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Critique de film
Le film
Affiche du film

Les Diamants sont éternels

(Diamonds Are Forever)

L'histoire

James Bond se lance à la recherche d'un trafiquant de diamants, à Amsterdam, et se retrouve face au terrifiant Ernst Stavro Blofeld. Ce dernier est en passe de finir la construction d'un gigantesque laser d'une puissance terrifiante, à l'aide de tous les diamants qu'il a rassemblés, pour détruire plusieurs points importants sur la planète et rançonner les gouvernements...

Analyse et critique

Et pour quelques dollars de plus

James Bond entre dans une nouvelle décennie, celle des années 1970. Au service secret de Sa Majesté a été un grand succès commercial, mais le déclin est tout de même perceptible au niveau des entrées. Ce film plus sombre et plus humain, doté de qualités exceptionnelles, n’a pas totalement séduit le public qui, de surcroît, a appris avant même la sortie du nouvel épisode que l’acteur George Lazenby n’en ferait pas d’autre. Albert R. Broccoli et Harry Saltzman sont donc une fois encore confrontés à une véritable chasse au visage, celui qui incarnera l’agent 007 dans le futur épisode, Les Diamants sont éternels. Les deux producteurs arrêtent leur choix sur John Gavin, un acteur américain (1) qui leur permettra (du moins l’espèrent-ils) de rassembler une plus large part du public aux USA. Malgré une confortable place dans le top 10 de l’année, Au service secret de Sa Majesté n’y a pas connu le triomphe espéré, ayant obtenu bien moins d’entrées que les James Bond de la période Sean Connery. Pour Eon Productions, il s’agit de remobiliser le public comme à la grande époque, et pour cela il faut se concentrer sur les cousins d’outre-Atlantique. Coproductrice et distributrice de la saga jusqu’à présent, la United Artists rompt sa bienveillance habituelle pour imposer quelques conditions à Broccoli et Saltzman, à commencer par la présence obligatoire de Sean Connery. La major américaine a bien l’intention de rattraper l’acteur écossais, qu’elle juge essentiel pour assurer la pérennité de la franchise. Broccoli s’y oppose fermement : Connery était parti fâché et manifeste des exigences financières démesurées. Néanmoins, la United Artists obtient le dernier mot et fait à l’acteur écossais une offre qu’il ne peut refuser, du jamais vu : 1,25 million de dollars, auquel s’ajouteront un intéressement de 12,5% sur le box-office américain total, ainsi que la promesse de la société de financer deux films non bondiens de son choix. (2) La star accepte et revient dès lors dans la peau de l’agent secret, un évènement bientôt relayé par la presse de tous les pays et accueilli avec enthousiasme par le public.

La préparation des Diamants sont éternels peut donc commencer, débarrassée de la crainte d’avoir à choisir un nouvel acteur. L’autre défi pour les producteurs et les scénaristes est d’américaniser ce nouvel épisode. Sont choisis plusieurs acteurs américains d’une part, tels Jill St. John ou Bruce Cabot, et l’intrigue prendra place en quasi-totalité sur le territoire américain d’autre part. L’histoire s’articulera autour d’un mystérieux magnat américain vivant reclus au dernier étage de son building. Il est en réalité retenu en otage par le SPECTRE, qui a pris sa place pour garder la main mise sur de nombreuses décisions importantes dans le domaine de la recherche spatiale. Cette idée pour le moins insolite est issue d’un cauchemar de Broccoli dans lequel il rendait visite à son ami le producteur et milliardaire Howard Hugues, avant que ce dernier ne lui avoue qu’il est en réalité un sosie. A Richard Maibaum et Tom Mankiewicz d’écrire une histoire autour de ce rêve initial. L’intrigue doit être grandiose, palpitante, et surtout orientée vers l’esprit qui a fait la gloire de la saga. Adieu donc à la direction prise par Au service secret de Sa Majesté et bienvenue à de nouvelles aventures invraisemblables et mises au service du grand spectacle luxueux et débonnaire. Le budget final est fixé à 10,2 millions de dollars (3), pour un tournage qui s’étendra du 3 avril au 7 septembre 1971. Il aura lieu en grande partie dans le Nevada, pour profiter de son immense désert et de sa ville mythique : Las Vegas. Ken Adam est rappelé sur le projet afin d’imaginer des décors gigantesques et opulents dont lui seul possède le secret. Tablant sur l’aura de Goldfinger, la production rappelle Guy Hamilton pour réaliser ce nouvel opus et Shirley Bassey pour interpréter la chanson du générique. Enfin, déjà aperçu dans On ne vit que deux fois, Charles Gray (4) sera choisi pour donner vie à Ernst Stavro Blofeld. Au défi perpétuel et à la prise de risques d’Au service secret de Sa Majesté devront répondre le calcul et la sécurité des Diamants sont éternels.

