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Critique de film
Le film
Affiche du film

Tarantula

L'histoire

En plein désert, on trouve le corps d'un scientifique qui travaillait dans un coin reculé d'Arizona en collaboration avec le professeur Deemer (Leo G. Carroll). Le shérif demande au docteur Hastings (John Agar) de venir "inspecter" le cadavre étonnement défiguré par une acromégalie fulgurante. Le médecin n’ayant jamais vu de cas de cette maladie se développant aussi rapidement, il se met à enquêter et se rend chez Deemer dont le laboratoire vient d’être à moitié détruit par un incendie déclenché par un autre de ses assistants devenu fou furieux. Ils travaillaient tous les trois sur la mise au point d’un nutriment chimique susceptible de réduire considérablement les problèmes de famine dans un monde où la population ne cesse de croître. Mais le feu a fait fuir la plupart des animaux cobayes sur lesquels ils effectuaient leurs expériences ; parmi eux, une tarentule dont la taille ne cesse d’augmenter et dont les besoins alimentaires grandissants vont l’amener à se nourrir de bétail et... d’humains. Pendant ce temps, une nouvelle assistante arrive pour prêter main forte au professeur dans ses recherches, la charmante étudiante "Steve" Clayton qui n’est pas insensible au charme de Hastings...

Analyse et critique

Moyennement convaincant dans le domaine du western - autre genre de prédilection de la compagnie Universal - Jack Arnold, qui fut tout d’abord l'assistant de Robert Flaherty au Service Cinématographique de l'Armée, une fois embauché au sein de cet important studio, devint sous la tutelle du producteur William Alland, et malgré un nombre assez restreint de titres, l’un des plus grands spécialistes du film de science-fiction lors de son premier âge d’or dans les années 1950. Il réalisa donc dans le genre fantastique / SF / anticipation tout d’abord l’excellent Météore de la nuit (It Came from Outer Space) en 1953, puis l’agréable et attachant Etrange créature du lac noir (Creature from the Black Lagoon) en 1954 avant de signer son chef-d’œuvre en 1957, L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man) qui, contrairement aux précédents films et malgré les progrès techniques ayant eu lieu durant les soixante années qui ont suivi, n’a quasiment pas pris une ride. Son autre titre de gloire dans le domaine sera ce très bon Tarantula, toujours aussi efficace et carré mais bénéficiant d’un scénario un peu trop léger pour pouvoir se hisser au niveau de ses plus grandes réussites.

Il faut dire que son "ambition" première lorsqu’il décide de réaliser ce film est de gagner de l'argent. En manque de liquidités, il décide donc en cette année 1955 de partir d’un scénario de Robert M. Fresco déjà écrit pour un épisode de la série Science Fiction Theatre et qui contait les mésaventures de plusieurs scientifiques s’inoculant en tant que cobayes de leurs propres expériences de l’alimentation synthétique, avec à la clé des conséquences désastreuses. Les auteurs du scénario de Tarantula - dont Jack Arnold fait partie pour l'une des rares fois de sa carrière - ajoutent des animaux victimes eux aussi de ces expérimentations ; si suite à l’ingestion du sérum les humains deviennent défigurés et violemment hargneux, les bêtes grossissent d’une manière non seulement ultra-rapides mais également phénoménales. C’est le cas d’une tarentule qui, suite à la destruction d'une moitié du laboratoire par un assistant devenu fou furieux, s’échappe de sa cage pour aller "se balader" dans le désert de l’Arizona, ses besoins nutritifs devenant de plus en plus importants au vu de sa taille de plus en plus gigantesque, se mettant à dévorer tout ce qui se présente sur son chemin, indifféremment bétail et humains. Le cinéaste pense qu’il y a dans ce script de quoi exploiter la phobie des insectes d’une grande majorité du public, comme l’avait fait la Warner l’année précédente avec Des monstres attaquent la ville (Them !) de Gordon Douglas avec maintes fourmis géantes. L'arachnophobie devrait faire encore plus d'effet !

