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Critique de film
Le film
Affiche du film

Sans soleil

L'histoire

Des lettres d’un caméraman free-lance, Sandor Krasna, sont lues par une femme inconnue. Parcourant le monde, il demeure attiré par deux « pôles extrêmes de la survie », le Japon et l’Afrique, plus particulièrement la Guinée Buissau et les îles du Cap-Vert. Le caméraman s’interroge sur la représentation du monde dont il est en permanence l’artisan, et le rôle de la mémoire qu’il contribue à forger;

Analyse et critique

Sans Soleil est peut-être le chef-d’œuvre de Chris Marker. Ce dernier a passé sa vie à voyager sur tous les continents et avait déjà réalisé plusieurs documentaires sur le thème du déplacement. L’un des plus connus réalisé avant Sans Soleil était Si j’avais quatre dromadaires (1966) dont le titre est tiré d’un extrait d’Apollinaire dans Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée (1911) :

« Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d’Alfaroubeira
Courut le monde et l’admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j’avais quatre dromadaires. »

L’infant Pedro d’Alfaroubeira fut régent du Portugal durant la première moitié du XVe siècle et la légende, encore vivace au Portugal, dit qu’il aurait parcouru pendant dix ans les sept parties du monde connu alors, avec douze compagnons et quatre dromadaires. Sans dromadaires, Chris Marker est cependant parvenu à beaucoup voyager durant les deux décennies qui précèdent Sans Soleil, sorti en 1982. Entre Si j’avais quatre dromadaires et Sans Soleil, films où le thème du voyage est central, plusieurs années se sont passées, les années qui ont conduit Chris Marker à faire un constat sur la société de lutte dans Le Fond de l’air est Rouge en 1977.

Le voyage, la digression, le clin d’œil et le texte littéraire sont les inspirations majeures de Sans Soleil, documentaire particulièrement original dans sa forme et dans son ton. Il est très délicat de tenter de résumer un film qui saute régulièrement du coq à l’âne, entame des pistes d’une intense profondeur pour les abandonner au profit d’un chemin de traverse fantaisiste.

Plutôt que de le résumer, je vais essayer d’en décrire les dix premières minutes. La richesse des thèmes et des paysages abordés durant ces dix minutes devraient donner, mieux qu’une tentative de synopsis, une idée de ce film de deux heures.

Le premier plan du film est une citation en blanc sur fond noir. Dans la version anglaise :

“ Because I know that time is always time,
And place is always and only place ”
T.S. Eliot, Ash-Wednesday

Dans la version française:

“ L’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps ”
Racine, Seconde Préface à Bajazet.

Nous reviendrons plus loin sur cette citation. Elle est suivie du plan bien connu des trois enfants sur une route d’Islande dont Marker dit qu’elle est une parfaite image du bonheur mais qu’il n’a jamais su avec quoi la monter. Il passe ensuite au plan rapide d’un avion de chasse américain qui rentre sous le pont d’un porte-avion pendant la guerre du Vietnam, contre-champ inverse d’un plan du Fond de l’air est Rouge où un avion sortait justement du pont. Nous avons changé d’époque.

Il revient sur l’image des enfants, qu’il fait suivre d’un plan noir. « Il faudra que je la mette un jour toute seule au début d’un film, avec une longue amorce noire. Si on n’a pas vu le bonheur dans l’image, au moins on verra le noir » indique la lectrice en voix-off. Le noir est suivi d’un court générique qui donne le titre du film en russe, en anglais puis en français.

Le générique passé, nous sommes, au bout d’une minute de film, sur un ferry qui revient de l’île d’Hokkaido, au nord de l’archipel du Japon. Les passagers attendent l’arrivée, fument, dorment, jouent. Sandor Krasna, dans les lettres lues, parle des « instants suspendus », comme pendant une guerre avec ses moments d’attentes. « Il aimait la fragilité de ces instants suspendus, ces souvenirs qui n’avaient servi à rien qu’à laisser, justement, des souvenirs » commente la lectrice. « A l’aube, nous serons à Tokyo. » A 2’20, nous quittons le ferry pour un long plan fixe sur Tokyo et un train qui rentre en ville.