C’est un Sean Connery détendu et en pleine forme qui arrive sur le tournage, souriant et apparemment content d’être là. Il connait bien une bonne partie de l’équipe du film, dont certains acteurs (Bernard Lee et Loïs Maxwell en tête) et peut contractuellement jouer au golf une fois par semaine, l’une de ses passions. (5) Le temps a passé depuis 1967 et le tournage d’On ne vit que deux fois. Le phénomène est en partie retombé, la pression est tout à fait acceptable, et Connery a pu prendre tout le recul nécessaire. Le tournage sera par ailleurs idéal, porté par une ambiance décontractée et un déroulement sans accroc. L’équipe a bien du mal à ne pas succomber aux démons du jeu qui dominent Las Vegas, mais son professionnalisme lui permet d’emballer des séquences spectaculaires, comme cette poursuite en automobiles filmée sur cinq nuits grâce à la collaboration du maire de la ville. Quelques scènes audacieuses sont mises en boîte : la bagarre musclée dans un ascenseur (chorégraphiée pendant trois semaines pour tenir dans un espace de 4 m²), la mort violente de l’un des deux tueurs homosexuels qui se transforme en torche humaine, représentent deux exemples parmi d’autres démontrant à quel point les cascadeurs sont une nouvelle fois mis à rude épreuve. Aucun accident toutefois ne survient, et le tournage se clôt dans la bonne humeur, avec la certitude de promettre ce James Bond à un grand succès commercial.

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Las Vegas ou les lumières de la ville


Pas question de retrouver le James Bond tourmenté, sujet à la souffrance et aux questions existentielles incarné par George Lazenby. Retour à Sean Connery et à son attitude décontractée, gouailleuse, plus que jamais versée dans l’autodérision. Que l’on ne s’y trompe pas, les premiers films avec Connery étaient des modèles d’équilibre, chacun recelant d’audacieuses variations de style. De pures merveilles, surtout concernant Goldfinger et Opération Tonnerre. Et puis il y eut On ne vit que deux fois, son cinquième et, croyait-on, dernier film dans la peau de l’agent 007. Modèle de démesure et d’outrageuses dépenses, convoquant d’énormes moyens, le film rayonnait dans toute sa splendeur, parfaitement conscient d’emmener le personnage toujours plus haut dans son ubris. Imparfait, le film n’en demeurait pas moins une éclatante réussite dominée par de géniales idées visuelles et diégétiques, ainsi que le zénith déraisonnable mais cohérent d’un personnage devenu centre de tous les fantasmes modernes. Malgré la présence entre-temps d’un Bond à jamais différent, à savoir le superbe Au service secret de Sa Majesté, la série voyant le retour de l’enfant prodigue ne pouvait décemment ignorer la direction qu’avait prise son personnage avant cet écart plus dramatique. Sous les traits de la star écossaise, Bond était devenu un surhomme fantasque et volubile, drôle et cruel à la fois. Les Diamants sont éternels décide donc de reprendre là où On ne vit que deux fois avait laissé le personnage, dans un univers insensé et très animé. Pour preuve, le pré-générique du film démarre au Japon, lieu géographique majeur du précédent James Bond avec Connery. Peu clair mais attrayant, ce pré-générique semble hésiter entre plusieurs héritages à porter, celui d’On ne vit que deux fois mais aussi celui d’Au service secret de Sa Majesté. En effet, le pré-générique propose une  succession de saynètes au cours desquelles Bond recherche activement Blofeld de pays en pays (il traversera également l’Egypte et la France). Suivant son goût pour l’opus précédant, le spectateur interprètera ce pré-générique soit comme l’expression de la colère et du désir de vengeance du personnage après la mort de sa femme, soit comme l’énervement et la pugnacité d’un agent secret à traquer ce méchant qui parvient toujours à lui échapper. Car n’oublions pas que Blofeld est le seul méchant jusqu’ici qui n’ait pas péri sous les coups de boutoir du héros malgré ses desseins toujours mis en échec. Les Diamants sont éternels emprunte donc une ouverture difficile à lire, dans laquelle on sent le pénible labeur des scénaristes afin de redonner à la saga une cohérence malgré son changement de ton et d’interprète. Mené à toute vitesse, basé sur une étonnante absence de gravité et confinant presque au ridicule (la main de l’un des assaillants se fait happer par un gadget aux allures de tapette à souris dans la poche de 007), le pré-générique de ce nouvel opus s’avère très distrayant à défaut de valoir les précédents en la matière. On peut ensuite admirer le superbe générique de Maurice Binder, grâce à son inspiration intacte, sur la chanson pop et entrainante de la savoureuse Shirley Bassey, ici présente pour un deuxième tour de piste bondien.



