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Critique de film
Le film
Affiche du film

Plume blanche

(White Feather)

L'histoire

1877 dans le Wyoming. Josh Tanner (Robert Wagner), ingénieur topographe, est chargé d’aller étudier un site sur lequel ses employeurs souhaitent ériger une nouvelle ville, ayant été informés que de l’or aurait été trouvé dans les collines environnantes. Seulement cet endroit se situe sur le territoire des Cheyennes, la tribu n’étant pas encore prête à accepter l’invasion de leur territoire par les hommes blancs. Sur son chemin, Josh trouve le corps d’un mineur massacré par les indiens qu’il ramène à Fort Laramie où le Colonel Lindsay (John Lund) le reçoit et lui explique la situation tendue dans la région ; alors que toutes les autres tribus vivants aux alentour sont prêtes à émigrer vers des réserves plus au Sud, les Cheyennes ne souhaitent pas encore suivre le mouvement. Le Colonel conseille donc à John de se faire héberger au fort jusqu’à ce qu’un compromis ait été trouvé entre le gouvernement américain et les ‘indiens résistants’. Alors que Josh se promène dans les environs du fort, il tombe face à face avec deux jeunes guerriers Cheyennes, Little Dog (Jeffrey Hunter) et American Horse (Hugh O’Brian) qui le conduisent à leur campement. Là, Josh apprend à apprécier les membres de la tribu, essaie de leur fait entendre raison quant aux bienfaits de l’arrêt des hostilités, se prend d’amitié pour Little Dog et tombe même amoureux de la fille du chef, Appearing Day (Debra Paget). Plus tard, Josh assiste au discours du grand chef Broken Hand (Eduard Franz) qui fait part de sa décision de signer lui aussi le traité de paix avec les blancs et de quitter les plaines du Wyoming. Ce qui n’est pas du goût de Little Dog et American Horse qui défient le chef lui disant préférer se battre seuls contre l’armée américaine plutôt que d’accepter une telle humiliation…

Analyse et critique

White Feather est un western de la Panoramic Productions, compagnie n’ayant produit que 12 films dont quelques westerns, le plus connu étant le très bon The Raid de Hugo Fregonese l’année précédente. Semblant avoir bénéficié d’un budget conséquent au vu de l’importante figuration déployée, La Plume Blanche est pourtant encore assez méconnu en France. Remplacez les Apaches par les Cheyennes et vous vous ferez la réflexion comme quoi ce film ressemble énormément sur de très nombreux points à un classique du genre sorti cinq années auparavant, La Flèche Brisée (Broken Arrow), aujourd’hui surtout célèbre pour avoir été proclamé premier véritable western pro-indien. Et ce n’est pas vraiment une coïncidence puisque l’un des coscénaristes de White Feather n’est autre que le réalisateur de Broken Arrow, à savoir l’un des plus généreux chantres de l’antiracisme du cinéma hollywoodien, Delmer Daves. On retrouve en effet dans La Plume blanche une même introduction prévenant le spectateur que les Indiens parleront anglais pour plus de facilité, la même actrice principale, Debra Paget, dans le rôle de l’indienne qui tombe amoureuse d’un homme blanc, et une intrigue à peu près similaire dans ses grandes largeurs, celle d’un civil essayant de s’occuper de ce que les militaires n’arrivent pas à mener à bien : réussir à faire accepter un traité de paix aux indiens (mais qui aura cette fois une conséquence plus fâcheuse, celle de les déloger).

White Feather narre donc l’histoire véridique d’une amitié entre un ingénieur topographique blanc, Josh Tanner, qui n’éprouvait avant de la connaître qu’indifférence envers la nation indienne, et un guerrier Cheyenne, Little Dog, qui refuse de quitter les terres qu’on souhaite confisquer à son peuple pour y exploiter l’or dont elles regorgent. Une histoire d’amour a également lieu, celle de ce même blanc pour la fille du chef des Cheyennes ; et à noter, c’est bien la première fois qu’un film hollywoodien se termine avec courage sur le mariage à venir d’un blanc avec une Native. L’ensemble se déroule sur fond de faits historiques, ceux qui précèdent le départ ‘forcé’ en 1877 des dernières tribus indiennes du Wyoming pour des plaines plus au sud (fait qui sera raconté par ailleurs pas John Ford dans Cheyenne Autumn), juste avant ce dramatique exil, jusqu’au moment où ‘le dernier Cheyenne’ révolté est abattu après un combat inégal qu’il avait souhaité contre l’avis de Broken Hand, son père et chef de la tribu. Pour être plus précis, si tout ce qui est exposé dans le film s’est effectivement déroulé dans la réalité, ce n’est pas obligatoirement dans cet ordre, le geste suicidaire des deux révoltés qui constitue, durant le dernier quart d’heure, le paroxysme du film et qui se passe avant la ‘déportation’ des Cheyennes, a en réalité eu lieu une dizaine d’années plus tard, en 1890 exactement, alors que les Indiens étaient déjà parqués dans leurs réserves du Montana.

