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Critique de film
Le film

Le Réfractaire

(Billy the Kid)

L'histoire

1880. "La dernière frontière" a été atteinte et la loi règne désormais quasiment partout sur le territoire des USA. Malgré tout, la tête d’un hors-la-loi est toujours mise à prix, celle de William Bonney alias Billy the Kid (Robert Taylor). Impressionné par le courage de ce dernier lors d’une rixe dans un saloon, le gros éleveur Dan Hickey (Gene Lockhart) lui propose de l’embaucher ; sa tâche va consister à effrayer le troupeau de son concurrent Erick Keating (Ian Hunter) afin qu’il puisse récupérer le plus gros du marché des ventes de têtes de bétail à l’armée. Le stampede réussit mais Billy tombe nez à nez avec Jim Sherwood (Brian Donlevy), un ami d’enfance qui travaille pour le camp adverse. Content de le retrouver malgré les événement dramatiques qui ont contribué à cette réunion, Billy lui fait part de la culpabilité principale de Hickey dans cette affaire. Keating, adepte de la non-violence, se rend en ville pour demander à son ennemi de cesser ses vols ; il fait dans le même temps la connaissance de Billy avec qui il se lie d’amitié et qu’il invite dans son ranch. Billy n’est pas insensible au charme d’Edith (Mary Howard), la sœur de Keating, mais cette dernière est déjà promise à son ami Jim. Keating lui offre la possibilité de quitter Hickey et de rejoindre son équipe. Billy accepte. Mais après quelques moments idylliques, une spirale infernale et tragique se met en place dès lors que son meilleur ami ainsi que l’homme qui l’avait pris sous sa coupe se sont fait tous les deux assassiner...

Analyse et critique

1941. La Metro-Goldwyn-Mayer, fidèle à un fort pourcentage de sa production et alors considérée comme l’usine à rêves numéro une, inventa quasiment le western familial avec cette version très très romancée des derniers jours du célèbre bandit Billy The Kid ! Un jeudi matin des années 70, le surlendemain de la diffusion télé du fameux western du mardi soir sur la "3ème chaîne", dans la cour de récréation tous les petits garçons que nous étions parlaient avec passion de ce cavalier tout de noir vêtu montant un cheval d’une sveltesse inaccoutumée, à la robe noire brillante lui aussi. Nous n’osions néanmoins pas avouer avoir eu la larme à l’œil lors du tragique et poignant final. Robert Taylor, que nous découvrions, nous avait alors tous éblouis et nous nous disputions pour tenir le rôle du beau hors-la-loi gaucher doté d’une classe incroyable. L’enthousiasme aurait certainement été encore plus exacerbé si nous avions pu découvrir ce Billy the Kid dans son merveilleux écrin en Technicolor, les téléviseurs de l’époque étant encore en majorité en noir et blanc. Mais plutôt que de continuer à vous raconter ma vie (désolé pour ce trop-plein de sensiblerie qui touche à la mièvrerie, mais c’est finalement assez en concordance avec le ton du film), voyons de quoi retourne cette histoire qui nous avait tant exaltés au point de faire de son personnage principal l’un des premiers héros de notre jeunesse remplie de cow-boys et d’Indiens.

Pour ceux qui n'aiment pas cela, attention aux spoilers dans ce qui va suivre !


