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Critique de film
Le film
Affiche du film

Rusty James

(Rumble Fish)

L'histoire

Dans une ville moyenne des États-Unis (Tulsa en Oklahoma, pour ne pas la citer), Rusty James, un adolescent désœuvré et quasiment déscolarisé, passe sa vie entre beuveries, soirées entre potes, sorties avec sa jolie copine Patty et bagarres de rues afin de s'imposer dans son quartier et d'entretenir une "tradition" aujourd'hui déclinante que représente la guerre des gangs. Rusty James vit en fait dans l'ombre d'une légende, celle de son frère aîné - connue sous le nom de Motorcycle Boy -, ancien chef de gang à l'aura mythique qui régnait sur le quartier avant de quitter la ville. Alors qu'une violente rixe nocturne dans une gare désaffectée oppose Rusty James à Biff Wilcox, un petit chef de bande qui nargue son autorité sur son territoire, le Motorcycle Boy refait son apparition et met fin au combat de façon spectaculaire. Mais la légende n'est pas revenue pour renouer avec son passé de leader charismatique et organiser des bastons rituelles. De retour de Californie, il est désormais un autre homme, un être calme malgré ses excès de violence, désabusé, nihiliste, sans perspective d'avenir ; sa seule mission semble être de vouloir sortir son frère cadet d'une impasse existentielle. Car Rusty James se rêve en miroir de son aîné, désireux de poursuivre son "œuvre" dans le quartier. Une œuvre que le Motorcycle Boy renie et à laquelle il ne donne plus aucun sens, au point qu'il se tient prêt à tout pour convaincre Rusty James d'échapper à sa prison psychique et environnementale pour mener une vie libre et indépendante.


Analyse et critique

Au tournant d'une nouvelle époque faite d'incertitudes quant à son milieu professionnel, que faire lorsqu'on a été considéré pendant presque dix ans par une grande partie de ses pairs et de la critique internationale comme le plus grand cinéaste américain en activité ? Comment poursuivre dans l'excellence après avoir vécu la flamboyante décennie 1970 en tant que mentor et exemple à suivre pour de nombreux jeunes réalisateurs ayant donné naissance au Nouvel Hollywood ? De quelle façon rebondir après avoir obtenu une brassée d'Oscars pour deux films emblématiques d'une alliance entre grand cinéma populaire et fresque d'art et essai - Le Parrain (1972) et Le Parrain, 2ème partie (1974) - et gagné deux Palmes d'or à Cannes grâce à deux œuvres majeures de l'histoire du cinéma comme le thriller politico-expérimental Conversation secrète (1974) et l'hallucinante descente aux enfers guerrière Apocalypse Now (1979) ? En enfin comment trouver un deuxième souffle après le tournage au long cours, exténuant et dantesque de ce dernier film cauchemardesque durant duquel on a failli perdre totalement la raison ? Toutes ces questions, Francis Ford Coppola a probablement dû se les poser alors que le système hollywoodien des années 80 allait refermer une parenthèse enchantée qui avait offert aux artistes toutes les libertés et toutes les audaces pour mener à bien leurs œuvres - même dans les conditions les plus extrêmes et parfois irresponsables.


