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Critique de film
Le film
Affiche du film

Un hold up extraordinaire

(Gambit)

L'histoire

Associé à un faussaire expérimenté, le petit escroc Harry Dean a un plan pour voler une sculpture à la valeur inestimable dans la suite qu'occupe l'un des hommes les plus riches du monde, Ahmad Shahbandar. Pour cela il a besoin de la complicité de Nicole, une strip-teaseuse de Hong Kong qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la femme défunte de Shahbandar et à l'impératrice représentée par la statue. Mais si son plan lui parait infaillible, son exécution sera pleine d'imprévus.

Analyse et critique

La carrière de Ronald Neame est aujourd’hui essentiellement oubliée, même par certains spécialistes, hormis bien sûr pour L’Aventure du Poséidon qui est probablement le plus mémorable et réussi des films catastrophe produits pendant l’âge d’or du genre, durant les années 70. Pour les plus experts, certains de ses autres films de la seconde partie des années 60 et des années 70 émergent, dont Le Dossier Odessa et éventuellement Un hold-up extraordinaire qui nous intéresse ici. C’est faire l'impasse sur toute la première partie de la carrière derrière la caméra du cinéaste, qui propose quelques films très audacieux et étonnants dont deux remarquables réussites mettant en scène Alec Guinness : De la bouche du cheval d’une part, qui raconte les aventures d’un peintre excentrique, et Les Fanfares de la gloire d’autre part, un drame psychologique qui évoque la vie d’un régiment écossais installé dans un château et qui offre une confrontation mémorable entre Guinness et John Mills. Ces deux films partagent de remarquables qualités visuelles et un sens aigu de la narration qui seront aussi les qualités d’Un hold-up extraordinaire, avec une facture plus classique, ce qui fait de ce titre l'un des plus notables des nombreux "films de casse" produits durant les années 60.

C’est en pleine période de succès du film de casse, et notamment après le succès public et critique de Topkapi, couronné d’un Oscar, que le studio Universal lance la production d’Un hold-up extraordinaire pour profiter également de la mode. Le scénario écrit par Jack Davies, vétéran Hollywoodien, et Alvin Sargent, qui travaille pour la première fois pour le cinéma avant de devenir un scénariste important du Nouvel Hollywood, est d’un beau classicisme. Un duo d’escrocs envisage de voler une œuvre d’art coûteuse, détenue par un multimilliardaire, et va pour cela s’offrir les services d’une jolie strip-teaseuse. Le ton est léger, souvent drôle, et la progression de l'action est particulièrement ludique. Il faut notamment souligner l’efficacité du double récit, d’abord le casse idéal rêvé par le personnage principal, puis la réalité de l’action, bien plus chaotique. Le décalage entre ces deux séquences est l’un des principaux ressorts comiques du film, notamment grâce à la différence de caractère et de comportement de Nicole, le personnage interprété par Shirley MacLaine, entre le plan idéalisé et son exécution. Ronald Neame met sa science de la mise en scène au service de ce récit, avec des cadrages remarquables et une belle utilisation des décors. Tourné en studios, Un hold-up extraordinaire bénéficie d’une direction artistique particulièrement élégante et nous parvenons presque à croire en l’exotisme des décors, l’histoire étant supposée se dérouler entre Hong-Kong et le Moyen-Orient. Le climax du film se trouve évidemment lors du casse en lui-même, une scène pleine de tension et dotée de son lot de rebondissements qui est à la hauteur des meilleures séquences du genre. Drôle et prenant, Un hold-up extraordinaire est un film d’une facture classique, qui remplit à merveille toutes les exigences du bon film de casse et se révélant être un excellent divertissement.


Cerise sur ce gâteau fort bien emballé, un casting haut de gamme, incarné en premier lieu par Michael Caine qui confirme ici tout son talent. Pour l’acteur anglais, l’année 1966 est celle de l’explosion avec d’abord l’excellent Alfie, le dragueur, qui fit de lui une star, puis Un mort en pleine forme et enfin Mes funérailles à Berlin, second épisode des aventures de l’espion Harry Palmer après Ipcress - Danger immédiat produit l’année précédente. Au milieu de cette belle série, Caine confirme son talent et son charisme avec Un hold-up extraordinaire où son rôle d’escroc classieux - à nouveau prénommé Harry - colle parfaitement à son image mi-élégante mi-canaille et contribue à l’explosion de sa popularité. Mais encore plus que le l’acteur anglais, c’est Shirley McLaine qui retient notre attention dans le rôle de Nicole. D’abord parce qu’elle est incroyablement séduisante, magnifiée par les très beaux costumes du film signés Jean-Louis. Ensuite parce qu’elle tient avec brio deux rôles en un seul film, la Nicole rêvée de la première partie, raide et mutique, étant diamétralement opposée à la Nicole chaleureuse et volubile de la seconde. Enfin et surtout car elle apporte une belle touche d’intelligence et de douceur au ton du film. C’est elle qui mène finalement l’action dans sa seconde partie, comblant les lacunes du plan de Harry qui n’est parfait que dans ses rêves, et c’est l’admiration de plus en plus amoureuse qu’elle porte à l’élégant escroc qui devient peu à peu le moteur du récit. Avec sa grâce, Shirley McLaine transforme quelque peu le film, lui offrant une couleur complémentaire en ajoutant sentiment et tendresse à une ambiance essentiellement orientée vers la comédie légère.

Rythmé, drôle et prenant, Un hold-up extraordinaire nous fait passer un excellent moment, avec élégance et efficacité. D’aucuns pourraient reprocher au film de ne faire que cela. C’est déjà beaucoup. Offrir un divertissement haut de gamme au spectateur reste une des plus belles vertus du cinéma, et le film de Ronald Neame s’y conforme parfaitement. Profitons-en.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Philippe Paul - le 5 avril 2019