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Critique de film
Le film

Marius

L'histoire

Marius (Pierre Fresnay) est le fils de César (Raimu), bistrotier du vieux port de Marseille. Il ne rêve que de larguer les amarres et de partir en mer sur un de ces navires marchands qui accostent sur les quais. Fanny (Orane Demazis), la fille d’Honorine la poissonnière, l’aime d’amour. Pour attirer son attention sur cette passion qui la brûle, elle lui laisse entendre qu’elle est prête à se marier avec maître Panisse (Fernand Charpin), un riche marchand ami de César.

Analyse et critique

Marius est né sur les planches en 1929 au théâtre de Paris sous la direction de Léon Volterra. C’est un nouveau triomphe pour Marcel Pagnol, qui signe ici sa sixième pièce, avec plus de huit cent représentations. Robert T. Kane, directeur de Paramount France et responsable des studios de Joinville et de Saint-Maurice (les plus grands de l’époque), propose à l’auteur d’en faire l’adaptation cinématographique. Cette proposition enchante Pagnol qui, depuis qu’il a découvert le cinéma parlant à Londres, n’a de cesse d’essayer de convaincre le monde du théâtre de s’approprier cet art nouveau, ce qui lui vaut haine et rancœur de la part de ses confrères qui voient en lui un renégat et un traître. Pagnol accepte donc la proposition de Kane mais le projet tombe à l’eau alors qu’il essaye en vain d’imposer les acteurs de la pièce pour l’adaptation cinématographique. Quelques mois plus tard, la Paramount revient sur sa décision après avoir essuyé plusieurs échecs commerciaux et Pagnol obtient avec le studio un contrat en or. Il obtient des droits d’auteur sur les recettes, ce qui lui offrira avec le succès du film sa totale indépendance financière. Il a l’entière liberté quant au casting et l’adaptation, devant simplement accepter en échange de ne pas mot dire sur les adaptations allemandes et suédoises que le studio produit en parallèle et auxquelles le studio croit bien plus que dans cette version hypothéquée par la présence de ce si exigeant (et inconscient) auteur qui impose des comédiens de théâtre et refuse de raccourcir ses textes. Des versions "réalisées avec de vrais acteurs de cinéma, un vrai treatment (c'est-à-dire que le scénario department avait rendu la pièce méconnaissable), un vrai découpage (c'est-à-dire que la plus longue prise de vues ne dépassait pas trente secondes) et une vraie mise en scène (c'est-à-dire que l’appareil s’était continuellement promené à travers le décor comme s’il tournait autour du pot)" (Marcel Pagnol dans La Cinématurgie de Paris). La Paramount est effrayée par ce film si long (deux heures !) aux dialogues interminables à même de rebuter des spectateurs qui, ils pensent, ne sont pas prêts à accepter une telle logorrhée verbale. Mais Bob Kane tient parole et laisse toute latitude à Pagnol quant aux choix artistiques et qui est assuré de superviser le tournage même s’il ne signe pas la mise en scène du film.

Pagnol, depuis son expérience dans les cinémas de Londres, arpente inlassablement les studios du Réservoir de Saint-Maurice (à l’invitation de Robert T. Kane) et questionne les équipes techniques de la Paramount, désireux d’apprendre toutes les ficelles du métier. Curieux de tout, l’auteur de théâtre veut découvrir chaque secret de fabrication d’un film, du fonctionnement des caméras au développement de la pellicule. Mais il ne se sent pas encore prêt à réaliser Marius et préfère qu’un cinéaste expérimenté soit derrière la caméra. C’est Alexandre Korda qui est appelé pour diriger le film. Le prestigieux réalisateur britannique à peine débarqué en France voit la pièce deux fois d’affilée et soutient Pagnol dans son choix de reprendre tous ses acteurs, "même les inconnus, car après le film ils ne le seront plus". Il est extrêmement impressionné par Raimu ("certainement l’un des meilleurs acteurs du monde") et par Orane Demazis qui lui rappelle Lillian Gish. Il accepte avec plaisir d’enseigner à Pagnol les mille secrets de la mise en scène, lui laisse une grande latitude sur le plateau et surtout lui cède la direction d’acteurs. L’apprenti cinéaste suit goulûment chaque geste de Korda et de l’équipe technique, comme il le fera avec Marc Allégret sur Fanny. Si Korda apprend à Pagnol l’art de la mise en scène, en retour il écoute attentivement l’auteur lui parler de l’importance des dialogues. Lui, le cinéaste du muet, qui à la différence de la plupart de ses confrères se laisse convaincre par la sonorisation des films et par la lutte de Pagnol qui est persuadé que le cinéma va se trouver transformé de fond en comble par cette avancée technologique. Car si Pagnol s’est trouvé rejeté par ses confrères du théâtre, le monde du cinéma se révèle très dur avec lui. Acteurs, cinéastes, techniciens et critiques rejettent violemment l’arrivée du parlant parce qu’ils pensent que leur art va être perverti, mais surtout parce qu’ils se sentent en danger : les techniciens du muet craignent de se retrouver placés en arrière des encombrants ingénieurs du son, et surtout d’être évincés par les techniciens américains qui sont les seuls spécialistes du parlant, les acteurs s’imaginent être remplacés par des acteurs de théâtre, les distributeurs voient 9/10ème du marché mondial leur échapper (un film muet peut être distribué partout dans le monde), les propriétaires de salles se voient contraints d’investir dans du nouveau matériel, les studios doivent construire de nouveaux plateaux insonorisés... C’est une véritable cabbale qui est montée par voie de presse contre ce Pagnol inconscient et naïf qui ne jure que par le parlant. Le succès de Marius va démentir ce qui est encore pour beaucoup une simple mode passagère.