Sûr de son talent, mû par ses incontestables réussites, animé par une ambition démesurée nourrie par une mégalomanie vorace, et toujours plus en quête de contrôle dans son art de la mise en scène et dans ses velléités de producteur, Coppola se jette à corps perdu dans le projet Coup de cœur (1981), un film romantique expérimental à l'intrigue minimaliste qui noie son spleen dans une innovante esthétique colorée et une réalisation virtuose et baroque. A cette occasion, dans sa tentative mi-consciente mi-inconsciente de conjuguer l'art de ses grands modèles Orson Welles et Max Ophuls, il déplace et développe sa société de production American Zoetrope (appelée aussi Zoetrope Studios) pour constituer une major company indépendante destinée à produire en interne dans ses propres studios tous ses projets personnels (une volonté constante chez lui depuis la fin des années 60 lorsqu'il a fondé sa société avec la collaboration de George Lucas). Mais à sa sortie, Coup de cœur va faire face à un mur d'incompréhension de la part du public comme des critiques ; le film est surtout un bide au box-office et va causer hélas la fin prématurée des rêves de grandeur de son auteur démiurge qui se retrouve ruiné et endetté. Obligé de se retourner vers des sujets et des productions plus modestes, Coppola va se ressourcer en filmant des récits de jeunesse. Ainsi, il va adapter dans la foulée deux nouvelles de l'écrivaine S. E. Hinton, originaire de l'Oklahoma et célèbre pour ses romans d'adolescence douloureux qui mettent en jeu des personnages livrés à eux-mêmes, aliénés par un entourage défaillant et perdus dans des affrontements stériles en bandes rivales. Outsiders puis surtout Rusty James (Rumble Fish) vont témoigner d'une originalité et d'une vitalité toujours présentes chez Coppola et représenter deux bouffées d'air frais alors que le cinéaste aborde deux décennies de convalescence au cours desquelles surnageront quelques grands films au milieu de productions quelque peu indignes de son génie.


Dans son coin, Francis Ford Coppola semble succomber aux sirènes hollywoodiennes en faisant des adolescents les protagonistes principaux de ses films alors que l'industrie se tourne justement vers les plus jeunes spectateurs pour engranger des profits. Pourtant Outsiders renoue plutôt avec une imagerie fifties et sixties qui se voit même assombrie - malgré ses nombreuses touches de naïveté - par une affliction et un brutalité constantes, comme une réminiscence survoltée de La Fureur de vivre et de Graine de violence, avec ses ados rebelles violents, victimes d'une pauvreté matérielle et spirituelle dans une société de consommation inégalitaire, menant une vie sans dessein et codifiée par des bagarres de rue qui paraissent la seule raison d'être de leur morne existence. Avec ce film, dont l'adaptation lui a été suggérée par des étudiants, Coppola fait preuve d'un naturalisme assez incroyable et maintient un climat de tension mortifère qui entoure ses belles gueules d'anges maudits, deux traits caractéristiques qui placent Outsiders à mille lieues des comédies dramatiques suburbaines américaines qui font florès à cette époques ou bien des chroniques adolescentes de John Hughes - qui chacune ont certes leurs qualités. Outsiders fera aussi date pour avoir mis le pied à l'étrier à plusieurs jeunes comédiens aux carrières néanmoins disparates comme Matt Dillon, Ralph Macchio, Patrick Swayze, Tom Cruise, C. Thomas Howell, Rob Lowe, Diane Lane ou Emilio Estevez. Mais c'est surtout Rusty James que va prouver que Coppola ne s'est jamais départi de ses ambitions formelles ; ce nouveau projet, qu'il tourne avec une grande partie de la même équipe et dans la même ville de Tulsa, va lui permettre de pousser encore plus loin sa vision pessimiste de la jeunesse moderne (trahirait-elle alors un jugement très négatif de sa part sur la décennie qui s'ouvre ?) même si l'œuvre se pare d'un cachet intemporel, alors que Outsiders dans son beau classicisme coloré trouvait le moyen de distiller des motifs d'espoir et de ménager des passages lumineux.


