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Critique de film
Le film

Promenade avec l'amour et la mort

(A Walk with Love and Death)

L'histoire

Le Royaume de France, en plein coeur de la Guerre de Cent ans. Laissant derrière lui Paris et l'Université de la Sorbonne, le jeune Héron de Foix prend la route en direction de la mer, qu'il n'a jamais vue. Au fil de son voyage il découvre une terre dévastée par les guerres, la peste, la famine et le fanatisme religieux. Hébergé pour la nuit dans un château, il y fait la connaissance de Claudia, fille du Seigneur de Saint-Jean. Cette rencontre et les soulèvements paysans qui se multiplient autour de lui vont bouleverser son existence.

Analyse et critique

Après un générique sur fond de tapisseries médiévales, Promenade avec l'amour et la mort s'ouvre sur le plan large d'un paysage de campagne : brume matinale, un arbre solidement campé au centre. Le mouvement naît à l'horizon, duquel se détache la silhouette d'un marcheur. De sa douce voix de poète, Héron de Foix se présente à nous, spectateurs distants de plusieurs siècles, ainsi invités à lui emboîter le pas, à l'accompagner le temps de sa ballade, jusqu'au bout du chemin. Un souhait apparemment simple le guide, celui de voir la mer.

Au bout du rêve

De film en film, John Huston s'est plût à mettre en scène des apprentis aventuriers, individus fiers et libres en quête d'un idéal, qu'il s'agisse de l'or du Trésor de la Sierra Madre, du butin d'Asphalt jungle, de la baleine blanche de Moby Dick ou de la couronne du Kafiristan de L'Homme qui voulut être Roi. Cette quête prend la forme d'une confrontation douloureuse avec un environnement bien précis, patiemment observée par l'oeil du cinéaste. Devant le prix à payer, touchant du doigt leur propre accomplissement, les protagonistes vont-ils perdre leurs illusions ou au contraire s'obstiner ? Leurs intentions resteront-elles pures ou cèderont-ils à la vanité ? Jusqu'à quel point se trouver équivaut à se perdre ? Chez Huston, la nature humaine souvent se révèle faible et corruptible, les hommes sont victimes du désir qui les anime, les excède et les dévore en dépit de tout. Dans un premier temps, ce désir est une force qui les élève, puis, leur rêve entrevu pour quelques précieux instants, ils chutent. Le chemin de Héron de Foix est d'abord illuminé par sa sensibilité de poète. Ses études à la Sorbonne en ont fait un érudit et il souhaite compléter sa formation loin des chaires et des bibliothèques, en allant à la rencontre du monde, dans une volonté d'harmonie et de paix intérieure. Le vent de la liberté le grise, il se repaît des beautés de la campagne de France. Un geste de solidarité le touche, la chanson d'une lavandière l'émeut, les répétitions d'une troupe de comédiens le distraient. Mais au sein de cette Nature qui s'annonçait accueillante et nourricière il y a aussi la mort. Huston ne perd pas de temps pour révéler la face sombre de ce paysage : une rivière charrie un cadavre, une plaine est jonchée de dépouilles d'animaux. Le voyage basculera ainsi constamment entre émerveillement et horreur, faisant progressivement disparaître une bonne part des illusions du jeune homme, avec une violence aussi cruelle qu'implacable. Cette dialectique est déjà à l'oeuvre dans le titre du film, un poème en soi qui mêle dans le même paisible mouvement deux sentiments rendus ici insécables, la mort et l'amour, le funèbre et le sublime. Dans cette France du XIVe siècle c'est le chaos qui semble s'imposer et il faudra toute la force d'un amour digne des légendes pour en supporter les conséquences.