Fanny est écrit suite au succès de Marius durant l’été 1931. La pièce est de nouveau montée au théâtre de Paris avec Berval dans le rôle de Marius, Pierre Fresnay étant indisponible, et Harry Baur dans le rôle de César, Raimu se brouillant avec le metteur en scène Léon Volterra. Pagnol ne peut mettre en scène la pièce, à cause de son contrat, et s’empresse de monter le film afin de réunir de nouveau la troupe de comédiens d’origine. Fanny est sous option chez un producteur américain qui par miracle la lève, ne croyant pas au potentiel commercial des suites en général (il faut dire qu’à Hollywood le parlant n’est toujours pas en odeur de sainteté), ce qui permet à Pagnol de produire lui-même le film, en association avec Roger Richebé qui a Raimu sous contrat, et d’acquérir cette indépendance qu’il convoite. Richebé propose Marc Allégret, qui vient de diriger par deux fois Raimu, pour la mise en scène. Si Pagnol admire Allégret, connaître et être apprécié du volcan Raimu est un autre atout appréciable.

En 1936 Pagnol a déjà tourné plusieurs films lorsqu’il accepte de réaliser César qui vient clore ce qui devient dès lors "la trilogie marseillaise". Le film est conçu directement pour le cinéma et ne sera monté au théâtre qu’en 1946. Pagnol a un mois pour écrire le scénario et démarrer le tournage du film pour pouvoir réunir l’ensemble du casting d’origine. Si les productions Pagnol sont maintenant sur les rails, c’est l’écriture qui pour une fois pose problème à l’auteur. Dans sa Cinématurgie de Paris, Pagnol raconte que c’est une antiquaire de Marseille qui vint le débloquer. Elle propose à l’accessoiriste de prendre gratuitement dans sa boutique les éléments de décors nécessaires mais en échange l’auteur doit lui raconter le film en détail, persuadée de n’avoir plus assez de temps à vivre pour le découvrir à l’écran. Et Pagnol de se lancer et d’inventer en une soirée ce qui va devenir Cesar. La vieille dame mourra quelques jours plus tard.

