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Critique de film
Le film

San Antonio

Analyse et critique

En découvrant San Antonio, beaucoup ont dû penser à Dodge City de Michael Curtiz avec lequel il possède de nombreux points communs, à commencer par un titre reprenant le nom d'une ville représentant dans l'inconscient collectif un Far-West coloré et bouillonnant, ce qu'il est effectivement dans ce film à gros budget. Comme son prédécesseur, les équipes de la Warner ont sorti les grands moyens avec mout figurants (d'après les historiens, la ville de San Antonio recréée par Hollywood était probablement plus vivante et plus peuplée que dans la réalité), costumes et décors rutilants, Technicolor flamboyant et casting prestigieux dont à nouveau un Errol Flynn toujours aussi charmeur et charismatique. Si la mise en scène de David Butler ne possède évidemment pas le panache et l'élégance de celle de Michael Curtiz, ni le dynamisme et la vigueur de celles d'un Raoul Walsh, le cinéaste accomplit son travail sans génie mais très consciencieusement, et le résultat n'est pas désagréable malgré une intrigue on ne peut plus banale.

1877, les grands ranchers texans ont presque tous fui au Mexique, ruinés par les vols de leurs troupeaux ; les hors-la-loi ont désormais mis le grappin sur les villes du sud-ouest de l'État sans qu'ils soient soupçonnés de quoi que ce soit, ni inquiétés par les autorités militaires qui stationnent sur place. Quelques irréductibles ont quand même l'intention de ne pas se laisser faire, même si on leur fait peser une menace de mort si jamais ils leur prend l'idée de repointer le bout de leur nez. C'est le cas de Clay Hardin (Errol Flynn) qui s'est rendu au Mexique sachant y trouver des preuves contre l'actuel "dirigeant" de la ville de San Antonio, le teigneux Roy Stuart (Paul Kelly), en cheville avec le gérant du saloon, l'élégant Legare (Victor Francen). Le carnet que Clay ramène pour le présenter aux autorités juridiques décrit toutes les manœuvres frauduleuses que Roy a ourdi pour vendre du bétail ne lui appartenant pas et avec lequel il a construit sa fortune. Autant dire que Clay est attendu au tournant par tous ceux (et ils sont nombreux) que ces preuves feraient tomber.

Entre quelques chansons, une homérique bagarre essaimant pas mal de cadavres, beaucoup de coups de feu, une pincée de trahisons, quelques traits d'humour et un soupçon de romance, Errol Flynn va s'amouracher de la chanteuse de cabaret, faire éclater la peu reluisante vérité, venger son partenaire, abattre les bandits et enfin convoler en justes noces avec Alexis Smith qui s'avère être, pour son plus grand plaisir, texane comme lui. Dévoiler tous ses éléments de l'intrigue de San Antonio n'est pas franchement gênant, car qui aurait sincèrement pensé qu'il en aurait été autrement ? Beaucoup de clichés certes, mais nous aurions tort de faire la fine bouche car ils font néanmoins partie intégrante des éléments attendus par tout un chacun, notamment les fans du western classique hollywoodien. Et puis, comme l'a très bien dit Jean-Louis Rieupeyrout dans sa Grande histoire du western, justement à propos de ce film mais qui pourrait s'appliquer parfaitement à une centaine d'autres : " Regretter la présence des clichés tant dans les situations que dans les personnages eut été étouffer la graine qui dota le genre de ses rameaux les plus vigoureux. "

Background passionnant pour un scénario qui aurait mérité de s'y appesantir mais qui a préféré s'en tenir aux conventions ; ce n'aurait pas été un problème si l'écriture des personnages - joués par les pourtant excellents Alan Le May et W.R. Burnett - avait été plus rigoureuse à l'image des scripts de Robert Buckner pour la trilogie Flynn-Curtiz. Dommage que ce même Buckner n'ait été que producteur sur San Antonio car le scénario de ce dernier pêche un peu par un rythme irrégulier et plusieurs coups de mou surtout dans sa deuxième moitié. Dommage aussi que les relations entre Victor Francen et Paul Kelly, les deux bad guys associés par intérêt mais qui se détestent cordialement, n'aient pas été creusées. Pour le reste, le film demeure assez efficace avec quelques punchlines assez piquantes. David Butler, qui ne s'était guère fait remarquer jusqu'ici, signe pour son premier western un film de bonne facture avec quelques fulgurances dont on se demande si elles ne sont pas dues à Raoul Walsh qui aurait mis la main à la pâte pour quelques séquences. On retiendra surtout le final qui débute par une épique bataille rangée entre cow-boys, un étonnant carnage dans un saloon dévasté par les armes à feu et les cadavres et qui se continue par la course poursuite entre Errol Flynn et Paul Kelly pour aboutir dans les ruines du Fort Alamo avec une fois encore une superbe toile peinte de l'intérieur du bâtiment avec la lune se reflétant par l'ouverture béante du toit inexistant.

Mais la sympathie procurée par ce film au somptueux Technicolor provient surtout de son interprétation ; même s'il faut pouvoir supporter le cabotinage de S.Z. Sakall et de Florence Bates, la voluptueuse Alexis Smith s'avère très à l'aise et sa vivacité fait plaisir à voir ; elle chante également plutôt bien, ce qui n'est pas pour nous déplaire. John Litel dans le rôle de l'ami d'Errol Flynn est parfait tout comme ce dernier toujours aussi charmant et charmeur, bravache et vigoureux. Un personnage héroïque et séducteur non dénué d'ironie comme l'acteur les affectionnait et dans la peau duquel il a toujours excellé. Un dernier mot sur un score robuste de Max Steiner qui reprend à l'occasion le thème principal de la partition qu'il avait composée pour Dodge City ; ce qui boucle la boucle et qui entérine le fait que San Antonio fera obligatoirement fortement penser au film de Curtiz même s'il n'y a pas photo quant à savoir lequel des deux western demeurera le plus marquant dans l'histoire du genre. Pas désagréable !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 28 novembre 2010