Nous sommes en pleine guerre de Cent ans. L'Angleterre est en passe de remporter toutes les victoires et, depuis la bataille de Poitiers en 1356, détient en otage le Roi de France Jean II, dit Le Bon. Quelques années plus tôt, l'Europe était ravagée par la Grande épidémie de Peste. La famine règne. À Paris, les loups déterrent les cadavres. Dans cette atmosphère de déliquescence des autorités, les jacqueries se multiplient. Les paysans attaquent les châteaux, certains s'autoproclament seigneurs, singeant leurs anciens maîtres jusque dans leur arbitraire cruauté. D'un côté comme de l'autre, la justice semble n'être dans aucun camp. Autant d'événements qui ouvrent grande la porte aux prédicateurs d'apocalypse. La guerre, les jacqueries mais aussi les Croisades ont totalement bouleversé les valeurs morales sur lesquelles s'était bâtie la société médiévale. Les superstitions et les hérésies sont plus vivaces que jamais, de misérables pèlerins errent sur les routes chargés de fausses reliques. S'il reste volontairement imprécis sur les faits historiques pour mieux mettre en avant le caractère intemporel de son film, Huston ne dissimule rien des horreurs de ce Moyen-âge, dont il livre une peinture sans concession. Et ce qui nous indignait hier nous indigne encore aujourd'hui. Grand aventurier, ayant parcouru lui-même la planète en tous sens, Huston sait de quoi les hommes sont capables. Il a connu la guerre, l'a filmée sans rien omettre de ses atrocités, à tel point que ses documentaires pour l'effort de guerre réalisés dans les années 1940 ont été censurés par les autorités militaires (Let there be light, par exemple, sera purement et simplement interdit). Son regard est désespéré mais demeure lucide, et ce n'est évidemment pas un hasard s'il s'attribue ici le rôle d'un seigneur éclairé, qui s'efforce d'incarner la conscience de son temps, celle qu'on n'entend plus, celle qu'on fera taire par la violence. En devenant l'allié des paysans, il trahit sa classe, et cette décision le condamne à disparaître. Les héros de Huston « appartiennent, semble-t-il, à la société, mais sont en fait des parias volontaires, des proscrits, et leur attitude met en pleine lumière les contradictions et les conformismes du monde qui les entoure. » (1)

Inconfortablement couché sur un banc du château de Saint-Jean, Héron de Foix voit la mer en songe, et lorsque ses yeux s'entrouvrent, cette image se surimpressionne gracieusement au visage de Claudia, qui le regardait dormir depuis un balcon. Le premier regard échangé entre les deux jeunes gens est ainsi instantanément chargé du parfum du rêve, rêve qu'on touche et qu'il est possible de réaliser. Contre vents et marées, ils traverseront cette périlleuse époque en allant au bout du désir qu'ils ont l'un de l'autre. Autour d'eux, tout s'effondrera, y compris les préjugés et les différences de classe. Directement victime de la violence des paysans en révolte, Claudia sera un temps animée par l'esprit de vengeance, attitude tout à fait conforme à son appartenance nobiliaire. Se joignant à la répression sanglante menée par une troupe de chevaliers, elle et Héron vont manquer de peu de basculer dans cette même barbarie qui les horrifiait. En ces temps obscurs, il n'y a pas de place pour deux coeurs qui s'aiment et de toutes parts les obstacles vont se dresser. Le rythme du film est ainsi fait d'incessants aller-retour, avec des distances qui se réduisent progressivement. Las de fuir, Héron et Claudia décident alors de faire face au seul destin digne que semble leur promettre ce monde. Avant que la sauvagerie des hommes et les égarements de la foi n'emportent les derniers débris de l'amour courtois, ils mettront à profit le temps de liberté dont ils disposent encore pour réinventer un monde idéal, paradis sur terre sans croix à porter, sous un ciel bienveillant qui les laisse libres d'aimer. Leur lucidité est le signe de leur maturité nouvellement acquise. Et le dégoût de cette société finit par étreindre à son tour le spectateur, disposé alors à ressentir le dénouement dans toute sa dimension tragique. Le ton qui plane sur le dernier quart d'heure du film est à la fois bouleversant et étrangement apaisé. La promenade s'achève. Le corps s'abandonne à une renaissance d'ordre cosmique, car si la mer n'a pas été atteinte son rêve demeure, dans sa plus pure intégrité. Huston nous offre un final absolument sublime, véritable sommet de poésie et d'émotion qui hantera sans doute longtemps le spectateur. Les fins de The Treasure of the Sierra Madre, The Asphalt jungle, The Misfits, Reflections in a Golden Eye, Fat city, L'Homme qui voulut être Roi ou The Dead comptent sans conteste parmi les plus admirables que le cinéma nous ait offert, et A Walk with Love and Death, « cette déchirante et sereine méditation sur la liberté et l'amour » (2), vient magnifiquement rejoindre ce précieux panthéon. Huston évite ici avec intelligence de verser dans le registre mélodramatique. Il conclue son oeuvre sans effusion, sans bruit ni fureur, soucieux de conserver le ton juste et pudique qu'il a respecté jusque là. Cette note finale n'a rien de désespérant, elle est au contraire un chant d'amour, s'élevant bien plus haut que la mort.