Si beaucoup parlent à propos de White Feather de pale imitation de Broken Arrow, je trouve pour ma part qu’au niveau du fond, cette ‘resucée’ n’a pas trop à rougir face à son illustre prédécesseur. Le film de Robert D. Webb possède même un scénario presque mieux équilibré et, si la mise en scène avait suivi, se serait sans doute révélé plus intense par le fait de prendre son temps là où celui de Delmer Daves se montrait parfois trop elliptique et saccadé, ce qui nous empêchait de ressentir suffisamment d’empathie envers les personnages. Ceci étant dit, à cause de cette réalisation sans grandes idées, assez molle et manquant singulièrement d’ampleur, le film est loin d’être à la hauteur de ses ambitions et de ses intentions et, après tant de grands films pro-indiens vus jusqu’ici (de La Porte du Diable de Anthony Mann à Tomahawk de George Sherman en passant par La Flèche Brisée de Delmer Daves ou Bronco Apache de Robert Aldrich), s’avère être par ce fait relativement décevant même si tout à fait honorable. En effet, rarement la nation Indienne avait été décrite avec autant de pudeur et de noblesse, rarement un film s’était attardé autant de temps au sein d’un campement indien, la caméra nous faisant avec attention assister à la vie quotidienne des membres de sa tribu.

White Feather nous parle donc avec intelligence, crédibilité et sensibilité du difficile parcours pour arriver à ce traité de ‘paix’, et trace un portrait d’une grande dignité de ce peuple noble écrasé par l’homme blanc. Tout ceci ne va pas sans une certaine naïveté (surtout dans l’écriture du personnage de Debra Paget et de son histoire d’amour pourtant assez touchante avec Robert Wagner), mais la sincérité de ton et la noblesse du plaidoyer ne manquent pas de dignité. La superbe photographie de Lucien Ballard magnifiée dans un scope très large et la très belle partition d’Hugo Friedhofer (surtout le thème d’amour repris pour une grande partie de celui de La Flèche brisée) renforcent la beauté de ce western lent (quelquefois un peu trop en regard du manque de lyrisme et de personnalité de la mise en scène), parfois élégiaque, sans emphase intempestive mais dont le côté spectaculaire n’est pas évacué pour autant par la manière qu’à le cinéaste, lors de la confrontation finale, d’utiliser une imposante figuration d’Indiens et de soldats en déplacements. Certains plans séquences très étirés, surtout dans la longue et très belle scène finale remarquablement tendue, sont très réussis et montrent que Robert D. Webb pouvait malgré tout faire montre de talent au sein de son premier western. Il fut un réalisateur peu prolifique qui ne signa que 14 films tous malheureusement restés dans l’ombre malgré d’autres plus tardives sympathiques réussites comme Le Shérif (The Proud Ones) ou Le Cavalier du crépuscule (Love me Tender), le premier film avec Elvis Presley. Mais nous y reviendrons plus tard.

Il fut avant cela un réalisateur de seconde équipe réputé, notamment sur les films d'Henry King avec Tyrone Power comme Capitaine de Castille ou Echec à Borgia (Prince of Foxes). Pas de génie dans ses mises en scène mais du bon travail d’artisan consciencieux à la technique presque irréprochable (même s’il fut néanmoins parfois capable du pire avec par exemple le pénible et laborieux Tempête sous la mer - Beneath the 12-Mile Reef avec déjà Robert Wagner) ! White Feather ne déroge pas à la règle. Si Delmer Daves avait lui même assuré la mise en scène, le film aurait probablement atteint des sommets mais en l’état, il est plus que recommandable, correctement réalisé et plutôt bien interprété même si la plupart des jeunes comédiens manquent encore un peu d’expérience et de charisme. Outre de correctes prestations de Robert Wagner et Hugh O’Brian, Jeffrey Hunter se tire plutôt bien de son rôle de fier Cheyenne rebelle tiraillé entre la loyauté envers son père et son code de l’honneur et John Lund est, comme déjà auparavant dans un rôle similaire dans Au mépris des lois (The Battle of Apache Pass) de George Sherman, formidablement sobre dans la peau du Colonel pacifiste ; il est juste à déplorer que le personnage féminin non dénué de mystère joué par Virginia Leith, n’ait pas assez été développé contrairement à celui moins original dévolue à Debra Paget. "I feel sorry for them" dira-t-elle en voyant les tribus indiennes se préparer à quitter les terres de leurs ancêtres. Nous ne pouvons que ressentir la même chose à la vison de ce joli film (cependant un peu trop solennel) même si le final montre aussi une réconciliation entre les peuples à travers le mariage à venir entre Josh Tanner et Appearing Day. A défaut d’inspiration et de dynamisme, beaucoup de retenue et de dignité.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 18 mai 2007