faculté. Il l'accompagne à un entretien d'embauche et visite avec elle l'usine où elle va être amenée à travailler en tant qu'ingénieur. C'est en traînant entre l'usine et son ancienne faculté qu'il tombe par hasard sur celui qui a été son entraîneur de boxe. Ce dernier le pousse à s'inscrire au tournoi "premier pas" qui se déroule le soir même. Andrzej hésite à s'y rendre, ayant fait une croix sur sa carrière de boxeur mais ressentant toujours en lui l'excitation du ring. Comme quelques heures le séparent du tournoi, il se laisse le temps de la réflexion et suit Teresa qui lui laisse entendre qu'elle serait prête à faire sa vie avec lui s'il acceptait seulement d'enfin devenir adulte... et donc de renoncer au combat.

Analyse et critique

Dès ses débuts au cinéma, que ce soit en tant que scénariste (pour Wajda et Polanski) ou en tant que réalisateur (Rysopis, son premier long métrage), Jerzy Skolimowski s'est créé un double fictif en la personne d'Andrzej. Un personnage dont les caractéristiques fluctuent au gré des films mais chez qui l'on retrouve des traits de caractère qui appartiennent en propre au cinéaste. Andrzej est un jeune homme accroché à l'adolescence qui peine à entrer dans l'âge adulte, un sujet qui travaille alors Skolimowski qui va tout comme son double de cinéma sur ses trente ans au moment de Walkover. De Rysopis en 1965 jusqu'à Deep End tourné cinq ans plus tard à Londres, et qui fermera la première partie de son œuvre, Skolimowski tourne autour de ce thème, et ce même lorsqu'il sera contraint par les autorités d'abandonner son personnage d'Andrzej et qu'il se cantonnera dès lors derrière la caméra.

De cette série de films, Walkover est peut-être celui qui lui ressemble le plus intimement. Non pas que l'histoire de ce jeune homme partagé entre la boxe et l'amour soit autobiographique, mais l'énergie qui porte le film et le refus de se coucher qui caractérise le personnage d'Andrzej reflètent parfaitement l'état d'esprit et le style de vie d'un cinéaste frondeur qui ne craint pas le K.O. et qui entend rester le plus longtemps sur le ring, essuyant les coups sans broncher et en donnant en retour. (1)

Walkover se présente comme la suite directe de Rysopis ; et si les personnages et les situations ne sont pas tout à fait identiques (Andrzej était renvoyé de la faculté d'Ichtyologie dans le premier, il est maintenant un ancien étudiant de Polytechnique). Skolimowski fait le lien en démarrant le film sur un quai de gare, à l'endroit même où le précédent se terminait. Mais même sans ce repère donné au spectateur (un autre étant que dans le dernier plan de Rysopis, Andrzej part pour le service militaire et qu'il en revient tout juste ici), la présence physique de Jerzy Skolimowski en tant qu'acteur aurait suffit à assurer la jonction entre les deux film.

De son passage à l'armée on ne saura rien, mais il est clair qu'il n'aura pas fait rentrer Andrzej dans le rang. Si son visage s'est un peu durci, il est toujours accroché à son adolescence et n'entend toujours pas accepter ces règles sociales qui l'indiffèrent. Il semble toujours aussi absent au monde, il traîne, n'accroche à rien. Parfois il s'excite, s'emporte, réagit avec violence et passion mais la plupart du temps il traverse le monde des adultes comme un fantôme.

Les jeunes héros du Skolimowski première période sont en rupture de ban avec la société. Insoumis, réfractaires à l'ordre, bohèmes, un brin anarchistes... ils rejettent les compromis et refusent de participer au jeu de la société. Ce rejet de l'ordre vient très certainement du poids du communisme, de la privation de liberté, d'une société ultra organisée et rigide qui étouffe Skolimowski. Si ses deux premiers films ne sont pas ouvertement politiques par leurs thèmes, les autorités polonaises ne sont pas dupes et signifient clairement au jeune cinéaste qu'il lui faut arrêter après Walkover de mettre en scène cet Andrzej qui donne une bien mauvaise image de la jeunesse du pays. Skolimowski se pliera à cette injonction mais renforcera encore le côté politique et frondeur de son cinéma avec La Barrière, et plus encore avec Haut les mains qui se verra interdit de diffusion par le gouvernement pour anti-stalinisme.