Malgré le fait que Pagnol n’ait pas pensé au départ créer une trilogie et que trois réalisateurs se soient succédés derrière la caméra, on est frappé par l’unité des trois œuvres. Cette unité tient à un univers propre à l’auteur, bien sûr, mais aussi à la cohérence de la vision qu’a Pagnol du cinéma. Dès Marius il s’investit pleinement dans les possibilités du cinéma parlant, autant pour le plaisir de voir cette langue qu’il aime tant envahir les salles de cinéma que par une croyance totale dans les capacités de ce nouveau cinéma. Bon nombre des premiers films parlants utilisent la sonorisation par défaut, recyclant les mêmes techniques de mise en scène, les mêmes acteurs, se contentant simplement de quelques phrases ou effets sonores pour justifier leur statut publicitaire d’œuvre parlante. Pagnol lutte lui pour une véritable implication, il pense et croit au parlant, sait qu’il faut repenser le cinéma à l’aune de cette révolution. Le plaisir du verbe, de la parole, éclate dès lors à chaque instant. Pourtant Pagnol donne une grande place aux silences et aux regards : "la plupart des choses ne se disent pas. La parole c’est la petite vague au-dessus, mais les profondeurs, ça ne se voit pas" fait-il dire à César. "Nous pourrons écrire une scène chuchotée, et la faire entendre à trois mille personnes, sans changer le timbre ni la valeur du chuchotement. Voilà un domaine nouveau : celui de la tragédie ou de la comédie purement psychologique, qui pourra s’exprimer – sans cris et sans gestes – avec une admirable simplicité et une mesure jusqu’ici inconnue" déclarait Pagnol en 1930 aux journalistes dans la guerre qui l’opposait aux tenants du muet. Le son appelle le silence, le renforce, et il faut voir l’intensité qui se dégage de ce long silence avant que Marius ne déclare à son père un simple : "Papa, je t’aime bien". Ces personnages bavards, volubiles cachent sous les torrents de paroles et les bons mots des douleurs indicibles. C’est dans ce jeu entre la drôlerie et le drame que le génie de Pagnol éclate. Rire pour ne pas pleurer, cacher ses émotions sous la roublardise, ainsi fonctionnent ses personnages si sensibles, si pudiques, si humains. Ces dialogues d’anthologie, tant vantés, tant répétés restent très loin des mots d’auteur à la Guitry. Ce sont des dialogues qui brillent avant tout par leur simplicité, leur justesse, leur finesse. Des dialogues qui ne semblent jamais fabriqués, qui sortent tout droit du cœur des personnages. Des dialogues qui contournent les faits, qui se détournent par pudeur des drames pour mieux les communiquer. Tantôt lyriques, tantôt naturalistes, ils respirent la vie et la poésie sans que jamais on ne ressente de discontinuité entre les registres de langue.

Pagnol est un véritable équilibriste. Il joue sur les changements de ton et d’ambiance au sein d’une même séquence, il parvient comme personne à faire rire et pleurer dans un même mouvement. Rares sont ceux qui peuvent avec autant de naturel mêler drame et comédie, sans que l’un empiète sur l’autre. Les drames de la vie en appellent au rire : "Mais les copains suivaient l'sapin le cœur serré. En rigolant, Pour fair' semblant, De n'pas pleurer" chantait Brassens pour le Vieux Léon. Pagnol, grand admirateur du chanteur, illustre à merveille ce couplet dans une très belle scène de César.

Si les textes et le jeu des acteurs portent les films et en assurent l’homogénéité, la succession de trois réalisateurs apporte des variations perceptibles. Alexandre Korda, "un tartare d’Olvoï qui nous tire la photographie" comme disait Raimu, se contente, pourrait-on dire en usant d’un cliché éculé, d’aérer la pièce. Avec son professionnalisme coutumier, il propose avec Marius une mise en scène simple et directe. Ce tenant du muet doit avant tout apprivoiser les nouvelles technologies sonores (ainsi que l’indomptable Raimu) et Pagnol durant le tournage se charge de l’essentiel de la direction d’acteurs. Avec Fanny la caméra descend dans la rue, prenant le contre-pied de Marius filmé essentiellement dans les décors de studios de Joinville. Marc Allégret parvient à rendre les lieux très vivants, des extérieurs tournés dans le vieux port aux scènes d’intérieur filmées aux studios de Billancourt. Il crée une véritable unité entre ces scènes et fait véritablement vibrer Marseille. Lorsque les personnages discutent sur leur pas de porte ou arpentent le vieux port, lorsqu’ils jouent aux boules ou se promènent au château d’If, on sent l’air de la Méditerrané et les odeurs de la ville. Il n’y a alors nul besoin de l’accent chantant du sud pour faire palpiter la cité phocéenne.