Les Racines du ciel

Touche-à-tout, partageant sa carrière entre besognes alimentaires et oeuvres qui lui tiennent personnellement à coeur (et ceci est valable autant pour ses réalisations que pour ses interprétations), Huston est un habitué du film en costumes. Alors qu'il vient de mettre en boîte Sinful Davey (Davey des grands chemins, 1969) film d'aventures picaresques avec John Hurt se déroulant dans l'Irlande du XIXe siècle, il accepte un nouveau projet de film historique. Associé au producteur Carter De Haven, le scénariste Dale Wasserman lui propose en effet d'adapter un roman fraîchement paru dont l'action se déroule au Moyen-âge. L'auteur, Hans Koningsberger, est un écrivain globe-trotter d'origine néerlandaise, installé aux États-Unis depuis 1951. Journaliste pour The New Yorker et The Atlantic Monthly, il signera de nombreux ouvrages - essais sur Vermeer, Che Guevara, la conquête des Amériques, récits de voyage en Chine, en Russie ou en Égypte - et plusieurs de ses romans seront portés à l'écran. Celui qui se fait désormais appeler Hans Koning continue aujourd'hui de bénéficier de l'estime de la critique américaine. A Walk with Love and Death paraît aux États-Unis en 1961. C'est son troisième roman. Située à une époque de troubles qui questionnent tant la foi que la morale, sa romance médiévale interroge également la société de son temps.

La plupart des films de Huston sont des adaptations de roman. Sa filmographie peut même s'honorer de compter, parmi les grands écrivains mis en images, Hammett, Melville, Kipling, Joyce, Romain Gary ou Arthur Miller, sans oublier les Saintes Écritures elles-mêmes (The Bible, 1966), ou les contributions de Truman Capote (Beat the devil, 1953) et Ray Bradbury (Moby Dick, 1956). Toute son oeuvre semble ainsi revendiquer la nécessité d'une base scénaristique solide pour faire exister un film. Avant d'être réalisateur, Huston s'est d'abord distingué à Hollywood en tant que scénariste, et il est rare qu'il n'intervienne pas au stade de l'écriture, même s'il en est rarement crédité. Dale Wasserman, homme de télévision avant tout, est un spécialiste de l'adaptation de roman. Cronin, Cervantès et Graham Greene ont connu ses faveurs. Il a également participé au scénario des Vikings (1958) de Richard Fleische. Sa collaboration avec John Huston va s'avérer particulièrement conflictuelle. Les deux hommes ne s'entendent pas sur la direction à donner à l'adaptation. Si le cinéaste a effectivement été sensible aux résonances contemporaines du roman, il souhaite en conserver la dimension universelle, tandis que Wasserman insiste pour en faire une allégorie de cette fin des années 60, faite de contestation sociale et de mouvements de la jeunesse, approche bien lourde qui risque de considérablement réduire la portée du film. La forte personnalité du metteur en scène l'emportera, heureusement pour nous... et pour le cinéma.

Mouvements de troupe

Huston s'engage ici dans une production relativement risquée, tournée en Europe avec un budget réduit et des acteurs inconnus. Il ira jusqu'à prétendre n'avoir tourné ce film que pour donner sa chance à Anjelica Huston : « En effet. Je voulais faire de ma fille de seize ans une actrice. » (3) En cela assez proche d'un Francis Ford Coppola, John est un cinéaste qui a le sens de la famille. Ses premiers films avaient à coeur de rendre hommage au père, Walter Huston (The Maltese Falcon, The Treasure of the Sierra Madre). En 1986, Anjelica obtiendra grâce à lui l'Oscar du Meilleur Second Rôle pour Prizzi's Honor. A Walk with Love and Death représente ses véritables débuts, après quelques figurations notamment dans Sinful Davey. La présence écrasante du papa fera de ce premier tournage une expérience particulièrement éprouvante pour cette jeune fille encore complexée. Mais du haut de ses 17 ans, par son visage doux et sa taille fine, elle compose une Claudia à la fois fraîche et déterminée. Une actrice plus aguerrie n'aurait sans doute pas mieux su exprimer l'innocence et la singulière beauté du personnage.

