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Critique de film
Le film

Les Onze guerriers du devoir

(Ju-ichinin no samurai)

L'histoire

Ere Tempo, 1838, lors d’une partie de chasse sur son domaine, le Seigneur Nariatsu du fief Tatebayashi, fils du Shogun retiré, viole la frontière du fief Oshi et y abat froidement un paysan ainsi que le Seigneur du fief qui l’avait interpellé sur son acte. Tatewaki, chambellan du fief Oshi porte l’affaire devant les autorités shogunales, mais Nariatsu bénéficiant des protections du Shogun, c’est le clan Oshi qui est tenu pour responsable. Confrontés à une décision de démantèlement de son fief qui plongerait ses vassaux dans la misère, le chambellan décide de monter une expédition vengeresse contre Nariatsu avec l’aide de Hayato et de quelques hommes triés sur le volet.

Analyse et critique

« Nous sommes déjà morts. Nous ne sommes plus de ce monde. Mais notre âme errera ici-bas tant que Nariatsu vivra. » (Hayato)

Kudo revient à une forme relativement plus classique dans Les onze guerriers du devoir pour nous offrir un film sensible, élégiaque et mélancolique admirablement porté par la superbe partition de Akira Ifukube (1). Se basant sur une trame évoquant Chushingura, la fameuse histoire des 47 ronins, une des pierres angulaires du Jidai-Geki, Kudo et ses scénaristes cisèlent une superbe histoire de vengeance aux accents profondément tragiques. Encore une fois, comme il l’avait fait auparavant surtout dans Le grand attentat, il privilégie la forme chorale, étoffant plusieurs personnages évoluant autour d’un personnage émergeant légèrement (Hayato magistralement interprété par Isao Natsuyagi) dont l’histoire personnelle occupe une bonne partie du métrage. Kudo profite de quelques scènes intimes entre Hayato pour magnifier de petits moments de tendresse comme on en voit rarement dans ce genre de production, filmant avec une sensibilité incroyable une main, un visage (Junko Miyazono rayonnante ou mélancolique) ou une caresse, léger effleurement de la main exprimant toute la douleur d’une séparation. Comme il l’avait fait dans Le grand attentat, il dépeint avec justesse le déchirement d’un drame familial et amoureux en une séquence poignante et sobre. Pourtant, son film n’est à aucun moment pesant ou inutilement mélodramatique. Parmi une distribution brillante, Ko Nishimura, de par son jeu décontracté, offre un contrepoint intéressant au jeu intense du reste du casting sans pour autant que cela trahisse le caractère torturé et grave d’un personnage de rônin au passé chargé. Il faut le voir terminer son repas, bien assis auprès du feu, en pleine préparation d’une embuscade… On pense au Mifune de Yojimbo ou Sanjuro

Comme dans Les Treize tueurs, le seigneur à abattre (interprété de manière hallucinante dans les deux films par Kantaro Suga) est présenté comme un psychopathe imbu de sa personne que l’orgueil perdra. Le final sous un déluge de pluie, dans un paysage noyé dans la brume vaut à lui seul la vision du film tant la poésie des éléments renforce l’impact des compositions d’un réalisateur au sens du cadre hors du commun. Jamais la boue n’aura autant traduit le désespoir des personnages…

Trois films pour trois épopées meurtrières, trois ambiances totalement différentes. Kudo se pose avec cette trilogie informelle en un auteur original capable avec les contraintes du studio de réaliser des œuvres personnelles,dramatiquement chargées mais jamais inutilement boursouflées ou appuyées…
Trois films et un réalisateur à découvrir de toute urgence.


(1) Déjà responsable des scores de plusieurs Zatoichi dont les premiers épisodes, du Bouddha de Kenji Misumi et des Treize tueurs pour Eiichi Kudo pour ne citer qu’eux parmi une production abondante.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

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Par Christophe Buchet - le 17 mars 2007