On ne pourrait donc voir dans les premiers films de Jerzy Skolimowski qu'une ode à la jeunesse, une œuvre portée par ce romantisme adolescent bien connu de la littérature et du cinéma de tous les pays. Mais le cinéaste se révèle bien plus ambigu, donc plus intéressant et surtout plus juste dans sa peinture de l'adolescence. Si les jeunes héros de Skolimowski rechignent à jouer le jeu de la société, ce n'est pas parce qu'ils sont portés par des idéaux politiques et qu'ils ont la volonté de changer l'ordre des choses, mais parce qu'ils ne se sentent pas prêts à tuer l'adolescent qui est en eux. Le modèle social dominant - travail, famille, patrie pour aller vite - est tel que rien ne peut être conservé de ce qui constitue l'adolescence. Entrer dans l'âge adulte, c'est forcément renier ce que l'on était, c'est enterrer son ancienne personnalité pour endosser un déguisement que l'on apprendra à apprivoiser toute sa vie durant.

Le héros skolimowskien reste ainsi à la lisière du monde adulte. Il fait durer le temps de l'insouciance et fuit les responsabilités. Mais en refusant de s'engager socialement (c'est ainsi qu'Andrzej saborde des études qui le conduiraient naturellement au monde du travail) ou sentimentalement (de l'amourette sans conséquences à la fondation d'un foyer, il n'y a qu'un pas), peu à peu il s'efface et ne se sent bientôt plus en vie. Il se trouve ainsi tiraillé entre le fantasme d'une adolescence éternelle et le besoin de se socialiser, pris entre deux mouvements contraires qui rendent ses gestes et ses comportements si chaotiques. Même s'il a beaucoup de tendresse pour eux, même s'il s'identifie complètement à eux, Skolimowski les montre comme égoïstes, égocentriques, lâches et inconséquents. Il refuse d'en faire des personnages monolithiques et aimables auxquels le spectateur pourrait immédiatement s'identifier.

Jerzy Skolimowski montre le pouvoir castrateur de la société, la façon dont celle-ci détruit les rêves et les aspirations de la jeunesse. Il se place naturellement du côté de la révolte, du désir de liberté, de l'épanouissement individuel, mais dans un même temps il prend un net recul par rapport à cette vision adolescente du monde, la montrant aussi comme un mirage dont il faut apprendre à se dépêtrer.

Skolimowski travaille sa mise en scène à partir de longs plans séquences. Il est pourtant naturellement attiré par les effets de montage, comme en atteste la vingtaine de plans qui composent les deux minutes quarante de L'Oeil torve (Oko Wykol, 1960), son premier court métrage. Mais au moment où il tourne Walkover, il est fasciné par les possibilités qu'offrent les mouvements de caméra et il souhaite explorer cette voie en allant aussi loin que ce que son budget très restreint lui permet. Comme il est presque tout le temps du film devant la caméra, les plans séquences lui permettent en outre de se rassurer en tant qu'acteur. Une fois les plans réglés, il peut ainsi se plonger dans son personnage, chose qui lui aurait été rendue impossible s'il avait eu à mettre en boîte des plans courts ou de classiques champs/contrechamps. Bien sûr, c'est ce qu'apprend à faire tout acteur (et plus encore tout acteur/réalisateur), mais en séparant bien le temps de la préparation de celui du jeu, Skolimowski compense son manque d'expérience dans ce domaine.