Pour le troisième volet, Pagnol tourne longuement dans ses studios marseillais mais prend surtout plaisir à descendre dans la rue. La critique de "théâtre filmé" ne peut venir que d’un malentendu tant cette soit disante théâtralité est éloignée de ce qui nous est offert à l’écran. S’il y a beaucoup de texte, on le doit à la croyance totale de Pagnol quant aux possibilités offertes par l’arrivée du parlant et non par une prétendue incapacité de l’auteur de s’affranchir de l’art des planches. Comme on l’a dit, la profession est en guerre contre cette avancée technique qui est selon eux au mieux une mode passagère, au pire la mort du "vrai cinéma". Alors, dès 1931, on entend revenir comme une litanie cette notion de théâtre filmé et autres "Marcel Pagnol ne comprend rien au cinéma…". Arguments corporatistes qui aujourd’hui demeurent pour beaucoup un fait avéré qui caractérise le cinéma de Pagnol. Pourquoi parler de théâtre filmé alors qu’il est évident que Korda, Allégret ou Pagnol font du cinéma : la lumière, les ombres, la chorégraphie scénique, le sens de la durée des plans, la caméra qui s’approche des visages et en magnifie les traits, autant d’éléments qui n’ont rien à voir avec le théâtre. Pour une mythique séquence autour d’une partie de cartes dont le dispositif simple pourrait effectivement rappeler les planches (si ce n’est que celle-ci ne faisait justement pas partie de la pièce), combien de scènes de rue où la caméra baguenaude au milieu de la foule avec une incroyable liberté ?

Marius et Fanny sont tournés alors que l’équipement sonore, volumineux et peu perfectionné, poussait le réalisateur à utiliser des cadres resserrés autour de l’emplacement du micro. C’est bien un aspect technique qui empêche les films de "s’échapper" totalement et non un prétendu manque de vision de cinéaste. Il conviendrait plutôt de louer Marc Allégret qui parvient à filmer des extérieurs sans trop perdre en qualité de son, difficile rôle d’équilibriste qui prouve la grande maîtrise de son art. Avec César, Pagnol veut s’affranchir de ces contraintes (aidé en cela par le perfectionnement des appareillages) et il prend plaisir à filmer Marseille, à descendre dans la rue, à capter l’air du temps. Alors techniquement, César peut sembler parfois bâclé mais c’est bien à cause de cette volonté de plonger dans la ville, Pagnol préférant la liberté de mouvement à une qualité technique irréprochable.

Si la trilogie nous offre quelques beaux moments de cinéma, notamment ses scènes de rue qui préfigurent le néoréalisme (de nombreux cinéastes italiens affirmeront que ce mouvement était déjà tout entier chez Pagnol), c’est la beauté et la profondeur des personnages qui font de cette trilogie le chef d’œuvre que l’on connaît. Tous les rôles sont ainsi fouillés, mis en avant à un moment ou à un autre. Il n’y a jamais de méchants chez Pagnol. Des personnes qui se fourvoient, des inconscients, des qui s’enferrent dans un rôle, oui. Et les personnages les moins défendables ont toujours leur chance, leur histoire. A moins de considérer que le mal est une entité qui préexiste à l’homme, on ne peut qu’être touché par l’empathie de l’auteur, par ses films remplis d’humanité et d’amour. Ce refus de la caricature se ressent dans la façon dont Pagnol manie l’humour. Jamais chez lui on ne se moque des gens et lorsque les personnages nous font rire, nous rions à leur côté, jamais depuis une position supérieure. Les personnages rient d’eux-mêmes, on rit avec eux de bon cœur, on rit de nous-même. Cette conception du rire, qui n’est pas propre à Pagnol, semble aujourd’hui cruellement anachronique à l’heure des One Man Show qui sont tous, peu ou prou, calibrés autour d’une posture arrogante et cynique qui vise à stigmatiser les tares de nos pairs.

Si l’on rit aux larmes devant la trilogie marseillaise, c’est l’émotion qui nous étreint constamment qui achève de faire cette œuvre un des sommets du cinéma, rejoignant par sa densité les grandes œuvres littéraires de notre siècle. Derrière la comédie, Pagnol touche aux véritables secrets de ce qu’est l’homme, à l’universel. Il y a une vérité humaine profonde qui surgit de ces œuvres et qui fait rapidement oublier le folklore, le pittoresque, le local. On part d’un film d’apparence légère pour atteindre les rivages de la tragédie antique. C’est un humanisme universel, intemporel qui guide les films et le destin de cette mère célibataire nous émeut toujours autant aujourd’hui alors même que les mœurs ont considérablement évolués. Pagnol nous parle de vérités profondes qui transcendent le lieu et le temps de l’action. Il nous parle des difficultés d’être père, d’être fils, de l’amour fou impossible, de la responsabilité. Il nous fait ressentir ce besoin d’ailleurs que ressent Marius, cette envie d’échapper à un quotidien qu’il juge étouffant, lui qui jeune homme multipliait les escapades hors du cocon familial, mais il nous parle également de la beauté simple de ce quotidien. Il ne juge jamais, s’emploie à donner sa chance à chaque personnage. Tour à tour on adopte le point de vue des protagonistes, même s’ils s’opposent et se heurtent. Il n’y a jamais de méchants, jamais d’ordures, juste des personnages que Pagnol aime et embrasse. Ces destinées individuelles nous transportent car elles nous parlent directement. Durant vingt années, on partage les histoires et le quotidien d’une petite communauté qui vaille que vaille va braver les malheurs.