A 2’49, nous quittons Tokyo. « Il m’écrivait d’Afrique. » Le plan d’un émeu dans la savane est suivi d’un plan sur un émeu au bord d’une rivière en automne tandis que la voix-off fait le lien entre les deux images : « A propos, saviez-vous qu’il y avait des émeus en Ile-de-France ? »

A 3’00 de film, retour en Afrique, dans les îles Bijagos, avec un gros plan sur un visage de femme. Contre-champ, dans la banlieue de Tokyo, avec un temple consacré aux chats. Un couple dépose une offrande : « Ainsi leur chatte Tora serait protégée. Non, elle n’était pas morte, seulement enfuie, mais au jour de sa mort, personne ne saurait comment prier pour elle, comment intercéder pour que la Mort l’appelle par son vrai nom. » C’est la première longue séquence du film.

Elle est suivie, à 4’20, d’un plan sur le Mont Fuji, puis d’un contre-champ sur une plage qui s’égare en panoramique, puis en travelling sur la mer. « J’aurai passé ma vie à m’interroger sur la fonction du souvenir, qui n’est pas le contraire de l’oubli, plutôt son envers. On ne se souvient pas, on récrit la mémoire, comme on récrit l’histoire. »

Le travelling sur la mer est suivi d’une femme de dos, sur un bateau en Afrique, puis en contre-champ, d’un homme de dos, assis par terre dans une rue de Tokyo. Le caméraman nous présente les « recalés » du système japonais, clochards et autres immigrés.

A 5’34, dans un cimetière japonais, on répand du saké sur les tombes des morts et à 6’11, nous sommes sur « la jetée d’embarquement sur l’île de Fogo, au Cap-Vert. » Réflexion sur le regard-caméra : « Franchement, a-t-on jamais rien inventé de plus bête que de dire aux gens, comme on l’enseigne dans les écoles de cinéma, de ne pas regarder la caméra ? »

A 7’20, sur un plan de bêtes mortes de soif dans le Sahel, la narratrice annonce un des sujets principaux du film : « C’est l’état de survie que les pays riches ont oublié, à une seule exception – vous aviez deviné, le Japon… Mon perpétuel va-et-vient n’est pas une recherche des contrastes, c’est un voyage aux deux pôles de la survie. »

A 7’41, une longue séquence sur un carnaval à Bissau est suivi, à 8’54, d’un plan spatial d’un satellite rentrant dans l’atmosphère, puis de celui d’un missile Polaris tiré d’un sous-marin américain, perçant la surface de la mer et s’élançant vers le ciel. A 9’08, sur des images d’avions américains dans le ciel, la narratrice effectue une dérive poétique sur Sei Shônagon, dame d’honneur de la princesse Sadako au début du XIe siècle : « Shônagon avait la manie des listes : liste des "choses élégantes", liste des "choses désolantes" ou encore des "choses qu’il ne vaut pas la peine de faire… " »

On quitte les avions américains d’un « Je salue le miracle économique, mais ce que j’ai envie de vous montrer, ce sont les fêtes de quartier. » Au bout des dix premières minutes, nous assistons à une longue séquence sur des danses traditionnelles, dans une rue au Japon, avec de très beaux visages de femmes en contre-plongée et des zooms sur les talons des danseuses, qui rappellent le pré-générique des Cinq femmes autour d’Utamaro (1946) de Kenji Mizoguchi.

Les dix premières minutes du film donnent une idée du sujet qui n’est volontairement pas résumable. Tout le film se déroule entre petites histoires, courtes méditations, images d’Afrique et du Japon entrecoupées de plans filmés en Islande, intuitions poétiques… Là où La Jetée jouait sur des images fixes et un temps très court, où Le Fond de l’air est Rouge racontait quinze années de lutte politique en quatre heures de film, Sans Soleil est une poésie en son et image où l’accumulation, la coupure et la référence rythment doucement les lettres de Sandor Krasna, ce mystérieux caméraman free-lance imaginé par Chris Marker pour ce film.