Le film est ainsi composé de 28 plans (il y en avait 39 dans Rysopis), ce qui est une véritable gageure pour Jerzy Skolimowski qui n'en est qu'à son deuxième long métrage et qui doit absolument éviter tout dépassement de temps de tournage ou de budget. Si les mouvements de caméra et les plans séquences sont au cœur de la mise en scène, ce n'est pas uniquement pour satisfaire le besoin d'apprentissage et d'expérimentation de Skolimowski ou pour l'aider à interpréter Andrzej : ils sont la traduction en termes cinématographiques des états d'âme de son jeune héros. C'est parce qu'il filme dans sa durée réelle une course folle, qu'il montre Andrzej parcourir une longue distance avant de revenir à son point initial, ou encore qu'il l'accompagne dans une virée sans fin à travers d'innombrables décors que Skolimowski imprime en nous - et de manière inconsciente - les questionnements existentiels qui travaillent son personnage. Les déplacements combinés des acteurs et de la caméra forment ainsi une chorégraphie qui à elle seule suffit à faire ressentir au spectateur les aspirations ou les doutes d'Andrzej, à montrer comment son désir de fuir se transforme en immobilisme à force de va-et-vient. Le cinéma de Skolimowski - et c'est vrai jusqu'au récent Essential Killing - ne repose ni sur le discours ni sur la description, mais sur une approche purement sensitive et surtout physique du septième art. (2)

La séquence impressionnante dans laquelle Andrzej saute depuis un train en marche a été tournée sans trucages, en trois prises, le train allant tout de même à une vitesse de soixante kilomètres à l'heure. Cette anecdote montre combien Skolimowski est un cinéaste physique qui a besoin d'être dans l'action, qui préfère tourner dans l'instant plutôt qu'après une longue préparation. Il travaille à l'instinct, non en intellectualisant son propos, d'où le côté parfois heurté, chaotique de ses films. Les multiples ellipses, parfois choquantes, auxquelles il a recours viennent de là : il se laisse porter uniquement par le rythme interne du film et évite de tourner des séquences de transition qui n'auraient qu'un intérêt narratif, quitte à bousculer les habitudes du spectateur, voir à semer le trouble dans son esprit. Il y a ainsi d'étranges sautes et incohérences dans Walkover, des détails qui ne collent pas (une histoire de poule morte, une radio vendue par Andrzej mais qui est toujours en sa possession plus tard...), mais loin d'être gênants, ces éléments rajoutent à l'étrangeté de l'ensemble et sèment le doute quant à la réalité de ce qui se passe à l'écran.

Tout est donc question de tempo et le film semble s'accélérer ou ralentir en fonction du cheminement erratique d'Andrzej. Skolimowski épouse l'univers mental de son héros et si le film nous bouscule, nous heurte souvent, c'est parce qu'il répond à la tempête qui s'agite sous ce crâne torturé. Si Walkover est un film indiscipliné, chaotique, souvent déroutant, c'est parce que c'est ainsi qu'est perçu le monde par un adolescent.

Outre la durée des plans et la chorégraphie acteurs/caméra, un autre grand principe de mise en scène est ici l'utilisation de rimes visuelles, rimes qui ne fonctionnent pas uniquement dans le périmètre du film mais qui font également écho à Rysopis, reliant ainsi intimement les deux œuvres et les posant comme un diptyque insécable sur l'adolescence.

Parmi ces rimes, on note tout un jeu autour des animaux : une vache traînée par un agriculteur qui traverse un plan de Walkover, une chèvre tirée par une carriole dans Rysopis ou encore - dans les deux films - un chien qui meurt (on remarque beaucoup de canidés dans le cinéma de Skolimowski)... Ces présences animales montrent que, malgré les apparences, Andrzej n'est pas dénué d'empathie. Seulement, cette empathie, il a du mal à l'exprimer vis-à-vis des humains alors qu'elle est bien présente lorsqu'il s'agit d'animaux qui souffrent : son chien malade qu'il doit faire euthanasier ou des poissons que des amis à lui menacent d'électrocuter dans Rysopis ; un poulet qu'une passante lui demande d'égorger - tâche qu'il refuse de faire mais que Teresa semble elle tout à fait prête à exécuter - dans Walkover...

Deux autres rimes sont récurrentes dans ce diptyque : les horloges, réveils et montres et les moyens de locomotion comme les trains, les bus ou les tramways. La première série évoque bien sûr cette angoisse qui paralyse Andrzej à l'idée que le temps passe et qui, implacable et vorace, emporte avec lui la jeunesse et rend chaque instant de bonheur si éphémère qu'il en devient irréel. Mais ces images d'horlogeries multipliées jusqu'au vertige ont aussi un rôle libérateur, Andrzej prenant peu à peu conscience qu'à force de rêver d'arrêter le temps, il ne fait que passer à côté de sa vie.

