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Critique de film
Le film
Affiche du film

Personne ne veut jouer avec moi

(Mit mir will keiner spielen)

Analyse et critique

Martin est rejeté par les autres enfants de sa classe. On dit de lui qu’il ne se lave pas, ne mange que du pop corn, porte des vêtements pouilleux. Si tout cela est vrai, aucun d’entre eux n’a cherché à savoir pourquoi il est ainsi. Jusqu’au jour où une petite fille accepte de venir chez lui. Le petit lui raconte son quotidien, son père qui le frappe, sa mère malade du cancer. Il lui parle de son corbeau Max et de la joie toujours renouvelée de l’entendre dire « je suis un bon garçon » ou « goal ! ». Max est son seul ami, son seul plaisir dans une vie qui n’est que désastre. La petite l’amène chez lui pour que sa mère lui refasse un pansement et déclare qu’elle est son amie. Le lendemain, Martin offre Max à la petite fille. Celle-ci fait alors une collecte auprès des enfants de la classe pour lui faire une surprise : deux cochons d’indes et leurs déguisements.


Comme le montre ce résumé, Herzog signe un petit court métrage d’une grande douceur, gentil et naïf. Herzog étant un cinéaste à prendre au pied de la lettre – il ne pratique pas le second degré – il faut comprendre ce film comme un hommage au temps de l’enfance. Pour le cinéaste, c’est un âge où il est encore possible de passer outre ses préjugés, de dépasser ce qui fait peur, d’accepter ce qui est différent. La solidarité des enfants répond ainsi à l’aveuglement d’une société d’adultes qui - on l’a vu dans ses films consacrés au handicap ou dans Kaspar Hauser - ne sait pas comment appréhender le malheur, la pauvreté ou la différence. Même si l’on est ici dans le domaine de la fiction, la continuité avec Pays de silence et d’obscurité et Avenir handicapé est flagrante, continuité thématique mais aussi formelle, la caméra à l’épaule et la technique rudimentaire d’enregistrement du son choisis par Herzog faisant naturellement le pont avec ces deux documentaires. Les enfants sont très justes, naturels, et l’on découvre en Herzog un cinéaste visiblement très à l’aise avec la direction d’acteurs en herbe. On s’étonne d’ailleurs qu’il ne se soit pas plus souvent intéressé à l’enfance et il faudra attendre 1984 pour le voir de nouveau plonger sa caméra dans ce monde, dans de toutes autres conditions cependant, La Ballade du petit soldat racontant le quotidien d’enfants soldats au Nicaragua.

Après L’Énigme de Kaspar Hauser, Herzog est adulé par la critique (surtout française) et le succès de ses films suffit à lui offrir une assise financière confortable, toujours dans le cadre bien évidemment d’un système de production totalement indépendant et très familial. Au lieu de profiter de la vague, Herzog, certainement conscient d’avoir atteint un sommet avec Kaspar Hauser, fait une pause avant d’enchaîner avec un nouveau long métrage en signant un moyen et un court métrage. Souvent, le court métrage est un format utilisé par les jeunes cinéastes pour faire leurs classes ou signer une carte de visite. Rares sont les réalisateurs aguerris qui continuent à en réaliser alors qu’ils sont installés dans le cinéma. On peut être surpris de voir Herzog tourner ce toute petit film naïf et tendre entre deux longs métrages. Mais c’est simplement qu’il se laisse guider par ses envies du moment, sans établir de plan de carrière, quitte à se faire oublier du public et de la critique, comme ce sera le cas plus tard, en tournant le dos au long métrage de fiction – seule forme digne d’intérêt aux yeux du plus grand nombre - pour se consacrer au documentaire.

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Par Olivier Bitoun - le 20 mai 2010