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Critique de film
Le film

Terreur à l'Ouest

(The Bounty Hunter)

L'histoire

Après l'avoir tué, Jim Kipp (Randolph Scott) ramène en ville un hors-la-loi dont la tête était mise à prix. Aucun de ses agents n'ayant été capable depuis plus d'un an de démêler une affaire, un homme de l'agence de détective Pinkerton en profite pour aborder le chasseur de primes et lui demander de l'aide, comptant sur ses capacités et son goût de l'argent pour finir de la résoudre. Il doit retrouver trois membres d'un gang ayant cambriolé un train, tué des civils et volé la somme de $100,000. Masqués, ils n'ont jamais pu être identifiés, les billets volés jamais encore remis en circulation. Le seul indice qu'on lui donne est que l'un des trois fuyards s'est pris une balle dans la jambe durant le hold-up. Kipp entame son enquête d'où il retire un premier élément : les bandits n'ont pu se rendre que dans une seule ville après avoir commis leur larcin, une bourgade en expansion du Nouveau Mexique : Twin Forks. Il s'y rend donc incognito interrogeant tous les citoyens à commencer par le gérant de l'hôtel (Ernest Borgnine), un homme boiteux. Julie (Dolores Dorn), la fille du médecin, pas insensible au charme de cet étranger, lui confie se souvenir de l'arrivée nocturne de trois hommes au cabinet de son père il y a environ une année. La véritable identité de Kipp s'étant faite jour, les habitants de Twin Forks commencent tous à devenir nerveux d'autant que Kipp ne leur apprend pas qui il recherche ; comme si tout le monde avait quelque chose à se reprocher ! A commencer par Vance Edwards (Tyler McDuff), un évadé qui pense que Kipp est venu le ramener en prison. Le shérif (Howard Petrie) ne semble pas non plus ravi de voir un sale 'Bounty Hunter' arpenter les rues de sa cité...

Analyse et critique

Terreur à l’Ouest vient mettre un terme au bout de six films à la collaboration entre Randolph Scott et André de Toth ; un corpus westernien que certains tentent de placer au même niveau que celui qu’entamera bientôt le comédien avec Budd Boetticher. Même s’il se tient très bien, il n'en demeure pas moins très éloigné qualitativement parlant, aucun des titres ne pouvant prétendre au statut de grand film, peu susceptibles de plaire à d’autres qu’aux seuls aficionados de westerns de série B. Avant d'en arriver à parler de The Bounty Hunter, le film qui clôt le ‘cycle’, esquissons rapidement un résumé de l’ensemble de ce groupe de six films. Il débuta par le trépidant Le Cavalier de la mort (Tall in the Saddle), produit par Harry Joe Brown à la Columbia et qui, sur la forme, dans la conduite du récit et dans la gestion de son rythme, ne sera plus dépassé par la suite. Puis à la Warner, De Toth tourna Les Conquérants de Carson City, beaucoup trop conventionnel et un peu mollasson mais cependant plutôt sympathique. Retour à la Columbia pour Les Massacreurs du Kansas (The Stranger Wore a Gun), tout aussi conventionnel mais cette fois bien mauvais et surtout esthétiquement hideux à cause principalement de la 3D (heureusement que The Bounty Hunter, initialement prévu pour être lui aussi tourné en relief, ne le fut pas). De Toth restera ensuite à la Warner pour les trois suivants : La Trahison du Capitaine Porter (Thunder over the Plains), le plus ambitieux et l’un des plus réussis du lot, pour finir par, en cette même année 1954, deux westerns urbains aux idées de départ très intéressantes mais qui, bien que très plaisants, n’arrivent pas à se hisser aussi haut que nous l’aurions souhaité à cause de scénarios tombant trop souvent dans la facilité. Ce seront donc Le Cavalier traqué (Riding Shotgun) et The Bounty Hunter.


Après l’homme seul contre tous par le fait d’être cru coupable d'un meurtre par l'ensemble de la population d'une petite ville (Riding Shotgun), voici l’homme seul contre tous du fait de sa profession, 'Bounty Hunter', ou plus communément 'chasseur de primes' ("Well, you know what they say about you, you'd turn in your grandmother on her birthday if there was a reward on her"). Quelques années plus tard, un autre western lui ressemblera énormément par sa situation de départ : Une balle signée X (No Name on the Bullet) de Jack Arnold avec Audie Murphy dans la peau d’un protagoniste assez similaire, arrivant dans une ville sans dire ce qu’il vient chercher, provoquant ainsi la suspicion chez tous les citoyens, la plupart ayant des choses à se reprocher, des secrets à taire, chacun s'attendant à ce que l'homme en noir soit venu pour lui. Il y avait déjà eu Howard Kemp à exercer ce métier peu glorieux de Bounty Hunter dans The Naked Spur (L’appât) d’Anthony Mann. Mais, avant ceux que Steve McQueen et Sergio Leone immortaliseront, le personnage interprété ici par Randolph Scott pourrait en être le premier véritable modèle. Voici la description qui en est faite dans le prologue du western de De Toth : “During the early days when civilisation was pushing its frontiers farther and farther West, there roamed a special creed of men, neither outlaws nor officers of the law, yet more feared than either. For reward money--they tracked down criminals wanted dead or alive, and made themselves both judge and executioner in some lonely court of no appeal. They were called "Bounty Hunters”.