Le cinéaste découvre le roman Rumble Fish pendant le tournage de Outsiders et se lance vite dans l'écriture pendant ses pauses avec la collaboration cette fois-ci de l'écrivaine. Son but, comme il le précisera lui-même, est de tourner « un film d'art pour adolescents. » S.E. Hinton avait mûri son troisième roman durant plusieurs années avant de le faire paraitre en 1975, une histoire qui trahissait une vision d'adulte contrairement à The Outsiders, œuvre de jeunesse. Les thèmes principaux du livre comme du film sont l'aliénation de la jeunesse américaine par une société injuste et brutale qui les "parque" dans une prison sociale faite de pauvreté financière et morale ainsi que de solitude, dans laquelle ces jeunes s'inventent un royaume où ils se sentent exister en recourant à la violence et à une liberté d'action illusoire ; c'est également la notion du temps qui s'écoule et annihile toute espérance, comme un compte à rebours qui emmène ses jeunes héros vers une mort spirituelle voire même physique ; c'est enfin une relation en miroir entre deux frères, le plus jeune idolâtrant son aîné au point de souhaiter ardemment le remplacer et perpétuer son héritage, un héritage qui perd tout son sens quand son auteur le renie pour tenter de sauver son cadet d'une existence futile et sans accomplissement. Cette troisième thématique a profondément ému Coppola, qui conçoit une admiration sans borne pour son frère aîné August qui lui a fait découvrir la littérature et le cinéma. August Coppola était un universitaire et un promoteur des arts (parfois aussi un collaborateur du cinéaste qui aime travailler en famille) et Francis Ford Coppola avouait qu'il se sentait vivre dans l'ombre de ce dernier. Tourner Rusty James fut donc aussi une façon de dépasser ce complexe tout en rendant hommage à ce personnage à la présence quelquefois trop encombrante. C'est d'ailleurs en investissant plus récemment ce sujet de la relation fraternelle mi-destructive mi-constructive (mêlée à une figure paternelle intrusive et parfois délétère) que Coppola signait son retour artistique en 2009 avec Tetro, l'une de ses œuvres les plus originales et bouleversantes, l'année justement de la disparition d'August. Le rapport fraternel en miroir est illustré à l'écran par l'usage répété de surfaces réfléchissantes, ainsi que de cadrages très ajustés qui montrent Rusty James s'évertuer à vouloir se positionner face à son frère, ce Motorcycle Boy évanescent tout en lignes de fuite. Un plan en particulier révèle la projection narcissique qu'opère Rusty sur son frère aîné, celui où, torse nu, il se soigne dans sa salle de bains devant un miroir alors que celui-ci reflète l'image du Motorcycle Boy qui se trouve hors champ et génère un effet de transfert/superposition.


« Un film d'art pour adolescents » selon Coppola, c'est pour lui la création d'un poème visuel empli d'images oniriques et d'effets expressionnistes. A cet effet, le cinéaste fit projeter à son équipe plusieurs classiques allemands des années 20 avant le tournage. Il naît à l'écran un curieux mélange entre un "street movie" naturaliste avec une jeunesse plutôt bien incarnée bien que désœuvrée qui trace un lien avec l'errance urbaine à la Wenders (Coppola produisit Hammett en 1982, ce qui n'est sans doute pas fortuit), un essai poétique au style expressionniste revendiqué qui unit passé, présent et avenir dans une sorte d'univers en suspension propice aux élans philosophiques et dont la pulsation est rythmée par les hausses et baisses de tension exprimées par les jeunes protagonistes, et enfin une chronique adolescente faisant écho au séries B des années 50 et 60. Rusty James apparaît ainsi comme un objet arty moderne et incongru en ce début des années 80, et qui restera longtemps incompris par le public et la critique. La baston nocturne dans la gare semble échapper à tout réalisme, convoquant la chorégraphie des danses/combats de West Side Story tout en s'inscrivant dans la mouvance du clip, nouveau mode d'expression de la décennie. Le noir et blanc sublime, anthracite et aux contrastes tranchants du chef-opérateur Stephen H. Burum  - L'Emprise (1982), La Foire des ténèbres (1983), Body Double (1984), Les Incorruptibles (1987), Outrages (1989), L'Impasse (1993) - confère toute sa puissance symbolique aux longues ombres portées (ou même peintes), aux clairs-obscurs, aux nombreuses effusions de fumée et de vapeur, aux cadrages obliques suggérant un monde surgi d'âmes tourmentées. Ce monde dépeint par Coppola possède une apparence intemporelle ; d'une part grâce aux décors et aux costumes évoquant à la fois les années 50 et la fin des années 70 (et qui annoncent sans crier gare la mode vintage des années 80 s'appuyant sur les figures juvéniles des "mauvais garçons" James Dean et Marlon Brando), d'autre part via l'utilisation des mouvements des nuages filmés en accéléré qui crée une autre temporalité.