Universal accepte mais veut le faire à l’économie, n’accordant qu’un budget très limité au réalisateur. La musique est ainsi "pillée" dans d’autres films du studio, parmi lesquels les précédents films fantastiques de Jack Arnold, et la durée du tournage est réduite à seulement dix jours. Les effets spéciaux eux non plus ne grèveront pas l’enveloppe budgétaire ; ce système basé sur des calques et des superpositions d’images se révèlera pourtant fort convaincant, très crédible et d’une redoutable efficacité au point de faire encore son effet aujourd’hui. Bud Westmore réussit lui aussi fort bien ses maquillages, les prothèses créées pour montrer les ravages physiques causés par l’acromégalie qui défigure les trois scientifiques s’avérant assez effrayantes et notamment celles destinées au comédien Leo G. Carroll (son visage "coule" carrément à la fin). On peut d’ailleurs constater - comme c’était le cas pour ses films précédents - que l’absence d’un budget important a permis de stimuler l’inventivité et la créativité des auteurs et des équipes techniques qui, avec quelques bouts de ficelle, sont arrivés à nous bluffer. Pour masquer ce manque de moyens, on citera aussi la très ingénieuse idée de faire parfois adopter par la caméra un point de vue subjectif, nous mettant par exemple à la place de l’araignée qui plonge ses pattes et ses mandibules vers les "petits" hommes terrifiés au sol. Comme c’était déjà le cas pour Le Météore de la nuit - probablement tourné sur les mêmes lieux -, Arnold utilise également à la perfection les paysages désertiques à sa disposition d’où à chaque instant peuvent surgir une quelconque menace tapie au détour d’un croisement, derrière d’impressionnantes concrétions rocheuses ou au contraire derrière de paisibles collines.

Certes, avec naïveté mais non sans hardiesse ni sincérité, les auteurs fustigeaient à travers Le Météore de la nuit la xénophobie ambiante et la tendance paranoïaque chez leurs compatriotes, la peur et la haine irréfléchies dès lors que se fait jour une part d'inconnu, et prônaient par la même occasion le droit à la différence. Les thématiques "courageuses" sont beaucoup moins présentes dans Tarantula, qui n’a presque comme seule ambition - et c’est déjà pas mal - que d’être un film d’horreur effrayant pour les spectateurs de l’époque grâce à de superbes effets spéciaux et à une mise en scène qui sait parfaitement bien faire monter et gérer la tension et le suspense. Même si les situations ont été vues et revues depuis, on se souviendra de l’apparition de l’effroyable faciès de l’araignée derrière la fenêtre de la chambre de Mara Corday ou de la séquence angoissante où la tarentule, après avoir détruit de fond en comble la maison du professeur, poursuit la voiture où s'est réfugié le couple. Bien évidemment qu’au vu de ce qui s’est fait depuis, le film ne fera aujourd’hui plus peur à grand monde, mais il faut se rendre à l'évidence, le charme et la magie opèrent toujours. Il en va de même pour la romance entre John Agar et la très jolie Mara Corday, certes archi-convenue mais cependant très plaisante ; les dialogues et le talent du duo d'acteurs aident à rendre agréable de bout en bout cette histoire d'amour qui n'était, il est vrai, pas franchement utile à l’intrigue. Quant aux diverses et intéressantes réflexions - car il y en a quand même -, elles portent avant tout sur les périls débouchant de la recherche d'un progrès trop en avance sur son temps, les dérives de la science, les méfaits de la radioactivité, les dangers de vouloir se substituer à Dieu ou à la nature - les thématiques de Frankenstein ne sont pas loin -, même si les intentions de départ des scientifiques étaient louables et altruistes.

Tarantula est un classique du genre solidement mis en scène, techniquement très maitrisé, bien mené, carré, efficace et très correctement interprété par toute une tripotée de comédiens assez peu connus du grand public mais que les aficionados de la série B seront contents de retrouver ici. De John Agar - l’inoubliable lieutenant Cohill dans le chef-d’œuvre de John Ford, She Wore a Yellow Ribbon - à Mara Corday en passant par Leo G. Carroll - l’homme qui "invente" George Kaplan dans La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock -, Nestor Paiva ou encore le futur shérif de la série Le Virginien, l’excellent Ross Elliott, ici dans le rôle du journaliste. Et puis bien évidemment, et même si c’est totalement anecdotique, nous noterons dans les toutes dernières minutes la présence d’un tout jeune Clint Eastwood - dont on ne verra que les yeux derrière son casque de pilote de chasse - qui lâchera les bombes au napalm sur la tarentule monstrueuse. Même s’il s’avère on ne peut plus classique, schématique et un peu trop bavard, et même s’il marquera certainement moins les spectateurs qu’à sa sortie, le film anxiogène de Jack Arnold se suit sans ennui et a contribué à populariser le film de "grosses bébêtes" dont il demeure à ce jour l’un des plus beaux fleurons.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 21 août 2017