Pagnol a le génie de la construction. Sa trilogie paraît simple, limpide, pourtant elle repose sur un délicat échafaudage narratif. Les trois films reposent sur une ligne claire, qui n’appelle pas d’intrigues secondaires ou de nouveaux personnages, mais pourtant ils se déploient, semblent immenses et infinis dans leurs enjeux. Les personnages, complexes, évoluent tout au long de la saga. Ainsi dans Fanny, le personnage de Panisse prend de l’ampleur, sa bonhomie s’efface et dévoile un personnage sombre et profond. Au fur et à mesure des films, chaque personnage gagne en densité, accompagnant un récit qui ne nous emporte jamais là on où l’attend. Fanny est l’épisode le plus mélodramatique. Sur le papier, il narre le parcours d’une fille séduite et abandonnée qui doit se livrer à un homme plus vieux. Or Pagnol prend le contre-pied de cette figure classique du mélodrame en nous montrant un vieil homme sensible, doux, attentionné. César, très logiquement, est le film du bilan, du pardon. "J’aime mieux une vilaine vie qu’une belle mort" déclare Raimu. C’est un film sombre qui dans un même temps appuie la conviction que le bonheur doit compter plus que toute autre considération. C’est l’un des thèmes récurrent de Pagnol, faire fi de l’honneur, de la bienséance, de la morale pour trouver le bonheur.

Ces personnages complexes et profonds prennent toute leur ampleur à l’écran par la grâce d’une distribution exceptionnelle au premier rang desquels on trouve l’immense Raimu. Certainement l’un des plus grands acteurs de notre siècle (salué comme tel par Orson Welles ou encore Henry Miller) il est en totale osmose avec son texte, son personnage, il Est ! Au départ, Pagnol voulait lui confier le rôle de Panisse, mais Raimu refusa : "Je veux être le propriétaire ! Je veux que la pièce se passe chez moi. Ton Charpin est moins connu que moi. Ce n’est pas M. Raimu qui doit se déranger pour aller rendre visite à M. Charpin. C’est M. Charpin qui doit venir s’expliquer chez M. Raimu". Charpin ayant un faible pour le personnage de Panisse, l’échange des rôles se fait sans heurt. Il est lui aussi inoubliable. Le choix de Pierre Fresnay laisse perplexe l’équipe du film, Raimu notamment qui ne comprend pas la présence de cet Alsacien dans la distribution. Il se fond cependant dans son rôle, épousant l’accent du sud avec un naturel qui laisse pantois les plus réticents de l’entourage de Pagnol. Malgré ses grands rôles dans La Grande illusion, L’Assassin habite au 21 ou Le Corbeau, Fresnay restera toujours Marius. Et enfin la sublime Orane Demazis, vibrante de désespoir. Elle vit l’amour, la douleur d’aimer avec une vérité incroyable. Eblouie ou transportée par ce sentiment, elle inonde les films de fièvre et d’ardeur. C’est un rôle magnifique, un des plus beaux rôles féminins qui soit. Pagnol avec son regard dénué de tout machisme ou à contrario de célébration aveugle, a dépeint de magnifiques portraits de femmes. Orane Demazis, si souvent décriée, au jeu si surprenant et moderne (bressonien pourrait-on dire), demeure à jamais la plus belle de ses interprètes.

Le triomphe de la trilogie sur les planches puis au cinéma va permettre à Pagnol d’accumuler une fortune qu’il va utiliser pour assurer son indépendance et tourner en famille ces films où la joie du cinéma éclate à chaque plan...


Note : La première version de César durait 165 minutes. La version d’après guerre dure 135 minutes avec vingt minutes de film inédit par rapport à la première version, notamment la magnifique confession de Panisse. Quant à la première version, elle approfondissait le personnage de Césariot, point faible du film tel qu’on le connaît aujourd’hui.

DANS LES SALLES

DISTRIBUTEUR : MISSIOn DISTRIBUTION

DATEs DE SORTIEs :
MARIUS : 9 décembre 2015
FANNY : 23 décembre 2015
CESAR : 30 décembre 2015

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Par Olivier Bitoun - le 27 décembre 2006