En plus des concepts de fratrie et de carcans à briser en vue d'une libération, Rusty James est profondément hanté par la notion du temps. Cela a clairement été explicité par Coppola qui truffe sans cesse son film d'horloges au risque de friser le ridicule. Son long métrage est rythmé par un tempo oscillant entre accélérations (visuelles et sonores) et moments de pause propices aux interrogations existentielles. Divers types d'horloges entourent les personnages pour évoquer le tictac d'une vie qui s'écoule inexorablement, sans autre alternative que la mort, tel un avertissement donné à son jeune protagoniste (dont le prénom signifie "rouillé", comme s'il était prématurément vieux et usé) : remplir cette vie de sens avant qu'elle ne s'achève misérablement. Rusty James vit dans une prison autant spatiale que temporelle. Un plan en particulier, très significatif, présente Rusty devant un cadran géant sans aiguilles (sa fonction dans le film n'est d'ailleurs autre que symbolique) entre les deux figures d'autorité que représentent l'officier de police (interprété par l'imposant William Smith) et le Motorcycle boy dont ce même officier entend bien se débarrasser en raison de ses nombreux délits commis par le passé - il attend son heure, c'est le cas de le dire. Le policier était auparavant apparu sous la forme d'une ombre portée menaçante dans la séquence de la rixe, après que le frère ainé ait surgi lui-même de l'obscurité. Vers lequel de ces deux personnages les aiguilles invisibles tournent-elles ? Et donc vers qui se tournera Rusty pour décider de son futur : le flic qui le maintient dans sa condition de "rebelle sans cause" ou le Motorcycle Boy, l'ange déchu ?


Dans une autre séquence à l'onirisme appuyé et serein, le réalisateur filme son jeune antihéros léviter après été tabassé et laissé pour mort ; cette séparation du corps et de l'esprit montrant Rusty James flotter dans son quartier, parmi les siens, offre un décalage spatio-temporel qui ne laisse au garçon comme échappatoire que l'absence et la mort. L'emprise du temps est également suggérée par la bande musicale du film que Coppola a confiée à Stewart Copeland, cofondateur et batteur du fameux groupe The Police. Le cinéaste souhaitait également pousser ses expérimentations dans le domaine sonore et entendait composer lui-même une musique métallique et percussive afin d'évoquer les cliquetis et les battements d'une montre, l'écoulement mécanique du temps. Conscient de ses limites, il fit appel à Copeland qui devint responsable de la totalité de la bande-son expérimentale de Rusty James - le musicien entama à cette occasion une deuxième carrière en tant que compositeur de musique de films.


La monochromie de la photographie est aussi et surtout justifiée par le point de vue qui régit le film. En effet, assez rapidement il apparaît bien que le personnage principal n'est pas Rusty James mais le Motorcycle Boy. Alors que le livre s'ouvre et s'achève sur les retrouvailles des années plus tard de Rusty avec son copain Steven, qui encadrent un long flash-back, le film, quant à lui, débute et se termine par des graffitis honorant et mythifiant le frère légendaire : "The Motorcycle Boy Reigns". Son absence/présence est déterminante, et tous les personnages se situent par rapport à son aura et le souvenir qu'il a laissé des bastons auxquelles il avait finalement mis un terme avant de s'éclipser. Le retour du Motorcycle Boy est filmé de façon surnaturelle et fantomatique, alors qu'il semble surgir mystérieusement des ténèbres pour interrompre la rixe. Le Motorcycle Boy est daltonien et victime d'accès de surdité ; ainsi le film épouse son point de vue visuel (le noir et blanc, le surgissement des couleurs liées aux poissons) et sonore (quand la bande-son se "déréalise" avec des voix étouffées, des bruits stridents et son battement de cœur). Le Motorcycle Boy erre à travers le film tel un spectre pour sauver son frère de son propre destin en lui demandant de fuir. C'est le destin d'un être absent au monde qui l'entoure, vidé de tout sens et de tout appétit, image d'un passé qui veut défaire sa légende basée sur une illusion malgré la figure d'autorité qu'il ne cesse de symboliser en lieu et place d'un père alcoolique et ruiné, ancien avocat détruit par la fuite de son épouse joué par un Dennis Hopper en mode discret, presque effacé, très loin de son personnage de photographe halluciné dans Apocalypse Now. L'aspect de démiurge spectral du Motorcycle Boy, semblant vouloir à tout moment sortir du film, est particulièrement bien évoqué par un plan "wellesien" à longue profondeur de champ où, dans l'appartement familial, il se tient à l'avant-plan filmé en courte focale qui déforme son visage avec au loin à l'arrière-plan Rusty et Steven en pleine discussion. Le Motorcycle Boy prend ses distances et transmet son incommunicabilité à nous, spectateurs, qui nous mirons dans son regard caméra, incapables de lire sa pensée mais conscients de sa mélancolie.


