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Critique de film
Le film

Le Kid du Texas

(The Kid from Texas)

L'histoire

1879, Lincoln County (Nouveau Mexique). Un groupe d’hommes vient arrêter pour meurtre l’avocat Alexander Kain (Albert Dekker) et son associé dans l’exploitation d’un ranch, Roger Jameson (Shepperd Strudwick). Ces derniers se défendent en expliquant que les hommes tués l’ont été alors qu’ils étaient en train de leur voler du bétail. Dans la région, deux gros domaines se livrent en effet une lutte sans merci depuis quelque temps. Le Major Harper, le rival de Kain et Jameson, a même pour l’occasion embauché de fines gâchettes et s’est mis un shérif de la région dans la poche. Se trouvant sur les lieux, le jeune William Bonney, nommé aussi Billy The Kid (Audie Murphy), tue en état de légitime défense deux des hommes venus arrêter son nouveau patron ; Jameson venait en effet de lui proposer un travail d’homme de main dans son ranch. Après ce drame, Jameson demande à Billy de ne jamais plus utiliser son arme, sachant également que le jeune garçon a commis un meurtre dès l’âge de 12 ans en voulant défendre sa mère. Kain, en visite au ranch avec sa jeune épouse (Gail Storm), apprend à Jameson qu’ils sont attendus avec Harper chez le nouveau gouverneur de la région, le Général Lew Wallace. Celui-ci leur demande de cesser instamment leur conflit qui ensanglante la contrée. Pendant ce temps-là, quatre hommes de Harper sous l’emprise de l’alcool, venus venger la mort de leurs "collègues", attaquent le ranch de Jameson, ce dernier se fait tuer lors de la fusillade. Billy est effondré ; il vient de perdre le seul homme à qui il portait une forte estime, le seul à lui avoir offert une chance de recommencer sa vie à l’écart de la violence. Il jure alors de venger la mort de son bienfaiteur et devient vite un hors-la-loi...

Analyse et critique

Comme son nom l’indique, Kurt Neumann est un réalisateur d'origine allemande. Né à Nuremberg, il vient à Hollywood diriger les versions allemande et espagnole de films américains avant de tourner ses propres œuvres. Tom Mix ayant été l’un des premiers comédiens qu’il eut à diriger, il va de soi que quand il mit en scène The Kid from Texas, le western lui était déjà familier. Mais il restera avant tout réputé pour avoir réalisé quatre films de la série RKO des Tarzan avec Johnny Weissmuller, et surtout son titre de gloire, un classique du cinéma fantastique datant de 1958, La Mouche Noire (The Fly). Le Kid du Texas a été tourné par Kurt Neumann en 1950, la même année que Rocketship X-M (24 heures chez les Martiens), un agréable film de science-fiction. Peu connu de nos jours (et pour cause, il s’agit d’un tout petit film de série sans grand intérêt), The Kid from Texas marque néanmoins une date pour avoir été le premier western avec Audie Murphy en tête d’affiche ; le premier d’une quarantaine, quasiment tous tournés sous l’égide de la Universal pour qui le comédien fut une immédiate et formidable manne financière, l’une de ses stars les plus rentables, et ce dès le film qui nous intéresse ici, immense succès à l’époque. Si dans ces débuts son jeu dramatique ne nous convainc guère, sa souplesse, ses gestes, sa démarche et sa vitesse d’exécution lors des séquences d’action nous le font trouver immédiatement très à l’aise dans le domaine du western ; un genre qui lui irait comme un gant et qu’il ne quitterait désormais plus jamais.

Fils d'un modeste cultivateur de coton, on sait qu’Audie Murphy fut le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale. Malgré sa très petite morphologie et son visage poupin, il portera les tenues du Far-West (et notamment sa veste de cuir noir) avec une grande classe ; son jeu intériorisé et son regard bleu-acier arriveront à lui procurer une maturité qu’on aurait eu du mal à déceler de prime abord, arrivant même à être inquiétant quand le personnage l’exigeait. Audie Murphy est loin d'être un grand acteur (au sens propre comme au sens figuré), mais dans son style de rôle, ses prestations se révèleront toujours tout à fait honnêtes. Ici, même s’il est légitime de le trouver un peu limité dans son jeu et même s’il manque singulièrement de charisme, son inexpérience et sa maladresse servent finalement assez bien son personnage, celui du fameux Billy The Kid, considéré ici par la voix off comme n’étant qu’un pion au milieu de la Lincoln County War. Les auteurs, s’inspirant d’un roman de Robert Hardy Andrews (qui participe aussi au synopsis aux côtés du scénariste du superbe Whispering Smith de Leslie Fenton), ont souhaité se rapprocher de la réalité et, même si l'on en reste très éloigné contrairement à ce que nous laisse sous-entendre le commentateur en tout début de film, ont voulu faire de Billy le Kid non un bandit romanesque et romantique comme c’était le cas du personnage interprété par Robert Taylor dans Le Réfractaire (Billy The Kid) de David Miller (pas mauvais d’ailleurs), mais un jeune homme taciturne pris dans la tourmente d'une guerre entre deux grands propriétaires terriens. L’inexpérience du comédien arrive donc à ne pas trop se voir puisque son personnage tel que décrit par les scénaristes est loin d’être flamboyant. Il demeure néanmoins un peu trop terne pour qu’on arrive à se soucier de ce qui arrive à son personnage et semble parfois hésitant ou pétrifié par la caméra. Il sera déjà plus à l’aise les années suivantes dans des westerns de série B bien plus convaincants tels Kansas en Feu (Kansas Raiders) de Ray Enright et surtout le pétaradant A Feu et à Sang (The Cimarron Kid) de Budd Boetticher. Il est cocasse d’ailleurs de constater qu’il se mit au départ dans la peau de presque tous les bandits célèbres, car après Billy the Kid, il tiendra respectivement dans les deux films suscités les rôles de Jesse James et de Bill Doolin.