- « Personne ne t’a jamais demandé les raisons pour lesquelles tu es chasseur de primes ? » demande le shérif à Kipp en lui tendant la liasse de billets constituant la récompense pour avoir ramené mort un bandit dont la tête était mise à prix.
- « Non et d’ailleurs il me manque 10 raisons » réplique ce dernier ayant fini de recompter les billets, s'estimant floué de dix d'entre eux.
Une répartie qu'aurait pu dire 15 ans plus tard l'homme sans nom interprété par Clint Eastwood ! Et cette qualité de dialogues maniant l'ironie à la perfection (avec 'punchlines' bien senties que se délecte visiblement à lancer Randolph Scott) offre l'une des occasions de pouvoir se réjouir à la vision de ce western par ailleurs porté à bout de bras par son acteur principal, aucun autre rôle n'ayant malheureusement suffisamment d'importance pour pouvoir lui faire de l'ombre. Ce n'est pas que Ernest Borgnine, Marie Windsor, Dolores Dorn, Howard Petrie, Dub Taylor ou les autres ne soient pas convaincants ; c'est juste qu'ils n'ont pas spécialement le temps de nous le démontrer, n'étant pas vraiment mis en avant. Autant dire que les détracteurs du cow-boy 'au visage en lame de couteau' peuvent passer leur chemin. Pour donc en revenir au seul protagoniste qui importe vraiment, à la différence de la plupart de ses successeurs, Jim Kipp, malgré déjà un certain cynisme, pas avare de cinglantes répliques balancées de plein fouet à ses interlocuteurs, n'en est pas moins un charmant gentleman, Randolph Scott oblige.


Comme La Mission du Commandant Lex (Springfield Rifles), à mi-chemin entre western et film policier, c'est donc l'enquête que mène Kipp qui constitue le nœud de l'action. Sa manière de faire est assez cocasse, ne disant rien de ce qu'il est venu chercher pour faire monter la pression : il est amusant de voir que la plupart des habitants de Twin Forks n'arrivent plus à fermer l'œil depuis l'arrivée de cet homme apparemment sans une once de sensibilité, tous plus ou moins persuadés qu'il est venu pour eux. Ce dernier ne se démonte jamais et fonce bille en tête n'ayant à priori qu'une chose à l'esprit, la réussite de sa mission et l'appât du gain. Bien sûr, ce n'est pas une brute sanguinaire et d'ailleurs il possède une autre raison moins pragmatique à son acharnement à 'chasser les têtes' mais il n'en fait presque jamais rien ressortir. Lui et les innombrables coupables potentiels vaquent au sein d'un scénario plein de facilités et du coup assez roublard (signé par l'auteur de My Darling Clementine), mais en même temps très malin puisque je défie quiconque de repérer les 3 meurtriers à l'avance. Aucune baisse de rythme mais une mise en scène moins efficace que dans d'autres films du cinéaste. Si l'on retrouve sa figure de style préférée, à savoir les longs panoramiques, esthétiquement parlant, le film est assez pauvre. Il ne semble d'ailleurs pas avoir bénéficié d'un important budget, ce qui se ressent assez souvent. A la musique officie un David Buttolph qui a toujours autant de mal à trouver de l'inspiration, la doublure de Randolph Scott est toujours aussi peu discrète lors des combats à poings nus et l'humour balourd que la Warner n'a de cesse de distiller au sein de ses westerns se fait une nouvelle fois présent à quelques reprises.


Mais le sourire de Randolph Scott fait vite oublier ces défauts d'autant que son personnage est au final respectable et assez attachant, cachant une bonne moralité sous ses airs vicieux, laissant un ancien évadé refaire sa vie sans chercher à le dénoncer, argumentant en fin de compte le choix de son métier, mettant enfin un terme à celui-ci pour se mettre au service de la véritable loi en tant que shérif. Un western de série B qui se suit avec plaisir mais attention de ne pas le confondre avec The Oklahoma Kid de Lloyd Bacon qui avait le même titre en français !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 3 octobre 2015