Très rapidement cependant, quelques thèmes se dégagent, qui reviendront régulièrement au cours du film et permettent d’en dresser la colonne vertébrale. Les « deux pôles de la survie » tout d’abord, sont dans Sans Soleil, la Guinée et les îles du Cap-Vert, d’une part, le Japon, d’autre part. L’image ensuite, est un thème majeur du film. L’image ou plutôt la réflexion sur le souvenir que nous avons d’une image, la réalité de cette image et ce qui est caché derrière l’image, c’est-à-dire l’histoire, que celle-ci soit individuelle et mélancolique ou globale et tragique. Dans sa dernière partie, Sans Soleil est une longue promenade dans ce que Marker, reprenant l’idée de son ami Andreï Tarkovski dans Stalker, appelle la Zone. La Zone de Chris Marker est un espace de création d’images de synthèse, un procédé, à l’époque, encore dans ses balbutiements. Un troisième thème, enfin, revient beaucoup plus fréquemment que dans ses autres films, même s’il y est toujours présent, c’est celui des chats. Les chats sont un thème central de Sans Soleil, un thème sérieusement traité.

Le déplacement entre les deux pôles de la survie est évoqué dès la première image du film, avec la citation de Racine, “L’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps”. Isolée de son contexte, cette citation est peu compréhensible. Racine se réfère en fait au respect de la règle de la tragédie à son époque, qui voulait qu’on évite les sujets trop proches dans le temps. Le thème de la pièce Bajazet est, en effet, relativement contemporain de Racine. Mais il se justifiait dans sa préface en indiquant que, la pièce se passant en Turquie, l’éloignement entre la Turquie et la France compensait le fait que la pièce soit relativement contemporaine. Il s’agissait pour lui d’une compensation par rapport au respect qu’on devait aux règles de la tragédie. Dans Sans Soleil, Chris Marker dresse un état du monde et estime qu’en basant son film sur des pays lointains, il atténue les erreurs d’appréciation qui pourraient venir de l’étude d’un sujet trop proche géographiquement et culturellement. A l’opposé de l’idée qui veut qu’on ne comprenne bien que ce qu’on connaît bien, il estime que plus les pays et les cultures qu’il observe sont éloignés de lui et de nous, meilleure en sera la justesse d’observation et la portée de l’analyse. Là où un spécialiste risque de se perdre dans le détail et de ne jamais atteindre une vue universelle, l’étranger, le voyageur qui, contrairement au touriste, n’arrive pas avec des idées préconçues mais avec un regard neuf, peut avoir une réflexion d’ordre universel.

Ainsi, sur les images d’un chef japonais, la narratrice lit : « Il me disait qu’à bien observer les gestes de M. Yamada et sa façon de mélanger les ingrédients, on pouvait méditer utilement sur des notions fondamentales, communes à la peinture, à la philosophie et aux arts martiaux. Il prétendait que M. Yamada détenait, et de façon d’autant plus admirable que son exercice en était humble, l’essence du style – et que par conséquent, c’était à lui de mettre sur cette première journée de Tokyo, avec son pinceau invisible, le mot FIN. »

C’est après cette séquence qu’il aborde vraiment le sujet de la survie au Japon. Il parle de la violence et de la pornographie qui envahissent la télévision japonaise quand la nuit tombe. Mais il remarque aussi la beauté qui peut curieusement en surgir : « On reste quelquefois sonné par tant de cruauté, on en cherche la source dans une longue intimité des peuples d’Asie avec la souffrance, qui exige que même la douleur soit ornée. Et puis vient la récompense : sur la déconfiture des monstres, l’assomption de Natsume Masako. »

Il y voit l’un des moyens par lesquels les Japonais supportent une vie sociale extrêmement dure, sur une terre volcanique : « La poésie naît de l’insécurité : Juifs errants, Japonais tremblants. A vivre sur un tapis toujours prêt d’être tiré sous leurs pieds par une nature farceuse, ils ont pris l’habitude d’évoluer dans un monde d’apparences fragiles, fugaces, révocables, des trains qui volent de planète en planète, des samouraïs qui se battent dans un passé immuable : cela s’appelle l’impermanence des choses. » Quand on voit l’évolution sociale du monde occidental et la montée des violences qui en est le pendant, on peut se dire qu’en observant ainsi le Japon en 1982, Chris Marker avait effectivement bien vu l’universalité du thème de la survie dans un monde moderne.