Peut-être est-ce le fait de connaître l’histoire par cœur mais le film de Kurt Neumann, sans être honteux, m’a paru dans l’ensemble bien ennuyeux. Les auteurs et les réalisateurs peinent à donner du rythme à leur western pourtant peu avare en fusillades, galopades et chevauchées en tout genre. Il faut dire que les scénaristes semblent plus s’être contentés d’aligner une succession de séquences sans progression dramatique ni grand liant entre elles, que d’écrire une histoire rigoureuse et bien charpentée qui aurait dû en principe nous captiver. Beaucoup de scènes dialoguées s’avèrent bien trop longues et parfois dans le même temps totalement inintéressantes, comme la première conversation entre Gale Storm (très mauvaise comédienne) et Audie Murphy à propos de chèvrefeuilles, d’orangers et de citronniers ! Juste avant, nous aurons déjà dû écouter jusqu’au bout la même comédienne jouer un morceau de piano sans que la longueur de la séquence ne soit vraiment justifiée ; d’ailleurs, le personnage féminin n’a quasiment aucun intérêt non plus si ce n’est dans ses relations tendues envers son mari plus âgé d'une vingtaine d'années, joué par le très bon Albert Dekker, qui pourtant nous délivre en toute fin de film une prestation assez calamiteuse, comme s’il déclamait une tirade sur une scène de théâtre. C’est donc aussi probablement la direction d’acteurs qui laisse à désirer car les seconds rôles (pas mauvais pour autant) ne font guère d’étincelles eux non plus.

Autrement, nous trouvons quelques très belles séquences, comme la rencontre entre le Général Lew Wallace (futur écrivain de Ben-Hur) et Billy The Kid dans les montagnes ainsi que des séquences mouvementées qui, à défaut d’être inoubliables, s’avèrent assez efficaces par le fait aussi de se dérouler sans aucunes transparences au sein de superbes paysages ou, comme le dernier quart d’heure nocturne, en pleine ville où Billy et ses hommes se retrouvent cloitrés dans une bâtisse à laquelle les assaillants vont bientôt mettre le feu après avoir essayé par tous les autres moyens de déloger ses habitants. Kurt Neumann nous délivre aussi quelques séquences assez violentes pour l’époque, comme un pugilat rapide et nerveux qui voit Billy The Kid mettre KO son adversaire en quatre coups de poings bien assénés, ou encore cette autre scène mettant en scène l’évasion de prison de Billy The Kid obligé de tuer un homme en lui tirant une balle dans le visage ; un plan presque subliminal d’à peine une demi-seconde d’un visage totalement ensanglanté fait son effet. Dommage alors que le final relatant le fameux duel Billy The Kid / Pat Garrett soit si rapidement évacué et privé d’émotions. Mais les scénaristes n’ont pas voulu donner une grande place au fameux shérif, préférant s’appesantir, à juste titre d’ailleurs, sur la sanglante guerre de Lincoln Country que le Général Wallace a réussi à faire cesser. Il y avait donc un bon postulat historique de départ, de très bonnes intentions, mais le tout s'avère un peu gâché par la fadeur de l’ensemble, que ce soit dans l’exécution, l’interprétation ou l’écriture.

The Kid from Texas marque donc les débuts dans le western d’un de ses acteurs les plus emblématiques, tout au moins dans la série B. Il se révèle néanmoins être l’un des westerns Universal les plus faibles de l’époque bénie du studio dans ce domaine (qui s’étend de 1948 à 1952), Neumann et ses scénaristes insufflant de plus à travers les deux personnages des complices d’Audie Murphy un humour assez déplacé et bien lourdaud. A signaler aussi une musique du générique provenant (y compris dans son orchestration) d’un western plus ancien que je n’ai pas réussi à identifier. Avec cette histoire d’un homme devenu hors-la-loi pour venger son patron qu’il estimait plus que quiconque, on pouvait s’attendre à un western touchant ou attachant mais finalement nous nous retrouvons devant une série B très moyenne, qui reste cependant honorable mais qui ne pourra ne plaire qu’aux amateurs purs et durs du genre.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 16 janvier 2013