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Critique de film
Le film
Affiche du film

Violence au Kansas

(The Jayhawkers!)

L'histoire

1859 au Kansas, peu avant le début de la guerre de Sécession. Le soldat Cam Bleeker (Fess Parker) s’évade de prison après avoir appris que sa femme ne serait plus de ce monde. Gravement blessé, il parvient néanmoins à retourner chez lui. Malheureusement son épouse est bel et bien morte et il trouve à la place une jeune veuve et ses enfants, le gouvernement leur ayant revendu la maison du prisonnier politique. Elle voudrait bien que Cam reste les aider à faire tourner la ferme mais on vient l’arrêter. On le conduit devant le gouverneur du Kansas qui lui promet l’amnistie s’il accepte d’infiltrer les Jayhawkers de Luke Darcy (Jeff Chandler), un homme qui se prend pour Napoléon et qui voudrait faire du Kansas son empire en prenant possession de chaque ville tout en promettant protection à leurs habitants. Refusant tout d’abord, Cam finit par consentir à s’occuper de cette dangereuse mission lorsqu’il apprend que son épouse pourrait avoir été tuée par ce leader sans scrupules...

Analyse et critique

Mais que venait donc faire le duo Norman Panama / Melvin Frank dans le western ? Surtout si c’était pour bousiller ainsi un aussi intéressant postulat de départ ! L’on sait bien que Paramount n’est pas le studio qui a le plus œuvré pour le genre, et c’est en tombant sur ce genre de films que l’on comprend pourquoi. Déjà pour 1959, The Jayhawkers fait sacrément désuet dans son ton et dans son style, à tel point que l’on croirait se trouver devant un western des années 40, surtout si l’on se réfère aux très grands films voire même aux chefs-d’œuvre de cette fructueuse année dans le domaine. Faisons donc notre Patrick Brion en nous remémorant les westerns de cette exceptionnelle cuvée : Ride Lonesome de Budd Boetticher ; Rio Bravo de Howard Hawks ; Good Day for a Hanging de Nathan Juran ; Warlock d'Edward Dmytryk ; Face of a Fugitive de Paul Wendkos ; These Thousands Hills de Richard Fleischer ; Days of the Outlaws d'André de Toth ; Last Train from Gun Hill de John Sturges ; The Wonderful Country de Robert Parrish... Évidemment, la comparaison s'avère vraiment impitoyable pour le western qui nous concerne ici. Et bien sûr qu’il est tout à fait injuste de mettre Melvin Frank face à de telles pointures, mais pourquoi se frotter à ces dernières si ce n’est pour aboutir à un western aussi terne, même pas très divertissant et surtout totalement vieillot, même pour l’époque ?!


Bref, vous aurez compris que malgré Jeff Chandler en tête d’affiche et le travail en commun de trois excellents scénaristes que sont Joseph Petracca, Frank Benton et A.I. Bezzerides, à mon humble avis même si l’on ne peut pas vraiment dire que le résultat soit mauvais, il n’en demeure pas moins très peu réjouissant et sacrément décevant. Surtout au vu de l’ambition du projet sur le papier, une histoire d’infiltrés avec pour protagoniste principal un dangereux et charismatique mégalomaniaque. En effet, le personnage interprété par Jeff Chandler s’inspire de loin du tristement célèbre Quantrill. Ici, il a décidé pas moins que de conquérir le Kansas ; pour ce faire il envoie ses hommes cagoulés et chaussés de guêtres rouges mettre à sac les différentes villes de l’État pour ensuite pouvoir apparaitre en héros et sauveur avec l’arrivée de ces mêmes propres troupes qui ont quitté leurs déguisements. Il propose ensuite aux notables des cités ainsi "délivrées" de se placer sous son contrôle avec pour contrepartie sa protection. Luke Darcy préfigure ainsi en quelque sorte les gangsters des années 1920, voire même la mafia. Un personnage ambitieux et extrêmement envoutant qui parvient à attirer derrière lui même les plus réticents comme le protagoniste incarné ici par Fess Parker, comédien surtout célèbre pour avoir endossé la défroque du trappeur Davy Crockett pour le studio Disney. Alors que celui-ci infiltre sa bande afin de le faire tomber aux mains des autorités américaines, et même s’il a appris que cet homme pourrait être celui ayant causé la mort de son épouse - comment ? le scénario est trop fouillis pour en être certain -, Cam sera un temps tenté de le suivre dans ses rêves de grandeur tellement ce petit dictateur en herbe lui aura fait miroiter un avenir radieux et des exactions commises pour le bien et la paix du peuple !


Cette attraction / répulsion d’un homme humble pour un arriviste un peu présomptueux aurait peut-être pu aboutir à un film captivant si le scénario avait été un peu moins lâche et plus rigoureux, et si la mise en scène des duettistes Panama-Frank avait été beaucoup moins paresseuse et plan-plan. Il faut dire que les deux hommes sont plus habitués aux comédies musicales avec Danny Kaye qu’aux films d’action ; et cela se ressent devant le manque flagrant d’ampleur de leur western qui ne nous fait pas vraiment vibrer, la direction d’acteurs n’étant guère plus enthousiasmante. Fess Parker - qui pousse la chansonnette - et Nicole Maurey rivalisent de fadeur, tout comme les deux enfants qui s’avèrent très pénibles voire même pour tout dire assez têtes à claques. Quant à Jeff Chandler, il prouve une fois encore que sa forte présence ne se révélait que sous la houlette de bons réalisateurs comme Delmer Daves, Samuel Fuller ou George Sherman. Le reste du temps, et en l’occurrence ici aussi, son jeu manque singulièrement de conviction ; un paradoxe pour un personnage qui se veut charismatique au possible et que le comédien ne parvient presque jamais à rendre. Il se rappellera néanmoins aux souvenirs de certains(nes) qui ne manqueront pas de s'étrangler au regard de ses idées sur la gent féminine : "To me, a good woman is like a good bottle of wine : once you've used it up, you throw the container away." On se souviendra également bien plus de la trogne de Henry Silva dans le rôle de son homme de main sanguinaire, cruel et vicieux.


Ceux qui auraient pensé trouver des qualités sur la forme - la photo est quelconque et les décors sont souvent cheap - ou qui auraient attendu de profiter de quelques séquences d'action n’en auront donc guère plus pour leur argent. D’un western familial au tout début The Jayhawkers bifurque vers le western politique sans que ni l’un ni l’autre n’arrivent à convaincre. Quant à la bande originale de Jerome Moross, sans jamais lui arriver à la cheville niveau ampleur, elle marche rythmiquement et mélodiquement directement sur les traces de celle qu’il avait précédemment composée pour Les Grands espaces (The Big Country) de William Wyler, un western d’ailleurs autrement plus réussi. Comme pour ce dernier film, elle est de plus également parfois intempestive et pas toujours utilisée à bon escient (voir la tentative de viol de Nicole Maurey par Henry Silva). Quelques idées et personnages intéressants mais au bout du compte un western mollasson à la réalisation indigente. Dommage !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 22 décembre 2018