C’est sur le marché de Bissau que Chris Marker entame vraiment sa réflexion sur l’image et le souvenir, par le fameux regard caméra d’une jeune femme : « C’est sur les marchés de Bissau et du Cap-Vert que j’ai retrouvé l’égalité du regard, et cette suite de figures si proches du rituel de séduction : je la vois – elle m’a vu – elle sait que je la vois – elle m’offre son regard, mais juste à l’angle où il est encore possible de faire comme s’il ne s’adressait pas à moi – et pour finir, le vrai regard, tout droit, qui a duré 1/25 de seconde, le temps d’une image. » Il nous conte ici la conquête d’une image qui a de la valeur. En Afrique, le photographe ou le caméraman est vu comme un intrus qui doit mériter les images qu’il souhaite prendre par sa gentillesse et la démonstration de son intérêt réel pour les personnes qu’il photographie ou filme. Quelqu’un qui ne prépare pas le terrain en se présentant avec courtoisie, rencontre très vite une certaine hostilité. Il faut, effectivement, savoir jouer un certain rituel de séduction.

Une image ainsi conquise, une image « du bonheur », devient souvenir et constitue une petite partie de ce qui fait la mémoire d’un homme. Comme les images se mêlent et finissent par constituer la mémoire d’un être humain, les images qui affluent de plus en plus nombreuses constituent la mémoire de notre humanité. Mais une image peut être trompeuse en tant que telle, ainsi que Chris Marker l’avait indiqué dans Le Fond de l’air est Rouge : « On ne sait jamais ce qu’il y a derrière une image. » Il en refait la démonstration dans Sans Soleil à partir d’images d’archives de la guerre d’indépendance de la Guinée Bissau.

Dans la dernière demi-heure du film, Chris Marker fait alterner images d’archives et images de synthèse. Ce long déplacement dans ce qu’il appelle la Zone, constitue le dernier chapitre du film et finit par prendre l’importance d’un film dans le film.

Il nous y présente une cérémonie japonaise appelée le Dondo-Yaki, au cours de laquelle on brûle les objets qui n’ont plus d’importance. « Une bénédiction shinto sur ces débris qui ont droit à l’immortalité, comme les poupées d’Ueno. Le dernier état, avant leur disparition, de la poignance des choses… Il faut que l’abandon soit une fête, que le déchirement soit une fête, que l’adieu à tout ce que l’on a perdu, cassé, usé, s’ennoblisse d’une cérémonie. » Les images, dont il a montré qu’on pouvait les voir comme la mémoire d’un homme ou de l’humanité, deviennent tellement nombreuses qu’on peut envisager de les trier et d’organiser un Dondo-Yaki de celles qui seront oubliées. La Zone de Sans Soleil, c’est un peu cela : l’organisation d’images qui seront conservées et un hommage à celles qui seront brûlées et oubliées.

Il revient justement sur l’image des trois enfants islandais, l’image du bonheur. Il donne l’intégralité du plan et le commentaire précise que Chris Marker / Sandor Krasna a pris ces images lors d’un voyage dans la ville de Heimaey en 1965. Le montage fait suivre ce plan de séquences filmées par Haroun Tazieff en 1968, lorsqu’il se rendit à Heimaey pour filmer une éruption volcanique qui réduisit la ville en cendres. « Haroun Tazieff m’a envoyé ce qu’il venait de tourner au même endroit, il ne me manquait que le nom pour apprendre que la nature fait ses propres Dondo-Yaki. Le volcan de l’île s’était réveillé. J’ai regardé ces images, et c’était comme si toute l’année 65 venait de se recouvrir de cendres. »

La poésie du film devient alors son explication rationnelle. Le pouvoir de prendre et de conserver des images, le pouvoir du cinéma, donne à l’être humain l’illusion de l’immortalité. Mais, de même qu’un film peut être perdu, l’humanité peut se perdre et disparaître. Il suffit d’un Dondo-Yaki produit par la nature, dont nous aurions la responsabilité sans en avoir le contrôle. Les médias modernes ont toujours prodigieusement intéressé Chris Marker. Avec les images de synthèse, les déplacements immédiats effectués par la grâce du montage, les communications entre les cultures, Chris Marker, dans Sans Soleil, invente en 1982 une Zone qui ressemble à l’internet d’aujourd’hui : un moyen immatériel de conserver et d’organiser les images, de donner une immortalité certaine à nos souvenirs.