Dans le rôle d'Héron de Foix, Assaf Dayan incarne les mêmes qualités qui en font un jeune premier touchant dans sa maladresse et qui va s'endurcir au fil de son odyssée, laissant peu à peu ses illusions se consumer. Parce qu'il est le fils du général israélien Moshe Dayan, alors Ministre de la Défense, les assurances refuseront de couvrir l'acteur sur ce tournage. Précisément en rupture de ban avec son milieu, le jeune homme a fait ses classes au théâtre. Le sentiment d'isolement qu'éprouve son personnage, qui ne se reconnaît en rien chez ses contemporains, est donc tout à fait en accord avec la propre situation de l'acteur à cette date. Il jouera par la suite chez Jules Dassin (La Promesse de l'aube, 1970) ou Menahem Golan (The Delta Force, 1986), mais surtout, sous son vrai prénom d'Assi, il s'imposera en tant que grande figure du cinéma israélien, réalisateur de nombreux films dont il est souvent également interprète, scénariste et producteur (La Vie selon Agfa, 1992).

Huston entoure ce couple d'un casting de têtes peu connues, acteurs et actrices de tous âges à dominante britannique, parmi lesquels on relèvera le nom de Michael Gough (le majordome Alfred dans les Batman de Burton et Schumacher), ici en moine fou érigeant la chasteté en vertu première. À 63 ans, Huston s'offre le rôle du patriarche Robert de Lorris. Avec la gourmandise qui caractérise ce bon vivant, le réalisateur aime régulièrement faire des apparitions plus ou moins importantes dans ses propres films. À cette époque ne menait-il pas une vie de châtelain, entouré de ses oeuvres d'art dans son domaine irlandais ? Lorsque son personnage s'exprime - et la caméra lui fait alors face - on devine qu'il parle aussi pour lui-même. L'année suivante, il récidive avec l'adaptation de The Kremlin letter, où il incarne un amiral qui interviendra également pour donner son sentiment sur l'état du monde actuel. Car derrière cette histoire d'espions qui n'ont pour éthique que celle que leur dictent leurs ordres, il voit avant tout « un reflet du climat moral de notre temps. » (4)

Les Maîtres d'oeuvre

La production est mise en chantier au printemps 1968. Il était question au départ de tourner le film en France, c'est-à-dire dans les lieux-mêmes où est censée se dérouler l'action. Mais en mai, la grève générale qui paralyse le pays rend impossible un tel projet. Une délocalisation est envisagée en Tchécoslovaquie, avant que les chars soviétiques ne viennent compromettre cette solution. La réalité rattrape la fiction et l'ironie de la situation n'échappera à personne. En août, l'équipe de tournage s'installe finalement en Autriche, tirant un parti maximum des décors naturels, campagne, églises et châteaux. Un choix économiquement appréciable.

Le film est une balade, le récit procède par étapes, et cette linéarité vient renforcer le tragique qui se drape irrémédiablement autour des amants. L'esthétique du film se veut le reflet de cet apparent dépouillement de la structure narrative. Si Huston sait faire la part du lyrisme, qui s'incarne essentiellement dans la voix du poète Héron et le goût de Claudia pour l'amour courtois, il souhaite avant tout livrer une peinture sans fard du Moyen-âge, aussi éloigné des Très riches heures du Duc de Berry que du folklore inconséquent tant prisé à Hollywood. Stephen Grimes, collaborateur fidèle du réalisateur, redécore les intérieurs authentiques des bâtisses médiévales autrichiennes, sans jamais céder à la tentation du faste. La noblesse dépeinte ici ne croulera pas sous les ornements. Les Seigneurs règnent sur des terres pauvres, écrasant davantage leurs serfs sous les taxes. En cohérence avec cette direction artistique, Leonor Fini conçoit des vêtements particulièrement sobres, au tissu souvent élimé et sans raffinement déplacé, à l'exception notable de la magnifique robe blanche et brodée d'or portée par Anjelica Huston dans la dernière partie du film. Proche du mouvement surréaliste, l'artiste a déjà une carrière active dans le costume et décor de scène. On connaît surtout d'elle ses toiles qui réinventent le merveilleux médiéval par une approche symboliste, souvent macabre.