Quoi qu’il en soit, la direction est donnée : le film sera léger, décalé même, situé quelque-part entre Goldfinger (le scénario sinueux, l’élégance générale, les diamants en lieu et place de l’or) et On ne vit que deux fois (extravagant, détendu, presque dénué de sérieux). Bien plus proche de ce dernier, Les Diamants sont éternels en rehaussera cependant généreusement l’aspect grotesque en le développant excessivement au travers de rebondissements et de personnages tous plus caricaturaux les uns que les autres. Sans être une parodie, ni même un pastiche, cette nouvelle aventure se veut simplement la définition la plus euphorique de ce que doit être l’univers bondien. Bien avant les débordements de la période Roger Moore vers la fin des années 1970, la série présente déjà cet environnement en forme de pochade stylée, maîtrisée, quoique bouffonne. Doté d’un très amusant second degré, Les Diamants sont éternels rassemble les lieux désormais communs de la franchise pour mieux les tourner respectueusement en dérision. Ainsi l’homme de main habituellement impressionnant est-il décliné en deux sbires dont la relation homosexuelle est constamment mise en avant : Mr Kidd et Mr Wint, incarnés par Putter Smith et Bruce Glover. Très réussis, ces personnages inquiètent par leur sadisme, leur approche désinvolte du meurtre, mais ne font raisonnablement jamais peur. Accompagné par un thème coquin de John Barry, ce duo ressemble à des Laurel et Hardy méphistophéliques, trop apprêtés pour être honnêtes. En outre, Bond ne les rencontre véritablement que dans les toutes dernières minutes du film, lorsque le récit principal est déjà terminé. La séquence mélange alors bons mots, plaisanteries scabreuses et comique de situation invraisemblable. L’un est brûlé vif avec les brochettes de viande qu’il allait servir, l’autre explose dans les airs, non sans avoir été brutalisé par Bond dans une série de gestes qui peuvent laisser penser à une rapide mais curieuse scène d’amour homosexuelle et sadomasochiste. Dans le même ordre d’idées, comment ne pas être étonné du traitement réservé au personnage d’Ernst Stavro Blofeld ? Il fut jusque-là un ennemi dangereux, mystérieux, intelligent. Or, sous les traits de l’excellent Charles Gray, Blofeld est devenu un clown, souvent drôle et en mode automatique dès lors qu’il faut ressasser son désir d’assujettir le monde. Aucunement effrayant, se déguisant même en femme à l’occasion (6), Blofeld devient fondamentalement cocasse et se démultiplie physiquement au sein d’un récit fort décousu à ce propos. Pourquoi fabrique-t-il des clones de lui-même ? On ne le saura finalement jamais, et il ne faut y voir là qu’un égarement scénaristique parmi d’autres, offrant à la structure diégétique quelques déflagrations séduisantes dont la conclusion ne sera pourtant jamais exploitée. Etrange, tout comme l’appréciation de Sean Connery qui jugeait le scénario excellent et très abouti.


Car le scénario a beau être intéressant et très bien écrit, il n’est pourtant pas exempt de menus défauts, comme de régulières zones d’ombre tout au long de sa progression. Présenté comme un serial de luxe, bien plus encore que pour les précédents films, Les Diamants sont éternels procède à une longue succession de tableaux réjouissants et malgré tout périodiquement confus. Par exemple, une fois que Bond est fait prisonnier par Blofeld, celui-ci l’envoie attendre la mort dans la construction d’un pipe-line. Toute la scène, gratuite et facilement interchangeable, n’existe que pour mieux confronter les deux personnages dans une nouvelle altercation en forme de deus ex machina. Elle n’a d’utilité que le seul plaisir qu’elle procure. Souhaitant raviver l’ambiance décontractée et nonchalante de Goldfinger, ce nouvel épisode en oublie une part du délicat équilibre entre la diégèse principale et les méandres secondaires appropriés. Un peu artificielle, l’intrigue est toutefois menée à un rythme soutenu, et il n’est jamais question de s’ennuyer. D’autant qu’en optant à nouveau pour un mélange des genres, du mystère de Godlfinger à la science-fiction d’On ne vit que deux fois, Les Diamants sont éternels garde une allure grandiloquente et inattendue du plus bel effet. Après le vol des fusées dans le film de 1967, voici venir un vol de satellite meurtrier composé de diamants. Entre ces deux James Bond avec Sean Connery, l’homme a marché sur la lune, et l’espace n’est plus la source inépuisable de fantasmes qu’il représentait quelques années auparavant. Il faudra attendre Star Wars de George Lucas en 1977 pour que le monde entier se passionne à nouveau pour les délires technologiques et l’aventure spatiale. L’utilisation de l’espace via cette cuvée 71 s’avère donc normalisée, très datée et, dans le fond, toujours actuelle : l’homme est allé dans l’espace, la meilleure chose à faire désormais reste d’envoyer des machines à sa place.