Une dizaine d’années après la version de King Vidor, c’est donc à nouveau le studio du lion qui met en chantier cette production de prestige, lançant par la même occasion Robert Taylor dans les rôles d’aventurier qui lui vaudront sa renommée auprès du grand public encore aujourd’hui (dans les films de Richard Thorpe notamment) alors qu’il s’était jusqu’ici cantonné dans la comédie et le drame. On a souvent dit qu’il était bien trop âgé pour le personnage, et effectivement cela nous semble drôle de l’entendre être appeler "The Kid" à tout bout de champ ; de plus, avec son maquillage outrancier, plutôt qu’un homme immature il paraît parfois un peu benêt d’autant que son jeu n’est pas ici des plus sobres. Cela dit, à l’image du film, il possède néanmoins un charme certain ; une très grande classe se dégage de sa façon de se vêtir, de chevaucher ou de dégainer. Son personnage est d’ailleurs plutôt intéressant, plus complexe qu’on l’aurait imaginé, tenté par la rédemption mais rattrapé par la fatalité. Ayant assisté au meurtre de son père à l’âge de douze ans, il s’est vengé suite à sa perte de confiance en la justice à partir du moment où celle-ci a acquitté l’assassin. Depuis, il est recherché dans tous les Etats, commettant crime sur crime pour ne pas se faire arrêter. Tombant sur un patron qui lui fait confiance malgré ses antécédents, il décide désormais de refaire sa vie. Belle grandeur d’âme de sa part de ne jamais chercher à courtiser la fille qu’il aime à partir du moment où il apprend qu’elle doit épouser son meilleur ami ; belle générosité que de n’accepter un emploi que si son ami mexicain puisse lui aussi être embauché à ses côtés ; belle leçon d’amitié que de vouloir à tout prix venger son protecteur alors qu’il sait pertinemment que cette décision causera sa perte et que désormais rien ne pourra stopper son destin tragique. D’après cette description, on peut aisément comprendre pourquoi ce Billy le Kid romanesque et idéaliste a pu à ce point fasciner jeunes et moins jeunes. Surtout que le final le voit renier un de ses principes les plus chers au risque de lui faire perdre son aura romantique : alors qu’il s’était toujours juré de ne jamais tirer dans le dos de quiconque, son père s’étant fait lâchement abattre de cette façon, il accomplit néanmoins cette action "honteuse" sans sourciller. Une très belle idée de la part du scénariste Gene Fowler lors de cette superbe scène finale (le regard bleu de Robert Taylor au milieu de la pénombre) au sein d’un script cependant, avouons-le, on ne peut plus conventionnel.


Inutile non plus de chercher une quelconque authenticité historique dans ce film, que ce soit dans ce Far West de studio totalement aseptisé ou dans son scénario qui transforme ce psychopathe en un bandit d’opérette d’une naïveté confondante. Les faits relatés n’ont qu’un rapport lointain avec la réalité, les noms ont même pour la plupart été modifiés, Pat Garrett se transformant en Jim Sherwood alors que J.H. Tunstall est devenu Erik Keating. Mais peu importe les faits ; il suffit d’être prévenu. Des couleurs chaudes, une jeune femme douce et belle (Mary Howard est charmante mais elle fait un peu office de potiche), un Mexicain chantant (entêtante Viva la Vida), des gentils très gentils, des méchants très méchants, des costumes rutilants, des coiffures impeccables, le western MGM est vraiment modelé pour être vu en famille. Mais cela a son charme justement d’autant que David Miller, pour son coup d’essai, nous réserve quelques scènes d’action étonnamment bien menées aux travellings assez impressionnants (dommage qu’à l’époque on se sente constamment obligé d’avoir recours aux gros plans sur fond de transparences lors des chevauchées, ce qui gâche un peu la beauté et l’entrain des séquences mouvementées), notamment celle du stampede, et nous gratifie de vues inédites et grandioses de Monument Valley. Je crois n’avoir jamais revu par la suite ce paysage enveloppé d’une brume matinale ni un tel plan montrant des cavaliers filmés de très haut alors qu’ils chevauchent à mi-hauteur de ces fameuses mesas rougeâtres dont les sommets sont encore parsemés de neige. Le travail de la seconde équipe sur les extérieurs se révèle remarquable !


Quant à l’interprétation, si Robert Taylor n’est pas constamment convaincant, il n’en est pas de même de Brian Donlevy que l’on était habitué jusque-là à voir jouer les bad guys et qui se révèle parfait en clone de Pat Garrett, de Ian Hunter (Richard Cœur de Lion dans le Robin Hood de Michael Curtiz), magistral en rancher non-violent et d’une grande bonté d’âme, et enfin de Gene Lockhart, assez irrésistible en ordure intégrale. Tout ceci est bien gentillet mais jamais ennuyeux ; ce Réfractaire est un produit typique de la MGM, un western à déconseiller à ceux qui ne jurent dans le genre que par Peckinpah, Leone ou Eastwood (ce que je conçois d’ailleurs parfaitement) mais au contraire à recommander à toutes ceux et celles qui auraient gardé une âme de midinette, ou éventuellement pour faire découvrir le genre à sa progéniture d’autant qu’au final la morale est sauve : le dernier représentant des grands bandits de l’Ouest n’est désormais plus de ce monde. Dommage que celui-ci n’ait pas même eu le temps de vivre une romance avant de disparaître. En tout cas, à défaut d’y trouver une idylle et un grand film, on pourra apprécier une belle histoire d’amitié.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 22 août 2015