Formé par Jack Cardiff, le directeur de la photographie Edward Scaife avait déjà collaboré à trois reprises avec Huston, sur The African queen (1951), The List of Adrian Messenger (1963) et Sinful Davey (1969). Ils s'associeront une dernière fois sur le glacial The Kremlin letter (1970). Quand bien même il ne recherche pas la flamboyance, privilégiant plutôt l'image terne et froide d'un monde hostile, Scaife capte superbement les teintes presque déjà automnales des paysages traversés. La lumière joue entre les branches, présence immuable d'un au-delà des hommes. La caméra retranscrit par ses déplacements les mouvement du coeur, accompagnant les amants dans leurs élans mais aussi dans leur réserve. Il faut voir ainsi comment est découpée la première scène de dialogue entre Héron et Claudia dans la clairière proche du château de Saint-Jean. La façon dont Huston - assisté par Russell Lloyd son monteur attitré - filme les regards et les raccorde entre eux est admirable. Et ce n'est pas le moindre de son talent que de savoir en jouer sans jamais tomber dans la démonstration. Huston a toujours pensé son cinéma comme un art invisible, qui se fait oublier sans pour autant être neutre. Au temps où se passe A Walk with Love and Death, un regard déplacé est lourd de sens. Indispensable et ultime compagnon pour parachever cette promenade sur les routes de France, la bande originale est quant à elle confiée à Georges Delerue, un Français précisément. Le compositeur du Mépris va livrer une magnifique partition d'inspiration médiévale, interprétée sur instruments d'époque (vents et cordes), un genre qu'il a souvent illustré. En cette même année 1969, il signait par exemple les très beaux thèmes de Jacquou le Croquant et de Thibaud ou les Croisades, deux séries télévisées historiques produites par l'ORTF. En parfait accord avec les émotions qui étreignent les personnages, sa musique n'intervient ici qu'aux moments opportuns. Qu'elle soit dramatique ou pleine de sensibilité, elle ne se départit jamais d'une certaine mélancolie, si caractéristique du style de l'artiste. Elle s'éteindra complètement lorsque les amants seront séparés par les dures lois du monastère qui les a accueillis, laissant le silence résonner entre ces murs froids avant de ressurgir pour de bon au moment où les coeurs et les corps se retrouvent. La musique s'épanche alors comme un fleuve de vie, coulant au milieu d'une terre mortifère.

À sa sortie sur le territoire américain, le 5 octobre 1969, le film ne rencontre pas son public. La Fox s'abstient alors de le distribuer en Europe. La revue Positif parvient néanmoins à organiser une projection dans le cadre de ses soirées consacrées à des inédits. L'accueil est enthousiaste, offrant au film l'opportunité d'une sortie officielle en France. Sa carrière commerciale n'ira cependant pas plus loin. Pour John Huston, qui demeure un cinéaste consacré, c'est le début d'une période malheureuse où il cumule les échecs publics tout en livrant ses films les plus audacieux (The Kremlin letter, Fat city, Wise blood). Par la suite, les diffusions de A Walk with Love and Death, en salle comme à la télévision, seront rarissimes. Il est temps de découvrir ou redécouvrir aujourd'hui, dans une édition DVD modeste mais soignée, l'une des oeuvres les plus discrètes - ce qui ne signifie pas mineure, loin de là - et les plus attachantes de son auteur.

1. Coursodon et Tavernier, 50 ans de cinéma américain, p. 558
2. Op.cit.
3. John Huston par John Huston, p. 324
4. Déclaration de 1969, citée in Brion, John Huston, p. 533

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Par Elias Fares - le 21 juin 2006