Mais cette immortalité demande notre modestie : « Je mesurais l’insupportable vanité de l’Occident qui n’a pas cessé de privilégier l’être sur le non-être, le dit sur le non-dit… Je descendais dans la cave où mon copain le maniaque s’active devant ses graffitis électroniques. Au fond, son langage me touche parce qu’il s’adresse à cette part de nous qui s’obstine à dessiner des profils sur les murs des prisons. Une craie à suivre les contours de ce qui n’est pas, ou plus, ou pas encore. Une écriture dont chacun se servira pour composer sa propre liste des choses qui font battre le cœur, pour l’offrir ou pour l’effacer. A ce moment là la poésie sera faite par tous, et il y aura des émeus dans la Zone. »

Avant de terminer, il faut rendre hommage aux chats, les fameux chats de Sans Soleil.

Les Maneki-nekos sont les petites statuettes de chats avec une patte levée que le film a rendues célèbres, et que vous pouvez apercevoir dans les vitrines de nombreux commerces asiatiques. Un Maneki-neko à la patte gauche levée apporte la prospérité, un Maneki-neko à la patte droite levée apporte de nombreux clients. A moins que ce soit l’inverse. De toute façon, comme les commerçants le font eux-mêmes, il est préférable de placer les deux dans sa vitrine. Deux Maneki-nekos, la patte levée, qui oublient un instant la prospérité et les clients, c’est déjà le début d’une manif.

Monteur virtuose, Chris Marker utilise souvent des sujets comme celui des chats pour raccorder des images qui, à priori devraient faire partie de la liste de Sei Shônagon des « choses qui ne s’accordent pas », et qui, finalement, ne font surtout jamais partie de la liste des « choses qui n’offrent rien d’extraordinaire au regard, et qui prennent une importance exagérée quand on écrit leur nom en caractères chinois. » Considéré comme un animal peu chaleureux mais fortement indépendant en Occident, le chat, en Extrême-Orient, est le seul animal qui se soit permis d’arriver en retard lors de la mort du Bouddha. Indépendant certes, mais, surtout, ne respectant pas la hiérarchie et la tradition, le chat est un animal dont la force est un mystère.

Une force qui est plus morale que matérielle. Chris Marker a peu écrit et l’édition de ses films en DVD lui permet d’écrire quelques textes, d’autant plus appréciables qu’ils sont rares. Ainsi, dans le livret du DVD de La Jetée / Sans Soleil :

« La pauvreté des moyens, qui est (au moins dans mon cas) plus souvent question de circonstances que de choix, ne m’a jamais paru devoir fonder une esthétique, et les histoires de Dogme me sortent par les yeux. C’est plutôt à titre d’encouragement pour jeunes cinéastes démunis que je mentionne ces quelques détails techniques : le matériel de La Jetée a été créé avec un appareil photo Pentax 24x36, et le seul passage tourné « cinéma », celui qui aboutit au battement d’yeux, avec une caméra 35mm Arriflex empruntée pour une heure. Sans Soleil a été tourné intégralement avec une caméra Beaulieu 16mm, muette (il n’y a pas un plan synchrone dans tout le film) avec bobines de 30m – 2’44 d’autonomie ! – et un petit magnétophone à cassettes – même pas un walkman, qui n’existait pas encore… Le seul élément sophistiqué – pour l’époque – était le synthétiseur d’images Spectre, également emprunté pour quelques jours. Ceci pour dire que les outils de base pour ces deux films étaient littéralement à la portée de n’importe qui. Je n’en tire pas une sotte gloriole, seulement la conviction qu’aujourd’hui, avec en plus l’ordinateur et les petites caméras DV, hommage involontaire à Dziga Vertov, un cinéaste débutant n’a aucune raison de suspendre son destin à l’imprévisibilité des producteurs ou l’arthritisme des télévisions, et qu’en suivant ses idées, ou ses passions, il verra peut-être un jour ses bricolages élevés au rang de DVD par des gens sérieux. »

Les chats sont tous un peu à part. Non pas comme une race animale en voie de disparition, car les chats n’ont pas le souci de leur propre survie. Ils sont simplement à part du monde, juste un peu au dessus, se déplaçant furtivement sur les toits.


La dernière citation est tirée du livret du DVD La Jetée / Sans Soleil. Toutes les autres citations proviennent du texte intégral de Sans Soleil, publié dans la revue Trafic, No 6, Printemps 1993.

DANS LES SALLES

sans soleil

DISTRIBUTEUR : TAMASA
DATE DE SORTIE : 16 OCTOBRE 2013

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Par Paul Flèchère - le 18 janvier 2009