Basant son intrigue aux USA, élément qui avait commercialement réussi à Goldfinger en son temps, le film entame à l’inverse un processus d’américanisation qui n’avait pas eu lieu dans le film de 1964. Le ton reste bien entendu très anglais, purement bondien, et il ne faut pas espérer y trouver la marque d’un film américain. La beauté de la photographie et l’attention avec laquelle est composée chaque scène fait état d’un film formellement abouti et aucunement entravé par les nouvelles méthodes de tournage américaines, au grand dam des détracteurs de ce James Bond en particulier. A l’inverse, l’invasion géographique à bien lieu puisque c’est à une véritable visite guidée du Nevada, et en particulier de Las Vegas, que nous assistons. Les thèmes utilisés seront donc forcément américains, avec cependant cette fabuleuse touche britannique qui leur fait prendre une distance et une saveur particulières. James Bond fait figure de touriste, son attitude et son allure contrastant singulièrement avec celles des Américains. Ceux-ci sont moqués, de la Bond girl cool et verbeuse au personnage de Felix Leiter, ici proprement inutile. Le plus savoureux étant Willard Whyte, interprété par Jimmy Dean, sorte de Texan caricatural à outrance, à l’accent impossible et aux réactions déclamatoires. Le voir aller aux toilettes, y compris au moment de régler divers business, procède d’un humour certain. Tout cela n’est guère subtil, mais reste bigrement efficace. Des USA ici présentés, nous retiendrons un désert digne des westerns les plus arides, ou encore un Las Vegas de carte postale où s’activent d’innombrables machines à sous dans d’insatiables crépitements de perdition et de plaisir. Très lumineux, avec ses néons agressifs tous azimuts et sa population insomniaque, Las Vegas fait immédiatement penser au Tokyo d’On ne vit que deux fois, l’apparence d’antre du vice en plus. On observera également dans le film de vastes propriétés américaines, dont celle de Willard Whyte, une véritable maison au design moderne qui n’a pas été construite pour les besoins du tournage. Elle s’inscrit néanmoins parfaitement dans les nouveaux délires variés de Ken Adam, œuvres artistique souvent inspirées et encadrant les personnages dans des lieux toujours plus imposants. Nous sommes bien loin du gigantesque cratère d’On ne vit que deux fois, mais le choix arrêté sur ces nouveaux designs seventies, outrés et métallisés, n’a rien à envier aux nombreuses réussites de la série dans le domaine de la création artistique. Ajoutant ce sentiment d’américanisation outrancière et baroque, certains acteurs du cru viendront prêter leurs traits aux personnages, tels que Bruce Cabot (7) ou Lana Wood. (8) L’Amérique sera donc à n’en pas douter une terre de luxe, de vice, de sexe, de danger et d’action, véritable vision européenne topique à cette époque.


Un lieu éminemment bondien si l’on songe à l’immense terrain de jeu qui s’offre à 007. Des casinos plus grands que partout ailleurs, des engins enfantins dans lesquels se promène Bond (le moon buggy ou encore la moto-cross à trois roues), un cirque avec des animaux et des machines à sous, des lumières partout et tout le temps, des ascenseurs aériens... Il n’est pas de meilleur endroit pour que s’épanouisse la soif de jeu du personnage : derrière l’aventurier retord s’échappant toujours des pièges les plus mortels se cache un grand enfant capable de s’amuser de tout ce qui l’entoure. C’est à une grande fête folle furieuse que nous convie James Bond cette fois-ci, parmi les éléphants joueurs et les faux gorilles enragés, les faux alliés et les vrais gangsters, un vrai cirque au sens premier du terme, auquel répondra le futur Octopussy avec Roger Moore, tout aussi délirant mais néanmoins plus tendu derrière ses apparences clownesques. En l’occurrence, absence totale de sérieux exigée pour Sean Connery, dont le sourire carnassier se dispute dès lors avec le sourire moqueur. Heureux d’être là, Connery semble beaucoup s’amuser, plus que dans On ne vit que deux fois où il tentait encore de garder une contenance mi-sérieuse mi-amusée. L’acteur a compris que son James Bond se dirigeait vers l’insouciance totale et, reposé depuis son départ du rôle quatre ans plus tôt, s’en accommode avec beaucoup d’aisance. C’est en regardant sa performance, mais aussi celle du film tout entier, que l’on peut mesurer l’incroyable chemin parcouru par la saga jusqu’ici. Il n’est finalement pas un seul film qui ait ressemblé à un autre, et l’identité de la franchise n’a jamais cessé de se renouveler. Ceux qui ont découvert Dr. No en salles ont assurément dû être très étonnés par Les Diamants sont éternels, sorti presque dix ans plus tard. Autre décennie, autres mœurs, autres modes. Bond sait qu’il n’est plus seul dans le cinéma d’aventure et d’action, il doit donc plus que jamais compter sur son inimitable identité, ici explosée et reformée à satiété dans une grande envie de tout altérer sans pour autant rien bouleverser en profondeur. L’équilibre de cet opus est en fait bien là, dans cette faculté à tout retravailler dans l’humour et la moquerie bienveillante, sans jamais traverser l’épineuse frontière du ridicule. Il est d’une certaine façon hautement préférable que Sean Connery ait quitté le rôle pour de bon par la suite (9), car la progression naturelle de son incarnation n’aurait fait que desservir la franchise au fil du temps. Ce dernier tour de piste est à la fois superbe et symptomatique des limites que Les Diamants sont éternels ne cesse d’éviter, en frayant de fait constamment avec la lisière du supportable. Audacieux et intelligent, à défaut d’être un modèle de délicatesse.