La seconde série évoque la fuite, seule parade qu'a trouvée Andrzej face aux responsabilités et aux choix qu'il est sommé de faire. A d'autres moments, elle montre au contraire son désir de rentrer dans le rang, de suivre des rails, comme lorsqu'à la fin de Rysopis il monte dans un train pour partir au service militaire. Une même image conduit ainsi à deux lectures opposées, tout simplement car pour Andrzej dans un cas comme dans l'autre c'est un échec. Poursuivre dans sa voie solitaire, sans attaches, sans construire de relations aux autres, ce n'est pas vivre. Se marier avec Teresa, trouver un emploi, rentrer dans le rang, ce serait comme se coucher sur le ring, laisser l'adversaire gagner par abandon, par « walkover ».

Teresa incarne cette force qui le pousse à abandonner sa vie d'adolescent réfractaire à l'ordre et à la société. C'est elle qui l'a autrefois fait renvoyer de l'école pour anti-stalinisme, c'est elle qui veut toujours être la première, qui s'impose dans son métier en hurlant sur les autres, qui se réfugie derrière son savoir et les statistiques pour défendre un projet dangereux pour les habitants vivant près de l'usine qui l'emploie. Elle a le même âge qu'Andrzej mais elle a franchi la barrière : elle est dans le monde des adultes, elle a son rôle dans la société, déjà bien installée du côté du pouvoir. Elle est maintenant « responsable » ; et que cette responsabilité se traduise par le soutien à un projet d'usine qui peut emporter tout un quartier montre bien ce que Skolimowski entend par ce terme...

Si dans Walkover la critique du monde "adulte" se révèle parfois un peu trop appuyée - comme lorsqu'un bêlement de mouton en son off accompagne l'image d'ingénieurs jouant avec la santé publique - c'est une réaction sincère du cinéaste à une société qui fonctionne uniquement sur la réussite sociale, la consommation et le confort.

Le ring c'est à l'opposé la survivance de la jeunesse, le hasard, le jeu, l'inconnu. Andrzej se sent trop vieux pour vivre cette passion, mais il s'y accroche, en rêve encore. Il explique à Teresa que jusqu'ici il s'est battu n'importe comment, contre n'importe quoi mais qu'il s'est bien battu et que c'est cela qui compte à ses yeux. Elle voudrait qu'il continue à se battre, mais dans la société, pour un travail, pour posséder. Lui préfère le ring, préfère se battre pour le plaisir : remporter un match de boxe, c'est quelque chose qui fait sens immédiatement, c'est quelque chose de vrai, de simple. Que ça n'ouvre sur rien - Andrzej ne peut plus faire carrière dans le sport - ne lui importe guère, ce qui compte c'est cette fierté d'être allé au bout de quelque chose qui n'appartient qu'à lui. Skolimowski est monté vingt-six fois sur un ring et il a perdu plus de la moitié de ses combats. Cette expérience est fondamentale pour lui, parce qu'elle lui a appris à encaisser, à tomber à terre et à se relever (ce qui dans sa carrière de cinéaste lui servira à moult reprises), mais aussi parce que c'est une activité où l'on ne peut pas tricher : on est ce que l'on est, on vaut ce que l'on vaut et il est impossible de se mentir à soi-même.

A minuit, Andrzej aura trente ans et il s'agit avant cette échéance de choisir quel chemin sa vie va prendre. Il lui faut faire un choix, se projeter dans l'avenir et arrêter de se raccrocher à sa jeunesse. Jerzy Skolimowski montre par de discrets inserts (si discrets parfois qu'ils en deviennent indécelables) le poids de ce passé qui hante Andrzej et dans lequel il manque de se noyer, comme un marin irrésistiblement attiré par le chant des sirènes. Il y a ces poèmes que l'on entend sur la radio portative qu'Andrzej emmène partout avec lui et qui sont en fait des écrits de jeunesse de Skolimowski. Il y a surtout le visage de la femme qui accompagnait Andrzej à la fin de Rysopis et qui vient régulièrement hanter les pensées du jeune homme. C'est un plan fixe d'elle qui ouvre le film, c'est elle qui apparaît en songe lorsqu'il se retrouve K.O. sur le ring, c'est sa photo que brandit un ancien camarade de classe croisé par hasard : elle incarne ce passé qui l'attire, dont il ne peut se détacher, un passé mort (les images figées de son visage) qu'il espère encore pouvoir ramener à la vie (la retrouver, voir son image s'animer)... un leurre, une chimère.

