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Critique de film
Le film

Ville sans loi

(Barbary Coast)

Analyse et critique

Tiens, un film du grand Howard Hawks écrit par le duo Ben Hecht / Charles McArthur d’après un livre de l’auteur qui a inspiré aussi le Gangs of New York de Scorsese avec dans la distribution non moins qu’Edward G. Robinson, Miriam Hopkins, Harry Carey, Joel McCrea et Walter Brennan ; vraiment très alléchante cette mixture d’autant plus que cette histoire d’une femme indépendante et n’ayant pas froid aux yeux qui arrive à San Francisco durant la ruée vers l’or de 1849 bien décidée à récolter sa part du butin promettait romance, aventure et érotisme ! "Détestable, artificiel, un travail de commande plus ou moins" dira pourtant Hawks de Barbary Coast. On sait d’une part que les cinéastes sont souvent mal placés pour juger leurs propres œuvres (Lang détestait aussi Moonfleet) et de l’autre que le cinéma hollywoodien de l’époque des studios était majoritairement constitué de films de commandes transfigurés dans de très nombreux cas en pièces maîtresses qui pouvaient être toutes aussi inoubliables que des œuvres plus personnelles. Bref, les déclarations de Hawks, nous pouvions aisément les refouler d’un revers de la main. Mais le fait de les avoir lu nous aura au moins permis de ne pas être trop déçu, ayant pu nous attendre à une catastrophe ; si ce n’en est certes pas une, nous n’en sommes pas très éloigné.

Hawks tente au départ de copier Sternberg dont le Morocco était un de ses films favoris. Mais tout ceci sent effectivement d’emblée l’artifice et le théâtral ; les dialogues confinent à l’emphatique et au ridicule (le célèbre duo de scénariste les a d’ailleurs renié, Hawks lui même ayant fait retoucher leur travail de départ). S’ensuit une tentative de picaresque qui échoue elle aussi ; si tous les efforts sont mis en place avec force décors, costumes et figuration braillarde, l’encéphalogramme reste plat. Il aurait fallu un Raoul Walsh pour faire vivre et bouger ce petit monde bigarré. Puis apparaît au bout de quarante minutes le personnage interprété par Joel McCrea qui aura rarement paru aussi benêt et l’on a vraiment du mal à comprendre comment Mary Rutledge, femme forte typiquement ‘hawksienne’ (c’est d’ailleurs le seul élément du film caractéristique de son cinéma) arrive alors à s’enticher de ce nigaud. Un film trop bavard, un scénario peu passionnant pas franchement relevé par la mise en scène dont Hawks, si l’on en croit son biographe Todd McCarthy, s’est effectivement désintéressé pour cause de mésentente avec l’omnipotent Samuel Godlwyn. Restent néanmoins une excellente prestation d’Edward G. Robinson en despote amoureux, de sympathiques interprétations d’Harry Carey et Walter Brennan dont c’était la première collaboration avec Hawks, quelques séquences remarquables comme celle du lynchage de Brian Donlevy et une histoire, aussi quelconque soit-elle, qui se laisse suivre sans trop d’ennui malgré la quasi absence d’émotion qui s’en dégage. C’est déjà pas mal mais trop peu pour du Hawks. Pour collectionneurs ou "complétistes" de la filmo hawksienne uniquement !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 11 mars 2007