Sean Connery est James Bond, une ultime fois sous la houlette d’Eon Productions et de United Artists. Libertin, machiste et violent (il étrangle une femme avec son maillot de bain pour lui faire avouer une information), et entretenant sans contrainte le mythe de la femme-objet qu’il range soigneusement à ses côtés, son James Bond est devenu le héros de l’insoutenable légèreté de l’être, gonflé d’orgueil et d’humour, promenant son ego en bandoulière, et qui s’évertue constamment à demeurer cette figure binaire qu’il n’était pourtant pas à l’époque d’Opération Tonnerre. La James Bond girl qui l’accompagne, Tiffany Case, en est un exemple flagrant. Dépourvue d’histoire personnelle, voleuse et escroc, elle pilote sa plastique présence sans épaisseur psychologique au sein de décors rocambolesques, comme ce lit de verre dans lequel nagent des poissons de toutes les couleurs. La belle Jill St. John (10) est une Américaine affriolante, au tempérament affirmé, terriblement sympathique mais fort peu intéressante. On dira naturellement la même chose de l’autre partenaire féminine présente dans le film, la plantureuse Lana Wood, dont la mort ne laisse aucune trace de gravité autour d’elle. Tout au plus la musique de John Barry en révèle-t-elle la dureté. Sans caractère, les personnages gravitant autour de Bond sont réduits à l’état d’objets de circonstances, balafrant le récit de leur présence obligatoire. Felix Leiter n’était pas revenu depuis Opération Tonnerre, et sa participation aux Diamants sont éternels ne se justifie que parce qu’il est un agent de la CIA sur son propre territoire. Miss Moneypenny est à peine rappelée à l’écran, pour quelques secondes d’une rafraichissante présence pimentée par une réplique assez jolie. Quant à M, il est sorti de son éternel bureau confiné pour, à la manière de Goldfinger, participer à une discussion autour des diamants, chez un spécialiste diamantaire. (11) L’instant ne fonctionne pas aussi bien que chez son modèle, mais possède une valeur informative pour la suite des événements. Reste Q, monsieur gadgets, cette fois-ci présent sur le terrain, à Las Vegas. Amusant, son personnage continue d’affirmer une relative importance de plus en plus attendue par le public au fil des ans. L’ensemble de la formule, divers détails exceptés, est donc reproduite ici pour notre plus grand plaisir, autour d’un 007 fringant et bien décidé à mettre le feu une dernière fois sous son visage original. Véritable dieu invincible, James Bond se joue continuellement de la mort, comme à la grande époque, et a contrario d’Au service secret de Sa Majesté, épisode cruel à bien des égards. Allant de rebondissements en rebondissements, respectant la formule du serial à la lettre jusque dans ses plus improbables recoins, il trompe la mort avec sarcasme. Enfermé dans un cercueil prêt à être incinéré, reproduisant ainsi pour la troisième fois cette farce macabre qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis Opération Tonnerre et On ne vit que deux fois, James Bond en ressort indemne, comme l’assistant d’un numéro de magicien qui ne serait absolument pas dupe de la supercherie. Aussi conscient de sa propre immortalité que les scénaristes eux-mêmes, il est ainsi peut-être l’un des tout premiers personnages du cinéma à dicter aussi précautionneusement son destin à la plume qui lui donne vie. Il est ce héros qui continue d’atteindre les sommets, juché sur un ascenseur extérieur, délaissant le vertige de tout homme normal pour apprécier la vue d’un Las Vegas nocturne tout à fait poétique, paysage empli d’une discrète magie qui compose, une fois n’est pas coutume pour ce film, avec une évidente sobriété.



