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Critique de film
Le film
Affiche du film

Topaze

L'histoire

Topaze (Fernandel) est un instituteur dévoué et consciencieux, bien trop droit dans ses bottes pour faire carrière. Il détruit celle-ci en refusant de monter les notes d’un élève fortuné et médiocre. Il est renvoyé de la pension Muche où il exerce, et survit en donnant des leçons particulières. Sa naïveté va le mener à devenir l’objet de Castel-Benac, un conseiller municipal corrompu et manipulateur. Bientôt, Topaze découvre le ridicule de ses grandes idées sur l’éducation et va, à son tour, goûter aux joies du cynisme et de la manipulation...

Analyse et critique

"Lorsque je suis arrivé à Paris, j’ai eu affaire à des hommes d’affaires. Il m’a semblé que ces gens, qui avaient des situations très importantes, n’étaient pas plus intelligents que les petits instituteurs d’autrefois. Et que ces petits instituteurs, s’ils avaient bien voulu un peu renoncer à leur sincérité et à leur honnêteté, auraient pu aussi faire de très grandes affaires. " Cette pique lancée par Pagnol est le programme même de Topaze qui, en 1928, est son premier succès théâtral. La pièce est jouée pas loin de cinq mille fois au théâtre des Variétés de Max Maurey à Paris.

En 1933, dans la foulée du succès de Marius au cinéma, la Paramount achète les droits de la pièce. L’adaptation en est confiée à Léopold Marchand, un ami de Pagnol, et la mise en scène à Louis Gasnier, sans même que Pagnol ne soit consulté. Pagnol déteste le résultat, ne reconnaît pas sa pièce qu’il trouve mutilée, et n’apprécie guère le choix de Louis Jouvet dans le rôle titre. La même année, la RKO en tourne également une adaptation, à laquelle Ben Hecht participe, produite par David O’ Selznick, réalisée par Harry d’Abbadie d’Arrast et interprétée par John Barrymore et Myrna Loy. En 1936, Pagnol réalise sa propre version avec Arnaudy. Il lui propose ce rôle un peu pour le consoler du mauvais accueil reçu par son interprétation de Cigalon. Le film ne convainc guère critiques et spectateurs. Pagnol lui-même en est peu satisfait et il s’empresse de le retirer de l’affiche. La faute en partie à Arnaudy qui ne parvient pas à faire oublier la prestation scénique de Lefaur, qui demeure pour Pagnol le Topaze idéal. Le reste du casting est également sujet à caution : Délia Col est bien fade, Pierre Asso peu engageant.

Marcel Pagnol revient à cette pièce de jeunesse en 1951 et fait appel cette fois-ci à Fernandel pour incarner Topaze. Peut-être est-ce pour se rassurer qu’il revient à son premier grand succès, Pagnol ayant par trois fois perdu les faveurs du public avec Naïs en 1945, La Belle meunière en 1948 et Le Rosier de Madame Husson réalisé par Jean Boyer en 1950.

Topaze raconte le parcours d’un naïf altruiste qui va devenir un rapace au contact des grands de ce monde. C’est un pamphlet contre les politiciens, les menteurs, les manipulateurs, les rusés. Pagnol les stigmatise de manière simple et directe, sans nuance, ce qui surprend lorsque l’on sait que Pagnol s’est évertué d’œuvre en œuvre à donner la parole à tous, bons comme mauvais, à offrir une chance même au plus terrible des personnages. Il est étonnant de voir Jouvet et Fernandel partager le même rôle. Comme on peut s’y attendre, Fernandel est bien plus à l’aise dans la première facette de son personnage, le manipulé naïf, que lorsque celui-ci devient cynique et calculateur. L’inverse de Jouvet en somme. L’autre problème inhérent au choix de Fernandel est que celui-ci est trop âgé pour le rôle, et seul son talent peut faire oublier que la naïveté première du personnage vient bien de son jeune âge et non d’une nature stupide. Cela étant dit, Fernandel s’en sort tout de même avec les honneurs et parvient bien souvent à nous faire ressentir de l’antipathie, pari pas forcément gagné tant l’acteur transporte avec lui de ces personnages qui, au fil des années, nous ont bouleversés et émus.


On sent Pagnol peu à l’aise avec cette histoire, trop cynique, trop caricaturale. Si l’on peut comprendre pourquoi, à ce moment de sa carrière, il ressent le besoin de renouer avec le succès, on peut légitimement mettre en doute son choix de se porter sur cette œuvre de jeunesse. L’œuvre de Pagnol est depuis longtemps parvenue à maturité, ses personnages sont à chaque fois plus complexes, plus fouillés, et retrouver Topaze en 1951 semble bien incongru. Le tournage du film même ne semble pas lui convenir. S’il a certes déjà presque intégralement tourné La Femme du boulanger en studio, on sent Pagnol plus libre et impliqué lorsqu’il arpente les décors naturels du sud de la France ou les quartiers de Marseille. De plus, les brouilles avec Fernandel se font plus fréquentes et plus lourdes qu’à l’accoutumée. Et il y a l’ami Vincent Scotto qui tombe malade et ne peut signer la musique, remplacé par Raymond Legrand, le père de Michel.

Le film rencontre des soucis avec la censure, alors même que les précédentes adaptations ne provoquèrent nul remous. En fait Topaze sort au moment où des scandales financiers éclaboussent la IVème république. Le Ministre de l’intérieur pousse la commission de censure à imposer des coupes dans le film. Pagnol, après un long combat, doit céder et trois échanges disparaissent du film. Le comité de censure veut en outre qu’il remplace l’affaire Stavisky, évoquée à un moment, par celle de Panama, bien antérieure et oubliée du public. Pagnol s’amuse plutôt à couper le son lorsque Stavisky est prononcé, l’acteur devenant subitement muet lorsque vient le moment de prononcer ce nom !

Ce Topaze 1951 est la plus réussie des trois adaptations françaises, réussite que l’on doit en grande partie à une distribution excellente. Le film est un succès public, mais Pagnol est déçu d’avoir du revenir à un vieux texte pour le reconquérir. Les projets maudits ou abandonnés en cours de route se sont accumulés et Pagnol semble avoir du mal à retrouver son inspiration d’avant-guerre. Sa réponse va être Manon des sources, film magnifique qui portera deux ans plus tard l’œuvre cinématographique de Marcel Pagnol à son sommet.

DANS LES SALLES

DISTRIBUTEUR : MISSIOn DISTRIBUTION

DATE DE SORTIE : 7 Septembre 2016

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Par Olivier Bitoun - le 1 octobre 2007