Andrzej sent cependant qu'il ne peut rester ainsi à se perdre dans un monde de souvenirs, qu'il doit s'engager dans la vie. Il demande à un prêtre, qui lui explique qu'il faudrait qu'il se confesse enfin, quelle faute les gens ont pour habitude de se faire pardonner : « Celle de ne croire en rien » s'entend-t-il répondre. A force de refuser tout engagement, tout choix, à force de fuir, Andrzej est effectivement seul. Si l'on apprend qu'en fait de prêtre cet homme est un soldat en fuite, ce qu'il dit à Andrzej (« Comme tu es loin dans ta vie pour être déjà si seul ») résonne comme une vérité que le jeune homme accepte d'entendre. Andrzej comprend qu'il n'a plus rien en lui, qu'il est vide et qu'il lui faut faire des choix. Ceux-ci se révéleront peut-être mauvais, mais qu'importe ! Mieux vaut se tromper, se fourvoyer, perdre que de ne pas vivre ! L'existence n'est faite que d'accidents (dans Rysopis, Andrzej assistait à un accident où une jeune femme se faisait renverser par une voiture, dans Walkover, une autre est blessée sur le quai de la gare et plus tard la foule s’amasse autour d'une voiture renversée), de hasards, d'erreurs et de fausses routes et il faut l'accepter plutôt que de s'en inquiéter et d'ainsi passer à côté de sa vie. La vie est à l'image d'un combat sur le ring, où l'on peut aussi bien gagner contre un adversaire plus fort par walkover ou encore tomber raide au premier uppercut...

La fraîcheur du jeu des comédiens, la fluidité des mouvements de caméra, la liberté du récit confèrent au film, outre une incroyable dynamique (3), ce sentiment que les évènements sont captés en direct, que les choses adviennent spontanément, que tout n'est qu'une succession d'accidents et de coïncidences, un sentiment rendu d'autant plus prégnant que Skolimowski tourne en décors naturels, ce qui nous offre au passage un portrait riche et passionnant de la Pologne de l'époque. Si avec ses deux films suivants (La Barrière et Haut les mains !) Jerzy Skolimowski s'engage dans la pure allégorie, c'est bien lorsqu'il mêle dans un même mouvement un matériau réaliste à quelque chose de poétique et de métaphorique - comme dans Deep End ou Travail au noir - qu'il touche au cœur de son art.


(1) L'un des premiers courts métrages de Skolimowski, La Boxe, tournait déjà autour du ring. Le film avait été primé au Festival du Film Sportif de Budapest et son succès critique a beaucoup fait pour le passage au long du cinéaste.
(2) Lorsqu'il s'écarte de cette voie, il s'égare et signe des films peu inspirés, empesés, comme Les Eaux printanières et plus généralement la série d'adaptations d'œuvres littéraires sur lesquelles il s'est retrouvé à plusieurs reprises embarqué (Roi, dame, valet, Les Aventures du brigadier Gérard, Ferdyduke).
(3) Il faut noter le rôle important de la partition jazzy qui rythme le film, mais aussi la façon dont Skolimowski utilise des sons naturels pour marquer le tempo. On retrouve par exemple, comme dans Rysopis, une séquence entièrement rythmée par les bruits de pas sur le sol, tous les autres bruits étant étouffés. Skolimowski a été batteur dans un groupe de jazz, ce qui explique en grande partie le naturel avec lequel il travaille de manière rythmique le matériau sonore de ses films.

DANS LES SALLES

 Walkover
 UN FILM De Jerzy Skolimowski (1965)

DISTRIBUTEUR : Malavida
DATE DE SORTIE : 10 AVRIL 2019

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La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 6 avril 2012