Face au jeune et fluet Matt Dillon, parfait dans sa nature mixte d'enfant perdu et de bel adolescent frondeur mais insatisfait, Mickey Rourke s'impose immédiatement avec son charisme nonchalant dans le personnage énigmatique du Motorcycle Boy. Après plusieurs seconds rôles intéressants chez Cimino, Levinson ou Kasdan, Rourke naît d'une certaine façon au cinéma en rendant chacune de ses scènes mémorable. A la fois beau comme un demi-dieu et suintant la lassitude entre deux coups d'éclat, le comédien convoque le fantôme d'un jeune Brando dont l'animalité se serait progressivement éteinte pour donner naissance à un personnage tragique qui organiserait sa lente disparition après une dernière épreuve. Celle-ci sera de libérer son frère de sa névrose obsessionnelle : devenir le reflet de son aîné dans son désir aveugle de diriger son gang vers toujours plus de violence. La symbolique des rumble fish ("les poissons lutteurs"), filmés comme des taches de couleur (rouges, bleues), exprime l'idée chevillée au corps du Motorcycle Boy qui estime que ces animaux cesseraient de se battre entre eux et contre leur propre reflet s'ils étaient libérés de l'aquarium de l'animalerie. Chose qu'il s'empresse de faire, de façon illégale bien sûr et qui scellera son funeste destin. C'est évidemment de la libération de Rusty James dont il s'agit, libération par rapport à son environnement aliénant mais aussi par rapport au modèle fraternel. Mais si les poissons échouent à atteindre le fleuve, il n'en sera pas de même pour Rusty. Par sa réalisation ingénieuse, Coppola brise le miroir : près de la dépouille de son frère aîné, arrêté par la police, Rusty James frappe son poing contre son reflet sur la vitre de la voiture et l'image du film passe alors momentanément en couleur... Le cadet est enfin libéré de son aîné.


Et le film de s'achever (presque) par une idée visuelle sublime. Via un lent travelling latéral, Coppola impulse un mouvement d'appareil qui part du corps sans vie du Motorcycle Boy et de B. J. agenouillé (Chris Penn, ici âgé de 17 ans et 3 années avant Comme un chien enragé) puis capture la communauté du quartier qui peu à peu s'amasse, à la fois interloquée et recueillie, abandonnée à son environnement, pour aboutir au plan où l'ombre de Rusty à moto passe à toute vitesse devant le tag "The Motorcycle Boy Reigns" et s'enfuit dans la direction opposée. Agissant comme un "ressort", ce travelling propulse Rusty James hors de sa prison. Le passage de relais a eu lieu et le jeune Rusty d'atteindre l'océan Pacifique alors que The Motorcycle Boy, lui, avait été bloqué en Californie où il avait retrouvé leur mère. L'océan californien apaisé forme un dernier barrage et nul ne sait ce qu'il adviendra de Rusty James, dépossédé de ses figures paternelles et toujours sans figure maternelle. Dans ce songe éveillé et mélancolique qu'est Rusty James, Francis Ford Coppola ne semble pas régler la question du besoin d'échapper à sa famille et/où aux injonctions sociales pré-déterminantes. La jeunesse américaine a atteint la frontière à l'Ouest mais elle s'interroge toujours de savoir s'il s'agit d'un nouveau départ ou d'une fin prématurée. En revanche, le spectateur cinéphile sait, lui, qu'il a rencontré une œuvre à nulle autre pareille, un film insolite et radical, libre et poétique, inspiré et prophétique, l'un des plus beaux réalisés par ce grand maître du cinéma mondial.


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La fiche IMDb du film

Par Ronny Chester - le 28 février 2017