Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

Pacte avec un tueur

(Best Seller)

L'histoire

Los Angeles, 1972. Le sergent Dennis Meechum est grièvement blessé lors d'un hold-up. Quinze ans plus tard, il est devenu l'une des figures les plus célèbres de la police et a consacré à l'affaire un best-seller. Alors qu'il cherche le sujet de son deuxième livre, un des cambrioleurs, Cleve, lui propose le récit de ses forfaits au service d'un industriel, David Madlock, d'autant plus que le hold-up au cours duquel le policier faillit être tué était le premier exploit de Cleve...

Analyse et critique

Pacte avec un tueur est l’occasion de la rencontre entre l’art du pitch astucieux de Larry Cohen et la nervosité de l’expert du polar qu’est John Flynn. Réalisateur - principalement dans la série B fantastique avec pour le meilleur Le Monstre est vivant (1974), Meurtres sous contrôle (1976) ou encore The Stuff (1985) -  et scénariste prolifique vivant souvent de la vente de scripts pouvant longtemps dormir dans les tiroirs des producteurs -, Larry Cohen aura attendu sept ans avant de voir Pacte avec un tueur se concrétiser. S’inspirant du courant voyant des policiers devenir écrivain - Joseph Wambaugh entre autres à cette période parmi les plus fameux -, Cohen imagine une trame où un policier en panne d’inspiration se trouve obligé de faire équipe avec un dangereux tueur à gages. Cohen voyait Burt Lancaster incarner le policier et Kirk Douglas le tueur, mais la longue gestation du film aboutira à un casting moins prestigieux mais néanmoins solide avec Brian Dennehy et James Woods.

L’intrigue voit donc une étrange relation se nouer entre le policier expérimenté Dennis Meechum (Brian Dennehy) et le mystérieux tueur à gages Cleve (James Woods). Ce dernier se propose de livrer ses secrets à Meechum dont la carrière parallèle d’écrivain est en berne depuis la mort de sa femme. Meechum, méfiant, se montre néanmoins intrigué puisque le passé de Cleve est sans doute lié à un douloureux épisode passé, un hold-up meurtrier où il fut grièvement blessé et ses collègues tués. L’objectif de Cleve est en surface totalement narcissique et vise à se venger de son ancien employeur David Madlock (Paul Shenar). Pourtant on ressentira au fil du récit une sincère admiration et la recherche de l’amitié de Meechum, James Woods excellant à exprimer cet étrange mélange de dangerosité et de vulnérabilité. Le trouble est renforcé par l’illustration de sa nature de tueur. Les vrais assassinats passés ne sont évoqués que par la parole de Cleve, les écarts de violence plus gratuits escamotés même si inquiétants - le chauffeur de taxi dans la cabine photo - quand pour le reste il s’agira toujours de sauver la mise à Meechum dans diverses situations.

Non pas que le script tente d’adoucir le personnage mais en tout cas on ressent la volonté de le rendre plus ambigu. Sa présence passe d’une veine spectrale et omnisciente (le sauvetage d’ouverture et la première rencontre nocturne) à une humanisation progressive qui le rend plus humain au point que l'on soupçonne chez lui - un élément guère exploité malheureusement - une possible mythomanie. Brian Dennehy dans un registre plus bourru laisse aussi son armure de policier dur à cuire se fissurer, fasciné sans se l’admettre par ce compagnon peu recommandable. Le jeu de piste sur les crimes de Cleve se conjugue à une atmosphère de dangereuse paranoïa avec les intimidations de Madlock guère enclin à voir sortir un ouvrage dévoilant ses activités.

Le résultat se révèle franchement efficace mais, une fois n’est pas coutume, le style frontal de John Flynn - Echec à l'organisation, Le Sergent - dessert un peu la richesse du propos. La trame file tellement droit qu’elle en oublie en chemin d’aborder le statut d’écrivain de Meechum, qui ne sert que de McGuffin au récit. Le rapport à ses collègues qu’inclut cette seconde profession, conjuguer l’inspiration avec son métier de policier, la gestion de la célébrité et le processus de création, tout cela est survolé voir absent. Larry Cohen s’identifiant à son héros avait truffé son script de ces éléments et apparemment nombre de scènes allant dans ce sens furent tournées mais éliminées au montage. On perd donc grandement de la dimension ludique qu’incluait le postulat, l'originalité résident plus au niveau du pitch que de son illustration. De plus, captivé par son duo Flynn n’enrichit pas son méchant, homme d’affaires transparent pourtant supposé être le mal absolu, symbole du capitalisme tout-puissant quand Meechum et Cleve reste de "vrais" hommes - le second étant d’une morale toute personnelle mais bien présente. L’ensemble n’en reste pas moins un très bon polar des 80’s rondement mené, mais le résultat n’atteint pas tout à fait les hauteurs espérés. C’est d’autant plus dommage que Flynn sut manier avec brio un matériau complexe sans se défaire de son efficacité avec son excellent Rolling Thunder.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 7 juillet 2015