La mise en scène de Guy Hamilton est assez belle, il convient de le préciser, ce solide technicien n’ayant rien perdu de son savoir-faire depuis Goldfinger. De retour aux manettes de la saga, après un prédécesseur et des successeurs aux styles très différents, il apporte de nouveau ce calme et cette élégante mise en images, soutenue par un montage rigoureux mais assez sage. Aucune marque personnelle, certes, mais un professionnalisme manifeste. Les scènes d’action sont de ce fait turbulentes, mais beaucoup plus tranquilles que celles d’Au service secret de Sa Majesté. Un James Bond en balade, où les courses poursuites sont filmées en plans larges et où la rythmique préfère la contemplation à l’immersion. La poursuite dans le désert ou l’attaque de la plate-forme pétrolière dans les dernières minutes (prometteuse bien que légèrement décevante) sont de jolis moments esthétiques, jamais hystériques. La course automobile nocturne dans les rues de Las Vegas (12) pourrait passer pour anachronique au milieu des poursuites musclées de Bullitt de Peter Yates (1968) et surtout de French Connection de William Friedkin (1971). Cependant, le film choisit délibérément d’offrir une belle scène classieuse et chic. Moins efficace, peut-être, mais diablement impressionnante tout de même, notamment en raison de cascades courageuses et inédites, comme cette voiture inclinée roulant plusieurs secondes sur ses seules roues latérales droites. (13) On pourra aussi apprécier une plaisante lutte athlétique et quelque peu masochiste, entre un Bond momentanément dépassé et un solide duo d’acrobates féminines, Bambi (la blanche) et Thumper (la noire). Reste une bagarre dans la première partie du film, à Amsterdam, dans une simple cage d’ascenseur. Voir deux hommes échanger de nombreux coups de toutes leurs forces dans un espace aussi restreint possède une forte efficacité, d’autant que la réalisation préfère l’adaptation à la situation plutôt qu’un montage très syncopé. Un choix artistique que Hamilton saura offrir à nouveau et avec une saveur différente dans L’Homme au pistolet d’or en 1974. Chez lui, les bagarres sont moins découpées au montage (qui se contente de soutenir l’action, et non de la maximaliser) que rigoureusement suivies par la caméra, cherchant à épouser au plus près le mouvement des acteurs. Le réalisateur s’amuse ici à filmer la gêne de personnages habitués à se battre sans retenir leurs gestes, et qui sont ici confrontés à la problématique d’un espace réduit auquel chaque mouvement se heurte. La mobilité du cadre se libère dès lors que la spatialisation le permet : à partir de l’instant où les acteurs s’extraient de l’ascenseur. Il convient d’avouer que ces quelques minutes d’empoignade justifient à elles seule la vision de ce nouvel opus, à l’instar de la musique de John Barry, l’artiste signant au passage son cinquième chef-d’œuvre d’affilée pour la saga. Aérien, plus doux, plus enveloppant, moins dominé par les percussions, son score est un enchantement à l’ambiance doucereuse et de temps à autres proche du Easy Listening de l’époque. Moins présente sur les scènes d’action, sa musique continue d’introduire de nouveaux thèmes et de renouveler l’énergie sonore de Bond. Bravo à lui, encore, sans cesse.


A l’image de ce décor lunaire factice dans lequel James Bond fait irruption (14), Les Diamants sont éternels propose une expérience de cinéma extravagant et sans risque, un retour à la période Sean Connery qui passe forcément par un délire diégétique plus poussé que sur On ne vit que deux fois. Agréable, racé, distingué, ce James Bond demeure un petit bijou de fantaisie extrême, aux défauts prégnants mais sans conséquence. Idéal pour remonter le moral des spectateurs et des fans après l’absolue noirceur des dernières secondes d’Au service secret de Sa Majesté. Sean Connery fait ses adieux au personnage avec joie et fougue ; rien ne le fera revenir dorénavant, et dans le fond c’est mieux ainsi. L’heure est au passage de relais... Et comment ne pas le souhaiter ? Le film suivant sera Vivre et laisser mourir, il devra proposer un nouveau visage et relever un défi de taille : sauver le mythe en offrant au personnage une durabilité moderne et stable. Une chose est certaine, James Bond n’est pas près d’avoir dit son dernier mot.

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Promotion, sortie, réception : Bond en chiffres et en dollars

