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Critique de film
Le film

Les Flèches brûlées

(Flaming Feather)

L'histoire

Depuis une vingtaine d’années, un mystérieux hors-la-loi nommé The Sidewinder - "La Rafale" en français -, à la tête d’un groupe d’Indiens rebelles, dévaste l’Arizona par ses attaques, massacres, vol de chevaux et de bétail. Le jour où il incendie le ranch de Tex McCloud (Sterling Hayden) et tue l’un de ses hommes, il ne sait pas encore qu’il n’en a plus pour longtemps à mettre la région à feu et à sang. En effet, Tex promet à son ami mourant qu’il est bien décidé à le venger. Un soir qu’il est accoudé dans le saloon où se produit la chanteuse Carolina (Arleen Whelan), il critique la cavalerie pour son incompétence à éluder le mystère "La Rafale". Vexé, le lieutenant Tom Blaine (Forrest Tucker) parie avec Tex que sa troupe capturera l’énigmatique outlaw avant lui. Carolina se propose de couvrir la moitié du pari de Tex et de lui donner quelques éléments qui lui permettraient de trouver "La Rafale" rapidement à condition qu’il l’aide à récupérer une dette que lui doit Lucky Lee (Victor Jory), qu’elle n’ose pas aller relancer. Lucky est un homme éminent de la petite ville de Fort Savage, sur le point d’épouser la jolie Nora Logan (Barbara Rush) ; puisque Tex refuse d’entrer dans ses combines, Carolina projette de faire enlever la jeune fiancée pour arriver à ses fins avec Lucky. Quant à Tex, il se rend néanmoins à Fort Savage où il pense poursuivre son "enquête". Tout le monde se retrouve là-bas...

Analyse et critique

Dieu que ces Flèches brûlées sont mal affûtées ! Même si Ray Enright ne nous a jamais totalement convaincu, il est triste de le voir finir sa filmographie westernienne de cette façon calamiteuse. Car comment ne pas donner raison à Bertrand Tavernier quand il affirmait qu’il s’agissait du plus mauvais film de son metteur en scène ? Pour ma part, n’ayant pas vu beaucoup de ses œuvres hormis dans le genre qui nous intéresse ici, je confirme au moins qu’il s’agit de son western le plus imbuvable, pire encore que son Montana avec Errol Flynn ! Mais pour ne pas en finir avec Ray Enright sur une note aussi négative, rappelons brièvement sa carrière au sein du western. Son cursus comprend une quinzaine de titres sur une durée d’à peu près une décennie. Sans studio attitré, il vaqua de la RKO à la Warner en passant par la Columbia, la Universal et la Paramount. Au sein d’une production plutôt médiocre, on peut néanmoins sauver trois réussites sympathiques : Ton heure a sonné (Coroner Creek) avec Randolph Scott ainsi que les deux films qu’il a tournés pour la Universal, Kansas Raiders avec Audie Murphy et avant cela son film le plus notoire, Les Ecumeurs (The Spoilers), surtout célèbre pour son trio d’acteurs, à savoir, excusez du peu, John Wayne, Randolph Scott et Marlene Dietrich. Préférons nous rappeler cet agréable petit tiercé (dans le désordre) pour faire passer la pilule Flaming Feather sur laquelle nous n’allons pas nous attarder longuement.

Au vu du résumé donné plus haut, tout ceci semble bien alambiqué ! Mais finalement, à la vision du film, on oublie vite cet embrouillamini pour ne malheureusement se focaliser que sur l’idiotie du scénario ! Le très beau premier plan sur un ranch enflammé en Technicolor était pourtant porteur de promesses, qui se volatilisent pourtant immédiatement après. Voir le Mexicain agonisant demander à ce que son patron le venge s’avère pour commencer assez peu "aimable" ; un homme sur le point de rendre son dernier souffle n’a-t-il pas autre chose de mieux à penser qu’à ce qu’on le venge ? Déjà qu’il nous avait quelques minutes avant éraillé les oreilles avec sa guitare et son chant ; en tant que spectateurs, nous sommes soulagés que ce personnage ait été envoyé Ad Patres ! Malgré cela, bien plus noble et loyal, Sterling Hayden décide d’obéir aux dernières volontés de son "écorcheur musical" et le voilà parti pour exécuter les représailles. C’était donc bien mal parti et ça ne s'arrangera jamais d’autant que Paul Sawtell à la composition ne fait pas dans la dentelle, accentuant et soulignant tout avec une pénible lourdeur. Il en va de même pour la plupart des comédiens qui entament un concours de cabotinage : l’habituellement sympathique Edgar Buchanan en fait ici des tonnes en faire-valoir comique de Forrest Tucker ; Arleen Whelan veut bien faire comprendre qu’elle est une sacrée enjôleuse, soulevant son sourcil gauche toutes les dix secondes ; la jeune Indienne (Carole Thurston ressemble à tout sauf à une Indienne) ne décrispe pas tout du long au cas où nous n'aurions pas saisi qu'elle était folle de jalousie ; Victor Jory grimace à tout va... Bref, la direction d’acteurs laisse à désirer. Sterling Hayden (plutôt bon précédemment dans El Paso) et le toujours agréable Forrest Tucker (idem dans The Nevadan) possèdent une belle prestance mais les personnages qu’on leur fait interpréter ne leur permettent pas de faire montre de leur talent. Quant à Barbara Rush, elle a beau posséder un charmant minois... contrairement à elle, Gail Russell prévue au départ aurait peut-être réussi à nous faire sortir de notre torpeur !

Quant à la mise en scène, Ray Enright semble avoir abdiqué. Il est facile de s’en rendre compte à la vision des scènes d’action totalement amorphes, mal montées, mal découpées, sans souffle ni vigueur. La dernière séquence, celle de l’importante attaque indienne, est minable ; on devine qu'une bataille a lieu à cause de la fumée des coups de feu mais on n’arrive à entrapercevoir quasiment rien d’autre. Pour accentuer le désastre, le scénariste inclut au sein du combat un humour au raz des pâquerettes qui fait pitié pour les comédiens qui s’y livrent. Les paysages dans lesquels l’action se déroule ont beau être très photogéniques, l’indigence de la réalisation ne les met pas spécialement en valeur. Dommage, car c’était la première fois que nous pouvions admirer (en Technicolor, qui plus est) l'étrange lieu que représente Montezuma Castle où se passe la dernière scène. Il s’agit d’un village indien troglodyte creusé dans le roc à flanc de falaise (que l'on voit d'ailleurs sur l'affiche). Flaming Feather a beau regorger d’action et de rebondissements (prévisibles), c’est l’ennui qui emporte la donne. Vous l’aurez compris, l'ultime western de Ray Enright ne se révèle être malheureusement qu'un navrant navet, dans lequel il est difficile de trouver grand-chose à sauver si ce n’est une agréable chanson entonnée par Arleen Whelan et deux acteurs principaux qui font ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles. Peine perdue, Ray Enright nous quitte ainsi sur une sacrée fausse note, pas même divertissante.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 17 janvier 2020