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Critique de film
Le film

Vivre

(Ikiru)

L'histoire

Bureaucrate appliqué et consciencieux, Watanabe (Takashi Shimura) découvre qu’il est atteint d’un cancer. Cette nouvelle est le point de départ d’un nouveau commencement pour lui...

Analyse et critique

Vivre s’ouvre sur le plan d’une radiographie d’un estomac. L’estomac d’un malade condamné, nous apprend la voix-off du film. Et Kurosawa de suivre les dernières heures de Watanabe, un bureaucrate déjà momifié par trente ans de bons et loyaux services. Mais non revenez, ne fuyez pas ! Certes vous allez pleurer, mais personne ne vous arrachera les larmes des yeux. Pas de complaisance morbide, de morale surplombante ou de mélo ostentatoire. Vous n’êtes pas sur TF1 à l’heure du prime time, ou devant l’adaptation d’un chef-d’œuvre de Barbara Cartland. Dans votre lecteur DVD tourne l’un des plus beaux films réalisés par Akira Kurosawa. Allez, on reprend une grande bouffée d’air frais et on y retourne.

Nous voilà prisonniers de la bureaucratie japonaise, nous tournons en rond dans des bureaux sans issues, la transpiration exhale de chaque pore... puis nous voici, hagards, projetés dans le Tokyo by night de l’après-guerre. Dans ce film plus que les autres, Kurosawa a le don d’investir un lieu et de l’exploiter en profondeur via des moyens purement cinématographiques, le tout sans se départir d’une sobriété qui lui fait honneur. Un parc enneigé, un hôpital forcement lugubre, un cabaret de débauche... le cinéaste imprime la marque de ses personnages sur chaque lieu traversé. Tour à tour expressionniste, quand l’espace semble tout droit projeté de la psyché de son héros, ou néo-réaliste, quand la caméra s’émancipe dans les rues de Tokyo, Vivre bénéficie qui plus est de la présence d’un acteur d’exception : Takashi Shimura.

Avec le génial Toshiro Mifune, Shimura s’impose comme une grande figure du cinéma de Kurosawa. Déjà parfait dans L’Ange ivre ou Chien enragé, son interprétation du fonctionnaire Watanabe a de quoi laisser pantois. Difficile d’oublier cette silhouette fantomatique qui, chancelante, traverse une grande partie du film. Il fallait quelqu’un de charismatique, l’égal d’un Chisu Ryu, l’acteur fétiche d’Ozu, ou d’un Victor Sjöström, pour supporter le poids d’un tel rôle et pour marquer durablement les esprits du spectateur. C’est chose faite avec Shimura. Ainsi lorsqu’il disparaît de la narration, sa présence hante-t-elle toujours l’écran et les lieux qu’il a traversés. Car telle est l’idée de base de Vivre : l’acceptation de son destin ne dispense pas de l’action. C’est en agissant que Watanabe / Shimura s’ouvrira à la vie. Et si les dès sont jetés et que sa mort s’avère certaine, ses actions passées aideront les autres à mieux vivre. La mort du personnage, inscrite dans le plan inaugural, ne signifie donc pas la fin de la fiction. Dans la dernière bobine du film, Kurosawa démultiplie les points de vue pour raviver le souvenir du défunt. Souvenir qui nous accompagnera pendant longtemps encore, au sortir de ce film intense et essentiel.

DANS LES SALLES

DISTRIBUTEUR : carlotta

DATE DE SORTIE : 25 Janvier 2017

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Par Chérif Saïs - le 19 février 2003