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Critique de film
Le film

Le Ranch Diavolo

(Straight Shooting)

L'histoire

Un vieil homme et ses deux enfants souhaitent paisiblement cultiver un petit lopin de terre. Les éleveurs du coin ne voient pas leur présence d’un très bon œil estimant qu’ils constituent une présence de trop sur leurs pâturages. Ils envoient leurs équipes de cow-boys pour tenter de les déloger. C’est sans compter sur l’aide qui va être apportée aux infortunés par le fiancé de la jeune fille qui fait pourtant partie de l’équipe des ranchers et d’un médiocre hors-la-loi dont la tête est mise à prix mais qui commence à être lassé de cette vie passée au service du crime…

Analyse et critique

Le plus ancien film muet retrouvé de John Ford (qui n'avait alors que 22 ans) est aussi un de ceux (plus d'une vingtaine) qu’il tourna avec son premier acteur fétiche, Harry Carey, le père de Harry Carey Jr, le jeune acteur blond et frêle que l’on trouvera à son tour en tête d’affiche de certains de ses films des années 40 et 50 tels Le Fils du désert ou autre Le Convoi des braves. C'est aussi son premier film d'envergure au point de vue durée puisqu'il dépassait enfin 4 bobines.

Le thème de Straight Shooting sera l’un des plus récurrents des futurs westerns à venir, à savoir la lutte sanglante que se sont livrés pendant quelques années les fermiers et les éleveurs, ces derniers ne supportant pas l’érection de clôtures sur les grands espaces qu’ils pensaient s’être appropriés une fois pour toutes. Ford défend ici la cause des fermiers, décrivant les cow-boys comme pire que des bandits à tel point que les fermiers se feront justement sauver in-extremis par une bande de hors-la-loi. Le personnage principal du film est d’ailleurs un brigand violent et soudard (charismatique Harry Carey à mille lieues de l’image que l’on pouvait se faire du cow-boy glamour) qui, pris d’affection (voire plus si affinité) pour la fille du fermier, décide de changer de vie. Le personnage féminin est d'ailleurs malheureusement sacrifié et la fin actuelle, moins sombre que celle prévue à l'origine, se révèle moyennement convaincante. L'idée de Ford était que Cheyenne Harry reparte en laissant sa place à l'homme que la jeune femme aimait avant de le rencontrer ; le happy-end abrupte manque ici cruellement de crédibilité.

Quelques éléments scénaristiques originaux dans un ensemble néanmoins assez conventionnel à postériori pour un western de ¾ d’heure agréable à suivre notamment grâce à un sens du décor et des paysages déjà remarquable chez le jeune Ford, une énergique utilisation du montage alterné (voir l’attaque finale) et à un sens plastique déjà fortement développé, le cinéaste nous concoctant de très beaux plans sur les visages, d'autres images marquantes telles cette impressionnante 'trainée' de cavaliers descendant une pente raide et poussiéreuse, celle de cow-boys traversant des rivières au galop, les éclaboussures de l'eau scintillants au soleil (iconographie vue et revue depuis mais il est assez émouvant de constater que tout état déjà en place en 1917)... On y trouve également une description assez réaliste de l’époque avec les rues boueuses, les vêtements de pluie annonçant les cache-poussières de Leone, les petites villes aux baraques de bois rudimentaires, les saloons tristes et absolument pas rutilants… Bref, très loin du Far-West enchanteur de l’âge d’or hollywoodien. Le sixième film de John Ford est intéressant et plaisant à défaut d’être, loin de là, un grand western. En tout cas, il fait pressentir que le réalisateur s'engage sur la bonne voie.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 3 décembre 2014