La sortie des Diamants sont éternels est préparée grâce à une formule éprouvée mettant en vedette le retour de Sean Connery. L’acteur affiche d’ailleurs un soutien total au film dont il fait la publicité en émettant des remarques assez fortes. Ainsi sur le tournage, avoue-t-il aux journalistes qu’il s’agit du meilleur scénario bondien qu’il ait eu entre les mains, revenant sur une intrigue qu’il juge de qualité. Les projets d’affiches, cette fois-ci peu variés mais toujours aussi réussis, montrent la star entourée par deux ravissantes femmes très dénudées et tenant dans leurs mains des centaines de diamants. Absentes du film, ces deux femmes représentent exclusivement le symbole bondien de l’ère Connery : un machisme de chaque instant et une virilité exacerbant les passions. Tout autour gravitent des explosions, de nombreux hélicoptères et la fameuse plate-forme pétrolière, entre autres choses. Mais surtout, c’est la réapparition du nom de l’acteur au-dessus du titre (chose que George Lazenby n’avait pu avoir), en très gros et annonçant fièrement que Sean Connery est James Bond. Les bandes-annonces renforcent le versant "cadeau de Noël" du film qui doit évidemment sortir à la fin de l’année. Tout est fait pour mettre le public à l’aise : ce que vous verrez sera un vrai James Bond, avec le vrai visage du héros, celui de la star d’origine écossaise. Une injustice pour Lazenby dont la contribution fut magnifique et cependant si vite oubliée, mais une situation tout à fait compréhensible si l’on se réfère aux impératifs commerciaux nécessaires à la vente de ce nouveau film dans tous les pays. Le message est sans détour, il faut chauffer le public et lui promettre deux heures de grand spectacle en compagnie de leur héros préféré. Les résultats ne se font pas attendre. Pays dans lequel 007 obtient un résultat gigantesque à chacune de ses sorties sur grand écran, l’Allemagne reçoit Les Diamants sont éternels avant tout le monde, le 14 décembre 1971. Le public se précipite à la rencontre de Sean Connery et octroie 5 500 000 entrées à cette 7ème aventure de James Bond. C’est bien moins que durant l’époque dorée, où Bond pouvait doubler ce score, mais cela signifie près de 40% d’entrées en plus par rapport au film précédent. Le film atteindra la 3ème place de l’année outre-Rhin, signant une très belle performance.


Le 17 décembre, c’est au tour des USA d’accueillir ce nouveau millésime. Les premières semaines d’exploitation démontrent une vitalité au top niveau, permettant au film de doubler le box-office d’Au service secret de Sa Majesté sur le territoire américain, avec un total de 43,8 millions de dollars amassés. Touchant son fameux pourcentage, Sean Connery est aux anges. Sa présence au générique a ravivé les foules. L’Angleterre se montre elle aussi très enthousiaste avec cette nouvelle réussite, et ainsi de suite un peu partout dans le monde entier. En France, il s’agit de laver l’affront subit par le James Bond de Lazenby qui avait séduit un peu moins de 2 000 000 de personnes, un succès relatif en forme de contre-performance pour une franchise aussi populaire. Les Diamants sont éternels sort dans l’hexagone le 20 décembre 1971 et démarre bien sa carrière en salles. Toutefois, l’érosion reste très palpable et le compteur ne s’affole pas autant qu’il le devrait. Ce seront au total 2 493 739 spectateurs qui auront vu le film, soit à peine un peu plus de la moitié des entrées engrangées par le rouleau compresseur On ne vit que deux fois (accusant lui-même déjà une perte d’entrées en son temps par rapport aux films antérieurs). Un gros succès donc, mais sans excès, car 12ème au classement annuel (à peine deux places de mieux que pour le film avec Lazenby). Devant lui caracolent Les Aristochats de Wolfgang Reitherman (1er), Les Bidasses en folie de Claude Zidi (2ème), La Folie des grandeurs de Gérard Oury (4ème, avec l’éternel Louis de Funès en tête d’affiche), ou encore Le Casse d’Henri Verneuil (6ème) et Soleil rouge de Terence Young (7ème). D’une majorité de ces films, James Bond n’en n'aurait fait qu’une bouchée quelques années plus tôt. Avec seulement un peu plus de 500 000 entrées de mieux que pour le film avec George Lazenby, Les Diamants sont éternels pourrait tout aussi bien passer lui-même pour une contre-performance à en juger par la popularité de Sean Connery que l’on pensait essentielle à la réussite commerciale de la franchise. La France n’a pas suivi au-delà du raisonnable. Cela étant, le film triomphe partout ailleurs, tant et si bien qu’il rapporte 116,0 millions de dollars sur la planète (15), soit près de 30 millions de dollars de mieux que pour Au service secret de Sa Majesté. Assurément l’un des plus grands succès de l’année, une fois de plus. Mais Sean Connery ne rempilera pas, et prévient désormais qu’il ne reviendra jamais plus... Jamais ? Il a, semble-t-il, fait ses adieux au personnage, tout en ayant fait de colossaux bénéfices par-dessus le marché. L’avenir de Bond n’est pas assuré, le retour de Connery n’a fait qu’un temps et l’humeur est au doute : l’agent secret serait-il en bout de course ? Broccoli et Saltzman vont bien entendu s’employer à prouver le contraire.

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(1) John Gavin avait joué dans Psychose d’Alfred Hitchcock en 1960, ou encore Spartacus de Stanley Kubrick en 1961.

(2) Sean Connery tournera le premier de ces deux films, The Offence, sous la direction de Sidney Lumet en 1972. Devant l’énorme échec commercial scellant le destin de ce chef-d’œuvre du film noir moderne (non distribué sur le territoire français à l’époque), la United Artists ne produira pas le deuxième projet de l’acteur, une adaptation de MacBeth.

(3) La totalité des données financières présentes sur cette page est tirée des sources officielles de la MGM et de la United Artists.

(4) Charles Gray est déjà apparu dans On ne vit que deux fois, dans le rôle de Henderson, le contact de James Bond au Japon. Il n’est d’ailleurs pas interdit de préférer sa courte mais délicieuse apparition dans le film de 1967.

(5) Sean Connery a découvert les joies du golf durant la production de Goldfinger en 1964, lors du tournage de la fameuse scène l’opposant au méchant du film et dans laquelle il manie son club aussi bien que son Walther PPK. Il est depuis devenu propriétaire d’un club de golf tout entier.

(6) Le déguisement en femme n’est pas une nouveauté dans la série, puisque l’un des ennemis de 007 apparaissait déjà sous les traits d’une veuve dans le pré-générique d’Opération Tonnerre. Régulière, l’apparition du déguisement dans les James Bond semble signifier une perte de repères, autant qu’un embrouillamini destiné à tromper le héros. Ou la métaphore d’une saga dont l’identité pourtant extrêmement affirmée ne cesse de vouloir se renouveler, évoluer, se cacher derrière les masques de l’actualité culturelle afin de toujours rattraper son public, quelle que soit l’époque. Jeu des visages, jeu des voix aussi, Les Diamants sont éternels chamboule les repères et brouille les physiques et les identités entre eux.

(7) Bruce Cabot est un acteur de second rôle récurrent du cinéma de l’âge d’or américain. On peut le voir dans de nombreuses productions avec John Wayne en tête d’affiche, telles que Hatari ! de Howard Hawks (1962) ou Les Feux de l’enfer d’Andrew McLaglen (1968).

(8) Lana Wood est la jeune sœur de Natalie Wood, star féminine du cinéma américain que l’on peut admirer dans West Side Story de Robert Wise (1961), Gypsy, Vénus de Broadway de Mervyn LeRoy (1962), ou encore La Grande course autour du monde de Blake Edwards (1965).

(9) Sean Connery reviendra dans Jamais plus jamais en 1983. Mais il s’agit d’un James Bond non-officiel, qui n’a rien à voir avec le reste de la saga.

(10) Jill St. John a joué précédemment dans Tony Rome est dangereux de Gordon Douglas (1967), aux côtés de Frank Sinatra dans le rôle du détective privé en titre. A noter que le tournage des Diamants sont éternels s’est en partie effectué dans le Sands, casino appartenant à Sinatra.

(11) Le diamantaire Sir Donald Munger est incarné par Laurence Naismith, que l’on a pu apprécier dans le rôle du juge Fulton dans la série Amicalement vôtre (1971-1972), avec Roger Moore et Tony Curtis.

(12) James Bond est à ce moment-là poursuivi par un flic en uniforme, très américain et bedonnant. On peut en quelque sorte y voir la construction en cours d’un personnage qui apparaitra plus clairement dans les deux films suivants, Vivre et laisser mourir en 1973 et L’Homme au pistolet d’or en 1974, à savoir le truculent shérif J. W. Pepper.

(13) Deux équipes ont tourné cette cascade automobile : la première dans les studios de Pinewood, la voiture restant sur les roues latérales droites, et la seconde à Las Vegas, la voiture étant cette fois-ci sur ses roues latérales gauches. Devant cette erreur qui ne pouvait passer inaperçue, les producteurs firent tourner un insert dans lequel on voit Sean Connery au volant et la voiture changeant d’inclinaison. Inexplicable, ce détail visuel impromptu possède néanmoins le mérite de rendre la scène plus cohérente. La voiture utilisée est une Ford Mustang (de couleur rouge), célèbre marque automobile rendue très populaire par le film Bullitt de Peter Yates (1968), avec Steve McQueen.

(14) La séquence fait référence à une théorie marginale circulant déjà à l’époque et qui voulait que le premier homme à avoir marché sur la lune n’ait été en fait qu’un immense canular filmé en studios. Par cette séquence, Les Diamants sont éternels offre un moment d’humour alors très actuel en 1971, traversée par un James Bond goguenard et intrusif, en contact direct avec cette fameuse théorie du complot. Néanmoins, on peut tout aussi bien y voir un centre d’entrainement pour astronautes, cherchant à reproduire les conditions de vie sur la lune.

(15) En dollars constants, c'est-à-dire en recalculant le box-office du film au cours du dollar de l’année 2012, le film aurait rapporté 649,22 millions de dollars, soit autant qu’un blockbuster actuel. Calcul effectué par le Cost of living calculator de l’American Institute for Economic Research.

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Lisez l'éditorial consacré au 50ème anniversaire de James Bond

Par Julien Léonard - le 8 décembre 2012